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1.1 Pourquoi créer une nouvelle institution ?

1.1.1 Une situation critique : un handicap et une chance

1.1.1.3 Intentions préfectorales et ministérielles

On fait crédit à Nicolas Frochot181 de la création du CGH, à travers un mémoire publié et

remis au conseil de département (qui faisait office de conseil municipal) en 1800182, dont le

contenu sera largement avalisé par l'arrêté consulaire du 27 nivôse an IX183. Cette création, qui

devait apporter une solution à la situation de crise que connaissaient les établissements d'assistance de la capitale, fut elle-même issue d'importantes tensions entre les préfets de la Seine et de département.

À en croire Alfred des Cilleuls « lorsque Frochot fut appelé à la préfecture de la Seine, l'administration des hospices se trouvait dévolue à son collègue de la police [en application de

180 Imbert 1954, p.233.

181 Nicolas Thérèse Benoit Frochot (1761-1828). Constitutionnel, il se lie d'amitié avec Mirabeau. Emprisonné sous la Terreur, il est libéré après le 9 thermidor, élu député de la Côte-d'Or (il était natif de Dijon) avec l'appui de Cabanis en 1799, il démissionne de son mandat électif après avoir été nommé le premier germinal an VIII (22 mars 1800) premier préfet de la Seine par Bonaparte, qui n'avait pas encore pris la mesure de l'importance du poste (cf. Lanzac de Laborie 1905, p.36). Fonctionnaire consciencieux et laborieux, piètre orateur, il fut un des plus solides soutiens à la politique napoléonienne « d'embellissement » de la capitale. Démis en 1812 suite à son manque de réaction face au coup d'État avorté de Malet, il est Conseiller d'État honoraire sous la première Restauration, préfet des Bouches-du-Rhônes pendant les Cent-Jours, et se retire de la vie publique après sa destitution en juillet 1815. Sur Frochot, voir Lanzac de Laborie 1905, pp.35–40 et surtout Passy 1867, en particulier pp. 460-483 pour les aspects qui nous intéressent ici, quoi que Louis-Paulin Passy attribue à Frochot ce qui appartient au CGH collégialement, alors que d'après Lanzac de Laborie 1908, p.10 « dès les premiers mois, ses absorbantes occupations [à Frochot] le condamnèrent à ne prendre aux délibérations qu'une part très intermittente. »

182 Voir infra pp.67 & sq.

183 17 janvier 1801, reproduit en Annexe I. Imbert, par exemple, en fait l'inspiration directe de l'arrêté consulaire du 27 nivôse en IX : Imbert 1954, pp.234–235.

la loi du 16 messidor an VII], et le ministre de l'intérieur, d'après les errements suivis par ses prédécesseurs, dirigeait les bureaux de bienfaisance. »184

On l'a compris, un des intérêts majeurs de toute réforme du système hospitalier – au-delà de l'accroissement de personnel nécessaire à l'étendue du système parisien – était précisément de renforcer (pour ne pas dire de mettre en place) une meilleure coordination entre hôpitaux, hospices et secours à domicile. Il fallait donc qu'ils soient concentrés entre les mêmes mains. C'est donc pour la tutelle des bureaux de bienfaisance que la lutte s'engagea185 entre les deux

préfets, et par voie de conséquence entre leurs deux ministères186.

Le 4 thermidor an 8187, le préfet de police, Dubois188, écrit au ministre pour défendre sa

tutelle sur les secours à domicile, en exposant que par le passé la distribution des secours appartenait à la police, « comme un moyen d'assurer la tranquillité publique, de conserver les bonnes mœurs, de maintenir la paix et l'union dans les familles, et de procurer aux enfants une éducation phisique (sic) et morale qui les rendit utiles à la patrie », et les secours attribués par le gouvernement pour les travaux de charité étaient versés dans la caisse de la police qui les

184 Des Cilleuls 1900, p.157.

185 On le répète, on ne traitera pas ici des dispositifs de secours à domicile en tant que tels. Sur ces derniers, on consultera en particulier Felkay 2005 ; Felkay 2011, et pour leurs antécédents révolutionnaires (les comités de bienfaisance des sections parisiennes) Woloch 1986.

