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8 CHAPITRE 3 : MATÉRIELS ET MÉTHODES

3.6 Collecte des données et instruments

Les données ont été recueillies par le biais d’entrevues semi-dirigées menées par l’étudiant, lesquelles ont duré environ une heure et demie. Celles-ci ont été enregistrées dans un format audionumérique. Le guide d’entrevue (voir l’annexe 1) était composé de questions ouvertes reposant sur trois concepts centraux : les trajectoires addictives (incluant la trajectoire d’utilisation de services en toxicomanie), les trajectoires d'utilisation des services de santé et des services sociaux, et le vécu homosexuel. De plus, des notes ont été prises après les entretiens afin d’en effectuer un résumé et de décrire le contexte dans lequel s’était déroulé l’entretien, les lieux, les acteurs et les événements (Deslauriers, 1991). Nous avons également tenu un journal de bord où nous avons noté nos réflexions au cours de la collecte et de l’analyse des données.

Comme il a été mentionné précédemment, afin d’évaluer la consommation problématique des participants, les questionnaires DEBA-Alcool (Tremblay et al., 2001) et DEBA-Drogues (Tremblay et al., 2001) ont été utilisés. Une première fois lors du premier contact téléphonique avec les potentiels participants, et une deuxième fois avec les hommes qui réunissaient tous les critères de sélection et qui avaient décidé de participer à l’étude après l’explication du formulaire de consentement. Les DEBA Alcool et Drogues sont des instruments qui permettent de classer les répondants selon le score qu’ils ont obtenu, en trois catégories en fonction de la gravité de leur consommation. Ils sont utilisés largement dans le réseau de la santé, se caractérisent par la prise en compte de l’aspect multidimensionnel de la consommation de substances et ne se fondent pas uniquement sur les critères de diagnostics du DSM-V. De plus, ces instruments ont été élaborés à partir d’échelles validées et reconnues internationalement. En effet, le DEBA-Alcool est composé de la version française du Severity of Alcohol Dependence Data (SAAD) (Raistrick, Dunbar et Davidson, 1983) et de l’Échelle des conséquences de la consommation d’alcool (Tremblay et al., 1999). La validité concurrente du SAAD a été évaluée en le comparant à trois autres instruments validés mesurant différentes dimensions de la consommation problématique d’alcool : les résultats montrent de bons niveaux de corrélation (Raistrick, Dunbar et Davidson, 1983). Pour ce qui est du DEBA-Drogues, il est composé de la version française du Severity of Dependence Scale (Gossop et al., 1995) et de l’Échelle des conséquences de la consommation de drogues

(Tremblay et al., 1999). Le Severity of Dependence Scale a fait l’objet d’une validation auprès de cinq échantillons différents, dans deux pays. Les résultats des analyses en composantes principales montrent des coefficients de saturation de plus de 0,60. De plus, l’échelle possède une bonne consistance interne avec des alpha de Cronbach se situant entre 0,8 et 0,9 (Gossop et al., 1995).

La première section du DEBA-Alcool vise à détecter la consommation problématique d’alcool ou la consommation à risque, en évaluant la quantité consommée en une semaine et les épisodes de forte consommation. Les seuils de forte consommation sont définis selon les références du National Institute on Alcohol Abuse and Alcoholism (NIAAA) (Tremblay et Blanchette-Martin, 2009). Si la personne atteint le seuil de forte consommation, le SAAD est alors administré. Il s’agit d’une échelle de 15 items dont les réponses vont de 0 à 3. Le score de cette échelle est calculé en additionnant le score obtenu à chacun des items. Un score de 10 à 19 indique un niveau de dépendance moyen et un score supérieur à 20 un niveau de dépendance élevé (Tremblay et Blanchette-Martin, 2009). Quant au DEBA-Drogues, la première section de cet instrument vise à évaluer la fréquence de consommation de différentes substances. Si la consommation est égale ou supérieure à une à trois fois par mois (ou une à deux fois par semaine pour le cannabis), le Severity of Dependence Scale est complété. Il s’agit d’une échelle à cinq items allant de 0 à 3 et dont le score total est calculé en additionnant le score de chacun des items. Un score de 1 à 2 reflète une dépendance faible, un score de 3 à 5 une dépendance modérée et un score de 6 à 15 une dépendance élevée (Tremblay et Blanchette-Martin, 2009). Dans le cadre de cette thèse, le but était de connaître en profondeur les liens entre les trajectoires addictives et le vécu homosexuel, et non d’établir un diagnostic de trouble lié à l’usage d’une substance. Ainsi, il a été décidé d’avoir recours aux questionnaires DEBA-Alcool et DEBA-Drogues, faciles d’utilisation et dont l’usage est répandu dans les organismes de première ligne du réseau de la santé et des services sociaux du Québec.

