• Aucun résultat trouvé

Interaction entre les forces centrifuges et les forces centripètes

Dans le document Urbanisation et Croissance des Villes en Chine (Page 129-134)

Mécanismes de la constitution des villes

1. Agglomération spatiale

1.3. Interaction entre les forces centrifuges et les forces centripètes

Les analyses de la concentration des activités industrielles impliquent « la tension entre les forces centripètes qui tendent à produire l’agglomération et les forces centrifuges qui tendent à la séparer » (Krugman, 1993). D’un côté, les rendements croissants internes et externes ou des économies d’agglomération représentent les forces centripètes qui

incitent les entreprises à se regrouper en espace. De l’autre côté, les forces qui poussent à la dispersion sont pour la plupart fondées sur les coûts de transport et de consommation d’espace, qui induisent les déséconomies d’agglomération (Duranton, 1997).

L’arbitrage économies d’échelle/coûts de transport

Les économies d’échelle constituent une force centripète dans le choix de la localisation : à l’existence d’économies d’échelle, les entreprises ont l’avantage de concentrer la production en un nombre limité de sites pour minimiser leurs coûts de production. Mais si les lieux de consommation sont dispersés et les coûts de transport ou de distribution sont assez importants, les entreprises ont alors tendance à s’implanter à proximité des lieux de demande, c’est-à-dire, de disperser la production. La force centrifuge a pour origine des coûts de transport élevés et la dispersion de la demande.

L’effet combiné des économies d’échelle et des coûts de transport détermine par conséquent la décision de concentrer ou non la production. Si les coûts de transport étaient suffisamment faibles si seule la force centripète comptait, la production serait alors concentrée en un seul lieu.

En faisant appel au concept des économies externes comme les sources d’agglomérations, les économistes urbains arrivent à considérer l’économie comme un système de villes. Par exemple, le premier modèle du système urbain (Henderson, 1974) commence par l’analyse des forces opposées dans la formation et la distribution des villes dans l’économie urbaine. L’idée de ce modèle est qu’il y a une tension entre les économies externes dues à la concentration géographique des industries dans une ville, d’une part, et les déséconomies liées aux grandes villes, d’autre part. Le résultat de cette tension est que la relation entre la taille d’une ville et l’utilité d’un citadin représentatif peut être présentée par une courbe de forme en U inversé.

Forces opposées et paramètres économiques

La façon dont les externalités marshalliennes sont inclues dans les modèles des économistes urbains reste toutefois non formalisée et la notion demeure assez vague. Nombre d’auteurs successifs tentent d’ouvrir cette « boîte noire » en exploitant la nature des économies d’échelle externes. Parmi eux, Scitovsky (1954) (dans Fujita et Thisse, 2003) distingue les externalités marshalliennes « technologiques » et « pécuniaires ». Les premières sont liées aux effets des interactions non marchandes, tandis que les dernières

renvoient au résultat d’interactions marchandes et peuvent être internalisées par les firmes à travers les mécanismes de prix. Les économies technologiques sont difficiles à appréhender puisque les institutions non marchandes qu’elles impliquent sont assez complexes. En revanche, les externalités pécuniaires liées aux phénomènes économiques relevant du marché ont une origine plus claire (Fujita et Thisse, 2003). Les modèles font appel à la formalisation de la concurrence monopolistique de Spence (1976) Dixit et Stiglitz (1977) (dans Fujita et Thisse, 2003) pour étudier l’agglomération des activités économiques avec les externalités pécuniaires (Krugman, 1991). Ces modèles se concentrent sur l’effet des phénomènes circulaires sur les décisions de localisation des firmes et des consommateurs/travailleurs.

La nouvelle économie géographique tente de modéliser formellement la tradition géographique dans les analyses de l’agglomération des industries. Dans leurs modèles, l’équilibre est atteint lorsque les forces centripètes et les forces centrifuges se compensent. De plus, le degré d’agglomération à l’équilibre dépend aussi de l’état des variables fondamentales de l’économie (Duranton, 1997).

Pour Krugman (1991), l’agglomération résulte d’une interaction entre l’économie d’échelle, le coût du transport et la mobilité des facteurs. Compte tenu des rendements croissants, il est avantageux de concentrer la production de chaque bien sur quelques localisations. Compte tenu des coûts de transport, les meilleures localisations sont celles ayant des accès favorables aux marchés (liens en arrière) et aux fournisseurs (liens en avant). Mais l’accès aux marchés et aux fournisseurs est précisément l’endroit où les producteurs se sont concentrés, car ils attirent les facteurs mobiles de production à leurs proximités.

