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Initiatives et stratégies mises en place pour améliorer la santé des lesbiennes,

7 Chapitre 2 : RECENSION DES ÉCRITS

2.6 Initiatives et stratégies mises en place pour améliorer la santé des lesbiennes,

Les sections précédentes ont permis de constater que la santé des minorités sexuelles en général, et des HARSAH en particulier, est parfois plus précaire que celle de la population générale, du moins concernant certains problèmes de santé, comme les ITSS, les troubles mentaux et la consommation problématique de SPA. De plus, plusieurs facteurs influencent ces différences. Plusieurs initiatives visant la diminution de ces inégalités en matière de santé ont vu le jour. Ainsi, nous avons pu répertorier quelques initiatives gouvernementales et

associatives mises en place, notamment en Amérique du Nord, afin d’améliorer la santé de la population LGBT. En effet, certains gouvernements ont établi des politiques publiques dans le but de mieux cibler les besoins en matière de santé des minorités sexuelles et d’améliorer leur état de santé (Clark et al., 2001; Institut national de santé publique du Québec, 2007; ministère de la Justice du Québec, 2011; U.S. Department of Health and Human Services, 2011). Ces initiatives politiques se fondent autant sur des données scientifiques que sur des consensus d’experts.

Aux États-Unis, le Healthy People 2020 (U.S. Department of Health and Human Services, 2011) est une initiative gouvernementale visant à atteindre des objectifs en matière de santé physique et mentale, ainsi que d’accès aux soins, sur une période de 10 ans. Bien qu’il s’agisse d’un plan d’action très large visant l’ensemble de la population américaine, ce plan tient compte des besoins particuliers de certains groupes minoritaires. Afin de s’assurer que le Healthy People 2010 (U.S. Department of Health and Human Services, 2011) réponde aux besoins de la population LGBT, la Gay and Lesbian Medical Association and LGBT Health Experts (2001) (GLMA) a produit, 10 ans plus tôt, un rapport soulignant les principaux enjeux de la santé des minorités sexuelles devant être pris en compte dans l’initiative gouvernementale. Pour ce qui est plus particulièrement de la consommation de drogues, la GLMA souligne que dans la littérature scientifique actuelle il y a un manque de consensus en ce qui a trait à la définition de l’orientation sexuelle et à la façon de l’évaluer (les données s’appuient souvent sur l’autodéclaration des participants). Cette association rappelle également que, par crainte de discrimination, dans certaines régions des États-Unis, les minorités sexuelles peuvent être moins enclines à dévoiler leur orientation sexuelle et leur utilisation de substances. Ainsi, cet organisme recommande la mise en place de programmes de prévention et d’intervention qui tiennent compte des facteurs de risque particuliers des minorités sexuelles vis-à-vis de la consommation problématique de substances, ainsi que des besoins propres à cette population. Pour ce qui est des facteurs de risque, on mentionne notamment l’importance de prendre en compte les conséquences sur la santé de la stigmatisation et la discrimination envers les minorités sexuelles. Et, en ce qui concerne les besoins en matière de services, on aborde notamment la nécessité d’offrir, minimalement, des services sensibles à la réalité de la population LGBT.

Aux États-Unis également, l’Institute of Medicine (IOM) (2011) a effectué une revue de la littérature afin d’obtenir le portrait de l’état de santé des minorités sexuelles et d’émettre des recommandations pour la recherche dans le but d’améliorer la santé de cette population. Il recommande l’implémentation d’un plan de recherche visant à mieux comprendre la santé des minorités sexuelles, et d’avoir pour cela recours notamment à des approches de recherche se fondant sur le concept de minority stress, sur l’approche de trajectoires de vie, ainsi que sur les théories de l’intersectionnalité et de l’écologie sociale. Ce rapport recommande également que la collecte de données au niveau national (aux États-Unis) concernant l’identité de genre et l’orientation sexuelle soit financée et menée par des instances gouvernementales; et que ces données soient enregistrées sur bases de données électroniques. De plus, on recommande que les Instituts nationaux de la santé (NIH) financent des recherches sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre et appuient également des études méthodologiques sur la question, tout comme la formation de la relève. Enfin, le rapport incite les NIH à favoriser l’inclusion des minorités sexuelles et de genre dans les recherches qu’ils financent.

Toujours aux États-Unis, Clark et al., (2001) rapportent l’expérience du LGBT Health Access Project, au Massachusetts, dont le but était d’éliminer les barrières diminuant l’accès aux services de santé pour les personnes LGBT, de promouvoir le développement de politiques publiques adaptées à ces minorités, ainsi que d’élargir les connaissances sur la santé des LGBT. Il s’agissait d’un projet collaboratif, impliquant des acteurs de santé publique, des organismes communautaires et des individus engagés dans la communauté LGBT. Les résultats de ce projet sont : 1) la définition des standards de qualité concernant les services de santé pour les LGBT, standards portant notamment sur le respect des droits de ces clients, la planification de programmes qui tiennent compte de la réalité LGBT et le respect de la confidentialité; 2) La mise en place et la réalisation de formations afin de sensibiliser le personnel de la santé aux réalités LGBT; et 3) la réalisation d’un projet de recherche menée en collaboration avec des organismes communautaires afin de mieux connaître les besoins en santé des LGBT, ainsi que l’inclusion dans un sondage, au niveau de l’état, de l’orientation sexuelle comme variable à l’étude.

