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L'INSTITUTION EN NEGATION

Alors mêmequeletermed'institutionsemblait,commeon l'avu,condamnéparla sociologie classique, le courantditdela psychothérapie institutionnelle (mêmesi le termeen estcontestéparcertainsdesesfondateursselonArdoinoetLourauquiaffir¬

ment : « Pourdeux des principauxfondateurs, l'appellation "institutionnelle" n'est pasdumeilleuraloi. L'entreprisecommençantauseuildesannées40 seréfèreà :

-un courantpréexistant, ledésaliénisme;

-

unevariété de recherche-adion centrée sur l'établissement » (13) introduitsur le devantde la scène la problématique de l'institution demanière spécifique. Dans son ambiguïtémême, puisqueleterme est employéà la fois au sens d'établissementsoignerl'institution desoins » selon la formule de Daumezon) et en tant que pratique alternative à la psychiatrie indivi¬

duelle traditionnelle, c'est la construction moderne de la notiond'institution qui est miseenquestion.ArdoinoefLourau,entant qu'institutionnalistes,prennentd'ailleurs clairement position : « L'expériencede Saint-Alban

[...]

vise non plusla dimension globale de l'institution psychiatrique, mais son assise locale qu'est l'établissement, abusivement nommé parDaumezon "institution". »(14)

Iln'enrestepasmoinsque dansunpremiermoment,l'analyse del'institutionsepré¬

sente bien comme unecritiquedesinstitutions, considéréescommebureaucratiques etaliénantesen tant quetelles. Eton aperçoit clairementcetteorientation dans les premierstextesdugroupeparisien dumouvementFreinet(avecOury, Fonvielle,etc.) quideviendralemouvement delaPédagogie institutionnelle,voire danslespremiers ouvrages de G. Lapassade.

Ainsi, contrairement à une croyance courante, l'analyse institutionnelle n'a rien à voiravec lasociologiedesorganisationsetseposetrèsviteen polémiqueavecles

12 - Duru-BellatM. etHenriof-van ZantenA., Sociologiede l'école,Armand Colin, 1992, p. 15.

13 - ArdoinoJ.etLourauR.,op. cit.,p. 10.

14 - Id., ibid., p.1 1 .

RECHERCHEetFORMATION 23 - 1996

155 Autourdesmots

ouvrageconsacréà la sociologie de l'école,«ladémocratisation del'institutionsco¬

laire»!^).

Maiscesontlescourantscentrésspécifiquementsurla notionmêmed'institution qui enontdéveloppé lesensdans desperspedivesd'oùleterme sorttotalementrenou¬

velé. La polémique se centre alors sur le sens que les différents auteurs donnent aujourd'hui à la notion, hors de référence communeà l'étymologie, maisen pro¬

duisant aucontrairedestypesd'analysesliéesauxdifférentes conceptionsduterme mêmed'institution.

L'INSTITUTION

EN

NEGATION

Alors mêmequeletermed'institutionsemblait,commeon l'avu,condamnéparla sociologie classique, le courantditdela psychothérapie institutionnelle (mêmesi le termeen estcontestéparcertainsdesesfondateursselonArdoinoetLourauquiaffir¬

ment : « Pourdeux des principauxfondateurs, l'appellation "institutionnelle" n'est pasdumeilleuraloi. L'entreprisecommençantauseuildesannées40 seréfèreà :

-un courantpréexistant, ledésaliénisme;

-

unevariété de recherche-adion centrée sur l'établissement » (13) introduitsur le devantde la scène la problématique de l'institution demanière spécifique. Dans son ambiguïtémême, puisqueleterme est employéà la fois au sens d'établissementsoignerl'institution desoins » selon la formule de Daumezon) et en tant que pratique alternative à la psychiatrie indivi¬

duelle traditionnelle, c'est la construction moderne de la notiond'institution qui est miseenquestion.ArdoinoefLourau,entant qu'institutionnalistes,prennentd'ailleurs clairement position : « L'expériencede Saint-Alban

