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Efficience et économies d’agglomération des villes chinoises : estimation

Dans le document Urbanisation et Croissance des Villes en Chine (Page 174-180)

1. Politiques urbaines sur la taille des villes

3.3. Efficience et économies d’agglomération des villes chinoises : estimation

Dans cette section, nous testons la relation entre les indices d’efficience, la taille et la densité des villes chinoises. Les variables dépendantes sont l’efficience technique et ses deux composantes calculées dans la section 3.2 par la méthode non paramétrique de DEA. Notons que les indices d’efficience technique sont obtenus en imposant l’hypothèse de CRS, alors que les indices d’efficience pure sont calculés sous l’hypothèse de VRS. L’efficience d’échelle est le ratio de ces deux indices. Comme dans l’estimation de la productivité du travail, nous incorporons le terme au carré de la taille de la population pour capturer son impact non-linéaire sur l’efficience, et les mêmes variables de contrôle (la structure industrielle, le degré d’ouverture et le niveau des infrastructures) sont introduites, le modèle d’estimation est donc le suivant :

E=CUit +γ(Uit)2DitXitiit (5.23) avec E notant les indices d’efficience, le reste défini comme dans l’équation 5.4.

Partant de l’hypothèse que les efficiences urbaines sont influencées par certaines caractéristiques spécifiques aux villes qui restent inchangées dans le temps, nous utilisons le modèle des effets fixes dans notre estimation. Ce choix est justifié par le test formel de Hausman. Par ailleurs, ils existent probablement des effets spécifiques aux périodes qui affectent les scores d’efficience, car ces dernières sont des indices relatifs basés sur les

frontières de technologie qui sont spécifiques aux périodes. De ce fait, nous introduisons aussi les variables muettes des années pour contrôler le niveau de la technologie évoluant dans le temps. Les résultats sont présentés dans le tableau 5.3.

La taille de la population a un effet positif et significatif sur l’efficience technique totale (colonnes 1 et 2) et sa composante d’efficience d’échelle (colonnes 5 et 6), mais son effet sur l’autre composante, l’efficience technique pure, n’est pas significatif. Ceci suggère que plus une ville est peuplée, plus elle est efficiente dans la production, et que la taille de la population agit sur l’efficience technique urbaine principalement à travers l’effet d’échelle.

Le terme quadratique de la taille urbaine a un coefficient négatif dans les régressions 1 et 2, mais cet effet n’est pas significatif. Nous pouvons soupçonner qu’il existe une relation de type U inversée entre la taille urbaine et l’efficience totale, mais toutes les observations dans notre échantillon se situant dans la partie gauche de la courbe, les régressions ne peuvent pas révéler cette relation non-linéaire. Toutes les villes peuvent de ce fait améliorer leur efficience technique productive par la croissance de leur population.

En revanche, la relation non-linéaire entre la taille urbaine et l’efficience d’échelle est bien révélée par les régressions 5 et 6, car le terme quadratique de la population a un coefficient négatif et significatif. Il en résulte que l’efficience d’échelle augmente avec la taille urbaine avant d’atteindre le maximum (égale à 1), puis commence à diminuer avec la croissance de la taille urbaine. Cette relation de type U inversée implique une taille urbaine optimale correspondant à l’échelle efficiente de la production. Selon les coefficients estimés pour la taille de la population et son terme quadratique dans la régression (6), cette taille optimale est de 3 613 46950. La plupart des observations dans notre échantillon sont au-dessous de ce niveau et se trouvent dans la gauche de la courbe, où les indices d’efficience d’échelle augmentent de manière monotone avec la taille de la ville. Ceci indique que la plupart des villes dans notre échantillon ne sont pas assez grandes pour avoir une échelle de la production efficiente. En d’autres termes, elles peuvent toujours améliorer leur efficience productive par l’expansion de la taille de leur population. Notons que cette taille optimale qui maximise l’efficience d’échelle est très proche de celle qui correspond au maximum de la productivité du travail (section 2).