Pour ce qui est des initiatives communautaires, la Gay and Lesbian Medical Association, (2006) a publié des lignes directrices afin d’améliorer les soins de santé pour les personnes LGBT. Ces lignes directrices reposent sur un consensus d’experts. Ce document recommande notamment : 1) de créer un environnement accueillant, avec affiches, dépliants, ou autres signes pouvant rassurer les LGBT quant à l’ouverture des professionnels à la diversité d’orientations sexuelles; 2) de se doter de formulaires ayant un langage inclusif et neutre en matière de genre (par exemple, utiliser le mot partenaire plutôt qu’époux ou épouse); 3) de rappeler aux clients la confidentialité des informations transmises; et 4) d’offrir de la formation au personnel afin de le sensibiliser aux réalités de la clientèle LGBT et aux enjeux de santé particuliers qui les touchent.

Au Québec, le Plan d’action gouvernemental contre l’homophobie 2011-2016 (ministère de la Justice du Québec, 2011) constitue un ensemble d’actions afin de mettre en place les recommandations émises par la Politique québécoise de lutte contre l’homophobie (ministère de la Justice du Québec, 2009). Ce plan d’action concerne 11 ministères et vise la diminution des inégalités dont sont victimes les personnes LGBT. Parmi les actions concernant l’accès aux services sociaux et de santé pour les minorités sexuelles, le plan vise à favoriser l’adaptation des services publics en s’assurant, entre autres : 1) de la disponibilité de services adaptés; 2) de l’adaptation d’outils, de politiques et de programmes; et 3) de la promotion d’activités et de l’accès aux ressources adéquates. Le plan vise également à promouvoir la recherche sur les minorités sexuelles par la mise en place d’une chaire de recherche sur l’homophobie et par le financement de projets de recherche sur la question. Ceci notamment dans le but de disposer de données fiables sur les minorités sexuelles et de prendre en compte leurs réalités dans la réalisation d’enquêtes. Au Québec, depuis le milieu des années 90, l’Institut national de santé publique, en collaboration avec des acteurs des milieux universitaire et communautaire, a implanté la formation « Pour une nouvelle vision de l’homosexualité : intervenir dans le respect des orientations sexuelles ». Il s’agit d’une formation dont le but est de réduire les facteurs qui rendent les personnes homosexuelles et bisexuelles vulnérables en termes de santé, et de faciliter leur accès aux services dont elles ont besoin. Cette formation cible notamment le personnel du réseau de la santé et des services

sociaux, de l’éducation et du milieu communautaire (Institut national de santé publique du Québec [en ligne], consulté le 13 décembre 2011).

Toujours au Québec, et dans un contexte très montréalais, une étude a été menée afin d’évaluer l’adéquation des services offerts par le Centre de santé et de services sociaux (CSSS) Jeanne-Mance avec les besoins des minorités sexuelles (Dumas, 2013). À la suite d’une recherche-action participative, l’auteur rapporte le point de vue des dispensateurs de soins. Les données ont été recueillies par l’entremise d’entrevues auprès d’informateurs clés. Les résultats soulèvent les besoins afin de faciliter l’accueil des minorités sexuelles, notamment par des techniques de communication empathiques et ouvertes facilitant le développement du lien de confiance entre l’usager et le professionnel. Il semble également nécessaire de mieux identifier les besoins de santé propres à chacune de ces minorités (lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres). De plus, l’auteur souligne l’importance de la formation des dispensateurs de services. Cependant, les résultats de cette étude montrent aussi que l’adaptation de services dans un contexte de CSSS peut contribuer à stigmatiser davantage une population qui l’est déjà. En effet, il est important que l’adéquation de services ne crée pas un effet de ghettoïsation de la population : la mise en place de services spécialisés dans un CSSS peut faire en sorte que les membres de minorités sexuelles fréquentant d’autres CSSS soient transférés à celui qui offre les services spécialisés.

Comme nous l’avons vu, il existe quelques lignes directrices visant un meilleur accès aux services de santé pour les minorités sexuelles. Cependant, quelques auteurs considèrent que peu d’entre elles sont fondées sur des données empiriques (McNair et Hegarty, 2010). En effet, ces auteurs ont effectué une revue systématique des lignes directrices concernant la santé des LGB publiées en Australie, Canada, Irlande, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni et États-Unis, afin d’évaluer la rigueur avec laquelle elles avaient été développées, et ce, en utilisant l’Appraisal of Guidelines for Research and Evaluation (AGREE) (The AGREE Collaboration, 2003). Cet instrument permet d’évaluer la qualité des informations contenues dans les lignes directrices publiées, la qualité des recommandations et la possibilité que l’application de ces recommandations contribue à l’atteinte des résultats escomptés. Les auteurs ont analysé en profondeur 11 lignes directrices et ont constaté qu’aucune d’entre elles

ne satisfaisait les critères de l’AGREE. Ils ont noté cependant une grande cohérence en ce qui a trait aux recommandations : création d’environnements inclusifs, standardisation de la communication entre les patients et les dispensateurs de soins, disponibilité de documents concernant l’orientation sexuelle, formation du personnel, entre autres.

Comme souligné par McNair et Hegarty (2010), la rigueur de certaines lignes directrices concernant la santé des minorités sexuelles n’est pas toujours optimale. Cependant, il nous apparaît important de rappeler qu’il existe encore relativement peu de données scientifiques sur les minorités sexuelles et que la recherche sur cette population présente plusieurs défis méthodologiques. Dans ce sens, la variation dans la rigueur de certaines lignes directrices nous apparaît compréhensible. En outre, puisque les initiatives que nous avons répertoriées dans cette section se fondent notamment sur des consensus d’experts, mais aussi sur quelques données scientifiques disponibles, nous croyons qu’elles reflètent une vision autant empirique que théorique de la situation de la santé des minorités sexuelles et de leur accès aux services de santé.

2.7 Initiatives et stratégies mises en place ciblant les lesbiennes, gais, bisexuels et