Ce processus de « causalité circulaire » ou « feedback positif » est souligné par les géographes économiques comme ayant un rôle important dans l’émergence des zones industrielles au cours de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle. En étudiant cette circularité, Krugman (1991) a prouvé que les paramètres initiaux de l’économie, à savoir la part des biens non-agricoles dans les dépenses, les coûts de transports et les économies d’échelle, jouent des rôles importants dans le processus de concentration géographique.

La circularité qui génère la concentration des industries n’est pas essentielle si l’industrie n’emploie qu’une petite fraction de la population et donc ne représente qu’une petite fraction de la demande : Ou si la combinaison d’un économie d’échelle très faible

avec des coûts de transport élevés encourage les fournisseurs de biens et services, pour les secteurs agricoles, à se localiser dans un lieu proche de leur marché, comme dans le cas de l’Amérique au début du dix-neuvième siècle.

Dans une société moderne où les biens non-agricoles constituent une grande part de notre consommation, où la production se fait à grande échelle et où les coûts de transport sont réduits, une région avec une population non-agricole va être un endroit de production attrayant parce que le marché local offre de larges débouchés pour des biens et services divers.

La décision de localisation des unités de production est ainsi déterminée par l’interaction des forces centrifuges et des forces centripètes. Dans les modèles théoriques, l’interaction de ces forces est également influencée par les paramètres d’une économie. Des changements minimes peuvent ainsi conduire à différents états d’équilibre (Henderson et al, 2000). Henderson a aussi souligné que le résultat dépend de la mobilité des facteurs de production. L’immobilité des facteurs, comme la sol, constitue également une force de dispersion, alors que la mobilité des facteurs, comme le travail, permet l’agglomération des activités économiques. Quand les économies d’agglomération au niveau agrégé sont suffisamment fortes, et attirent la mobilité du travail ou la migration vers cet endroit, la ville se forme, et s’accroît jusqu’au moment où la migration est entravée par les coûts de congestion.

2. Modèle de ville « isolée » 2.1. Modèle de Von Thünen

Le modèle de Von Thünen (1826) considère un Etat isolé, qui est composé d’une ville et de la zone rurale dans les alentours. Le modèle se base sur les hypothèses suivantes : tous les produits agricoles sont vendus dans la ville aux prix fixés ; la terre agricole est homogène ; les coûts de transport des produits sont proportionnels aux poids et à la distance ; les cultures sont différentes en production par hectare et en intensité de production. La question centrale à laquelle le modèle essaie de répondre est comment la terre agricole sera distribuée, étant donné que tous les agriculteurs cherchent à maximiser leurs profits.

Il est montré que la concurrence entre les agriculteurs dans le marché foncier va aboutir à un gradient de la rente foncière : à proximité de la ville, le sol est loué au prix le plus haut, au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la ville, le prix de la terre diminue

jusqu’à atteindre zéro à la limite extérieure de la zone rurale. Cette variation du prix de la terre en espace, combinée avec la variation spatiale du coût de transport, constitue une condition nécessaire à aboutir à l’équilibre du modèle. Chaque agriculteur est face à un arbitrage entre le prix de la terre et le coût de transport. D’un côté, la terre plus proche de la ville a un prix plus élevé, mais d’un autre côté elle implique un coût de transport moins important, par conséquent, elle sera destiné aux cultures avec des rendements par hectare et des coûts de transport plus importants et qui sont difficile à conserver. La terre plus éloignée de la ville a un prix plus bas, mais implique un coût de transport plus important ; elle sera utilisée pour cultiver des produits agricoles avec des rendements et des coûts de transports moins importants. En somme, dû aux différences en rendement et en coût de transport des cultures, un schéma des cercles concentriques de la distribution des cultures va apparaître, différents produits agricoles seront cultivés dans différentes zones de cercles qui entourent la ville. A l’équilibre, le gradient du prix de la terre incite les agriculteurs à produire exactement la quantité demandée dans le marché (Krugman, 1993).

Figure 4.1 Le modèle de Von Thünen

Tomate

Blé

Distance à la ville Rente

La Figure 4.1 illustre le résultat typique d’un modèle de Von Thünen. La partie supérieure montre les courbes « de prix aux enchères », c’est-à-dire le prix que les agriculteurs sont prêts à payer à une distance donnée avec la ville pour trois cultures. La ligne enveloppante des courbes « de prix aux enchères » indique le gradient du prix de la terre. Dans chacun des trois secteurs de la ligne, les producteurs de chaque culture sont prêts à offrir un prix plus élevé que les autres. La partie inférieure de la figure montre un quart du schéma concentrique de la distribution des trois cultures.

Dans le document Urbanisation et Croissance des Villes en Chine (Page 129-134)