• Aucun résultat trouvé

Les initiatives municipales et l’interdiction des initiatives non formulées détaillées

LA FORME ET L’OBJET DE L’INITIATIVE

Chapitre 3 : La forme de l’initiative

B. Les initiatives municipales et l’interdiction des initiatives non formulées détaillées

346. Nous avons vu que le droit genevois s’oppose aujourd’hui aux ini-tiatives non formulées détaillées, mais la transposition de ce principe aux initiatives municipales est loin d’être évidente.

1. La contradiction entre l’interdiction des initiatives non formulées détaillées et l’objet de l’initiative municipale

347. Lors de l’introduction de l’initiative municipale en 1981, la pratique genevoise tolérait les initiatives non formulées détaillées627. L’adoption de l’ar-ticle 68C Cst/GE a modifié cette règle. Cette disposition consacre les prin-cipes de l’article 66 Cst/GE – qui interdit notamment les textes non formulés détaillés – en matière municipale628.

348. L’initiative municipale non formulée, qui ne peut traiter que de su-jets très concrets, a cependant été retenue pour sa « souplesse »629. Comment une initiative qui concerne l’acquisition ou la construction d’un immeuble (art. 36, al. 1, let. a LAC), l’ouverture ou la suppression d’un chemin commu-nal (art. 36, al. 1, let. b LAC) peut-elle ne pas être détaillée ? Les objets concrets et précis de l’article 36, alinéa 1 LAC semblent difficilement compatibles avec l’interdiction de l’initiative non formulée détaillée. A cet égard, la réglemen-tation est contradictoire630. La majorité des initiatives municipales qui ont abouti à ce jour a d’ailleurs été très détaillée.

625 MGC 1992 V 5021, p. 5047-5048, M. Lachat, rapporteur.

626 Pour un autre cas d’erreur du législateur, voir RDAF 2004 II 169, Banque cantonale de Genève(TF, 14.05.2004).

627 Voirsuprano320 ss.

628 MGC 1992 V 5020, p. 5047, M. Lachat, rapporteur.

629 MGC 1980 I 151, p. 153-154, M. Ziegler, rapporteur de la majorité.

630 Auer (2003) p. 5.

2. L’inapplicabilité du principe de l’interdiction

de l’initiative non formulée détaillée aux initiatives municipales

349. Dans un litige qui concernait la validité de l’initiative municipale

« Sauvons nos parcs » – lancée en 1998 en Ville de Genève et qui demandait l’adoption d’un plan d’utilisation du sol en détaillant avec exactitude les élé-ments qui devaient y figurer631 –, le Conseil d’Etat a jugé que le texte contesté n’était pas critiquable sur sa forme. Il a relevé que l’initiative n’étant pas une délibération entièrement rédigée, elle était valable632. Il l’a cependant inva-lidée pour un motif de fond. Saisi d’un recours de droit public, le Tribunal fédéral a exprimé ses doutes sur cette analyse633.

350. Le Conseil d’Etat considère ainsi que seule la proposition d’une déli-bération susceptible d’être adoptée sans modification par le Conseil munici-pal est contraire au droit.

351. Certains experts acceptent également le caractère concret et le degré de précision élevé des initiatives municipales, car celles-ci ont de nombreux aspects administratifs634. Ainsi, selon Reiser, l’existence d’une initiative non formulée « n’empêche pas les initiants d’inclure dans le texte de l’initiative des éléments précis qui devront se retrouver dans la délibération qui sera finalement soumise au conseil municipal »635.

352. Ces conclusions sont justifiées. Premièrement, le texte de l’initiative doit être suffisamment clair afin que les objectifs des initiants puissent être appréhendés par le corps électoral et concrétisés par le Conseil municipal636. Cet aspect ne pose guère de problème en pratique. Vu les objets précis de l’ini-tiative municipale (art. 36 LAC), il paraît improbable qu’il soit impossible de comprendre les souhaits des initiants. Deuxièmement, l’initiative ne saurait être une délibération rédigée prête à être adoptée par le Conseil municipal.

353. En revanche, il peut s’agir d’une initiative non formulée détaillée. L’in-terdiction qui existe au niveau cantonal n’est pas transposable aux initiatives municipales. Si la lettre de l’article 68C, alinéa 1, Cst/GE n’amène aucune in-dication sur la précision du texte de l’initiative – à l’exception de l’interdiction

631 Voir MCM/GE 1998 (156) 2095 ; MCM/GE 1998 (156) 747 ; Grobet (1998) ; Tanquerel (1998).

632 ACE du 26 juillet 2000,Chambre immobilière et Mark Muller, consid. 2.

633 SJ 2001 I 253, consid. 2.a, Comité d’initiative « Sauvons nos parcs, Rémy Pagani et Germaine Kindler(TF, 29.01.2001).

634 Auer (2003) p. 5-6 ; Tanquerel (1998) p. 18. Voir aussi Tanquerel (1988) p. 234, qui affirme que les initiants peuvent inclure dans leur texte des directives très précises sur le contenu de la délibération dont l’adoption est requise. Cette constatation est toutefois antérieure à la modi-fication constitutionnelle de 1993.