[...]

vise non plusla dimension globale de l'institution psychiatrique, mais son assise locale qu'est l'établissement, abusivement nommé parDaumezon "institution". »(14)

Iln'enrestepasmoinsque dansunpremiermoment,l'analyse del'institutionsepré¬

sente bien comme unecritiquedesinstitutions, considéréescommebureaucratiques etaliénantesen tant quetelles. Eton aperçoit clairementcetteorientation dans les premierstextesdugroupeparisien dumouvementFreinet(avecOury, Fonvielle,etc.) quideviendralemouvement delaPédagogie institutionnelle,voire danslespremiers ouvrages de G. Lapassade.

Ainsi, contrairement à une croyance courante, l'analyse institutionnelle n'a rien à voiravec lasociologiedesorganisationsetseposetrèsviteen polémiqueavecles

12 - Duru-BellatM. etHenriof-van ZantenA., Sociologiede l'école,Armand Colin, 1992, p. 15.

13 - ArdoinoJ.etLourauR.,op. cit.,p. 10.

14 - Id., ibid., p.1 1 .

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idées de Crozier, puis de Touraine. L'établissement, entant que réalité matérielle et mêmeentantque structured'organisation,n'intéresseguèrelesinstifufionnalistes, du moinsjusqu'à une époquerécente. Par exemple,lorsd'un importantcolloqueconsa¬

créà l'établissement quis'esttenu àlaSorbonneen 1989sousl'égidede l'AECSE, très peudecommunicationsseréclamaient del'analyse institutionnelle, alors quele GrandLecteurétait précisément MichelCrozier.

La seuletendancequi seréclame à la foisde l'analysedesinstitutions efdesorga¬

nisationsestlegroupedeGérardMendel, quise nomme«sociopsychanalyse », et qui demeure à

la

marge du mouvement institutionnaliste. PourGérard Mendel, la notiond'institutionsepositionne clairement:«Disonstoutd'abordquelemotd'Ins¬

titution, nous l'entendons, pour notre part,au sens d'établissement ou d'organisa¬

tion : un lycée, un dispensaire, un centrede formateurs, un syndicat, une entre¬

prise... » (15) Dans cette perspective, l'institution est d'abord un lieu ou plus exactementun niveaupertinentd'analyseduchamp social,un lieupourétudierles phénomènesdepouvoir.Encherchant àdéfinirleplusprécisémentpossibleleniveau de pertinence structurelle de lanotion d'institution, G. Mendelen arriveraàcentrer sesanalysessurcequ'ilrepère commedesgroupes homogènes auseindel'institu¬

tion,qu'il nommerades«classesinstitutionnelles »: « Notreperspectiveconsisteà définirl'Institution parle fait qu'elle fabrique un acte socialglobal : des diplômes (établissementscolaire) oudeschaussures (usine), desmaladesguéris(hôpital) ou la conquêtedupouvoird'État (parti politique).[...] Lesclasses institutionnellessedéfi¬

nissentdeparladivisiondutravailcommeétant desgroupes detravailleursconcou¬

rant aux divers fragments décomposablesdecetacteglobal. [...]Ainsi, l'unité de la classe institutionnelle lui est donnée de par la division du travail, mais au sein de l'ensemble plus large qu'est l'Institution fabricatrice de l'acte professionnel global. >UJ6)

Bien évidemment,cetteconception calquéesurla lutte desclassesau sensmarxiste nepouvait satisfaireles institutionnalistesclassiquespourquil'institution supposeun dépassementcritiquede la simple logiquedela forme sociale. Aussi la condamna¬

tionenfutradicale. PourR.HessetA.Savoye,G. Mendel« n'intègre pas la notion de "transversalité".

[...]

