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forte hausse portée par la diffusion du logement individuel en accession

Chapitre 3 les évolutions du coût du logement (1973-2013)

2.1 Les indicateurs de dépense

2.1.1 Dépenses et taux d’effort : des indicateurs largement utilisés

Le taux d’effort logement est couramment défini comme le ratio des dépenses de logement sur les revenus du ménage (Poulhès, 2018). Le champ des dépenses de logement peut par contre intégrer de nombreux postes de dépenses autour du service logement. Ainsi le taux d’effort est défini par l’Insee comme le « rapport entre la somme des dépenses liées à l’habitation principale et les revenus des ménages. Les dépenses comprennent pour les propriétaires les remboursements d’emprunt pour l’achat du logement, la taxe foncière et les charges de copropriété. Elles excluent le coût du capital immobilisé et diffèrent donc du coût d’usage du logement. Pour les locataires, elles comprennent les loyers et les charges locatives. Pour tous les ménages, elles incluent la taxe d’habitation, les dépenses en eau et en énergie associées au logement. »77

Ces dépenses sont les dépenses brutes du ménage, les dépenses nettes soustraient les éventuelles aides au logement. Comme nous le verrons plus loin l’Insee prend à ce titre soin de définir différents types de dépenses (appelées charges financières), selon la prise en compte ou non des charges de copropriété, des aides au logement, ou encore des impôts. Quel que soit le choix des

dépenses en brut ou en net, et les postes choisis, il s’agit ici d’une dépense effective, selon le critère de mesurabilité défini précédemment.

La définition de l’Insee vise à prendre en compte l’ensemble des dépenses de logement telles que ressenties par les ménages. Ces dépenses directes, « out-of-pocket », ne prennent pas en compte la différence de nature entre les statuts d’occupation. Pour les ménages accédants, cette définition inclut les mensualités de remboursement de crédit dans leur totalité alors que celles- ci englobent une part d’accumulation de capital. De même, la taxe foncière est prise en compte, alors qu’il s’agit d’une forme d’impôt sur le capital. Ces éléments soulignent la difficulté de définir un coût du logement de façon parfaitement univoque.

Bien que le taux d’effort ne reflète qu’imparfaitement le coût du logement dans le cas des ménages propriétaires, il traduit une contrainte financière réelle pour les ménages. Dans le cas de ménages accédants, un taux d’effort trop élevé augmente ainsi sensiblement le risque de défaut du ménage (Kaza et al., 2016). Par conséquent, l’octroi d’un prêt, et donc l’accession à la propriété, est conditionné à ce que le taux d’effort reste sous un certain seuil défini par la banque ou l’organisme prêteur (Coulombel, 2017). De même dans le secteur locatif, un loyer trop élevé augmente le risque d’impayé, voire empêche l’accès à la location pour un certain nombre de ménages candidats. Le taux d’effort décrit donc des conditions de solvabilité des ménages, le seuil de 30 % définissant souvent le fait de vivre dans un logement abordable (Stone, 2006 ; Taltavull de la Paz et Juárez Tárrega, 2012).

Le taux d’effort est très largement utilisé dans la littérature pour décrire les dépenses associées au logement. Il s’agit en effet de la mesure de dépense la plus naturelle et correspond à des travaux souhaitant décrire les dépenses des ménages telles qu’elles sont effectivement subies et ressenties par ceux-ci (Accardo et Bugeja, 2009), sans s’intéresser au lien entre ces dernières et le service logement à proprement parler. Ce parti-pris est commun à de nombreuses travaux étudiant les coûts du logement en France, basées très principalement sur les enquêtes Logement, et dans une moindre mesure les enquêtes Budgets des Familles (Briant et Rougerie, 2008 ; Accardo et Bugeja, 2009 ; Briant, 2010b ; Pirus, 2011 ; Arnault et Crusson, 2012 ; Accardo et Kranklader, 2013).

Dans un premier temps nous définirons les dépenses de logement dans leur version la plus simple, c’est-à-dire les mensualités dans le cas des accédants et les loyers dans le cas des locataires, omettant ainsi charges et impôts. Dans le cas de l’accession à la propriété, le taux d’effort d’un ménage sera donc défini comme le rapport des mensualités de remboursement sur le revenu du ménage :

𝜇 =𝑀 𝑌

Dans le cas d’un ménage locataire, il s’agira du loyer (non chargé) divisé par le revenu : 𝜇 =𝐿

𝑌 2.1.2 Un indicateur associé : l’indice de taux d’effort

Le taux d’effort permet de mesurer le niveau des dépenses des ménages liées au logement. Dans le cas d’accession à la propriété, ces dépenses vont néanmoins varier selon les conditions de financement obtenues et le taux d’apport de chaque ménage. Afin de pallier cette difficulté, il est possible de définir un indice qui reprendra les caractéristiques du taux d’effort et s’intéressera à cette dimension de solvabilité, tout en standardisant les conditions de financement.

Un ménage doté d’un revenu 𝑌 achetant une quantité de logement 𝑄 au prix 𝑃 = 𝐼𝑝𝑄 aura des

mensualités 𝑀 d’autant plus élevées que l’indice des prix du logement 𝐼𝑝 est élevé. Le taux

d’effort 𝜇 = 𝑀/𝑌 est alors un indicateur de solvabilité du ménage, reflétant sa capacité à accéder à la propriété selon les évolutions des conditions de marché. À partir de cette définition simple, il est possible de définir notre indice de taux d’effort, qui représente la capacité d’un ménage à acheter un logement donné à conditions de marché et de financement également données. Il s’agit d’un taux d’effort théorique sous l’hypothèse que l’achat du logement aurait été entièrement financé par l’emprunt. Il permet de répondre à la question suivante : « Quel pourcentage de mon revenu devrai-je dédier au remboursement de mon logement si celui-ci est entièrement financé par l’emprunt ? ».

