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forte hausse portée par la diffusion du logement individuel en accession

Chapitre 3 les évolutions du coût du logement (1973-2013)

4.1 Évolutions du coût du logement depuis

Les trois indicateurs de coût de l’accession sont tous influencés par l’indice de prix, les taux d’intérêt et les durées d’emprunt. Nous décrivons dans un premier temps les évolutions de ces trois paramètres majeurs, ainsi que les indices de loyers.

4.1.1 Contexte : indices de prix et conditions de financement

Les prix du logement ont fortement augmenté en France depuis la fin des années 1990, et ce particulièrement en région parisienne (Figure 3.1). On retrouve la bulle immobilière qu’a connue la région parisienne durant la première moitié des années 1990.

Dans le même temps, l’indice de « prix des loyers » du secteur locatif privé augmente également fortement et de manière continue depuis 1980 en termes réels. Ainsi l’indice des loyers franciliens progresse de 27 % entre 1990 et 2013. Les deux indices – France et Île-de-France – progressent à un rythme comparable (les différences de niveaux n’étant pas ici retranscrites). Figure 3.1 - Indices de prix et des loyers en France métro. et en Île-de-France

Base 1=2013

Source : Indices Insee-Notaires, Indices Clameur (corrigés de l’inflation) et enquêtes Logement 1973-2013, Insee ; calculs et réalisation de l’auteur

Les taux d’intérêt immobiliers nominaux ont quant à eux fortement baissé, et ce de façon continue depuis la fin des périodes de forte inflation au milieu des années 1980 (Figure 3.2). À inflation presque comparable, ils décroissent de 11,1 % en 1991 à 3,8 % vingt ans plus tard en 2011.

Figure 3.2 - Taux d’intérêt et inflation

Source : Banque de France et Wilhelm (2005) ; réalisation de l’auteur

La baisse des taux d’intérêt a permis de solvabiliser les ménages accédants en jouant à la fois sur les niveaux de mensualités, et surtout sur les durées d’emprunt. Celles-ci augmentent de manière historique à partir de la fin des années 1990, jusqu’à atteindre une moyenne de 20,5 années en 2011 (Figure 3.3). Les durées d’emprunt sont fortement liées aux niveaux des taux d’intérêt car c’est seulement lorsque les taux sont bas qu’il devient possible d’emprunter sur une longue période. Logiquement les durées d’emprunt ont donc augmenté fortement sur la période récente pour faire face à la hausse des prix et profiter de la baisse des taux d’intérêt, les banques autorisant au fur et à mesure des prêts de plus en plus longs.

Figure 3.3 - Durées d’emprunt des accédants à la propriété, France métropolitaine

Note : Données recalculées par pondération des différents prêts et corrigées pour les années d’enquête de l’enquête Logement109, avec imputations sur les années 1974, 1978, 1997, 2007 et 2008.

Champ : accédants récents à la propriété

Source : enquêtes Logement 1973-2013, Insee ; calculs et réalisation de l’auteur.

109 Nous avons recréé une durée synthétique d’emprunt pour chaque ménage accédant, en pondérant les

4.1.2 Indice de taux d’effort

En Île-de-France et en France métropolitaine, l’indice de taux d’effort 𝐼𝜇 évolue à la hausse entre

2000 et 2008 après avoir fortement baissé entre 1991 et 1999 (Figure 3.4). Il est relativement stable pour les ménages accédants de l’enquête Logement 2013 (2009-2013). Sur la longue période l’indice de taux d’effort fluctue mais baisse légèrement. Cette baisse est portée en partie par la hausse du pouvoir d’achat (+42 % entre 1970 et 2013).

Figure 3.4 – Indices de taux d’effort des propriétaires récents (en € 2013).

Base 1=2013.

Source : enquêtes Logement 1973-2013, Insee ; calculs et réalisation de l’auteur

Comme vu précédemment (2.1.2), il est possible de décomposer notre indicateur en séparant le capital empruntable à mensualité donnée (𝐾 𝑀⁄ ) du niveau des prix ramené au revenu des ménages (𝐼𝑃⁄ ). Le capital empruntable représente en moyenne 15 années de remboursement 𝑌

en 2013, contre 9 en 1996 et environ 7 sur le long terme (Figure 3.5). En comparaison, les prix à l’achat des nouveaux propriétaires augmentent bien plus fortement durant les années 2000. On observe donc bien le rôle solvabilisateur de l’amélioration des conditions de financement, qui a permis de modérer l’effet de la hausse du price-to-income ratio à partir des années 2000 en augmentant le capital empruntable.