De là, la sous-estimation des phénomènes de groupes et d'institutions chez les sociopsychanalystes. [...] La sociopsychanalyse apparaît commefonctionnalisfe, non historiqueef nondialedique. »(17) Dansla perspective mendélienne, l'assimilation de l'institutionnel au politique (au sens à la fois de conscientefdecollectif) entraîne une conceptiondel'institution comme lieu denégo¬

ciationentrelesdifférentesclassesinstitutionnelles.C'est ainsiquedeux membres du

15 - G. Mendel, « La sociopsychanalyse institutionnelle », in L'intervention institutionnelle, ouvrage collectifcoordonnéparJ. Beillerot,Payot,Paris, 1980, p.238.

16 - Id., ibid.,p.292.

17 - HessR.etSavoyeA.,op. cit.,p.64.

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idées de Crozier, puis de Touraine. L'établissement, entant que réalité matérielle et mêmeentantque structured'organisation,n'intéresseguèrelesinstifufionnalistes, du moinsjusqu'à une époquerécente. Par exemple,lorsd'un importantcolloqueconsa¬

créà l'établissement quis'esttenu àlaSorbonneen 1989sousl'égidede l'AECSE, très peudecommunicationsseréclamaient del'analyse institutionnelle, alors quele GrandLecteurétait précisément MichelCrozier.

La seuletendancequi seréclame à la foisde l'analysedesinstitutions efdesorga¬

nisationsestlegroupedeGérardMendel, quise nomme«sociopsychanalyse », et qui demeure à

la

marge du mouvement institutionnaliste. PourGérard Mendel, la notiond'institutionsepositionne clairement:«Disonstoutd'abordquelemotd'Ins¬

titution, nous l'entendons, pour notre part,au sens d'établissement ou d'organisa¬

tion : un lycée, un dispensaire, un centrede formateurs, un syndicat, une entre¬

prise... » (15) Dans cette perspective, l'institution est d'abord un lieu ou plus exactementun niveaupertinentd'analyseduchamp social,un lieupourétudierles phénomènesdepouvoir.Encherchant àdéfinirleplusprécisémentpossibleleniveau de pertinence structurelle de lanotion d'institution, G. Mendelen arriveraàcentrer sesanalysessurcequ'ilrepère commedesgroupes homogènes auseindel'institu¬

tion,qu'il nommerades«classesinstitutionnelles »: « Notreperspectiveconsisteà définirl'Institution parle fait qu'elle fabrique un acte socialglobal : des diplômes (établissementscolaire) oudeschaussures (usine), desmaladesguéris(hôpital) ou la conquêtedupouvoird'État (parti politique).[...] Lesclasses institutionnellessedéfi¬

nissentdeparladivisiondutravailcommeétant desgroupes detravailleursconcou¬

rant aux divers fragments décomposablesdecetacteglobal. [...]Ainsi, l'unité de la classe institutionnelle lui est donnée de par la division du travail, mais au sein de l'ensemble plus large qu'est l'Institution fabricatrice de l'acte professionnel global. >UJ6)

Bien évidemment,cetteconception calquéesurla lutte desclassesau sensmarxiste nepouvait satisfaireles institutionnalistesclassiquespourquil'institution supposeun dépassementcritiquede la simple logiquedela forme sociale. Aussi la condamna¬

tionenfutradicale. PourR.HessetA.Savoye,G. Mendel« n'intègre pas la notion de "transversalité".

[...]

De là, la sous-estimation des phénomènes de groupes et d'institutions chez les sociopsychanalystes. [...] La sociopsychanalyse apparaît commefonctionnalisfe, non historiqueef nondialedique. »(17) Dansla perspective mendélienne, l'assimilation de l'institutionnel au politique (au sens à la fois de conscientefdecollectif) entraîne une conceptiondel'institution comme lieu denégo¬

ciationentrelesdifférentesclassesinstitutionnelles.C'est ainsiquedeux membres du

15 - G. Mendel, « La sociopsychanalyse institutionnelle », in L'intervention institutionnelle, ouvrage collectifcoordonnéparJ. Beillerot,Payot,Paris, 1980, p.238.

