• Aucun résultat trouvé

Enjeux et défis en termes de services en toxicomanie pour les hommes gais et

12 CHAPITRE 5 : DISCUSSION

5.5 Enjeux et défis en termes de services en toxicomanie pour les hommes gais et

services en toxicomanie pour les hommes gais et bisexuels ayant une consommation problématique de substances, en lien notamment avec des besoins que quelques-uns de nos

participants ont exprimés, comme des interventions adaptées à l’orientation sexuelle et qui tiennent compte de la sexualité.

5.5.1 Concernant l’offre de services

Les études portant sur les services en toxicomanie offerts aux minorités sexuelles en général, ou aux hommes gais et bisexuels et autres HARSAH en particulier, se sont principalement concentrées sur l’offre de services dans les centres de réadaptation, ainsi que sur les connaissances des dispensateurs de soins concernant les réalités des minorités sexuelles qui consomment des drogues. Peu d’études se sont penchées sur les perceptions qu’ont les membres de minorités sexuelles concernant les services en toxicomanie. Ainsi, notre étude permet de dresser un des rares portraits sur la question.

Dans l’article 2 (chapitre 4.3.1), nous avons vu que les services actuellement offerts à Montréal pour le traitement de la toxicomanie ne sont pas adaptés spécifiquement aux minorités sexuelles, à part certains groupes de soutien fondés sur les principes des 12 étapes, tels que les Alcooliques Anonymes. Nous avons également noté l’existence d’un groupe de soutien destiné exclusivement aux consommateurs de crystal meth (Crystal meth anonyme), lequel suit également les principes des mouvements anonymes. Plusieurs participants de notre échantillon prenaient part aux discussions de ce groupe. Ils ont mentionné que la totalité des participants était gaie, bien que le groupe soit ouvert aux personnes de toute orientation sexuelle. Certains se sont dits dérangés par l’aspect spirituel de l’approche ou par les relations qui pouvaient se tisser entre les membres du groupe. Ces constats sont similaires à ceux observés par Mimiaga et al., (2006) concernant la perception que les hommes gais ont des groupes de soutien destinés aux minorités sexuelles. Toutefois, puisqu’aucune ressource traitant spécifiquement la problématique de la consommation de crystal meth n’est offerte à Montréal, plusieurs participants ont estimé qu’ils n’avaient pas d’autre option.

Nous avons également analysé comment le niveau d’acceptation des participants de leur propre orientation sexuelle a influencé le degré de dévoilement de leur orientation sexuelle dans le cadre de la thérapie et leur aisance à aborder des sujets relatifs à la sexualité en général. Nos résultats révèlent en effet que les participants dont la consommation était

influencée par les difficultés relatives à l’acceptation de leur orientation sexuelle sont ceux qui se sentaient le moins à l’aise d’en parler. Nous réitérons donc la nécessité de travailler en amont pour favoriser l’acceptation des différentes orientations sexuelles aux niveaux individuel et sociétal. Ce travail nécessite une collaboration multisectorielle et multidisciplinaire, comme l’avancent différents auteurs (Audet et al., 2007; U.S. Department of Health and Human Services, 2011).

Peu d’études se sont intéressées aux liens entre les trajectoires de services en toxicomanie et l’infection au VIH. Or, nos données nous permettent de constater que plusieurs participants séropositifs abordent le sujet de leur consommation de SPA avec le médecin qui assure leur suivi pour le VIH. De façon générale, ils ont rapporté avoir parlé de leur consommation de manière spontanée ou en répondant à des questions concernant de possibles interactions avec les traitements antirétroviraux. Cependant, d’après les participants, il n’y a pas eu de dépistage de problèmes de toxicomanie dans le cadre de ces suivis. Néanmoins, plusieurs d’entre eux ont affirmé que leur médecin leur a donné des conseils concernant leur consommation de SPA, notamment dans une perspective de réduction de risques. Ces observations appuient la pertinence d’encourager la détection de la consommation problématique par les médecins traitants le VIH, tout comme le dépistage d’ITSS pouvant être associées à la consommation de SPA, dont l’hépatite C. Le médecin traitant le VIH représente pour plusieurs participants un interlocuteur privilégié qui pourrait aussi intervenir en toxicomanie. Soulignons que la consommation de SPA peut avoir une influence sur l’évolution de l’infection au VIH, ainsi que sur l’efficacité des traitements antirétroviraux (Milloy et al., 2012). Par ailleurs, un corridor de services pourrait être établi entre les services en VIH et ceux en toxicomanie. Toutefois, la littérature rapporte que ces types de services tendent à travailler en silos (Jbilou et al., 2013). Tel que souligné dans l’article 2 (chapitre 4.3.1), l’approche Screening, Brief Intervention and Referral to Treatment (SBIRT) (Babor et al., 2007), visant la détection de la consommation problématique, l’intervention brève et l’orientation vers un service en toxicomanie, pourrait être une pratique intéressante à implanter. Dans la prochaine section, nous aborderons plus en détail cette approche, ainsi que la façon dont elle pourrait être mise en place