différences sont cependant très faibles par rapport à la prise en compte uniquement du prêt principal. De plus une correction est appliquée pour les années de passation de l’enquête Logement car les enquêtés déclarant un achat l’effectuent en majorité en début d’année, c’est-à-dire au moment de l’enquête. Les durées d’emprunt étant calculées comme la différence entre la date d’emprunt et l’année d’échance du

Figure 3.5 - Capital empruntable à annuité donnée (𝐾/𝑀) et indice des prix d’achat ramené aux revenus (𝐼𝑝/𝑌).

Lecture : L’indice de taux d’effort est le ratio des deux composantes (𝑀𝐼𝑝/𝐾𝑌). Ainsi lorsque les courbes se croisent en 1995, 2004 et 2013 pour la France métro., l’indice de taux d’effort présente la même valeur (ici fixée à 1 car 𝐼𝑝/𝑌 est par convention à égalité avec 𝐾/𝑀 en 2013). La valeur de la courbe 𝐾/𝑀 indique par ailleurs le capital empruntable en années de remboursement.

Source : enquêtes Logement 1973-2013, Insee ; calculs et réalisation de l’auteur

Afin de confirmer la robustesse de nos résultats, nous comparons notre indice de taux d’effort aux indicateurs de solvabilité établis par Arnold et Boussard (2017) et Lalliard (2017), ainsi que l’indicateur du CSA-Crédit Logement (Figure C.8). Notre indice de taux d’effort présente des évolutions comparables aux deux premiers indicateurs. L’indicateur du CSA-Crédit Logement présente quant à lui des variations bien plus faibles, qu’il n’a pas été possible d’expliquer.

4.1.3 Indices de coût d’usage

Coût d’usage sans gain de capital

Le coût d’usage sans prise en compte des gains de capital présente un profil similaire à celui de l’indice de taux d’effort (Figure 3.6). Si le coût d’usage atteint un minimum historique en 1999, il remonte ensuite plus fortement que pour l’indice de taux d’effort, l’effet de la croissance du revenu n’étant pris en compte. Dans le cas francilien, après avoir été divisé par deux (-54 % ) entre 1991 et 1999, il double entre 1999 et 2008 (+112 % ) pour retrouver un niveau similaire à 1991. Le même phénomène s’observe en France métropolitaine, avec des variations de -45 % et de +108 % sur les mêmes intervalles de temps. Dans le cas francilien comme français, cette hausse des années 2000 est comparable à celle de l’indice des prix car la composante « taux d’intérêt » (𝑢𝑐) de l’indice de coût d’usage est relativement stable sur cette période (+8 % ). La baisse modérée de cette dernière à partir de 2008 (-19 % ) permet à l’indice de coût d’usage de décroître

légèrement tandis que l’indice des prix reste élevé. La forte baisse du coût d’usage entre 1991 et 1999 résulte quant à elle de la conjonction d’une période de prix stables (voire en baisse en Île- de-France) et d’une période de forte baisse de la composante 𝑢𝑐, qui décroît de 45 %.

De manière générale, l’indice de coût d’usage connaît des variations similaires aux deux échelles, nationale et francilienne, avec une plus forte fluctuation au niveau national au début des années 1980. Cette différence s’explique avant tout par la hausse plus élevée des prix franciliens depuis les années 1980 : la hausse de la fin des années 1980 compense la baisse forte des taux d'intérêt sur la période (fin de la forte inflation) et ralentit donc la baisse du coût d'usage, ce qui n’a pas lieu dans le cas national.

Figure 3.6 – Indice de coût d’usage sans gain de capital (𝜋 = 0)

Base 2013=1, indice calculé en termes réels (€ 2013). Champ : accédants récents

Source : enquêtes Logement 1973-2013, Insee ; calculs et réalisation de l’auteur

Contrairement à l’indice de taux d’effort, l’indice de coût d’usage peut être comparé à celui des loyers, permettant d’étudier les évolutions relatives du coût de chaque statut d’occupation. Nous ne sommes pas en mesure avec les données dont nous disposons de calculer si, dans l’absolu, l’accession à la propriété est plus coûteuse que la location, mais nous nous intéressons plutôt à la dynamique historique de chacun des deux indices par rapport à la situation de 2013, choisie comme référence (Figure 3.7). Alors que l’accession à la propriété s’est fortement renchérie surtout à partir de 1999, l’indice des loyers augmente constamment depuis 1970, à un rythme relativement stable depuis la fin des années 1980. Au regard de la situation en 2013, la propriété occupante s’est avérée moins coûteuse entre 1997 et 2005 en Île-de-France (et entre 1996 et 2006 en France). En période de taux d’intérêt élevés, c’est-à-dire avant 1991, elle s’est avérée au contraire bien plus coûteuse que la location au regard des conditions de 2013.

