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Changements institutionnels et émergence du marché du travail

Dans le document Urbanisation et Croissance des Villes en Chine (Page 108-111)

Contraintes institutionnelles de l’urbanisation en Chine

2. Institutions et marché du travail

2.1. Changements institutionnels et émergence du marché du travail

Dans une économie de marché, les employés et les employeurs sont deux groupes d’acteurs économiques dépendants liés par des contrats de travail ; les employés ont le droit de décider ou négocier la façon de disposer de leur force du travail (temps et condition de travail, etc.). En revanche, le régime de l’emploi urbain en Chine avant les réformes s’est caractérisé par l’affectation administrative de l’emploi et le contrôle sur les salaires. Les unités étatiques et collectives recrutaient et payaient les travailleurs en suivant strictement les plans d’emploi formulés par les gouvernements : les travailleurs n’avaient aucun pouvoir de négociation sur le salaire et les conditions de travail. Une telle relation entre travailleur et employeur n’était pas de nature d’« emploi » dans le sens strict du terme, mais plutôt une sorte de dépendance administrative. En 1980, la première Conférence de travail sur des Problèmes du Régime de l’Emploi a proposé une stratégie d’emploi plus flexible dans le secteur urbain (Ray et Tao, 2005). Les travailleurs avaient la possibilité de trouver des emplois en dehors des unités étatiques et collectives, c’est-à-dire dans les secteurs privés émergents. A la différence du secteur public, l’emploi dans les secteurs privés s’assujettissait aux mécanismes d’allocation du marché. A mesure que les réformes économiques encourageaient le développement de l’économie privée, la part des emplois dans le privé ne cessait pas de s’accroître, ce qui a conduit à l’apparition et au développement du marché du travail urbain en Chine. De 1985 à 1998, la part de l’emploi du secteur étatique est passée de 70% à 42%, celle du secteur collectif de 26% à 9%, tandis que l’importance relative de l’emploi privé n’a cessé de progresser (Tableau 3.1). Jusqu’à

la fin de l’année 2002, l’économie non-étatique représente deux tiers du PIB national, et environ 70% de l’emploi total dans les villes et des bourgs (NBS, 2003). La majorité des travailleurs urbains sont employés sous forme de contrats de travail.

Le régime d’emploi dans les entreprises étatiques a commencé également à être réformé au début des années 1980. A l’époque, les autorités continuaient à formuler les plans sur l’emploi et attribuer les travailleurs aux entreprises publiques, mais ces dernières ont obtenu plus d’autonomie, aussi bien dans leurs décisions de recrutement que dans la détermination des niveaux de salaires. Par conséquent, les salaires sont devenus plus flexibles. Hormis les salaires de base déterminés par l’Etat, les entreprises pouvaient distribuer des primes aux travailleurs en fonction de leurs performances. Entre 1978 et 1997, la part des primes dans les rémunérations des entreprises étatiques est passée de 2% à 16% (Lu, 2005).

Cependant, la réforme majeure dans le régime de l’emploi n’a eu lieu qu’en 1986 ; pour la première fois, elle a introduit formellement la contractualisation dans les entreprises étatiques (Cai; 2000 ; Lu, 2005). Tous les travailleurs nouvellement recrutés devaient signer des contrats avec leur employeur. Ceci marque la fin du mode de l’emploi à vie et l’introduction des relations d’emploi basée sur les règles du marché. Dans une certaine mesure, les travailleurs ont obtenu les droits de choisir leurs employeurs et les entreprises ont obtenu elles aussi l’autonomie de choisir leurs employés. De plus, les deux parties peuvent désormais négocier le niveau des salaires, bien que ce dernier soit toujours soumis aux instructions administratives de l’Etat. La mise en place de la contractualisation a été graduelle. Elle n’a que modestement contribué à la croissance de la part de l’emploi contractuel.

Puis, la contractualisation du travail a été instituée par la nouvelle Loi du Travail en 1994 (Lu, 2005), ce qui a donné de l’élan à cette nouvelle forme d’emploi. La part des travailleurs contractuels a presque doublé entre 1994 et 1997 pour représenter un tiers des travailleurs urbains. L’autre changement qui résulte de cette contractualisation, est l’obtention du droit au licenciement pour les entreprises d’Etat. Avec la fin de l’emploi à vie et l’introduction des réformes dans les entreprises publiques au milieu des années 1990, on a commencé à licencier les travailleurs excédentaires. Sur la période 1995-2002, on estime que le nombre total d’employés des entreprises publiques est passé de 75 millions à 34 millions, soit environs 30 millions de travailleurs licenciés (SSAC, 2004).