5.5.2 Les besoins en matière de services et le sujet de la sexualité dans le cadre des services Il est important de noter que les participants à notre étude se sont moins exprimés sur leurs besoins en matière de services que sur les autres sujets, et ce, malgré le fait que la grille d’entretien abordait cette question. Rappelons que certains participants avaient utilisé peu de services, alors que d’autres, au contraire, avaient été pris en charge par plusieurs instances du réseau de la santé et des services sociaux. Ainsi, la question des besoins en matière de services ne semble pas avoir fait l’objet d’une réflexion de la part de plusieurs participants. En matière de besoins relatifs aux services en toxicomanie, rappelons que plusieurs participants ont souligné l’importance d’y aborder le sujet de la sexualité (incluant l’orientation sexuelle), sans qu’ils aient cherché nécessairement des services ciblant exclusivement les minorités sexuelles.

Tout comme nous l’avons vu dans la section sur la discussion de l’article 1 (chapitre 4.2.1), la consommation de substances, la sexualité et la quête de sensations sont intimement liées. Ces éléments sont aussi associés aux trajectoires d’utilisation de services des participants. En effet, les interrelations de la sexualité et de la consommation de SPA génèrent quelques fois des problématiques qui ont pu amener certains participants à effectuer une demande d’aide concernant leur consommation de SPA. Toutefois, la sexualité et ses liens avec les habitudes de consommation n‘ont été que très rarement, voire pratiquement jamais, abordés dans le cade des services en toxicomanie. Le silence concernant ces liens était parfois du fait des participants eux-mêmes qui ne souhaitaient pas aborder le sujet, ou parce qu’il n’était pas possible de parler de ces aspects dans le cadre de la thérapie, en raison d’un malaise de la part de l’intervenant ou parce que cela n’était pas prévu dans le programme thérapeutique.

Certains auteurs suggèrent que la sexualité et l’orientation sexuelle soient abordées dans les centres de thérapie ou, du moins, qu’une certaine sensibilité aux expériences particulières des minorités sexuelles y soit présente. Pour cela, il est nécessaire que le personnel soit formé et sensibilisé à la question. (Balan et al., 2013; Barbara, 2002; Eliason, 2000). En ce sens, l’ajout de cours relatifs aux particularités de la santé des minorités sexuelles dans le parcours de formation universitaire des intervenants constitue un des

éléments qui permettraient une meilleure prise en charge de ces minorités (Eliason, 2000). Nos résultats révèlent également des enjeux relatifs à la capacité des participants eux-mêmes à dévoiler leur orientation sexuelle et à parler de sexualité dans le cadre des services en toxicomanie. Il est important de souligner que les participants les plus réticents à aborder ces aspects de leur vie sont ceux qui ont rapporté des associations entre leur consommation de substances et les difficultés relatives à l’acceptation de leur orientation sexuelle. Cela révèle donc la nécessité qu‘un travail visant à favoriser l’acceptation de l’orientation sexuelle soit réalisé en amont par d’autres instances et que l’évaluation de cet aspect se fasse régulièrement dans les centres de thérapie en particulier, et dans les services sociaux et de santé en général.

Les constats précédemment nommés concordent avec les travaux de l’U.S. Department of Health and Human Services (2011), de la Gay and Lesbian Medical Association and LGBT Health Experts (2001) et de Dumas (2013). En effet, l’U.S. Department of Health and Human Services (2011) et la Gay and Lesbian Medical Association and LGBT Health Experts (2001) soutiennent que les services de santé doivent montrer de l’ouverture envers les différentes orientations sexuelles en adoptant, par exemple, un langage neutre en termes de genre, ou en ayant des affiches ou dépliants qui montrent une ouverture envers les minorités sexuelles. Pour sa part, Dumas (2013) affirme que les dispensateurs de soins doivent avoir recours à des techniques de communication empathique et ouverte, facilitant le développement du lien de confiance entre l’usager et le professionnel. De plus, nos observations rejoignent le modèle de Lévesque, Harris et Russel (2013), lequel soutient que l’accès aux soins de santé se fonde sur l’interrelation entre différents éléments, dont les aspects individuels et structuraux. Dans le cas des minorités sexuelles, l’acceptation de sa propre orientation sexuelle serait un déterminant dans sa capacité à la dévoiler dans le système de santé et à accéder éventuellement à des services adaptés ou spécialisés.

5.6 Critères de scientificité et moyens visant à assurer la rigueur scientifique