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Initiatives et stratégies mises en place ciblant les lesbiennes, gais, bisexuels et

7 Chapitre 2 : RECENSION DES ÉCRITS

2.7 Initiatives et stratégies mises en place ciblant les lesbiennes, gais, bisexuels et

Pour l’Amérique du Nord, il a été possible de repérer une initiative gouvernementale dans le domaine de la toxicomanie ciblant les personnes LGBT. Ainsi, Craft et Mulvey (2001) rapportent une initiative mise en place par le Substance Abuse and Mental Health Services Administration (SAMHSA) afin de répondre aux besoins particuliers de certaines populations, dont les LGBT. En effet, au milieu des années 90, un groupe de travail a été constitué afin d’émettre des recommandations dans le but d’augmenter l’accès à des services en toxicomanie pour les minorités sexuelles. Ce groupe de travail était formé de leaders de la communauté LGBT et d’experts dans le domaine de la santé et du traitement de la toxicomanie. Ce groupe de travail recommande la réalisation de quatre grands axes d’action : 1) la réalisation d’études épidémiologiques sur l’abus de substances et la santé mentale au sein de la population LGBT; 2) l’amélioration des méthodologies employées dans la recherche menée auprès des LGBT; 3) des actions favorisant une meilleure connaissance des enjeux reliés à la clientèle LGBT de la part du personnel offrant des services en toxicomanie,

et ce, à tous les niveaux de la hiérarchie organisationnelle; 4) des activités favorisant une meilleure connaissance des effets de l’homophobie intériorisée et de l’hétérosexisme sur les LGBT et sur la société. En outre, ce groupe de travail a été à l’origine d’un guide destiné aux dispensateurs de soins en toxicomanie et présentant les enjeux de la consommation de drogues et du traitement de la toxicomanie pour les minorités sexuelles (Substance Abuse and Mental Health Services Administration, 2001 – SAMHSA). Il est à noter que ce guide n’a pas fait l’objet de mise à jour depuis sa publication.

Le but du guide du SAMHSA (2001) est d’offrir aux dispensateurs de soins en toxicomanie des informations leur permettant d’optimiser les traitements pour les personnes LGBT. Il s’agit d’un consensus d’experts impliquant des cliniciens, des chercheurs, des gestionnaires, des responsables de politiques publiques et des experts indépendants. Le guide offre des définitions concernant l’orientation sexuelle et l’identité de genre. De plus, données scientifiques à l’appui, il aborde l’ampleur de la consommation de SPA au sein des minorités sexuelles et la façon dont l’homophobie et l’hétérosexisme peuvent moduler leur consommation de SPA. Les aspects culturels et juridiques concernant les minorités sexuelles sont également abordés. Une grande partie du guide est consacrée aux traitements de la toxicomanie, leur accessibilité et les possibles modalités de traitement pour les LGBT. Cette section décrit de façon approfondie les facteurs pouvant entraver l’accès aux services pour les LGBT et les façons d’y remédier, les modalités thérapeutiques pouvant être employées avec les LGBT, tout en tenant compte de leur contexte de consommation et de leur contexte de vie, ainsi que les principaux éléments qui façonnent le parcours de vie homosexuel (dont le coming out). De plus, le guide présente les principaux enjeux cliniques pouvant être associés à chacune des minorités sexuelles. Enfin, le document souligne l’importance de la formation pour les intervenants et gestionnaires des centres de thérapie afin qu’ils soient outillés pour répondre aux besoins de la clientèle LGBT.

Au Canada, le Center for Addiction and Mental Health (CAMH) offre des services adaptés aux particularités des minorités sexuelles qui consomment des drogues. En ce sens, il publiait en 2006 une brochure s’adressant aux minorités sexuelles, dans laquelle étaient présentées les raisons qui peuvent mener ces populations à consommer des drogues, les

difficultés que les personnes peuvent avoir à dévoiler leur orientation sexuelle dans les services en toxicomanie, ainsi qu’une référence aux services du centre (CAMH, 2006). Cependant, il ne nous a pas été possible de savoir précisément quels sont les services offerts ou en quoi les services sont adaptés aux minorités sexuelles.

En ce qui concerne les services spécialisés en toxicomanie sensibilisés à la réalité des HARSAH en particulier, certains auteurs britanniques déplorent le manque de politiques publiques ciblant ce groupe populationnel dans le cadre des programmes de lutte à la toxicomanie (Bonell et al., 2008; Jefferson et Tkaczuk, 2005; Keogh et al., 2009). De plus, Bonell et al., (2008) soutiennent qu’au Royaume-Uni les interventions en toxicomanie ciblant les HARSAH se concentrent essentiellement dans la prévention de la consommation de la méthamphétamine, ne couvrant pas l’ensemble du problème de consommation chez les HARSAH. Par ailleurs, la littérature scientifique portant sur les meilleures pratiques dans le domaine de la toxicomanie identifie plusieurs sous-populations ayant des besoins particuliers, notamment : les femmes (Dell et Poole, 2009; Santé Canada, 2006); les personnes incarcérées (World Health Organization, Regional Office for Europe, 2001); les autochtones (Santé Canada, 1998); les aînés (Santé Canada, 2002); et les personnes ayant des troubles concomitants en toxicomanie et en santé mentale (Substance Abuse and Mental Health Services Administration - SAMHSA, 2008). Les minorités sexuelles ne sont jamais mentionnées, exception faite d’un document publié par le gouvernement du Québec, faisant état des jeunes gais (Centre québécois de lutte aux dépendances, 2011).

