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Deuxième partie : Morphogenèse et impact de 150 ans d’aménagements sur la morphologie des lits du Rhône

5. Evolution du chenal du Petit Rhône depuis 150 ans

5.3. Les brèches

5.3.3. Caractéristiques et typologie des brèches du Petit Rhône

A partir du relevé effectué par Mejean (2007), les critères suivants ont été retenus pour caractériser les différentes brèches :

• En premier lieu, la distance entre la digue et le chenal (±50 m, suivant les critères actuellement retenus dans les études du SYMADREM).

• Puis dans chaque cas, la présence ou non de facteurs aggravants (évolution de la débitance, nature du substrat, caractères géotechniques).

Sur la totalité des brèches étudiées, les digues se situent, pour huit d’entre elles, à plus de 50 m du chenal, soit d’amont en aval : Cazeneuve (1856), La Tourette (1840), Beaumont (1994), Mas de Grille (1993), Figares (1993), Lauricet (1993 et 1994), Mas de la Vigne (1993) et Livier (1840. Huit autres correspondent à des digues situées à moins de 50 m du chenal : Petit Argence (2003), Mas Molin (1993), Grande Cabanne (1840), Berthaud (1840), Rigaudon (1856), Moulin de Salier (1856), Lauricet (1840 et 1843) et Beaumelles (1846). Ce critère de distance digue/chenal n’apparaît donc pas déterminant dans l’apparition des ruptures de digues.

En considérant les digues situées à proximité du chenal (< 50 m), il est possible de mettre en évidence des facteurs aggravants :

• Position en rive concave : brèches de Rigaudon et Saliers, brèche des Beaumettes • Présence d’un substrat sableux : brèches de Grande Cabanne, de Rigaudon et Saliers • Chenal évolutif en incision (brèches de Molin et Claire Farine) ou en cours de colmatage (brèches de Grande Cabanne, Berthaud, Rigaudon et saliers)

• Présence recensée de terriers (brèche de Mas Molin).

Il ressort ainsi que l’apparition de brèches est due à une conjonction de facteurs aggravants, dont aucun ne semble déterminant.

En considérant cette fois les digues situées à distance du chenal (> 50 m), les facteurs aggravants suivants sont mis en évidence :

• Chenal peu profond ou en cours de colmatage : brèches de Figarès, Livier, Lauricet. • Proximité du substrat sableux : brèche de Lauricet

• Présence recensée de facteurs de renard hydraulique : terriers à Beaumont, Figares, Lauricet 93-94, Mas de la Vigie ; station de pompage au Mas de Grille ; réparation déficiente (Lauricet).

Le Tableau 15 résume les mesures réalisées sur chacune des brèches et fait apparaître en rouge les facteurs qui ont pu participer à la rupture de la digue.

Brèche s PK Da te Type Berge Posi tio n sur le c h en al Profondeur ma xi mal e Lo ca lis at io n de P m ax su r le prof il l arge ur du

chenal (en m) Larg

eur t ota le (en m) l/L ( en %) dist anc e ber ge digu e (en m) Géol ogi e Evolut ion 1876 -2004

Caseneuve 282 1856 gauche Concave -2 En V 170 490 34 220 Fzr Incision rive concave

La tourette 284-285 1840 droite Droit -3 droite 160 430 37 70 Fzr Incision au centre

Petite

Argence 287-288 2003 Surverse droite Concave -4 droite 110 530 20 10 Fz4r Incision rive droite

Beaumont 287-289 1994 Terrier gauche Convexe -3 droite 110 530 20 400 Fzr Incision rive concave

Mas Molin 289-290 1993 Terrier gauche Droit -4 centre 110 180 61 25 Fzr Incision au centre

Grande

cabanne 289-291 1840 droite Droit -2 chenal en U 160 190 84 20 Fz4r Incision au centre

Mas de grille 290-291 1993 Station de pompage gauche Droit -5 droite 100 260 38 110 Fz4r Incision rive droite

Berthaud 293 1840 droite Droit -2 gauche 150 200 75 10 Fzr Incision au centre

Rigaudon 295 1856 gauche Concave -5 gauche 100 280 35 15 Fz4r Déplacement du chenal vers le

centre Moulin de

Salier 295-295 1856 gauche Concave -5 centre 130 200 65 15 Fzr Incision rive concave

La cabanette 297 1843 gauche Convexe -2.5 droite 130 220 59 50 Fzr Incision rive concave

Figares 297.5 1993 Terrier gauche Droit -5.5 chenal en U 95 220 43 80 Fzr Incision en rive droite

Galante 300 1993 Terrier gauche Droit -3 En V 180 240 75 50 Fzr Incision au centre

Case Brune 301 1993 Terrier gauche Droit -2 En V 150 200 75 50 Fzr Colmatage en rive gauche

Lauricet 302 1840 gauche Convexe -4.5 En V 120 160 75 30 Fz4r Incision rive concave

Lauricet 302 1843 gauche Convexe -4.5 En V 120 160 75 30 Fz4r Incision rive concave

Lauricet 302 1993 Terrier gauche Convexe -10 En V 100 160 62 60 Fz4r Incision rive concave

Lauricet 302 1994 Terrier gauche Convexe -10 En V 100 160 62 60 Fz4r Incision rive concave

Mas de la

Vigne 304-305 1993 Terrier gauche Convexe -8 droite 70 220 31 70 Fzr

Rétraction et incision rive concave

Claire farine 309 2002 Surverse droite Droit -5 En V 100 270 37 50 Fzr Incision au centre