Tableau 3.1 Distribution par catégorie de l’emploi urbain

Nombre d'emploi (Millions) Part de l'emploi (%)

Année Total Urbain Unités Publiques Entreprises Privées Entreprises Individuelles Unités Publiques Entreprises Privées Entreprises Individuelles 1978 95,14 94,99 0 0,15 99,8 0 0,2 1980 105,25 104,44 0 0,81 99,2 0 0,8 1985 128,08 123,14 0 4,50 96,1 0 3,5 1989 143,90 136,10 0 6,48 94,6 0 4,5 1990 170,41 138,95 0,57 6,14 81,5 0,3 3,6 1992 178,61 145,10 0,98 7,40 81,2 0,5 4,1 1993 182,62 143,13 1,86 9,30 78,4 1,0 5,1 1995 190,40 144,08 4,85 15,60 75,7 2,5 8,2 1996 199,22 142,60 6,20 17,09 71,6 3,1 8,6 1997 207,81 139,27 7,50 19,19 67,0 3,6 9,2 1998 216,16 110,21 9,73 22,59 51,0 4,5 10,5 1999 224,12 102,84 10,53 24,14 45,9 4,7 10,8 2000 231,51 96,01 12,68 21,36 41,5 5,5 9,2 2001 239,40 89,31 15,27 21,31 37,3 6,4 8,9 2002 247,80 82,85 19,99 22,69 33,4 8,1 9,2 2003 256,39 78,76 25,45 23,77 30,7 9,9 9,3 2004 264,76 76,07 29,94 25,21 28,7 11,3 9,5 2005 273,31 72,98 34,58 27,78 26,7 12,7 10,2

Note : Les unités publiques sont composées de deux catégories : les unités étatiques et les unités collectives. Les entreprises privées et individuelles sont les deux catégories principales en termes d’emploi dans le secteur non-public, où d’autres catégories comprennent les SARL, les sociétés anonymes, les entreprises étrangères, etc.

Source : TJNJ (NBS, 2006).

Après plus de deux décennies de développement du secteur non-public et une décennie de réforme des entreprises publiques, le système planifié d’allocation de l’emploi a graduellement cédé sa place aux mécanismes du marché. Cependant, en raison du caractère incomplet des réformes des entreprises étatiques et de l’absence de contraintes budgétaires dures, des comportements incompatibles avec le marché persistent dans l’emploi du secteur public. C’est dans le secteur privé que les règles du marché jouent un rôle plus important. Une caractéristique manifeste du marché du travail chinois est la corrélation entre la nature de la propriété et l’importance relative des mécanismes du marché des entreprises, c’est-à-dire, plus l’on s’éloigne de la propriété publique et plus l’on s’approche de la propriété privé, plus le rôle du marché est important dans l’emploi (Li et Zax, 2003). La prise de décisions relative à l’attribution de l’emploi et au niveau des salaires dans le secteur public s’assujettit encore à l’intervention du gouvernement. Plus particulièrement, le projet de licenciement dans les unités publiques doit être ratifié par le

gouvernement. L’importance relative des mécanismes du marché est différente entre le secteur public et privé, ce qui conduit à la structure dualiste du marché du travail urbain. Les employeurs dans le secteur public travaillent moins longtemps et moins intensivement que les employeurs du secteur privé, et sont mieux rémunérés malgré une moindre performance. La disparité salariale entre les secteurs d’activité est également moindre dans le secteur public que dans le secteur privé. Les interventions gouvernementales au marché du travail consistent non seulement à garder le contrôle sur l’emploi des entreprises publiques, mais aussi à maintenir les barrières institutionnelles aux migrants ruraux, afin de protéger les citadins de la concurrence sur le marché du travail. Par conséquent, le marché du travail émergent en Chine est loin d’être complet et unifié. De multiples segmentations existent encore sur le marché du travail actuel, telles que la segmentation selon la structure de propriété, la région, le statut de Hukou, etc. Parmi celles-ci, la segmentation rurale/urbaine a un impact très profond et persistant sur la mobilité du travail et sur l’urbanisation (Knight et Song, 2005).

Dans le document Urbanisation et Croissance des Villes en Chine (Page 108-111)