16 - Id., ibid.,p.292.

17 - HessR.etSavoyeA.,op. cit.,p.64.

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groupede sociopsychanalyseontélaboréuneméthoded'intervention dansles col¬

lègesdontlebutestde permettre «une meilleurecommunicationde l'ensemble de l'établissement scolaire. » (18 L'institution, dans cette perspedive, apparaît bien comme uneforme sociale qu'i s'agitde réorganiserpouren réparer lesdysfonc¬

tionnements.

Àl'inverse, toutuncourant,d'ailleurs international, a développé une critiquedesins¬

titutionsentantquetelles,commeformesocialeétatique et donc fondamentalement bureaucratique et pathogène. On penseen particulier au courant ditde l'antipsy-chiatrie, principalement productifdanslesannées70enGrande-Bretagneet enIta¬

lie,avec Laing, CooperetBasaglia. Dans cettevisiondu monde,très enphaseavec l'idéologie antiautoritaire des seventiesplanantes, l'institutionestassimilée aupou¬

voir, lui-mêmeporteurdeviolenceetd'oppression ausenslibertaire duterme.Ainsi, pourD. Cooper: « Dansl'institution psychiatrique, lesgardiens exercent leurpou¬

voircontrelesgardésenutilisantd'abordlesprocessussociaux de l'admissionefde l'institutionnalisation rapide qui la suit, detelle sorteque la détention continue, le contrôleen consultation ou uneréinsertion progressivementplusfacile, puissent en découler. »(19)F. Basaglia va encoreplusloin:«Cequi unit(lesinstitutionssurles¬

quellesnotre sociétésefonde),c'estla violenceexercéeparceuxquisont ducôtédu manche, sur ceux qui se touvent irrémédiablement placés sous leur coupe. La

famille,l'école, l'usine, l'université,l'hôpitalsont desinstitutions fondéessurune nette répartitiondesrôles: iadivision dutravail. [...]Cesinstitutions peuventêtredéfinies comme les institutions delaviolence. »(20)

Ilyadoncun fossé considérable entre la démarchede désoccultation, qui estcelle de G. Mendel, et la perspective de désaliénation, qui débouchesurunealternative

d'anti-institufion. Mais le fondateur du sens moderne, complexe ef polysémique, |

lî7

d'institution, est sans doute C. Castoriadis, dans son ouvrage majeur, L'institution imaginairede la société(21). Partant d'une lecturecritique deMarx, Castoriadis introduitl'idée qu'unenouvelle institutiondelasociétéimpliqueundépassementde la raison instituée. Puis il montre comment le social est une création continuée et complexe qui s'élabore comme institution. « L'institution est un réseau symbolique, socialementsandionné,oùsecombinentenproportions etenrelationsvariablesune

18 - Rueff-Escoubès C. etMoreauJ.-F., Ladémocratiedansl'école,Syros, 1987,p. 17.

19 - Cooper D., Unegrammaire à l'usagedesvivants,Seuil, 1976,p.67.

20 - BasagliaF,L'institution ennégation,Seuil, 1970,p. 105.

21 - Lesterme6'institutionayantfaitflorès,lesprocès enreconnaissancede paternitén'ont pasmanquéd'alimenterlapolémique, surtout dans la mesureoùl'élaboration théorique de l'Analyse institutionnellepasseparuneredéfinitiondelanotiond'institution.AinsiF.Guattari, G. Lapassade, R.Lourau sontlesprincipauxprétendantsau titre.MaislaréférenceàCasto¬

riadis semble incontestable,puisquesiL'institutionimaginairede laSociétéparaîtauSeuilen

1975,cetouvrage reprenddestextesparusdans la revueSocialismeetbarbarieen 1965.