Figure 3.7 – Comparaison des indices de prix entre statuts d’occupation.

Base 2013=1.

Source : enquêtes Logement 1973-2013, Insee ; calculs et réalisation de l’auteur

Coût d’usage avec gain de capital

L’intégration des gains de capitaux permet d’arriver à une définition du coût d’usage plus proche de la définition économique. Malgré l’utilisation d’un lissage des évolutions observées à + et – 4 ans, l’intégration de l’anticipation sur les prix 𝜋 entraîne une volatilité conséquente des coûts d’usage, reflet de celle des prix (Figure 3.8 pour l’Île-de-France, Figure C.9 pour la France). Si l’on s’intéresse aux évolutions de l’indice francilien de coût d’usage avec les prix réellement observés par la suite (𝐼𝑢𝑐𝜋), on remarque qu’il descend fortement avec la hausse à venir des prix

au point d’être négatif entre 2000 et 2004 : les propriétaires accédants sont alors virtuellement payés pour occuper leur logement. Il remonte ensuite tout aussi fortement lors de la stabilisation des prix pour atteindre en 2007 son plus haut niveau depuis 1995, avant de redescendre à nouveau. Le coût d’usage « anticipé » (𝐼𝑢𝑐𝜋̂ ) francilien présente un profil similaire, avec des

fluctuations plus fortes. Il devient fortement négatif entre 2005 et 2009 avant de remonter également. Les mêmes phénomènes s’observent dans le cas français, pour lequel l’impact des gains de capitaux s’observe surtout à partir de la fin des années 1990.

Figure 3.8 – Indices de coûts d’usage avec intégration des gains de capital (Île-de-France)

Source : enquêtes Logement 1973-2013, Insee ; calculs et réalisation de l’auteur

Globalement, en période de prix élevés et de taux bas, les coûts d’usage avec anticipation sont particulièrement volatiles, la moindre fluctuation sur les prix les impactant fortement. Pris en tant qu’indicateur de prix, le coût d’usage ne devrait pas intégrer les gains de capitaux (Diaz et Luengo-Prado, 2008) ; nos résultats semblent le confirmer.

4.1.4 La rentabilité ex post confirme le coût d’usage

Nous comparons notre calcul de la rentabilité brute (Δ𝑊) avec celui de Timbeau (2013) dans le cas de la France métropolitaine. Timbeau arrivait à la conclusion que les propriétaires accédants ont fait une opération financière rentable en revendant leur bien 5 ans après l’achat entre 1996 et 2004. Nos calculs, effectués sur des séries temporelles plus précises, et ajustés à ceux de Timbeau, produisent des résultats très proches (Figure 3.9). Les courbes obtenues sont également très proches (en inversé) de celles du coût d’usage avec gains de capitaux calculés ex post pour la France métropolitaine, confirmant la proximité des deux méthodes.

Figure 3.9 – Capital comparé des propriétaires et locataires après 5 ans (France métropolitaine)

Note : Nous égalisons notre courbe avec celle de Timbeau, fixée arbitrairement à -1 pour l’année 1980.

Source : Timbeau (2013) et enquêtes Logement 1973-2013, Insee ; calculs sur les enquêtes Logement et réalisation de l’auteur

L’indice 𝐼𝜔5 de rentabilité à 5 ans de l’accession par rapport à la location confirme les observations précédentes pour les décennies les plus récentes. Les niveaux particulièrement bas de notre indice pour la période 1978-1983 peuvent être expliqués par une période de prix stables, de taux d’intérêt élevés et de loyers faibles, ce qui rendait alors la propriété très peu rentable sur le court terme.110

110 De plus notre méthode de calcul ad hoc des rendements locatifs basée sur une calibration à 2013 et un

Figure 3.10 - Indice 𝐼𝜔5 de rentabilité de l’accession à 5 ans par rapport à la location

Lecture : 2009=-1.Lorsque l’indice dépasse 0, la propriété devient plus rentable que la location a un horizon de 5 ans, les frais de transaction étant déjà amortis.