186 Rappelons ici que pendant la plus grande partie du Consulat et de l'Empire (à l'exception de 1802 à 1804), la police ne relevait pas des prérogatives du ministère de l'Intérieur, mais d'un ministère ad hoc, dont le

principal titulaire fut Joseph Fouché (de 1799 à 1802 et de 1804 à 1810). 187 AN F15

1863

188 Louis-Nicolas-Pierre-Joseph Dubois (1758-1847), procureur du Châtelet à la Révolution, membre du Bureau central de Paris après le 18 brumaire (aux trois membres duquel étaient confiés, d'après la loi du 19

vendémiaire an IV – 11 octobre 1795 – créant les douze arrondissements, les affaires impossibles à répartir entre les municipalités d'arrondissement, telles que la police ou la voirie), premier préfet de police, nommé en mars 1800. Personnage ambitieux, de peu d'esprit, dévoué à Napoléon, il fut remplacé en 1810 par Pasquier. cf. Anonyme 1815, p.10.

administrait « parce que sa surveillance doit s'étendre sur toute réunion d'individus, sur toute espèce de rassemblement ». C'était un moyen pour les services de police de recueillir des « renseignements relatifs aux mœurs des indigents et à leur conduite ». On voit donc qu'aux yeux du préfet de police, le principal élément susceptible d'appuyer sa demande réside dans la distribution de secours comme moyen et risque pour l'ordre public. C'était certainement frapper juste : le souvenir du 10 août189 était encore frais. Il conclut donc sa lettre avec une

mention aux loi du 7 frimaire an V (27 novembre 1796) et arrêté du 26 fructidor an V (12 septembre 1797) lui attribuant la surveillance des Bureaux de Bienfaisance et une demande d'éclaircissement sur ses prérogatives, alors que selon lui des lois et décrets non abrogés persistent, et que l'arrêté du 12 messidor an VIII (1er juillet 1807) fixant les attributions des

préfets de police prescrit des rapports avec les Bureaux de Bienfaisance sans en indiquer l'étendue.

Suit un rapport au ministre, rédigé par le Bureau des Hospices, et signé de deux personnes dont Montlinot190 (l'autre étant possiblement Frerson), en date du 9 thermidor an 8. De façon

très intéressante, il penche clairement en faveur d'un rattachement de toutes les compétences d'assistance au préfet de département. La réfutation des arguments de Dubois se fait en deux temps. Le second est juridique : il conteste son interprétation de la loi du 7 frimaire an V et rappelle que la loi du sixième jour complémentaire de la même année a retiré la surveillance des bureaux de bienfaisance au Bureau Central pour la rendre à l'administration centrale du département191. Le premier, plus intéressant, repose sur une acception plus moderne du mot

189 Journée du 10 août 1792 durant laquelle les sections parisiennes, encouragées par Danton et les cordeliers, établirent la commune insurrectionnelle et marchèrent sur les Tuileries pour obtenir l'abdication de Louis XVI, entraînant la fin de la Législative et de la monarchie constitutionnelle.

190 Montlinot : ancien lauréat du concours de Châlons, directeur du dépôt de mendicité de Soissons, associé du Comité de mendicité, un des chefs de la commission exécutive des Secours publics puis du ministère de l'intérieur. Voir Guy Thuillier, Un observateur des misères sociales, Leclerc de Montlinot : 1732-1801 191 De façon un peu plus détaillée, pour les services ministériels la surveillance des bureaux de bienfaisance,

aux termes de la loi du 7 frimaire an V, appartenait bien aux « administrations centrales », le pouvoir municipal n'étant, le cas échéant, qu'exécuteur d'une délégation de ces dernières. Ils ajoutent que la loi du

« police ». Pour les deux signataires du rapport, le préfet de police a donné trop d'extension aux principes qu'il pose. « La principale cause de ces erreurs d'administration viennent en partie de ce que l'on donne à ce que l'on appelle police une latitude trop grande. La police proprement dite n'est que la recherche des délits contre les lois existantes […] ; elle surveille tout, elle dénonce, elle punit et ne récompense pas. »192 Apparaît clairement ici la transition du

sens ancien du mot, celui qu'il a pour de La Mare193 un siècle plus tôt – défini par Michel

Foucault comme « règlementation indéfinie du pays selon le modèle d'une organisation urbaine serrée » dont l'objet est « quasi infini »194 – à son acception moderne d'instrument de

lutte contre l'illégalité.

