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Deuxième partie : Morphogenèse et impact de 150 ans d’aménagements sur la morphologie des lits du Rhône

1. Les données sources

1.2. Les données altimétriques et bathymétriques

1.2.1. Les données anciennes

Des levés bathymétriques ponctuels, précoces, sur le Grand Rhône (1867-1869), puis plus généraux sur l’ensemble sur fleuve en 1876, ainsi qu’un levé topographique détaillé de la plaine et des marges alluviales fournissent un état initial du milieu qui pourra être comparé avec des valeurs topographiques et bathymétriques récentes.

1.2.1.1. Cartes pour l’aménagement du Rhône maritime au passage de Beaujeu en 1867, 1868 et 1869

Les données tridimensionnelles les plus anciennes se rapportent à l’aménagement pour la navigation, par le Service Spécial du Rhône (SSR), du « passage de Beaujeu » (qui correspond au Seuil de Terrin actuel). Les travaux ont lieu entre 1867 et 1869 : des bathymétries sont réalisées dans le chenal pendant ces trois années. Seules les données bathymétriques sont disponibles, les plans et rapports ayant trait aux aménagements réalisés n’ont pas été retrouvés.

Ces bathymétries se composent de deux documents (Figure 36) sans projection définie. Le premier est un ancêtre du SIG : il se compose d’une carte de l’occupation du sol, des aménagements pour la navigation existants ou en projet, et de la bathymétrie du chenal entre les PK 291 et 298. Cette carte a été dressée le 8 avril 1867 au 1/10 000 par le SSR. L’occupation du sol est dessinée entre les digues, elle permet de distinguer le lit mouillé, les zones agricoles, la ripisylve, la végétation naturelle basse et les bancs de sable ; les épis, les digues basses en projet et le chenal de navigation théorique sont aussi représentés. La bathymétrie est représentée par des isobathes de 1 m d’équidistance verticale, construites à partir de sondages sur des profils perpendiculaires au flux (21 profils sur le linéaire).

Cette carte initiale est complétée par un calque se superposant au chenal entre les PK 292.5 et 297. Ce document réalisé le 14 juillet 1868 montre l’état d’avancement de construction des digues basses et les projets. Il représente également une nouvelle bathymétrie

réalisée selon la même méthode (construction des isolignes par profil) et l’emplacement des bancs de sable.

Le deuxième document est identique à la carte de 1867. Il a été dressé le 22 mai 1869 dans le cadre du « Deuxième groupe d’ouvrages en aval de l’épi des Bécasses ». Le relevé est effectué au 1/10 000, du PK 291 au PK 308. La bathymétrie est effectuée sur un secteur plus restreint, du PK 293 au 307. Si le mode de construction est identique aux deux bathymétries des années précédentes, avec des isobathes distantes de 1 m construites à partir de profils perpendiculaires au flux, les profils sont beaucoup plus fins et incluent la topographie des bancs de sable au milieu du chenal. Aucun de ces plans n’indique par rapport à quel niveau d’eau est dessinée la bathymétrie. Généralement (Chapuis, 1999), pour des bathymétries destinées à la navigation ou aux travaux s’y reportant, les ingénieurs et les géomètres rapportent le niveau 0 au niveau conventionnel d’étiage.

Ce document apporte une information sur les temps de réponse du chenal à la mise en place d’un ouvrage pour la navigation, dans une période où les apports en sédiments ne sont pas perturbés par les aménagements sur le bassin versant. L’intégration des données dans un SIG spécifique sur le secteur et la modélisation des bathymétries fournissent une quantification volumétrique des conséquences de la mise en place de l’aménagement.

Figure 36 : Carte bathymétrique du seuil de Terrin entre 1867 et 1869 sous l'influence d’un aménagement

1.2.1.2. La bathymétrie du chenal en 1876

Les archives, de VNF et de la mairie d’Arles, fournissent des relevés bathymétriques du Rhône et du Petit Rhône en 1876 à travers une carte minute du Petit Rhône et un document finalisé qui s’étend d’Avignon à Arles.

