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Intégrer la dimension temporelle : du coût d’usage à la rentabilité

forte hausse portée par la diffusion du logement individuel en accession

Chapitre 3 les évolutions du coût du logement (1973-2013)

2.3 Intégrer la dimension temporelle : du coût d’usage à la rentabilité

Le coût d’usage répond à la question « Est-il rentable de vendre maintenant mon logement pour louer et placer le capital acquis, au lieu de rester dans mon logement, continuer à rembourser mon prêt, payer les coûts de détention et éventuellement faire une plus-value en fin d’année ? ». Il compare en effet la dépense du propriétaire accédant (𝑟𝐾 + (𝛿 + 𝐸(𝜋))𝑃) à celle de son équivalent devenu locataire (𝐿 − 𝑟’(𝑃 − 𝐾)). Le coût d’usage peut ainsi être vu comme un prix de court terme en ce qu’il ne prend pas en compte la temporalité de l’opération immobilière (absence de la durée d’emprunt 𝑑 et de la durée de détention du logement)95. Or le coût d’usage

d’un propriétaire occupant ne sera pas le même la première année lorsque 100 % du prêt sera encore à rembourser qu’au bout de 30 ans de détention. Bourassa (1995) contourne le problème de l’évolution du coût d’usage au fil du remboursement du bien en calculant un ratio emprunt sur prix total (loan-to-value) actualisé. De même Verbrugge (2008) souligne qu’il faut regarder à plus long terme que juste une année car les horizons de choix sont plus éloignés, tant pour le ménage accédant que pour le propriétaire bailleur, qui sont donc amenés à lisser les évolutions attendues de prix (Sinai et Souleles, 2005).

Le coût d’usage est donc utile pour définir des équilibres de marché, mais prend mal en compte la temporalité du projet d’accession à la propriété (durée du prêt, durée de détention, coûts de transaction). À celui-ci on peut opposer un calcul du coût d’usage sur l’ensemble de la période de détention, qui s’apparente ainsi à un calcul de rentabilité de l’opération. La principale différence entre le coût d’usage et l’indice de rentabilité est la prise en compte des plus-values uniquement en fin de période.

95 Si le taux d’intérêt, l’indice de prix, la valorisation du capital, sont des estimations calculées à très long

Ainsi, à un horizon 𝑡, on peut comparer la rentabilité de la propriété par rapport à la location de la manière suivante : Δ𝑊𝑡 = 𝑃𝑡+ 𝐿 (1 + 𝑟∗)𝑡 − (1 + 𝑖)𝑡 𝑟∗− 𝑖 − 𝐾. 1 − min[1, (1 + 𝑟)𝑡−𝑑] 1 − (1 + 𝑟)−𝑑 − (𝐴 + 𝐹)(1 + 𝑟∗)𝑡 − ( 𝑟𝐾 1 − (1 + 𝑟)−𝑑) . (1 + 𝑟∗)𝑡 − max[1, (1 + 𝑟)𝑡−𝑑] 𝑟∗ − (𝛿𝑃0+ 𝑝𝑃0). (1 + 𝑟∗)𝑡 − (1 + 𝑖)𝑡 𝑟∗− 𝑖

On considère dans cette expression que la dépréciation (𝛿) et les taxes foncières (𝑝) augmentent avec l’inflation, tout comme les loyers (𝐿). De plus, selon la méthode d’imposition des revenus du capital, on a 𝑟∗= (1 − 𝜈)𝑟′ ou 𝑟∗= 𝑟′. Les mensualités ne sont par contre pas soumises à

l’inflation.

La différence de richesse Δ𝑊𝑡 à l’horizon 𝑡 entre la propriété occupante et la location est donc la

différence entre :

Le prix de vente final

+ Les loyers annuels économisés et donc placés sur un actif sans risque – Le capital restant dû (fixé à 0 quand 𝑡 ≥ 𝑑)

– L’apport et les coûts de transaction initiaux, placés

– Les annuités de remboursement économisées annuellement, et placées96

– Les coûts d’entretien et les taxes foncières économisés annuellement, et placés. Pour 𝑡 = 1, on obtient (voir annexe C.2) :

Δ𝑊1= 𝑃1+ 𝐿 − (𝐴 + 𝐹)(1 + 𝑟∗) − (𝛿𝑃0+ 𝑝𝑃0) − (1 + 𝑟)𝐾

En l’absence de coût de transaction (𝐹 = 0) et en notant que 𝑃0= 𝐴 + 𝐾 et 𝑃1− 𝑃0= 𝜋𝑃0 , on

obtient Δ𝑊1= 𝜋𝑃0+ 𝐿 − 𝐴𝑟∗− 𝛿𝑃0+ 𝑝𝑃0− 𝑟𝐾. En posant Δ𝑊1= 0, on retrouve l’égalité entre

le coût d’usage et les loyers.

