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Deuxième partie : Morphogenèse et impact de 150 ans d’aménagements sur la morphologie des lits du Rhône

5. Evolution du chenal du Petit Rhône depuis 150 ans

5.2. Evolution 3D du chenal

5.2.3. Interprétation, conclusion

Entre 1876 et 2004, le chenal du Petit Rhône est globalement en érosion, en accord ave les résultats d’Arnaud-Fassetta (1998) ; mais les valeurs sont plus importantes que ne l’annonçait cet auteur (5.7 106 m3 au lieu de 2.7 106 m3) ; l’analyse, sous MNT, est certainement plus précise que les profils en long utilisés par cet auteur, puisqu’elle permet de prendre en compte le fonctionnement global du chenal. Seront discutés ici, la sectorisation du bras, puis ses relations avec le Rhône (amont) et avec le littoral (aval)

5.2.3.1. Sectorisation du fonctionnement du Petit Rhône

Cette évolution est différente dans l’espace :

A l’amont (de la diffluence au PK 300), les panneaux de fond favorisent l’érosion dans l’axe du plancher alluvial du chenal par concentration des flux, ainsi que des atterrissements en pied de berges. Positionnés dans les zones de seuils, dont ils ont provoqué ou accéléré l’érosion, ils facilitent le colmatage des mouilles à l’aval. A ces aménagements s’ajoutent des dragages fréquents qui maintiennent le tirant d’eau à 3 m pour la navigation. Donc une partie des 3 106 m3 soustraits au système amont date de la deuxième moitié du XXe siècle. La partie du bras délivre 3 106 m3 vers l’aval.

En aval de l’écluse de Saint Gilles jusqu’au PK 329, le chenal n’est plus aménagé, mais les digues de protection contre les inondations persistent. Dans ce milieu laissé à l’état « naturel », le chenal fonctionne selon les lois naturelles de l’hydrodynamique : il se colmate au niveau des seuils, alors que l’incision s’amplifie dans les mouilles déjà présentes en 1876. L’analyse 2D montre une stabilisation de la largeur du chenal dans la deuxième moitié du XXe siècle. Les pertes sédimentaires ont donc majoritairement eu lieu entre 1876 et 1950. Le bilan du transit est de 4 106 m3 vers l’aval

A l’aval du PK 329, la digue de rive droite disparaît et le chenal retrouve un espace de liberté plus important, les méandres évoluant tant qu’ils ne sont pas bloqués par la digue de rive gauche. Donc l’érosion du système, continue sur toute la période d’étude, est ici aussi plus importante lors de la phase de mobilité des méandres.

La Figure 89 résume l’évolution morphologique du Petit Rhône. Depuis 150 ans, c’est 5.7 106 m3 qui ont était soustrait au chenal et exportés au delà de l’embouchure.

Figure 89 : Evolution du chenal du Petit Rhône par secteurs entre 1876 et 2004 (en 106 m3)

• ‐3.9

• +0.9

‐3.0

• ‐2.7

• +1.7

‐4.0

• ‐3.2

• +1.4

‐5.7

PK 279-300 PK 329-335 PK 300-329

Ces résultats ne tiennent pas compte du fonctionnement des berges ; les observations de terrains, complétées de l’étude des cartes anciennes, montrent que les ouvrages de protection des berges (perrés et enrochements), visibles sur l’Atlas des P&C en 1876, sont à l’heure actuelle ensevelis dans les berges et ne sont mis à jours que par des arrachements quand des arbres sont emportés dans le flux (visible à l’entrée du Petit Rhône en rive gauche) ou lors de travaux d’entretiens (Photo 1). Ce constat confirme l’accrétion verticale et latérale des berges. Il est cependant possible que cette tendance soit en train de s’inverser : les données topographiques acquises par système FliMap en 2006 montrent que 43% des berges du Petit Rhône sont en érosion, après une longue période d’engraissement par rétraction du chenal jusque dans les années 1950. Une étude réalisée par Wiederkehr (2006) sur la partie amont du chenal a montré qu’actuellement 43% des berges sont en érosion, 34% accumulent des sédiments et 22% ont un comportement mixte d’accumulation en sommet de berge et d’érosion en pied ().