Claire farine 309 2003 Surverse droite Droit -5 En V 100 270 37 50 Fzr Incision au centre

Livier 319-320 1840 droite Droit -4.5 gauche 150 250 60 70 Fzr Colmatage rive gauche

Beaumelles 326 1846 gauche Concave -5 En V 80 500 16 10 Fzr Incision au centre

Tableau 15 : Récapitulatif des facteurs aggravants de la formation des brèches du Petit Rhône Les premières constatations montrent qu’une partie des brèches n’est réellement due qu’à la qualité de gestion de l’ouvrage. Au Mas de Grille, la conduite traversante de la station de pompage est le seul facteur explicatif; il en est de même pour les brèches de Figares et du Mas de Vigne, où le mauvais entretien de la digue a permis l’apparition de terriers. La brèche de Beaumont, également causée par des terriers, est apparue dans un secteur où le chenal peu profond est compensé par un espace intradigue large. Le facteur principal de rupture d’une digue est donc sa qualité, de construction, puis d’entretien.

La deuxième constatation démontre l’importance de la sédimentologie : sur chacun des quatre épandages de brèches mis en évidences par la carte géologique, se localise au moins une brèche. Si les brèches de Grande Cabanne, de Rigaudon et de Lauricet (1840 et 1843) peuvent être à l’origine de l’épandage, car antérieures à l’édition de la carte, la brèche de Petit Argence et les brèches de Lauricet 1993 et 1994 se situent sur des anciens épandages de crue. De plus dans une zone où la digue a déjà craqué, une mauvaise réparation peut entrainer une réouverture de la brèche.

Le rapport entre la largeur du chenal et la largeur de l’espace intradigues semble jouer un rôle important. Douze des brèches sont localisées dans des secteurs où le rapport est supérieur à 50% et au moins neuf des autres brèches sont déterminées par la qualité de l’ouvrage ou sa proximité du chenal. Par contre, la distance de la digue à la berge et à l’axe d’écoulement principal dans le chenal ne joue pas un rôle déterminant.

La morphologie générale du chenal ne semble pas un facteur prépondérant : en effet sur les vingt-trois brèches observées, quatre seulement (Caseneuve, Petit Argence, Rigaudon, Moulin de Salier) se sont développées sur une rive concave et, dans chaque cas, ce facteur est aggravé par la proximité berge/digue (pour Caseneuve, les 220 m de distance actuels sont peut être dus à une reconstruction de la digue en arrière de la brèche initiale). C’est également le cas pour la brèche de la Tourette, localisée dans un secteur linéaire, mais où l’axe du talweg est situé du côté de la brèche, à base de la digue.

Restent les brèches de Claire Farine, pour lesquelles aucune explication morphologique ne trouve place dans le tableau. La Figure 27 montre cependant que dans leur secteur, la digue de rive droite s’abaisse brutalement de plus de 50 cm et ne permet plus de contenir les crues cinquantenales, alors que la digue de rive gauche garde un niveau supérieur à cette ligne d’eau.

Un dernier facteur semble encore important à prendre en compte. En effet, l’analyse montre une alternance chronologique entre les brèches de rive droite et de rive gauche. A chaque crue, les désordres dans les digues n’interviennent que sur une des deux berges :

• En 1840 seule la brèche de Lauricet n’est pas située en rive droite (4). • En 1843, 1846 et 1856, toutes les brèches sont en rive gauche.

• En 1993 et 1994, les brèches sont également situées en rive gauche. • En 2002 et 2003, par contre, les trois brèches sont situées en rive droite.

Cette répartition gauche/droite des brèches en fonction des crues pourrait s’expliquer par le confortement et la surélévation inégale des ouvrages sur les berges à la suite d’une crue. En effet la digue de rive droite est confortée entre 1846 et 1866 de 0.2 m au dessus de la crue de 1843 ; alors que la digue de rive gauche n’est, elle, confortée que plus tard, entre 1858 et 1866 de 0.90 cm au dessus de la crue de 1856.

Les brèches de 1993 et 1994 ne sont pas dues à des surverses, mais affectent des digues en mauvais état. Suite à ces désordres, le niveau de la digue est rehaussé en rive gauche, légèrement au dessus de la digue de rive droite (BCEOM, 2003) et c’est logiquement que les ruptures de digues par surverse lors des événements de 2002 et 2003 apparaissent en rive droite.

5.3.4. Conclusion

En conclusion, les ruptures de digues semblent surdéterminées par la conjonction de multiples facteurs. Si les facteurs topographiques, dynamiques et lithologiques ne sont pas négligeables, il a pu être montré l’importance de la gestion et de l’entretien des ouvrages et du respect de la symétrie altitudinale entre les deux rives.

Ces facteurs relèvent pour l’instant d’une approche théorique dans la détermination de l’aléa rupture de digue, limitée aux digues du Petit Rhône, et mériteraient d’être validés sur la totalité du delta ; ils ne résultent que d’une approche cartographique qui devrait être complétée par des relevés de terrain. Cette approche permet dans un premier temps de développer les bases d’une méthode de détermination peu coûteuse de l’aléa rupture de digue sur le Petit Rhône à partir des données historiques. Dans les recherches futures, il sera nécessaire d’intégrer aux brèches toutes les zones de faiblesse de la digue mises en évidence par le SYMADREM pendant les crues, notamment celle de 2003, dont l’impact sur la morphologie du chenal va être étudié maintenant. Cette augmentation du nombre d’échantillons permettra d’affiner les résultats mis en évidence ici.

5.4. Impact d’une crue séculaire sur la morphologie du chenal