Le 27 thermidor an VIII (15 août 1800), c'est Barbier-Neuville195 qui fait un rapport au

ministre sur les requêtes de Dubois : il dit partager les vues livrées par ses deux subordonnés et y ajoute une dimension plus politique : « il importe de ne point séparer la surveillance des secours à domicile de celle des hôpitaux » et donc de la remettre « plus particulièrement au préfet civil. » Enfin, il présente au ministre des mesures propres à concilier les deux préfets, dont il ne cache pas la provenance :

« Ces mesures consisteroient à créer, sous la surveillance immédiate du ministre, un conseil général des secours publics, dont les deux préfets seroient membres-nés. La préséance appartiendrait de droit au préfet civil, qui auroit en outre, voix prépondérante dans les délibérations du Conseil. Ce Conseil seroit composé d'hommes versés dans cette partie.

Si le Ministre le désiroit, il seroit facile de donner à ce plan tous les développements qui sont contenus, pour la plus grande partie, dans le plan du cit. Frerson, l'un des employés du bureau des hôpitaux, que je

sixième jour complémentaire prorogeant les droits sur les spectacles (taxe finançant l'assistance), proposée par le Conseil des Cinq Cents (chambre basse) fut amendée avant adoption par le Conseil des Anciens (chambre haute) précisément parce qu'elle confiait au Bureau Central des attributions en la matière, alors qu'elles ne lui revenaient pas.

192 AN F15 1863.

193 La Mare 1705.

194 Foucault 2004a, p.7,9. Sur la notion de « police », voir surtout Foucault 2004b, pp.319–370 et supra p.13. 195 Jean-Pierre Barbier-Neuville (1754-1822), chef de la troisième division du ministère de l'Intérieur (en charge

crois [??] ce qu'il y a de mieux en ce genre. »196

Enfin, le 29 thermidor an 8 (17 août 1800) un dernier rapport allait paver le chemin à l'intervention finale de Frochot : Montlinot y montrait comment l'organisation d'un régime dérogatoire pour Paris devait renforcer le rôle du ministre. D'après lui, puisqu'il est prouvé que le préfet de police n'a pas dans ses attributions les secours, « il est donc essentiel d'organiser un comité central de Bienfaisance d'après d'autres vues que celles qui ont été suivies jusqu'à ce jour, où tout semble tendre à séparer le Ministre du peuple » L'arrêté des consuls du 12 frimaire an 8 créant un comité central, composé de 12 membres pris dans les comités de bienfaisance a, selon Montlinot, deux effets pervers : il rend impossible toute politique coordonnée, chaque commissaire tirant la couverture à lui ; il laisse penser que les commissaires décident de tout. Or, « Il faut que l'indigent sache bien que c'est le gouvernement qui donne, et que les comités ne sont que les distributeurs, d'après un ordre donné »197. Pour cela, les commissaires doivent être nommés par le ministre, et ne pas

appartenir aux Comités de Bienfaisance, qui formeront désormais leurs demandes auprès du Comité Central. Enfin, « Comme il est absolument essentiel que les nouveaux membres du Comité Central soient entourés de toute la force de l'opinion publique, ils devront être pris dans les classes aisées de la société. »198

196 AN F15 1863. Il fait naturellement référence à Anonyme an VIII, cf. note 176 p.59.

197 Argument que Chaptal reprendra, sans que l'on puisse dire – comme le fait C. Duprat – qu'il est le sien puisqu'il fut formulé par Montlinot avant même qu'il soit chargé du portefeuille de l'Intérieur, le 8 prairial an IX (28 mai 1801) à propos de l'unification avec les secours à domicile :

« En général, le Conseil rapporte tout à lui. Cependant, il est de l'intérêt du gouvernement et de sa politique de ramener à lui-même la reconnaissance des pauvres et de s'attacher par ce sentiment cette portion

considérable de la société. Le Conseil général d'administration ne doit agir et délibérer dans l'exercice des fonctions qui lui sont confiées que sous l'autorité interposée du ministre de l'Intérieur. S'il en pouvait être autrement, le Conseil serait une véritable corporation qui terminerait par enlever insensiblement au gouvernement tout moyen de popularité en appelant sur lui seul la reconnaissance des malheureux. » AN F15

1863, cité par Duprat 1997, p.102. 198 AN F15 1863.