Tableau 5.3. Efficience et économies d’agglomération des villes chinoises 1990-1997 (1) Efficience Technique (2) Efficience Technique (3) Efficience Technique Pure (4) Efficience Technique Pure (5) Efficience d’Echelle (6) Efficience d’Echelle Constante 0,281** (0,114) 0,268 ** (0,114) 0,713 *** (0,111) 0,696 *** (0,110) 0,414 *** (0,074) 0,419 *** (0,074) Population 0,310** (0,153) 0,309 ** (0,154) (0,148) -0,158 (0,149) -0,146 0,580 *** (0,099) 0,547 *** (0,0996) Population2 -0,034 (0,026) -0,034 (0,026) 0,037 (0,025) 0,035 (0,025) -0,080*** (0,017) -0,076*** (0,017) Densité 0,045 (0,181) (0,181) -0,011 (0,175) 0,0002 (0,175) -0,050 (0,117) 0,054 (0,117) 0,020 PIB secondaire/tertiaire 0,017 *** (0,005) 0,017 *** (0,005) 0,007 ** (0,003) Degré d’ouverture -0,050 (0,061) -0,045 (0,059) 0,004 (0,039) Nombre de téléphone -0,0001 (0,001) 0,0005 (0,0006) 0,0008* (0,0004)

Dummies des années Oui Oui Oui Oui Oui Oui

Nombre de ville 155 155 155 155 155 155

Nombre d’obersvation 1239 1238 1239 1238 1239 1238

R2 (within) 0,173 0,183 0,103 0,115 0,225 0,231

Notes:

Entre parenthèses sont les écarts types. ***, ** et * indiquent significativement non nul au seuil de 1%, 5% et 10%, respectivement.

Les valeurs de Chi2 des tests de Hausman sont 91,67, 45,23, 36,18 pour les régressions (2), (4), (6), respectivement, toutes suggèrent la rejet de l’hypothèse de non différence systématique entre les estimations des modèles à effets fixes et à effets aléatoires.

L’inefficience d’échelle implique deux cas de figure dans la production : une quantité excessive ou non suffisante de la combinaison des inputs-outputs. Dans le premier cas, la production fait preuve du rendement d’échelle décroissant, et dans le deuxième cas, il y a le rendement d’échelle croissant. La nature du rendement d’échelle peut être identifiée en comparant les indices d’efficience technique obtenus sous les hypothèses de CRS et de NIRS, comme expliqué dans la section 3.1.1. Pour notre échantillon, en 1997, 79,1% des villes qui ne sont pas d’échelle efficiente (l’indice d’efficience d’échelle au-dessous de 1) se situe dans la zone du rendement d’échelle croissant. Ceci implique que la plupart des villes ne fonctionnent pas à l’échelle optimale parce qu’elles n’engagent pas assez d’inputs (le capital et le travail dans notre cas) dans la production. En d’autres termes, elles peuvent augmenter leur efficience d’échelle en accroissant la quantité des inputs. Ce

résultat corrobore notre conclusion des estimations que la plupart des villes sont sous-optimales par rapport à la taille efficiente en terme technique.

Notons que les deux concepts discutés ci-dessus, la « taille urbaine optimale » et l’« échelle efficiente » de la production urbaine ne doivent pas être confondues, bien qu’ils soient étroitement liés et puissent être parfois équivalents. Par l’« échelle efficiente », nous entendons la quantité de la combinaison des inputs-outputs qui est efficiente en terme technique dans la production, alors que la taille optimale indique la taille urbaine correspondant au maximum des scores d’efficience, qui est calculée à partir d’une relation non linéaire estimée entre la taille et les scores d’efficience.

L’effet de la densité de la population n’a en général pas d’effet significatif sur les indices d’efficience. Nous pouvons présumer que pour l’efficience dans la production, les économies d’agglomération sont mieux captées par la taille plutôt que la densité de la population.

Quant aux variables de contrôle, le ratio du PIB secondaire/tertiaire a un coefficient positif et significatif dans toutes les régressions, indiquant que les villes ayant un secteur secondaire plus important sont plus efficientes. Ce résultat est à l’encontre de notre attente que le secteur tertiaire est plus productif et plus efficient que le secteur secondaire. Le nombre de téléphones a un effet significatif sur les indices d’efficience d’échelle, suggérant qu’une meilleure condition des infrastructures urbaines contribuent à l’amélioration de l’efficience, toutefois, l’effet de cette variable n’est pas significatif ni sur l’efficience totale ni sur l’efficient technique pure. La dernière variable de contrôle, le degré d’ouverture n’a d’effet significatif dans aucune régression. Théoriquement, le degré d’ouverture d’une ville à l’économie globale doit avoir un impact positif sur son efficience. Il existe probablement d’autres mesures plus pertinentes de ce facteur.