Nous avons constaté qu'il existe peu de lignes directrices, gouvernementales ou associatives, qui ciblent en particulier la consommation de SPA au sein des minorités sexuelles. Cependant, puisque plusieurs autres lignes directrices visent d’autres groupes populationnels minoritaires et/ou stigmatisés, certaines recommandations pourraient être applicables aux minorités sexuelles. En outre, ces documents décrivent généralement les démarches ayant permis la rédaction des lignes directrices. La description de ces processus pourrait inspirer les principaux acteurs travaillant à l'amélioration de la santé des minorités sexuelles.

2.8 Accès et utilisation des services en général pour les minorités sexuelles et plus particulièrement pour les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH), dont les gais et bisexuels

L’étude à l’échelle américaine menée par Williams et Chapman (2011) s’est penchée sur les besoins de jeunes membres d’une minorité sexuelle en matière de services de santé, sur leur utilisation des services et les barrières pour y accéder, comparativement à leurs pairs hétérosexuels. Il s’agit d’une analyse secondaire de la première vague du National Longitudinal of Adolescent Health, une enquête scolaire nationale. L’échantillon des jeunes appartenant à une minorité sexuelle était de 1 388 jeunes (7,5 % de l’échantillon total) et celui des pairs hétérosexuels de 17 456. Pour qu'un répondant puisse être identifié comme faisant partie d’une minorité sexuelle, celui-ci devait rapporter avoir déjà ressenti une attirance pour une personne du même sexe ou avoir eu une relation sexuelle avec un partenaire du même sexe au cours des 18 derniers mois. Les auteurs font mention des instruments de mesure utilisés dans l’enquête. Ainsi, la dépression a été mesurée avec un instrument validé, le Center for Epidemiologic Studies Depression Scale (Radloff, 1977), alors que l’anxiété a été évaluée avec une échelle à six items, construite sur la base de symptômes cliniques de l’anxiété et présentant un bon niveau de fiabilité (coefficient alpha de 0,73). Pour la mesure des autres concepts, les auteurs mentionnent les instruments utilisés sans donner de détails concernant la validation des instruments ni concernant leurs propriétés psychométriques. Sur la question des services, les jeunes de minorités sexuelles étaient plus nombreux que leurs pairs hétérosexuels à ne pas avoir comblé leurs besoins en matière de services en santé mentale. Enfin, les jeunes des minorités sexuelles craignaient le manque de confidentialité dans les services de santé, ce qui ne favorise pas le dévoilement de leur orientation sexuelle dans ce contexte. Par ailleurs, puisque l’orientation sexuelle peut constituer un déterminant de la santé, son dévoilement peut s’avérer pertinent dans le cadre de certains services de santé (Gay and Lesbian Medical Association, 2006)

Bien que dans plusieurs pays occidentaux, les minorités sexuelles aient obtenu des droits civiques importants au cours des dernières années, les inégalités quant à l’accès aux soins de santé persistent. En effet, Mayer et al., (2008) ont publié un article de réflexion dans lequel ils ont identifié dans la littérature scientifique quatre barrières majeures à l’accès aux

soins : 1) la réticence de certaines personnes LGBT à dévoiler leur orientation sexuelle dans le cadre d’un service de santé, notamment en raison des craintes de discrimination et de stigmatisation, ainsi que par peur d'un bris de confidentialité; 2) le nombre insuffisant des dispensateurs de soins étant en mesure de comprendre les enjeux de santé des LGBT, particulièrement en raison du manque de formation et de sensibilisation aux questions touchant la santé des LGBT; 3) des barrières d’ordre structurel qui peuvent empêcher ou diminuer l’accès à des assurances (par exemple pour des personnes séropositives); et 4) le manque de services de prévention culturellement adéquats aux LGBT et ciblant les problèmes qui les touchent davantage, dont la violence, la consommation de substances, entre autres. Pour leur part, Dean et al., (2000) ont effectué aussi une revue de la littérature afin de répertorier les principaux enjeux et préoccupations quant à la santé des LGBT. Ces auteurs ont identifié quatre critères de base afin que ce groupe populationnel ait accès à des services adéquats. Le premier de ces critères est la présence d’une infrastructure de santé publique facilitant la coordination des activités de recherche et d’intervention auprès des minorités sexuelles. Ceci permettrait une mutualisation des efforts et une meilleure utilisation des résultats de recherches. Le deuxième critère consiste à faciliter aux LGBT l’accès à des soins de santé de qualité. Ce critère pourrait être atteint, selon les auteurs, en identifiant les principaux facteurs (personnels et environnementaux) qui affectent l’accès aux soins des LGBT, afin d’y apporter des solutions. Quant au troisième critère, il concerne la diminution des barrières personnelles et culturelles qui affectent la communication entre les LGBT et le personnel de santé (de part et d’autre). Enfin, le quatrième critère est d’appuyer les actions menées par les organismes communautaires offrant des services aux LGBT.

Au Québec, la notion de santé gaie a été conceptualisée au cours des dernières années (Dumas, Lavoie et Desjardins, 2000; Ryan et Chervin, 2001). Les auteurs ayant réfléchi à ce concept affirment qu’en raison des obstacles personnels et institutionnels auxquels sont confrontés les hommes gais dans les services de santé, il est nécessaire d’offrir des services adaptés à leurs besoins. Ils affirment également que les efforts de santé publique se concentrent principalement sur l’épidémie du VIH et sur les ITSS, laissant de côté d’autres problématiques. Les auteurs appuient leur constat sur la littérature en affirmant que les minorités sexuelles en général présentent souvent une moins bonne santé que la population

hétérosexuelle. Par ailleurs, le concept de santé gaie englobe les différents aspects personnels et sociaux pouvant avoir une influence sur l’état de santé des hommes gais.

2.9 Les services de santé, les services en toxicomanie et les hommes gais et bisexuels