C'est le moment que choisit Frochot, en toute cohérence avec la longue lutte d'influence qui était en train de s'amorcer entre préfecture de la Seine et préfecture de Police199, pour

tenter un coup de force : prendre un arrêté200 transférant à sa préfecture l'ensemble des

services d'assistance (à domicile y compris). Dubois écrit au ministre le 24 pour lui signaler l'arrêté préfectoral et protester contre l'abus de pouvoir qu'il constitue. Trois jours plus tard, une note au ministre (probablement signée Montlinot) résume la situation : depuis l'arrêté du préfet de département du 21, chacun campe sur ses positions, et l'agent comptable des bureaux de bienfaisance ne sait plus à qui rendre compte. Une proposition d'arrêté aux consuls – reprenant le rapport du 29 thermidor – est jointe. Lucien Bonaparte, ministre de l'Intérieur réagit dans un premier temps en indiquant qu'un arrêté des consuls est inutile, qu'il suffit d'écrire aux préfets pour indiquer que le Bureau Central de Bienfaisance exerçant des fonctions « pénibles et gratuites, il devait être investi de toute la confiance du gouvernement », et rendre compte directement au ministre tous les trois mois. Et de signifier dans une lettre à Frochot de ne plus prendre d'arrêtés sans en référer au ministre201. L'idée de

L. Bonaparte semble donc avoir été de maintenir le statu quo ex ante, et de placer l'objet de la discorde sous son contrôle direct.

Frochot fut contraint de faire machine arrière. Ce n'était pas une défaite, mais une retraite tactique : il ne pouvait ignorer le soutien sur le fond dont la mesure bénéficiait dans les services ministériels, pas plus qu'il ne pouvait ignorer l'intérêt que le ministre de l'Intérieur en

199 Lanzac de Laborie 1905, pp.63–68.

200 Arrêté préfectoral du 21 fructidor an VIII (8 septembre 1800), cf. Lanzac de Laborie 1908, p.5, note 3. 201 AN F15 1863.

personne portait à ces questions202.

Aussi il revint à la charge, mais par le truchement du conseil de département (faisant office de conseil municipal), auquel il remit à l'automne un mémoire pour réorganiser l'administration hospitalière dont le seul contenu – très vraisemblablement parcellaire – qui nous soit parvenu se trouve dans Husson 1862, pp.519–525. Il est nécessaire d'y revenir avec quelques détails, parce que c'est dans ce plan que l'on voit pour la première fois s'exprimer les idées du préfet sur la question hospitalière, et que c'est ce rapport qui est crédité – comme nous l'avons déjà mentionné – de la genèse de l'institution qui nous intéresse dans le présent travail.

Dans un premier temps, de façon assez emphatique, Frochot présente les hôpitaux et hospices comme un devoir de la société et un instrument d'ordre public : « la société [y] paie sa dette au malheur, à la vieillesse et à l'infirmité ; la prudence, apaisant le besoin extrême, prévient l'abandon et le désespoir qui peut conduire au crime, et le cœur exercé par tous les sentiments apprend à plaindre l'infortune, à craindre la misère, à chérir la bienfaisance. Du régime des hôpitaux et des hospices dépend donc la sûreté et le repos de la commune »203.

Dans un second temps, il dépeint un portrait relativement apocalyptique de la situation financière, patrimoniale et organisationnelle : des arriérés de dépenses représentant presque le budget annuel, des bâtiments en piteux état, la confusion des maladies et des âges, l'absence d'éducation pour les plus jeunes ou d'ouvrage pour les pensionnaires.

De là la nécessité de réformes profondes : dans la perception des arriérés de revenus

202 Suite à un arrêté qu'il avait pris dès le 18 nivôse an VIII (8 janvier 1800) « tous les duodis à deux heures, les administrateurs des hospices se rend[aient] chez le ministre pour travailler à organiser les hôpitaux de Paris » AN F15 390, cité par Imbert 1954, p.234, note 38, alors que Chaptal dit avoir présidé en personne, au

ministère, les premières séances du CGH : « Le Conseil général tenait une séance par semaine au ministère, sous ma présidence ; je crus cela nécessaire pour éviter les longueurs et les embarras qu'éprouve

constamment une administration naissance [...] » Chaptal 1893, p.63. 203 Husson 1862, p.519.