La relation entre annuité, capital emprunté et conditions de crédit (durée et taux d’intérêt d’emprunt) est donnée par l’équation suivante (Devolder et al., 2015) :

𝑀 = 𝑟

1 − (1 + 𝑟)−𝑑𝐾,

où 𝑀 représente les annuités de remboursement, 𝑟 le taux d’intérêt du prêt, 𝑑 la durée d’emprunt, et 𝐾 le capital emprunté. En notant que 𝐾 = 𝜏𝑃 , avec 𝜏 le taux d’emprunt, on obtient :

𝜇 = 𝑟

1 − (1 + 𝑟)−𝑑

𝜏𝑃 𝑌.

En notant que 𝑃 = 𝐼𝑃𝑄, on définit l’indice de taux d’effort comme le taux d’effort par unité de

service logement, sous l’hypothèse d’un achat entièrement financé par l’emprunt (𝜏 = 1): 𝐼𝜇 =

𝑟 1 − (1 + 𝑟)−𝑑

𝐼𝑝

Les revenus du ménage Y, le taux d’intérêt r et la durée d’emprunt d sont pris à leur valeur médiane, afin de représenter des conditions typiques d’accès à la propriété. L’indice de taux d’effort représente donc le taux d’effort par unité de service logement, en faisant l’hypothèse d’une absence d’apport78.

On remarque que l’indice du taux d’effort peut également s’écrire comme le ratio entre 𝐼𝑝/𝑌, le

nombre d’années de revenu que représente l’achat d’une unité de logement, et 𝐾/𝑀, le « capital empruntable à mensualités fixes ». L’indice 𝐾/𝑀 , défini uniquement par les conditions d’emprunt 𝑟 et 𝑑 , permet donc de moduler les effets du Price-to-Income Ratio 𝐼𝑝/𝑌 (ici

normalisé pour une unité de logement) sur la solvabilité des ménages.

L’indice de taux d’effort, qui permet donc de représenter les évolutions de la capacité d’accession des ménages en fonction des variations du prix du logement et des conditions de financement, est assez répandu dans la littérature sur l’accessibilité de la propriété occupante. Il est par contre plus souvent écrit sous la forme d’un indicateur de solvabilité sous la forme 1/𝐼𝜇, mesurant les

variations de capital empruntable à taux d’effort donné.79 Quigley et Raphael (2004) décrivent

ainsi les différents dispositifs de mesures d’accessibilité des grandes agences américaines comme autant de variantes répondant à la question du pourcentage du logement médian accessible à partir d’une mensualité de remboursement fixée à un pourcentage du revenu médian (souvent 25 % )80. En France cet indicateur a été utilisé récemment dans des travaux de l’Insee (Arnold et

Boussard, 2017) sous une forme similaire81. Le CSA-Crédit Logement produit un indicateur de

solvabilité de la demande, qui semble en tout point similaire82.

78 𝑌 est le revenu médian des ménages afin de prendre en compte la solvabilisation induite par les gains

de richesse. Q est donc un facteur représentant une quantité de logement fixée dans le temps. L’hypothèse implicite est ici soit que les prix des logements varient uniformément pour tous les types de logements ; soit que l’on s’intéresse aux évolutions de prix d’un logement moyen représentatif du parc de logements (par exemple un appartement de 60 m² situé en centre-ville). Iμ dépend donc uniquement des conditions

générales de financement (r et d), ainsi que du niveau des prix Ip et du revenu médian Y.

79 𝑢/𝐼

𝜇𝑄 représente la fraction du prix d’un logement 𝑄 empruntable à taux d’effort 𝑢 donné.

80 Notamment l’indice “Housing Affordability Index” de la National Association of Realtors, et celui de la

National Association of Home Builders : respectivement 0,25

𝐼𝜇𝑄𝑚é𝑑𝑖𝑎𝑛 et

0,28 𝐼𝜇𝑄𝑚é𝑑𝑖𝑎𝑛. 81 Arnold et Boussard (2017) construisent 𝐶 =1−(1+𝑟)−𝑑

𝑟 𝑢𝑌

𝑃 avec 𝑢 un taux d’effort à paramétrer pour fixer

C à 100 en 1975.

82 « L’indicateur de solvabilité de la demande rapporte le coût mensuel des emprunts au revenu des

emprunteurs. […]C’est un indicateur de la capacité à emprunter des ménages. C’est l’inverse d'un taux d'effort théorique mesuré pour les emprunteurs intervenant sur un marché (par exemple neuf, ou accession à la propriété). » Source : https://www.lobservatoirecreditlogement.fr/ (consulté en novembre 2019).

L’indice de taux d’effort et ses dérivés présentés dans cette sous-section sont des indicateurs ex ante. Ce sont des indices au sens propre, uniques pour l’ensemble des ménages, et indépendants des choix réellement effectués en termes de financements, prix et taux d’effort. Ils visent à définir les conditions de marché pour les ménages potentiellement primo-accédants. Or il est impossible de connaître les choix des ménages ayant renoncé à l’accession (Arnold et Boussard, 2017) : l’utilisation de médianes (ou moyennes) de taux d’intérêt, durées d’emprunt et de revenus s’en trouve donc justifiée.