RECHERCHEet FORMATION 23 - 1996 Autourdesmots

groupede sociopsychanalyseontélaboréuneméthoded'intervention dansles col¬

lègesdontlebutestde permettre «une meilleurecommunicationde l'ensemble de l'établissement scolaire. » (18 L'institution, dans cette perspedive, apparaît bien comme uneforme sociale qu'i s'agitde réorganiserpouren réparer lesdysfonc¬

tionnements.

Àl'inverse, toutuncourant,d'ailleurs international, a développé une critiquedesins¬

titutionsentantquetelles,commeformesocialeétatique et donc fondamentalement bureaucratique et pathogène. On penseen particulier au courant ditde l'antipsy-chiatrie, principalement productifdanslesannées70enGrande-Bretagneet enIta¬

lie,avec Laing, CooperetBasaglia. Dans cettevisiondu monde,très enphaseavec l'idéologie antiautoritaire des seventiesplanantes, l'institutionestassimilée aupou¬

voir, lui-mêmeporteurdeviolenceetd'oppression ausenslibertaire duterme.Ainsi, pourD. Cooper: « Dansl'institution psychiatrique, lesgardiens exercent leurpou¬

voircontrelesgardésenutilisantd'abordlesprocessussociaux de l'admissionefde l'institutionnalisation rapide qui la suit, detelle sorteque la détention continue, le contrôleen consultation ou uneréinsertion progressivementplusfacile, puissent en découler. »(19)F. Basaglia va encoreplusloin:«Cequi unit(lesinstitutionssurles¬

quellesnotre sociétésefonde),c'estla violenceexercéeparceuxquisont ducôtédu manche, sur ceux qui se touvent irrémédiablement placés sous leur coupe. La

famille,l'école, l'usine, l'université,l'hôpitalsont desinstitutions fondéessurune nette répartitiondesrôles: iadivision dutravail. [...]Cesinstitutions peuventêtredéfinies comme les institutions delaviolence. »(20)

Ilyadoncun fossé considérable entre la démarchede désoccultation, qui estcelle de G. Mendel, et la perspective de désaliénation, qui débouchesurunealternative

d'anti-institufion. Mais le fondateur du sens moderne, complexe ef polysémique, |

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d'institution, est sans doute C. Castoriadis, dans son ouvrage majeur, L'institution imaginairede la société(21). Partant d'une lecturecritique deMarx, Castoriadis introduitl'idée qu'unenouvelle institutiondelasociétéimpliqueundépassementde la raison instituée. Puis il montre comment le social est une création continuée et complexe qui s'élabore comme institution. « L'institution est un réseau symbolique, socialementsandionné,oùsecombinentenproportions etenrelationsvariablesune

18 - Rueff-Escoubès C. etMoreauJ.-F., Ladémocratiedansl'école,Syros, 1987,p. 17.

19 - Cooper D., Unegrammaire à l'usagedesvivants,Seuil, 1976,p.67.

20 - BasagliaF,L'institution ennégation,Seuil, 1970,p. 105.

21 - Lesterme6'institutionayantfaitflorès,lesprocès enreconnaissancede paternitén'ont pasmanquéd'alimenterlapolémique, surtout dans la mesureoùl'élaboration théorique de l'Analyse institutionnellepasseparuneredéfinitiondelanotiond'institution.AinsiF.Guattari, G. Lapassade, R.Lourau sontlesprincipauxprétendantsau titre.MaislaréférenceàCasto¬

riadis semble incontestable,puisquesiL'institutionimaginairede laSociétéparaîtauSeuilen

1975,cetouvrage reprenddestextesparusdans la revueSocialismeetbarbarieen 1965.

