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Commenter, comprendre et expliquer la guerre par le blogue

Présentation des hypothèses

1 DISPATCHES FROM ALONG THE COAST :

1.3.3. Commenter, comprendre et expliquer la guerre par le blogue

Après les attaques terroristes au World Trade Center à New York en septembre 2001, des internautes et des chroniqueurs indépendants (pundits) s’engagent dans le blogue et l’utilisent comme tribune pour commenter les thématiques en lien avec la guerre au terrorisme et la politique étrangère des États-Unis (Wall, 20054). Ces pages sont

1 SINGER, J. B. (2005), « The political j-blogger: ‘Normalizing’ a new media form to fit old norms and practices », Journalism,

vol. 6, no 2, pp. 173-198

2 WALKER, J. (2003), « Final Version of Weblog Definition »,

http://jilltxt.net/archives/blog_theorising/final_version_of_weblog_definition.html

3 « Cette étude montre que 61 % des blogues politiques journalistiques contiennent l’expres sion d’opinion personnelle.

Cependant, il existe des variations importantes dans la façon dont les journalistes -blogueurs s’éloignent d’une présentation non partisane de l’information. Les blogues produits par les chroniqueurs étaient plus susceptibles de contenir des opinions que ceux fournis par les journalistes d’information. Cela est particulièrement remarqué dans les blogues issus des médias nationaux. Les blogues servent généralement plus comme récit d’actualité que comme lieu de commentaire » (traduction personnelle).

BARBEAU Jean-Sébastien| Thèse de doctorat | juin 2018

qualifiées de warblog, dont la dénomination est lancée par Matt Welsh, un journaliste indépendant, qui intitule son blogue ainsi quelques semaines après les attaques sur les tours jumelles (Barrett, 2004 : 2821). Au départ, ces blogues sont populaires notamment auprès d’un électorat de droite. Cependant, vers la fin de l’année 2002, et le début de l’année 2003, les médias reprennent la thématique à la suite de l’engouement détenu. Les médias proposent à leurs journalistes dans les salles de rédaction, à leurs correspondants basés au Proche et au Moyen-Orient, ainsi qu’à des journalistes indépendants et à des experts d’animer des pages en vue du déclenchement d’une « guerre préventive » en Irak par les États-Unis (Wall, 2005).

Pendant la seconde guerre d’Irak, en 2003, des journalistes alimentent une forme particulière de warblogs en étant embedded, c’est-à-dire « embarqués », avec des corps des armées états-uniennes ou britanniques. Ces pages sont animées environ six à huit semaines, soit la durée de séjour des journalistes avec les forces armées. Dans ces blogues, ces « journalistes embarqués » racontent le quotidien des troupes au front, au repos, en déplacement, etc. Leurs textes sont hors-norme ou à l’extérieur de la ligne éditoriale du média d’origine en comparaison aux contenus qu’ils produisent pour leur support principal (imprimé, radio ou télévision). En effet, les journalistes au front profitent de leur tribune personnelle pour raconter leurs ressentis face au conflit ce qui les place parfois en conflit d’intérêts, car ils rapportent l’information pour un premier support et donnent leur avis ou leurs sentiments pour un second support. Ces blogues gagnent en popularité, puisque les citoyens ont une autre lecture du conflit au point d’en modifier leur opinion :

« Blogs were very influential in setting perceptions at the onset of the war in Iraq and had become even more influential in shaping these attitudes as the war continued. As blogs had the power to sway public opinion about the war in Iraq from 2003 to 2007, presumably

BARBEAU Jean-Sébastien| Thèse de doctorat | juin 2018

they still have the power to do so regarding the war in Afghanistan1 » (Johnson et Kaye, 2010 : 3262).

Cependant, plusieurs journalistes embarqués gardent une forte amertume au terme de la couverture du conflit. Ils considèrent avoir vu peu de choses et d’avoir eu une vision très partielle des événements. Le contenu des billets est influencé. Dans le billet de fermeture du blogue collectif de la BBC, War Diaries (20033), l’un des journalistes envoyés au front, Ryan Dilley, parle de sa faible expérience du conflit sur la route qui l’a amené de Kowait City à Bassorah :

« As a correspondent of the war, I feel something of a fraud. While others, the so-called ‘embeds’, witnessed the fighting at first-hand, I visited the battlegrounds days after the firing had ceased. While others roughed it under stars, I for the most part enjoyed room service and clean sheets. But I saw enough to know that I had seen very little of what conflict has to offer. And I understand only little of what I did observe. [...]

I have hidden from lighting and scurried from rain, but watched the tracer builets and flares of a fire fight as if it were on TV. What I am really not sure about is whether I have seen a liberation or an invasion4 ».

En somme, le discrédit initial des journalistes et des médias n’est qu’une stratégie à courte vue pour mieux identifier la « menace » du blogue. Ne sachant pas s’il sera une mode passagère ou un objet durable, les médias ont, d’abord, formulé des critiques

1 « Les blogues ont été très influents dans la construction des perceptions au début de la guerre en Irak et ils sont devenus

encore plus influents dans la formation de ces perceptions dans la suite de la guerre. Comme les blogues avaient le pouvoir d’influencer l’opinion publique à propos de la guerre en Irak de 2003 à 2007, ils ont probablement le pouvoir de le faire en ce qui concerne la guerre en Afghanistan » (traduction personnelle).

2 JOHNSON, T. J. et B. K. KAYE (2010), « Believing the blogs of war? How blog users compare on credibility and

characteristics in 2003 and 2007 », Media, War & Conflict, vol. 3, no 3, pp. 315-333

3 WAR DIARIES, 19/04/2003, « Reports’ log: Final thoughts », DILLEY, R.,

http://news.bbc.co.uk/2/hi/in_depth/world/2003/reporters_log/default.stm

4 « En tant que correspondant de guerre, j’ai un sentiment de fraude qui m’habite. Alors que d’autres, les soi -disant “emdebbed”,

ont été témoins des combats de première main, j’ai visité les champs de bataille des jours après le cessez -le-feu. Alors que d’autres ont été malmenés sous les étoiles, j’ai, la plupart du temps, apprécié le service aux chambres et les draps propres. Mais j’ai vu assez pour savoir que j’avais vu très peu de ce que le conflit a à offrir. Et je comprends peu de ce que j’ai ob servé. [...] Je me suis caché de l’éclairage et je me suis sauvé de la pluie, mais j’ai regardé les lampadaires et les flambeaux d’une lutte contre le feu comme si c’était à la télévision. Ce dont je ne suis vraiment pas certain est si j’ai vu une libération o u une invasion » (traduction personnelle).

BARBEAU Jean-Sébastien| Thèse de doctorat | juin 2018

envers les animateurs de ces pages. Or, avec un ancrage de plus en plus solide dans la culture médiatique et plus largement dans la culture états-unienne et dans le monde anglo-saxon, les médias ont été peu à peu dans l’obligation de revoir leur position. Leur solution retenue est frontale : jouer d’égal à égal en faisant des blogues et selon différentes thématiques (technologique, actualité locale, météo, généalogie, religion, etc.) et selon les sujets « à la mode » comme la guerre.

Nous allons maintenant nous tourner vers les régions à l’étude avec le Québec, d’abord, et la France ensuite. Nous allons voir que l’apparition des blogues dans ces deux pays rappelle certains événements survenus aux États-Unis, mais que chacune de ces régions a des spécificités qui leur est propre.

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