𝑈𝐶 = 𝑟𝐾 + 𝑟∗𝐴 + 𝛿𝑃

0+ 𝑝𝑃0− 𝜋𝑃0= 𝐿

Timbeau (2013) propose un calcul similaire (avec d = +∞, ce qui implique un emprunt à terme). Il en conclut : « Pour que le levier procure un gain au propriétaire, il est nécessaire d’emprunter moins cher que le rendement perçu du locataire (qui est le coût d’opportunité) pendant un temps suffisamment long et il est nécessaire que le gain en capital soit suffisamment

important ». Magnan et Plateau (2004) font également ces calculs dans le cas français en utilisant des données agrégées.

Cette rentabilité Δ𝑊𝑡 envisagée comme une extension intertemporelle du coût d’usage présente

également des limites théoriques. Nous travaillons sous l’hypothèse que la différence éventuelle entre la mensualité pour accéder et le loyer équivalent est épargnée sur des placements par le locataire et n’est pas utilisée pour des dépenses de consommation. Dans le cas contraire, il est nécessaire de mobiliser des modèles économiques plus complexes impliquant la maximisation d’une utilité intertemporelle et la prise en compte de profils de consommation intertemporels pouvant amener à privilégier le choix d’un statut particulier.

De plus, si ces calculs de rentabilité apparaissent pertinents dans les calculs rétrospectifs, ils sont plus délicats dans un exercice prospectif. Dans ce cas, fixer un horizon de court terme comme dans le cas du coût d’usage est alors nécessaire compte tenu des incertitudes sur les taux (intérêt, actif sans risque, inflation). On notera cependant que, dans le cas français, les loyers sont contrôlés en cours de bail et ne sont donc pas amenés à évoluer au-delà de l’inflation. De même les taux d’intérêt sont très majoritairement fixes au moment du prêt. Ces deux aspects réduisent le nombre de paramètres incertains par rapport au cas étatsunien, favorisant ainsi l’usage de Δ𝑊𝑡. Au moment du choix de statut les inconnues auxquelles est confronté le ménage sont :

l’évolution future des prix de l’immobilier, la durée de son séjour dans le logement, les taux d’intérêt de l’actif sans risque et l’inflation.

Un compromis peut donc être l’utilisation de Δ𝑊𝑡 sur un horizon de relatif court terme, par

exemple 5 ans, afin de bénéficier des avantages de cette approche (prise en compte des coûts de transaction), tout en réduisant les incertitudes sur les évolutions des taux. L’approximation faite par Henderson et Ioannides (1986) prenant en compte dans le coût d’usage un terme de coûts de transaction divisé par la durée de séjour semble correcte pour les séjours de plus de 7 ans. De plus, en divisant Δ𝑊𝑡 par le loyer 𝐿, il est possible d’obtenir un indice 𝐼𝜔𝑡 de rentabilité de l’accession à t ans, permettant de comparer l’évolution du coût de l’accession par rapport à la location : 𝐼𝜔𝑡 = 1 𝜌+ π𝑡 𝜌 + (1 + 𝑟∗)𝑡 − (1 + 𝑖)𝑡 𝑟∗− 𝑖 − 𝜏 𝜌. 1 − min[1, (1 + 𝑟)𝑡−𝑑] 1 − (1 + 𝑟)−𝑑 − 1 𝜌(1 − 𝜏 + 𝑓)(1 + 𝑟 ∗)𝑡 −1 𝜌( 𝑟𝜏 1 − (1 + 𝑟)−𝑑) . (1 + 𝑟∗)𝑡 − max[1, (1 + 𝑟)𝑡−𝑑] 𝑟∗ −1 𝜌(𝛿 + 𝑝). (1 + 𝑟∗)𝑡 − (1 + 𝑖)𝑡 𝑟∗− 𝑖 Pour rappel,

𝜌 le rendement locatif brut initial (L/𝑃0),

𝜏 le taux d’emprunt,

𝑓 les coûts de transaction ramenés au prix d’achat.