Source : enquêtes Logement 1973-2013, Insee ; calculs et réalisation de l’auteur 4.1.5 Le coût d’usage comme dépense implicite

Sur les trois valeurs étudiées précédemment, le coût d’usage et la rentabilité peuvent être abordés sous l’angle de leurs équivalents en dépenses implicites. Ces valeurs peuvent être individualisées pour calculer une dépense implicite (et donc un « prix ») propre à chaque ménage. Nous calculons ce prix individualisé dans le cas du coût d’usage.

Les paramètres propres à chaque ménage, et donc susceptibles de peser sur la variance, sont le taux d’emprunt (𝜏𝑖) et le taux d’intérêt d’emprunt (𝑟𝑖)111. Nous calculons les coûts d’usage sur la

période restreinte 1989-2013 afin de disposer des taux d’intérêt déclarés par les ménages.

Sur la période 1989-2013, on constate quelques écarts entre l’indice de coût d’usage et la médiane du coût d’usage individualisé (Figure 3.11). Dans la période de fort taux d’intérêt d’avant 1995, la médiane des coûts d’usage individuels est située à un niveau inférieur à l’indice. L’explication tient en grande partie au fait que les taux d’intérêt réellement souscrits par les ménages enquêtés sont plus bas que les taux d’intérêt immobiliers officiels retenus dans notre étude : alors que les taux institutionnels culminent à 11 % en 1991, ceux calculés pour les ménages de l’enquête Logement ne dépassent jamais 9 % (Figure C.4 en annexe C.4.3), du fait de la forte part des prêts aidés au cours des années 1980 et du début des années 1990. En effet la réforme de 1977 introduit

111 En théorie nous pourrions ajouter de manière individualisée le taux d’imposition (𝜈

𝑖) et les taxes (𝑝𝑖)

les Prêts aidés à l’accession à la propriété (PAP) et les Prêts conventionnés (PC) qui permettent de réduire les taux d’intérêt pour de très nombreux accédants (Arnold et Boussard, 2017). En 2013, il y avait plus de 17 % d’écart entre le coût d’usage consenti par le premier et le quatrième quartile des accédants récents, principalement dû aux différences de taux d’intérêt. À titre de comparaison, la médiane du coût d’usage individualisé varie de 40 % du coût d’usage médian 2013 (0,68 à 1,08) entre 1998 et 2006 : l’intervalle interquartile, captant la variabilité interne à la population à année donnée, apparaît ainsi élevé au regard des fluctuations observées du coût d’usage.

Figure 3.11 – Distribution des coûts d’usage sans gain de capital (France métropolitaine)

Source : enquêtes Logement 1992-2013, Insee ; calculs et réalisation de l’auteur

On remarque que le taux d’apport a une influence plus importante sur la variabilité individuelle que les taux d’intérêt (Tableau 3.4). Cette variabilité est due en partie aux taux d’intérêt assez faibles de l’actif sans risque (ici le livret A), qui induisent une forte sensibilité aux taux d’apport. Cependant la variabilité engendrée par les taux d’intérêt demeure importante : à niveau d’apport constant, prendre en compte le taux d’intérêt réellement contracté par le ménage pour son prêt immobilier introduit un coefficient de variation intra-annuel moyen de 12,8 %. In fine, alors que le coefficient de variation inter-annuel de l’indice de coût d’usage est de 17,9 % sur la période 1989-2013, le coefficient de variation moyen intra-annuel lorsque l’on prend en compte le caractère individuel des taux d’intérêt et des taux d’apport est plus élevé : 21,5 %. Il y a donc autant de variabilité de l’indice au cours du temps qu’au sein des acquéreurs d’une année donnée, pourtant soumis à des conditions de financement a priori stables.

Tableau 3.4 – Influence de l’individualisation des paramètres sur la variabilité intra-annuelle des coûts d’usage Coefficient de variation intra-annuel moyen (1989-2013) 𝐼𝑢𝑐 0 𝑢𝑐𝑖. 𝐼𝑝 avec 𝜏𝑖 18,5 % 𝑢𝑐𝑖. 𝐼𝑝 avec 𝑟𝑖 12,8 % 𝑢𝑐𝑖. 𝐼𝑝 21,5 %

Champ : accédants récents à la propriété, France métropolitaine Source : enquêtes Logement 1973-2013, Insee ; calculs de l’auteur