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composantefonctionnelleetunecomposanteimaginaire. L'aliénation, c'est l'autono¬

misationetladominance du moment imaginaire dans l'institution, qui entraînel'au¬

tonomisationefladominance de l'institution relativement à lasociété.Cette autono-misafion de l'institutions'exprime ef s'incarne dans la matérialité de la vie sociale, maissupposetoujoursaussique lasociétévîtsesrapportsavecses institutionssurle mode del'imaginaire,autrementdit, nereconnaît pasdansl'imaginairedes institu¬

tionssonpropreproduit. » (22)

DE

LANTI-INSTITUTION A LA

CONTRE-INSTITUTION

Onpeufconsidérerquelecourant connusouslenomd'«Analyse institutionnelle » a complètement renouvelélesensdutermed'institution.Safiliationestclassiquement identifiéeàla psychothérapie institutionnelle,puisà lapédagogie institutionnelle.

L'idéede« libérer l'expression desenfants », selon laformule deR. FonvieiUe (23) està la basede la pédagogie institutionnelle qui veut élargir la perspectivede la pédagogie Freinet (24) parlacréation d'institutions internesaugroupe-classe. Plus globalement, comme l'exprime R. Lourau : «Au départ(vers 1965) les partisans d'unepédagogie institutionnelle étaient d'accordsur lespoints suivants:

a) considérerl'institution scolaire (passeulementl'établissementd'exercice) comme l'objetd'analyseefd'interventions pédagogiques;

b) instaurerdes formesderégulation (autogestion,« institution »de laclasse, etc.) sur la base d'un fonctionnement aussi démocratique que possible de l'ensemble maître-élèves;

c) créer lesconditions decefonctionnementetdonc decetteanalyse collectivede l'institutionenadoptantdesj,apporfsnon-directifs.»425)

On considère en général que c'est àpartird'un élargissement de la perspective pédagogique ques'estconstituéel'analyse institutionnellestictosensu. L'histoirede l'analyse institutionnelle futetdemeuretumultueuse, et cen'est pasicilelieud'entrer dans(esdétails.Maison peuts'accordersurquelquesaxesqui permettent decom¬

prendreenquoil'analyse institutionnellerendimpossibleaujourd'hui deparlerdes institutionsau plurielefdel'institution au singulier comme s'il s'agissait de niveaux neutresde laforme sociale.

Lanotiondecontre-institution, mêmesipeuutiliséetrente ansaprèsl'époquedes prophètes,témoignede la dimension alternative quipassepar l'implicationdusujet.

22 - CastoriadisC,L'institutionimaginairedelasociété,Seuil, 1975,p. 184.

23 - FonvieiUeR., « Histoire de lapédagogie institutionnelle», inPerspectivesdel'analyse institutionnelle,HessR.etSavoyeA.(dir),MéridiensKlincksieck,1988,p.36.

24 - BoumardP.,Célestin Freinet, PUF, 1996,p.61.

25 - LourauR., Sociologueà pleintemps,EPI,1976, pp. 16-17.

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composantefonctionnelleetunecomposanteimaginaire. L'aliénation, c'est l'autono¬

misationetladominance du moment imaginaire dans l'institution, qui entraînel'au¬

tonomisationefladominance de l'institution relativement à lasociété.Cette autono-misafion de l'institutions'exprime ef s'incarne dans la matérialité de la vie sociale, maissupposetoujoursaussique lasociétévîtsesrapportsavecses institutionssurle mode del'imaginaire,autrementdit, nereconnaît pasdansl'imaginairedes institu¬

tionssonpropreproduit. » (22)

DE

LANTI-INSTITUTION A LA

CONTRE-INSTITUTION

Onpeufconsidérerquelecourant connusouslenomd'«Analyse institutionnelle » a complètement renouvelélesensdutermed'institution.Safiliationestclassiquement identifiéeàla psychothérapie institutionnelle,puisà lapédagogie institutionnelle.