Figure 90 : Typologie des berges du Petit Rhône à partir des données FliMap (Wiederkehr, 2006) Le bilan globalement négatif du chenal, révélateur d’une tendance longue à l’incision, est un facteur de déstabilisation des berges. Un de ses effets est la multiplication des brèches depuis 150 ans. Ce point sera développé ci-dessous. Il peut s’agir de brèches par renard liées à la fragilisation des berges ou de brèches par surverses, en relation avec l’existence de stockages locaux qui diminuent la débitance. Le Petit Rhône est, donc, actuellement un milieu difficile à gérer du fait de sa forte hétérogénéité.

5.2.3.2. Relations sédimentaires du Petit Rhône avec le Rhône

Entre Beaucaire et Arles, l’incision du chenal délivre 10.2 106 m3 sur les 150 ans de l’étude. Les sédiments remaniés en amont de la diffluence entre 30 et 52 mm. Cette granulométrie est très différente de celle prélevée dans le Petit Rhône. En effet 27 transects ont été échantillonnés au cours de cette recherche, pour différents débits, de l’étiage à la crue annuelle (Capanni, 2006). Les résultats des analyses granulométriques montrent que le grain moyen est situé entre 0.4 et 0.6 mm donc les 0.9 106 m3 déposés sur le secteur amont du Petit Rhône proviennent d’apports en suspension, issus du bassin versant mais également de la remobilisation des berges sur le Rhône et le Petit Rhône lui-même.

Sur la partie non aménagée pour la navigation, l’incision du chenal est moins importante et les dépôts sédimentaires plus importants que sur le tronçon amont. Ce dernier a délivré 3.0 106 m3, qui arrivent dans un tronçon où l’hydrodynamique est moins important, puisque

dépourvu de panneaux de fond. Néanmoins, le bilan global négatif (1.0 106 m3) montre que ce tronçon à laisser transiter 4.0 106 m3.

5.2.3.3. Du Petit Rhône au littoral deltaïque

Sabatier (2006) et Samat (2007) ont montré que le transit littoral dominant s’effectuait vers l’Ouest et nourrissait la croissance de la Pointe de l’Espiguette. Une partie plus modeste des sédiments est orientée vers l’Est et participe au colmatage du Golfe de Beauduc. Les sables des plages ont un grain moyen variant entre 0.16 et 0.22 mm sur la zone médio à supralittorale, la plus énergique, de 0.12 à 0.18 mm sur la zone infralittorale (entre -6 et -10 m de fond). Seule la fraction la plus fine des apports du Petit Rhône est donc dispersée sur le trait de côte, les sables les plus grossiers restant piégés sur les plages les plus proches de l’embouchure.

Au final, le Petit Rhône a apporté à son embouchure 5.7.10 m3 depuis 1876, soit 0.04 m3 an-1. Sabatier (2001) a montré que le transit littoral était de 0.3 à 0.7 106 m3 an-1 vers l’Espiguette et de 0.1 à 0.3 106 m3 an-1 vers Beauduc. Les apports du Petit Rhône sont donc négligeables dans cette dynamique. Ce constat explique le recul important du littoral dans ce secteur (environ 1 km depuis un siècle).

Soulignons enfin que pendant les crues, le Petit Rhône est soumis à des brèches récurrentes dans les digues de protection. Ces dernières favorisent l’export des sédiments dans la plaine d’inondation au dépend du littoral. En 2003, deux brèches, à Petit Argence et Claire Farine, ont exporté respectivement 0.25 et 0.13 106 m3 de sédiments fins, essentiellement sableux (Eyrolle et al., 2006; Antonelli et al., 2008). soit 10 fois plus que les apports moyens à l’embouchure de l’érosion des berges du Petit Rhône en une année.

L’apparition des brèches répétées dans les berges et les digues du Petit Rhône, pendant les crues qui véhiculent 80% du flux sédimentaire (Maillet, 2005), peut donc être une des raison du recul du trait de côte. L’analyse des facteurs de création des brèches sur le Petit Rhône va participer à une réflexion sur les méthodes à mettre en œuvre pour lutter contre leur apparition. Ainsi, une plus grande partie du flux solide arriverait à l’embouchure et les zones en aval des digues seraient préservées de toutes inondations.