4. Conclusion du chapitre

A partir d’un panel de 155 villes chinoises sur la période 1990-1997, nous avons examiné les relations entre taille, densité et productivité urbaine. Dans un premier temps, la productivité est mesurée par le PIB par travailleur, ou la productivité partielle du travail. Les résultats suggèrent que la productivité du travail augmente avec la taille des villes mesurée par leur population jusqu’à un maximum puis diminue, ce qui rejoint les prédictions des modèles théoriques. La densité de la population exerce un effet significativement positif sur la productivité. Nous avons également calculé les indices

d’efficience des villes et les avons introduits comme variable expliquée dans les régressions testant les économies d’agglomération. Avec cette mesure alternative de la productivité, l’effet de la taille reste similaire : l’efficience d’échelle augmente avec la taille urbaine jusqu’un maximum avant de diminuer.

L’hypothèse selon laquelle que la taille des villes et la densité des activités économiques affectent la productivité urbaine à travers l’exploitation des économies d’agglomération, émise dans la littérature relative, est ainsi vérifiée dans le cas des villes chinoises. A partir des régressions sur la productivité du travail, la taille de la population optimale des villes est estimée entre trois et quatre millions ; les régressions sur l’efficience d’échelle donne une taille optimale d’ordre équivalent. Ceci implique que la plupart des villes chinoises dans l’échantillon ne sont pas assez grandes pour maximiser la productivité. Par ailleurs, l’indice d’efficience et ses composantes calculées par la méthode non paramétrique de DEA montre également que la plupart des villes ne sont pas efficientes, en particulier en terme d’échelle de la production. Du point de vue dynamique, la variation de l’efficience est essentiellement déterminée par le changement de l’efficience d’échelle des villes.

Le débat sur le modèle de croissance urbaine en Chine porte particulièrement sur le type de ville qui favorise le plus le développement économique. Notre étude, malgré son caractère approximatif, préconise que les avantages de productivité augmentent avec la taille des villes en Chine et suggère que sur le plan politique ce sont les grandes villes qui représentent le plus de bénéfices à la croissance. D’autre part, les résultats montrent un effet positif de la densité du travail dans les villes sur la productivité, ce qui implique un double avantage lié aux villes qui ont une densité de population plus importante : avantage en terme de productivité du travail et en terme de productivité de la terre. L’utilisation efficiente de la terre devrait être au cœur de la préoccupation des stratégies du développement urbain en Chine en raison de la pénurie de terre cultivable.

Les opinions contre le développement des grandes villes soulignent les désavantages et les problèmes liés à la taille des villes et à la densité de la population urbaine. Selon notre étude, la plupart des villes chinoises se situent à la gauche de la courbe U inversé qui décrit la relation entre la taille et la productivité. En d’autres termes, dans la plupart des villes chinoises, les désavantages liés à la taille sont inférieurs aux avantages que procurent les économies d’agglomération. Les politiques appropriées ne consistent pas dans la

restriction de la taille et de la densité de la population des villes, mais plutôt dans la bonne gestion urbaine. L’amélioration dans le planning urbain et la mise en disposition de biens publics urbains vont amener de meilleures conditions de vie et de production dans les villes, et contribuer ainsi au développement.

Ces résultats sont toutefois à interpréter avec précaution car notre étude reste une tentative préliminaire. Par exemple, on pourrait poser l’hypothèse que la taille optimale des villes est susceptible de varier avec le degré de spécialisation dans la production. Faute de données sur la spécialisation industrielle urbaine, nous n’avons pu inclure cette variable importante dans notre estimation. Les études ultérieures avec des données plus complètes et diverses méthodes d’estimations permettront d’approfondir et affiner l’étude de la relation entre la taille, la densité d’agglomération et la productivité urbaine en Chine.

Annexe du chapitre 5

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