La carte minute du Petit Rhône21 (Figure 37) couvre le chenal de ce bras, depuis la diffluence jusqu’à l’embouchure, sur le fond topographique de l’Atlas de P&C (la position des bornes des PK et les limites du chenal sont identiques). Les levés ont été réalisés entre le 13 mars et le 21 avril 1876 par des sondages effectués le long de profils transversaux en oblique par rapport au flux. Entre chaque PK, 18 à 24 profils sont réalisés. Cette méthode

permet un recoupement des données et affine la précision du dessin des isobathes résultantes. Entre chaque journée de levé, il n’y a pas de décalage dans les isobathes ; pourtant l’analyse des hauteurs d’eaux mesurées à Avignon (aucune donnée n’a été retrouvée pour cette période à l’aval) pour cette période22 montre une variabilité importante, comprise entre 1.6 et 4.2 m (Figure 38).

Pardé (1925) référence les crues au dessus de 4 m à Avignon, à partir d’une crue à 4.25 m qui correspond à un débit de 4 100 m3 s-1en septembre 1846. Donc il est possible de supposer que pendant les levés, les variations du débit sont assez importantes, sans pouvoir les qualifier à partir des données disponibles.

Figure 37 : Carte minute du petit Rhône en 1876

Figure 38 : Hauteurs d'eau à l'échelle d'Avignon pour les mois de mars et avril 1876 (en rouge la période des relevés bathymétriques sur le Petit Rhône

1.5 2 2.5 3 3.5 4 4.5

1-mars 8-mars 15-mars 22-mars 29-mars 5-avr. 12-avr. 19-avr. 26-avr.

Hau teu r à l 'éch el le ( en m ) Périodes de mesure

Ces remarques sur les variations du débit pendant les mesures et sur la continuité des isobathes entre les différentes journées de travail montrent que, sur le document, le niveau d’eau du Rhône a déjà été corrigé des fluctuations dues aux variations du débit. Il reste que, comme sur les bathymétries précédentes, aucun référentiel pour les niveaux d’eau n’est mentionné sur cette carte minute, si ce n’est pour chaque journée une direction et une vitesse relative de vent et la position du niveau d’eau par rapport à un point qu’il est difficile de retrouver à l’heure actuelle. Par exemple, le 16 mars 1876 (Figure 37), « le vent est Nord Ouest, les eaux augmentent et marquent + 0.63 à l’échelle de la Roubine des Saintes Maries ». Cette donnée est totalement inutilisable à l’heure actuelle, mais la continuité des isobathes aux limites des différentes journées d’acquisition, laisse supposer que cette information n’a qu’un intérêt limité (elle ne sera donc pas prise en compte) et qu’un travail d’homogénéisation de la bathymétrie a déjà été effectué par les ingénieurs de l’époque sur ce document.

L’antenne d’Avignon de VNF dispose dans ses archives d’un document non répertorié, sans titre ni cartouche. Il est basé sur l’Atlas des P&C (cf. 1.1.2), sur lequel a été rajoutée, entre Avignon et Arles, la bathymétrie du chenal (Figure 39). Les isobathes ont une équidistance verticale de 1 m, mais l’isobathe -1 m est remplacée par l’isobathe -1.6 m. Sur ce document sont aussi présentés les aménagements à courant libre à construire pour les années 1877 à 1880 : les relevés bathymétriques peuvent donc être datés de l’année 1876. Il est même fortement possible qu’ils fassent partie de la même campagne de mesure que la carte minute décrite précédemment. La recherche du niveau de base de ce relevé bathymétrique sera développée plus loin.

1.2.1.3. La topographie de la plaine en 1870-76

L’Atlas des P&C, fournit des informations altimétriques sur la plaine dans le système Bourdaloue. La date des levés n’est pas mentionnée sur le cartouche, mais la carte étant réalisée entre 1870 et 1876, les relevés sont supposés contemporains de cette période. En continuité du profil en travers de chaque PK dans le chenal, un profil topographique est en effet dressé dans la plaine avec un écart de 100 m entre les points. Ces profils sont présents sur la totalité de l’Atlas, sauf dans le delta sur le Grand et le Petit Rhône.