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Définition de l’appropriation

3.2 Développer le projet en un coup d’œil : l’intitulé et le sous-titre

3.2.1 Une étude globale des intitulés

3.2.1.2 Les intitulés descriptifs et nominatifs

La recherche d’un intitulé n’est pas toujours rattachée à un élément linguistique ou culturel. Au Québec, de nombreux intitulés « descriptifs », sont des titres qui décrivent le sujet traité. L’objectif d’un tel intitulé est de ne laisser aucune place à interprétation quant au sujet développé : Le blogue immobilier1, Le blogue techno2 ou Le blogue urbain3. Bien que ces intitulés annoncent le sujet, ce dernier ne cerne jamais totalement le véritable projet de la page. Par exemple, Le blogue urbain s’intéresse aux questions sur l’urbanisme montréalais, mais les animateurs laissent une part aux initiatives québécoises et étrangères. Au-delà des règles organisationnelles qui imposent le descriptif comme intitulé, des journalistes choisissent volontairement ce type d’intitulé pour attirer les internautes :

« Journaliste Québec-8 : Il fallait que le titre soit évident, clair pour tout le monde pour que le blogue puisse marcher tout de suite, sans que les gens ne passent pas trop de temps à découvrir de quoi il en était, contrairement à un blogue comme Le Sismographe4. Le titre de notre blogue était clair, le sujet aussi. Juste avant la création du nôtre, Le blogue techno à La Presse venait d’arriver. Ça dit ce que ça dit.

Enquêteur : Le Sismographe était un blogue populaire au Devoir. Selon vous, ce titre était-il un bon choix pour parler des changements technologiques en culture ?

1 LE BLOGUE IMMOBILIER : http://blogues.lapresse.ca/lapresseaffaires/immobilier/ 2 LE BLOGUE TECHNO : http://blogues.lapresse.ca/technaute/techno

3 LE BLOGUE URBAIN : http://www.ledevoir.com/opinion/blogues/le-blogue-urbain

4 Fermé au courant de l’année 2010, Le Sismographe était un médiablogue collectif du Devoir qui traitait des changements

BARBEAU Jean-Sébastien| Thèse de doctorat | juin 2018

Journaliste Québec-8 : Après le tremblement de terre en Haïti [de janvier 2010], selon des confrères du Devoir le nombre de visites avait augmenté. Je vous laisse juge de la qualité du titre » (Journaliste Québec-8).

La stratégie qui consiste à proposer un titre descriptif pour identifier le sujet ou le contenu est similaire dans le cas des journalistes qui retiennent leur nom comme titre. L’intitulé nominatif est seulement trouvé dans les médiablogues individuels. Les pages collectives, composées de deux personnes et plus, sont systématiquement présentées sous un autre type (défigé, original ou descriptif). Le Tableau 4, infra, compare la répartition des médiablogues individuels ayant un titre nominatif aux autres types d’intitulés1.

Tableau 4 – Recension des titres des médiablogues individuels au 1er avril 2014

Québec France

Médiablogues nominatifs 30 médiablogues (50,85 %)

9 médiablogues (11,69 %)

Médiablogues avec un autre type d’intitulé

29 médiablogues (49,15 %) 68 médiablogues (88,31 %) Total 59 médiablogues (100,00 %) 77 médiablogues (100,00 %) Source : auteur

Comme nous le voyons, l’intitulé nominatif est nettement plus présent côté québécois que côté français. N’eût été des Échos, qui intitule ses cinq médiablogues de façon nominative, ce nombre aurait pu être plus petit encore. D’ailleurs, la présence des noms des journalistes comme intitulé aux Échos provient d’un changement éditorial apporté lors d’une nouvelle

1 Les titres nominatifs sont peu présents dans les médiablogues français, mais dans la presse française, nous en t rouvons à

profusion que ce soit les émissions matinales que sont le 5/7 ou le 7/9 sur France Inter, les journaux télévisés que sont le 13 heures ou le 20 heures sur TF1 et France 2 ou encore Le Média ce pure player d’extrême-gauche lancé au début de l’année 2018.

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version du site en 2013. Les médiablogues ont perdu leurs intitulés pour privilégier le nom de leurs auteurs. Ce changement s’est fait à l’insu des journalistes :

« Au début, il y avait des noms. Je ne sais plus comment s’appelait le mien, mais on a supprimé le titre lors de la version deux du site. Les collègues [médiablogueurs] ont vu aussi leurs noms apparaître. Peut-être que pour la prochaine version du site, dans quelques semaines, ils seront capables [de le remettre]. C’est un peu dommage » (Journaliste France-13).