L'idéede« libérer l'expression desenfants », selon laformule deR. FonvieiUe (23) està la basede la pédagogie institutionnelle qui veut élargir la perspectivede la pédagogie Freinet (24) parlacréation d'institutions internesaugroupe-classe. Plus globalement, comme l'exprime R. Lourau : «Au départ(vers 1965) les partisans d'unepédagogie institutionnelle étaient d'accordsur lespoints suivants:

a) considérerl'institution scolaire (passeulementl'établissementd'exercice) comme l'objetd'analyseefd'interventions pédagogiques;

b) instaurerdes formesderégulation (autogestion,« institution »de laclasse, etc.) sur la base d'un fonctionnement aussi démocratique que possible de l'ensemble maître-élèves;

c) créer lesconditions decefonctionnementetdonc decetteanalyse collectivede l'institutionenadoptantdesj,apporfsnon-directifs.»425)

On considère en général que c'est àpartird'un élargissement de la perspective pédagogique ques'estconstituéel'analyse institutionnellestictosensu. L'histoirede l'analyse institutionnelle futetdemeuretumultueuse, et cen'est pasicilelieud'entrer dans(esdétails.Maison peuts'accordersurquelquesaxesqui permettent decom¬

prendreenquoil'analyse institutionnellerendimpossibleaujourd'hui deparlerdes institutionsau plurielefdel'institution au singulier comme s'il s'agissait de niveaux neutresde laforme sociale.

Lanotiondecontre-institution, mêmesipeuutiliséetrente ansaprèsl'époquedes prophètes,témoignede la dimension alternative quipassepar l'implicationdusujet.

22 - CastoriadisC,L'institutionimaginairedelasociété,Seuil, 1975,p. 184.

23 - FonvieiUeR., « Histoire de lapédagogie institutionnelle», inPerspectivesdel'analyse institutionnelle,HessR.etSavoyeA.(dir),MéridiensKlincksieck,1988,p.36.

24 - BoumardP.,Célestin Freinet, PUF, 1996,p.61.

25 - LourauR., Sociologueà pleintemps,EPI,1976, pp. 16-17.

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Àtraversl'élaborationd'un corpus autonome (institué, instituant, analyseur,impli¬

cation) l'institution supposed'emblée son analyse à l'aune dece qui constitue un véritableparadigme institutionnaliste.

l'institution articuleuneanalysedialectique, calquée surladialediquehégélienne (universalité,particularité,singularité)et une sociologiedel'intervention(connue en particulierparledispositif nommé socianalyse) qui déboucheaujourd'huichezLou¬

rau sur unevalorisationdel'analyse del'implication, àlafoisdans la«commande sociale»,dans la«demande sociale»etdans«leprocessusd'institutionnalisation»

(26).

Uneaufre vision de l'analyse institutionnelleestdéveloppéeparG. Lapassadedans sesouvrageslesplus récents. Distinguant entrelafiliationàlapsychothérapieinsti¬

tutionnelledontnousavons parlé plushautet uneaufre référence trouvantson ori¬

gine dans la psychosologie clinique desgroupesetdes organisations, il refient de Castoriadis «un objefspécifiqueetnouveau : faproductioninstituantedel'institué, du faitsocial et, parconséquent, le travaild'institution. » (27) Danscette perspec¬

tive, lapertinenceprincipaledutravail analytiqueestcelled'une analyse interne (28) del'institution parlesacteurs eux-mêmes.

En s'appuyantsurl'ethnographieinteractionniste, Lapassadejettealorsunnouveau regarasurlanotion d'institution:«Lesethnographesinteradionnistes s'occupent de l'institutiondans lesdeuxsensdu terme:

-

ils la définissent comme un systèmede normesétablies lorsqu'ils y identifient la sourcede certaines déviances enmilieuscolaire;

-

maisils décriventaussi, et en même temps, untravail d'institution lorsqu'ilspré¬

sententcettedéviance scolaire non plus seulementcommeun « effetd'établisse¬

ment » mais encore et avant touf comme le résultat des interactions entre les

maîtres etles élèves. » (29) I 1?9