635 Reiser (1998) p. 122, n. 43.

d’un projet entièrement rédigé –, les interprétations systématique et téléolo-gique conduisent à rejeter une telle interdiction à l’échelon municipal.

354. Pour les initiatives cantonales, l’interdiction des initiatives non for-mulées détaillées est justifiée par le choix qui est offert aux initiants entre les textes rédigés et non formulés (art. 65, 65A et 65B Cst/GE). Si les initiants désirent déposer un texte détaillé, ils peuvent – et doivent – choisir la voie de l’initiative formulée. Une telle faculté n’existe pas pour les initiatives mu-nicipales.

355. Certes, les travaux préparatoires dénotent une volonté de consacrer les principes qui découlent de l’article 66 Cst/GE en matière municipale637. Ni les spécificités de l’initiative communale, ni l’opportunité d’autoriser l’initia-tive formulée n’ont cependant été examinées. L’article 68C, alinéa 1 Cst/GE doit ainsi être interprété restrictivement et les initiatives municipales non for-mulées détaillées tolérées.

356. Cette interprétation permet de résoudre le conflit qui existe entre l’in-terdiction des initiatives entièrement formulées et le caractère concret des objets susceptibles d’aboutir à une initiative municipale (art. 36 LAC). Elle est surtout compatible avec l’intention primaire du constituant qui avait – en 1981 – retenu l’initiative municipale non formulée pour sa souplesse638. 357. Il n’en demeure pas moins que les initiants devraient s’abstenir de trop détailler leur texte afin de laisser une marge suffisante au Conseil municipal pour exécuter ou interpréter leur projet conformément au droit supérieur639.

636 Voirsuprano277.

637 MGC 1992 V 5020, p. 5047, M. Lachat, rapporteur.

638 MGC 1980 I 151, p. 153-154, M. Ziegler, rapporteur de la majorité.

639 Voir par exemple l’initiative populaire municipale « pour la réalisation des pistes cyclables en Ville de Genève » – lancée en 1986 et approuvée par le corps électoral en 1989 – où Manfrini (1986b) conclut à la validité matérielle de l’initiative grâce à un texte rédigé largement. Sur cette initiative, voir MCM/GE 1986 (144) 24770 ; MCM/GE 1985 (143) 2046. Voir aussi SJ 2003 I 253, consid. 5.b,Comité d’initiative « Sauvons nos parcs », Rémy Pagani et Germaine Kindler(TF, 29.01.2001) où le Tribunal fédéral précise que l’initiative « contient une réglementation complète qui ne laisse guère de marge de manœuvre à l’autorité chargée, en principe, de la concrétiser.

Celle-ci ne dispose en effet pas de la possibilité de restreindre le champ d’application de l’initia-tive, d’en changer le but ou les moyens choisis pour atteindre celui-ci. En cela, l’initiative ne se prête à aucune interprétation favorable aux initiants ».

Chapitre 4 : L’objet de l’initiative cantonale

358. D’après la Constitution genevoise, le droit d’initiative peut porter sur des révisions constitutionnelles (art. 65 et 65A Cst/GE), ainsi que sur des lois dans toutes les matières qui relèvent de la compétence des députés (art. 65 et 65B Cst/GE). Formellement, il existe ainsi une initiative constitutionnelle et une initiative législative.

359. Nous allons déterminer quel peut être le contenu d’une initiative constitutionnelle (I.) ou législative (II.) qui a trait à une règle générale et abs-traite. Nous allons aussi examiner si une initiative peut contenir des proposi-tions de nature administrative (III.).

360. Quelques initiatives particulières seront enfin abordées (IV.), où nous analyserons dans quelle mesure ces propositions peuvent réclamer l’adop-tion d’un traité internal’adop-tional ou d’une convenl’adop-tion intercantonale, le dépôt d’une initiative cantonale auprès de l’Assemblée fédérale, l’octroi d’un crédit ou d’une subvention (initiative financière), un audit général sur le fonction-nement de l’Etat, ou encore la révocation des autorités. Ces différentes initia-tives, rares en pratique, peuvent poser de délicats problèmes de validité en raison des compétences, parfois limitées, des députés dans ces domaines.

361. Il faut préciser que la recevabilité des initiatives est soumise à diverses conditions de validité, notamment celle du respect du droit supérieur640. Une initiative peut par conséquent être recevable quant à son objet, mais invalidée en raison d’une violation du droit supérieur.

I. L’initiative constitutionnelle A. Généralités

362. Selon l’article 65A Cst/GE, l’initiative peut proposer une révision to-tale ou partielle de la Constitution rédigée de toute pièce. Quant à l’article 65 Cst/GE, il prévoit que l’initiative non formulée peut être concrétisée au moyen d’une révision de la Constitution.

363. L’initiative constitutionnelle peut ainsi proposer une révision par-tielle ou totale de la Constitution. Rappelons que le seul critère distinctif de la révision totale est le remplacement formel d’une constitution par une autre, sans que le nombre de modifications matérielles soit déterminant641.

640 Voirinfrano985 ss.

641 Voirsuprano30.

B. Le contenu de l’initiative constitutionnelle

Outline

Documents relatifs