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Expliquer le dynamisme des TVEs

Evolution de l’urbanisation en Chine

2. Urbanisation et industrialisation en Chine : les particularités

2.2. La stratégie d’industrialisation rurale et l’urbanisation après 1978

2.2.3. Expliquer le dynamisme des TVEs

Le développement spectaculaire des TVEs attire l’attention des nombreux chercheurs, qui tentent à mettre en lumière les facteurs explicatifs de ce phénomène particulier (Byrd et Lin, 1990 ; Nee, 1992 ; Qian et Xu, 1993 ;Weitzman et Xu, 1993 ; Naughton, 1994 ; Chang et Wang, 1994 ; Putterman, 1997 ; Che et Qian, 1998a, 1998b, etc.). Ces auteurs soulignent tous l’environnement institutionnel transitoire dans lequel l’industrialisation rurale avait lieu. En général, deux groupes de facteurs sont évoqués pour expliquer le dynamisme des TVEs : les facteurs structurels de l’économie chinoise en première phase de transition, et la forme d’organisation interne spécifique aux TVEs chinoises.

Décalage entre les réformes rurales et réformes urbaines

Dans une large mesure, cette industrialisation rurale avait lieu dans un contexte du retard des réformes urbaines (Naughton, 1994, Wang et Fan, 2000). Si les industries en zones rurales étaient florissantes, c’était avant tout grâce au transfert sur place des facteurs de production du secteur agricole aux activités non-agricole. Normalement, les entreprises choisissent de se localiser dans les villes plutôt que dans la campagne pour pourvoir bénéficier des économies d’agglomération. Dans ce cas, le surplus de la main-d’œuvre et du capital du secteur agricole aurait se diriger vers les villes, sous forme de migration et d’investissement. Cependant, la condition préalable est l’existence des marchés des facteurs productifs et des produits. Or, tels marchés n’étaient pas encore formés dans les zones rurales tout de suite après l’introduction des réformes. Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, les réformes économiques ont commencé dans le secteur agricole à partir de 1978, alors que l’économie industrielle et urbaine n’a subi de modification radicale qu’à partir de 1984. En raison de ce décalage, la migration rurale-urbaine massive ne pouvait pas avoir lieu tout de suite après la décollectivatisation agricole. D’autre part, le

30 Le ralentissement de la croissance de l’emploi des entreprises rurales d’une part reflète la détérioration de leur performance, d’autre part résulte du changement de l’intensité relative du capital dans leur production.

caractère graduel des réformes économiques a fait que l’économie urbaine demeurait durant un certain temps en un double-rail (dual track), où co-existaient la planification et les mécanismes de marché. Les entreprises non-étatiques dans les villes étaient toujours soumises aux limitations du système planifié, notamment aux discriminations vis-à-vis des entreprises publiques. Faute de marchés complets, si les TVEs avaient quitté la campagne pour les villes, leurs coûts de production seraient plus élevés. Par ailleurs, les TVEs ont été encouragées par les politiques à rester dans les campagnes afin d’augmenter le revenu des villages et absorber le surplus de main-d’œuvre agricole. Sous ces contraintes, les entreprises financées par les villages et les bourgs ont pour l’essentiel choisi de se développer dans les zones rurales.

Conditions externes favorables

Durant leur démarrage, les TVEs ont bénéficié des conditions externes favorables liées au environnement particulier de la première phase des réformes. Dans un premier temps, les réformes agricoles ont libéré en partie les facteurs de production sous-employé dans le secteur rural. Avant les réformes, la main-d’œuvre rurale a été fixée autoritairement dans l’agriculture par la collectivisation, le sous-emploi considérable dans la campagne constituait un gaspillage du facteur du travail. La décollectivatisation de l’agriculture a permis aux agriculteurs de s’engager dans les activités non-agricoles. Les TVEs ont bénéficié de cette libération du surplus de main-d’œuvre en en employant sur place une bonne partie, ce qui a beaucoup contribué à une allocation plus efficace du facteur du travail. Dans le même temps, d’autres ressources rurales telles que le capital ont été réallouées dans les industries rurales à cause de la faible productivité de l’agriculture (Putterman, 1997).

Le système de responsabilité des ménages contribue également à réduire le coût de l’emploi aux TVEs. Les agriculteurs qui travaillaient dans les TVEs gardaient toujours leurs terres allouées, ces terres servaient d’une sorte d’assurance sociale pour eux. Quand la conjoncture n’était pas bonne, les TVEs pouvaient licencier ces employés en les renvoyant dans la production agricole, et les réemployer quand la conjoncture changeait de nouveau, ce qui donne une grande flexibilité aux TVEs dans l’emploi et dans la production en fonction de la demande du marché. Les coûts de l’emploi étaient moins élevés par rapport aux entreprises urbaines qui devraient payer la sécurité sociale de ses employés (Wang et Fan, 2000).

En outre que la main-d’oeuvre, les TVEs ont bénéficié des avantages au niveau de l’obtention des autres facteurs : la terre et le capital. Jusqu’à 1985, les TVEs pouvaient utiliser gratuitement ou à bas prix les terres des villages, dont le propriétaire est aussi la collectivité rurale. Au moins jusqu’au début des années 1990, les TVEs soutenues par les gouvernements locaux avaient un accès facile aux crédits des banques et les organisations financières officielles (Li, 2003). Le seuil d’entrée des TVEs était ainsi relativement bas. Par ailleurs, d’autres politiques préférentiels ont été accordées aux TVEs afin d’encourager leur développement, telles que les exemptions ou les réductions d’impôts (Aubert, 1996).

La structure de production déséquilibrée des entreprises urbaines représentait une autre opportunité aux TVEs. Les politiques du biais industriel avant les réformes ont conduit à une économie de pénurie caractérisée par le manque extrême de produits de consommation. Il existait donc un marché des biens de consommation immense au début des réformes. L’avantage comparatif des TVEs résidait dans le coût moins élevé du travail, ce qui correspondait parfaitement à la caractéristique d’intensivité en travail des produits manqués. De plus, l’augmentation du revenu rural induite par les activités non-agricoles des agriculteurs a accru elle-même la demande sur les marchés ruraux.

Forme d’organisation interne

Les auteurs soulignent que la forme d’organisation interne des TVEs constitue une adaptation à la fois souple et efficace au contexte institutionnel transitoire, et la propriété collective des TVEs fonctionne mieux que la propriété privée ou étatique orthodoxe. Par rapport aux entreprises étatiques, les TVEs étaient soumises aux contraintes budgétaires plus dures, et impliquaient plus d’incitation. Il est montré que la productivité totale des facteurs des TVEs s’est accrue significativement plus vite que les entreprises d’Etat dans les années 1980 (Jefferson, 1993 ; Putterman, 1997). Bien que la plupart des entreprises rurales étaient de propriété collective, leurs activités ne faisaient pas l’objet des plans centralisés de l’Etat. De sorte qu’elles devaient obtenir des matières premières et l’énergie en dehors des circuits officiels de l’allocation planifiée, et vendre leurs produits au prix du marché. Face à la concurrence du marché, les TVEs utilisaient de manière efficiente les ressources qu’elles possédaient. Par ailleurs, dans la première phase des réformes, le développement des TVEs est préférable à une privatisation massive, car cette dernière impliquerait des problèmes difficiles et compliqués au niveau de l’administration et de la

gestion, et les droits de propriété privés étaient moins protégés par la loi à l’époque (Naughton, 1994, Che et Qian, 1998b).