Une fois les questionnaires DEBA Alcool et Drogues (Tremblay et al., 2001) remplis et avant de commencer l’enregistrement de l’entretien, les participants ont complété, avec l’aide de l’étudiant, une ligne du temps (voir l’annexe 6). Il s’agissait d’un instrument

construit pour ce projet de recherche et inspiré par la plus large étude mentionné dans la section 1.2 (Landry et al., 2014). La ligne du temps permettait de situer dans le temps les principaux événements que les participants associaient à leur trajectoire de consommation et à leur vécu homosexuel. Ainsi, les participants situaient : 1) le moment où leur consommation a commencé à les inquiéter; 2) la première fois qu’un professionnel de la santé ou des services sociaux leur a recommandé de chercher de l’aide pour leur consommation, le cas échéant; 3) la première fois qu’ils ont demandé de l’aide concernant leur consommation de substances, le cas échéant; 4) le moment où ils ont commencé à éprouver du désir pour un homme; 5) le moment où ils se sont questionnés concernant leur orientation sexuelle; 6) le moment où ils ont eu leur première expérience sexuelle avec un homme; et 7) le moment où ils se sont définis comme gais ou bisexuels. La ligne du temps visait à révéler les principaux jalons des deux trajectoires des participants (les trajectoires addictives et le vécu homosexuel) afin que ceux-ci aient en tête ces événements et puissent en parler durant l’entrevue. De plus, cet instrument aidait l’étudiant à aborder certains éléments des deux trajectoires qui n’étaient parfois pas abordés spontanément par les participants durant l’entrevue. Les principaux jalons que les participants devaient repérer ont été sélectionnés à partir des éléments théoriques de la définition du vécu homosexuel (Hammack, 2005) et de celle des trajectoires addictives (Brochu et al., 2014; Hser, 2007). Cet instrument a permis de complémenter quelques informations recueillies lors des entretiens, qui constituaient la principale méthode de collecte des données. En outre, le choix de compléter la ligne du temps un peu avant le début de l’entretien enregistré a permis aux participants d’avoir en tête certaines informations qu’ils auraient pu oublier. Par ailleurs, l’introduction d’un cadre temporel de cinq ans dans certaines questions concernant les trajectoires addictives permettaient de circonscrire à une période récente la trajectoire de consommation et d’utilisation de services. Cette décision méthodologique fut particulièrement utile avec les participants qui avaient une longue trajectoire de consommation de substances.

À la fin de l’entrevue semi-dirigée, deux instruments ont été utilisés afin de caractériser les participants à l’étude : la Grille sur l’orientation sexuelle de Klein (Klein, 1993; Klein et al., 1985) et le questionnaire sociodémographique. La grille sur l’orientation sexuelle de Klein (Klein, 1993; Klein et al., 1985) permet de voir l’orientation sexuelle

comme un concept dynamique, ce qui rejoint la définition de l’orientation sexuelle vue comme continuum par l’American Psychological Association. Cet instrument a complété l’exploration du vécu homosexuel lors de l’entretien semi-dirigé et a permis de caractériser l’orientation sexuelle des participants (voir l’annexe 8). La Grille de l’orientation sexuelle de Klein évalue sept dimensions : l’attirance sexuelle, le comportement sexuel, les fantasmes sexuels, les préférences émotionnelles (pour qui on éprouve des sentiments), les préférences sociales (avec qui on a des contacts sociaux), la communauté d’appartenance et l’identification en matière d’orientation sexuelle. Ces dimensions sont mesurées dans un cadre temporel (tout au long de la vie, au cours de la dernière année et l’idéal —ce que la personne choisirait si cela pouvait être un choix). Pour chacune des trois dimensions temporelles, un score allant de 7 à 49 est possible. Un score de 1 à 25 reflète une orientation hétérosexuelle, de 26 à 35 une orientation bisexuelle, et au-dessus de 36 une orientation homosexuelle. Cependant, ce test n’est pas destiné à calculer un score global, étant donné qu’il souhaite tenir compte de la fluidité des orientations sexuelles tout au long de la vie (Klein, 1993; Klein et al., 1985). Quant à sa validité, Weinrich et al., (1993) ont effectué une analyse factorielle en comparant les scores obtenus par deux échantillons différents. Les résultats montrent une bonne validité de l’instrument pour mesurer les facteurs associés aux préférences sexuelles, sociales et émotionnelles. Enfin, afin de caractériser davantage les participants, un questionnaire sociodémographique a été rempli. Il comporte des questions relatives à l’âge, au statut matrimonial, au niveau de scolarité, au revenu et au statut sérologique au VIH auto-rapporté. Une copie de ce questionnaire se trouve à l’annexe 8.