En juin 2014, lors d’une nouvelle livraison du site, la titraille n’a pas été changée. Ainsi, le souhait de ce journaliste ne s’est pas réalisé1.

Intituler son blogue avec son propre nom est un choix clivant chez les enquêtés. Pour certains, le choix relève de l’évidence, car certains journalistes considèrent que leur nom est intimement lié à la thématique :

« C’est prétentieux de dire ça au Québec, mais mon nom est une identité. Quand on pense à mon sujet, on pense à moi. C’est vrai qu’on a cherché des noms, c’est certain. On ne trouvait jamais quelque chose d’assez original. Donc, à partir de ce moment-là, je suis allé avec mon nom du moment que le choix a été validé par [le rédacteur en chef web] » (Journaliste Québec-3).

Le choix de se présenter sous son nom est également un parti pris côté français. Cela agit en tant que référent pour comprendre une thématique rappelant l’argument du journaliste précédent :

« Le directeur de mon journal me disait d’inventer un rendez- vous sur le net donnant aux lecteurs la tendance du jour. Je lui ai demandé ce qu’il voulait exactement. Il me m’a demandé ma lecture de l’actualité avec ce que je sais. Il m’a dit aussi que mon nom doit être dans le titre, car c’était ma lecture à moi et bien personnelle. Il me disait que les gens me connaissaient et ils attendaient ma lecture. Je me suis lancé et je me suis dit que

1 Au Chapitre 4, nous aurons l’occasion de présenter une situation similaire à La Presse et au Soleil qui a conduit au changement

des intitulés lors d’une refonte du site web. Cependant, cette modification a été critiqué par les médiablogueurs (cf. 4.3.3 La Presse et Le Soleil (Gesca)).

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j’allais voir. Si ça ne prenait pas, j’allais arrêter. Cela me priverait de faire des enquêtes. Finalement, cela a marché. Il y a eu du succès et de la demande » (Journaliste France-1). Dans ces deux exemples, l’argument de la figure d’autorité du journaliste est invoqué pour intituler le médiablogue par son nom. Ces journalistes détiennent une légitimité dans leur domaine qu’ils déploient sur un autre support. Pour d’autres journalistes, et a contrario des deux précédents enquêtés, se présenter avec leur nom dans l’intitulé déplaît au point d’être une raison pour refuser de bloguer. Ils évoquent comme argument la conception du blogue qui, selon eux, est un espace pour mettre en avant des contenus et des idées et non des individus :

« Il y a la tentation des journalistes, en dehors et à l’intérieur des blogues, de se mettre en vedette. Ce n’est certainement pas le chemin que j’ai pris et c’est celui que j’ai toujours refusé de prendre. Ce n’est pas la personne qui rapporte l’information qui est intéressante. C’est évident que dans la “vedettarisation” du journalisme, beaucoup de journalistes rêvent d’être des “Miss Météo” et d’être reconnus dans la rue. Je n’ai pas pris ce chemin, car ce sont les idées qui sont avant tout importantes et non celui qui les porte. Je suis bien content d’avoir pris cette option. Si on m’avait proposé un blogue à mon nom, je n’aurais pas embarqué, je crois.

Ce qui est important, c’est le concept au blogue. Un cadre que tu poses, que tu définis clairement. Une fois que le cadre est défini, on rentre des idées là-dedans, on pose un regard critique et on laisse les idées parler par elles-mêmes. Il ne faut pas essayer de tirer la couverte1 du côté du messager comme on le fait trop souvent ailleurs. Ça permet aussi à ces blogues de se démarquer de la masse. Tout le monde se met à centrer ça sur sa personne. Il y a une espèce d’égocentrisme médiatique » (Journaliste Québec-15).

En somme, un intitulé de type nominatif ou descriptif n’est pas toujours une contrainte organisationnelle. Au contraire, le choix est assumé par les animateurs, car il répond à un contexte précis. Un intitulé descriptif s’inscrit dans une volonté de se distinguer pour

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indiquer sans détour le type de contenu. Les journalistes rencontrés croient que ce type d’intitulé évite une période de flottement et d’hésitation dans les débuts d’une page. Quant aux intitulés nominatifs, le choix vient d’une réputation préalable au médiablogue. Ces médiablogueurs jugent que leurs noms sont suffisamment porteurs d’une identité par rapport au domaine couvert. Bloguer sous un autre intitulé marquerait un recul de leur notoriété.

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