(essentiellement auprès du ministère de l'Intérieur), dans l'entretien du foncier et la perception des revenus afférents, et dans la gestion des établissements : une division stricte entre hospices, enfants trouvés et hôpitaux, ces derniers devant séparer « les maladies contagieuses de celles dont l'aspect révolte la vue ou inquiète l'imagination ; [réunir] des insensés dans le même lieu ; [établir] un traitement suivi pour la folie »204.

Il distingue ensuite quatre parties dans l'administration des hôpitaux : financière (régie des biens) ; économique (entretien, nourriture et traitement des administrés) ; morale (recherche des moyens de rendre les hôpitaux plus salubres, les hospices moins onéreux et plus utiles, l'éducation et l'instruction des élèves et des orphelins plus avantageuses pour eux-mêmes et pour la patrie) ; active enfin (exécution des mesures et direction du mouvement journalier). De cette analyse découle la principale proposition du préfet :

« Il faut surtout acquérir une force centrale aussi inaltérable dans ses éléments que la faiblesse humaine peut le permettre, autour de laquelle se meuvent tous les corps qui constituent cette grande machine ; qui, avec tous les moyens pour hâter leur action n'en ait aucun pour l'arrêter ; qui, dépositaire de la volonté déterminée, la défende contre toutes les influences ; qui, placée entre l'autorité supérieure qui doit tout décider, et l'autorité inférieure qui doit tout exécuter, voye l'une et l'autre changer d'agents sans que l'ordre et les projets dont elle aura la pensée en soient altérés, et périssent ou par le changement des individus ou par la contradiction des différents systèmes.

Pour obtenir cette force, il faut que le présent prenne conseil du passé. […] Il faut rendre aux hôpitaux ce Bureau paternel et municipal qui, inaccessible à l’intrigue comme à l'intérêt, ait pour garants les lumières, les vertus, la probité, et pour salaire l'estime, la gloire et le bien qu'il aura fait. Il faut […] qu'une régie particulière ait l'administration des biens-fonds et des revenus ; qu'une entreprise générale soit chargée de toutes les fournitures, payements d'employés et entretien des malades et des indigents, et qu'une Commission ait la direction du mouvement journalier et l'exécution de toutes les mesures préparées par le Bureau et ordonnées par l'autorité. »205

On a vu que depuis 1799, en partie à cause des tensions entre la commission et les

204 Husson 1862, p.521. 205 Husson 1862, p.522.

personnels administratifs et médicaux, en partie pour tenter de faire des économies, les hôpitaux étaient passés au régime de l'entreprise. Frochot annonce dès 1800 que la situation est un pis aller, et qu'un retour à la gestion « paternelle » est souhaitable206. Elle n'est en

revanche est pas envisageable dans un avenir proche, en raison notamment des fortes avances à faire, alors que les arriérés de paiement s'accumulent207.

Bref, « Le plan d'organisation des hôpitaux se réduirait donc à quatre établissements : 1° Un grand Bureau gratuit des pauvres ; 2° une Commission administrative ; 3° une Entreprise générale ; 4° une Régie administrative des biens »208, qu'il propose de financer par un

prélèvement de six millions sur les neufs millions annuels de l'octroi, ce qui permettrait un équilibre budgétaire pérenne ainsi que de mettre des fonds en réserve pour réaliser les améliorations nécessaires et « rétablir, dans peu d'années, le régime paternel et domestique de la régie directe »209.

La proximité avec les Réflexions de Frerson210 est manifeste : division des établissements

selon leur population ; séparation de l'administration « patrimoniale », « économique » et « morale » (que Frerson appelle « surveillance intérieure ») ; nécessaire institution intermédiaire entre le Ministère et la Commission existante (que l'un nomme avec prémonition « conseil de surveillance » et l'autre avec nostalgie « Bureau des pauvres »). Frochot est sans nul doute la cheville ouvrière de la création du CGH : parce qu'il était préfet,

206 Point sur lequel nous reviendrons infra section 1.3.1.3.

207 « Les circonstances font donc une nécessité du régime des entreprises, et toutes les raisons d'ordre et d'économie demandent une entreprise générale. » Il va même plus loin : le principal problème de l'entreprise étant l'augmentation de la population secourue (les entrepreneurs étant payés au prix de journée, ils avaient