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Une distinction entre les initiatives administratives générales et individuelles ?

LA FORME ET L’OBJET DE L’INITIATIVE

Chapitre 3 : La forme de l’initiative

B. Les droits fondamentaux face au droit d’initiative 1. La problématique

2. Une distinction entre les initiatives administratives générales et individuelles ?

425. Une distinction entre les initiatives administratives individuelles et les initiatives administratives générales n’est pas consacrée par la doctrine. La rece-vabilité des initiatives administratives est généralement examinée au regard du pouvoir d’appréciation des autorités.

426. Selon la doctrine, une initiative administrative ne peut concerner qu’un acte qui relève de l’administration libre741, soit lorsque la législation

consorts. Une initiative constitutionnelle a toutefois été lancée, au niveau fédéral, afin de ga-rantir aux communes la possibilité de déterminer librement quel est l’organe compétent pour accorder le droit de cité (FF 2004 2261). Cette initiative fédérale, qui a abouti (FF 2066 835), est actuellement en cours de traitement par les autorités fédérales compétentes. Une éventuelle acceptation de cette initiative ne modifierait cependant pas le problème qui existe pour les ré-férendums administratifs individuels. Seule une exception particulière serait consacrée par la Constitution fédérale pour les naturalisations.

738 ATF 128/2002 I 190, consid. 3.1,Michel Rossetti. L’initiative a toutefois été invalidée pour viola-tion du droit fédéral (voirinfrano478). Voir sur cet arrêt la note de Tanquerelin: RADF 2003 I p. 368 ; la note de Zuffereyin: DC 2003/1 p. 20 etinfrano512 ss.

739 ZBl 1989 491 (TF, 18.12.1988). La conclusion du Tribunal fédéral est toutefois discutable. Voir Tanquerel (2006) p. 570 etinfrano506.

740 ZBl 1986 81, consid. 5.c (TF, 29.01.1985), consid. non publié à l’ATF 111/1985 Ia 115,Verein Basler Heimatschutz et consorts. Sur les limites juridiques au principe démocratique, voir aussi der-nièrement Marc Spescha, « Absolute Demokratie – gefährdeter Rechtsstaat – Demokratieprak-tische und staatsethische Überlegungen aus Anlass aktueller Gesetzesrevisionen im Bürger-, Asyl- und Ausländerrecht »,PJA2006/2 p. 181 ss.

741 Hohl (1989) p. 61 ; Zaugg (1983) p. 321 ; Morand (1982) p. 430 ; Giacometti (1941) p. 525. Cette théorie a également été développée pour le référendum administratif, voir Alfred Kölz, « Aus-bau des Verwaltungsreferendums ? »,SJZ1981 53, p. 58 ss. Voir également les références citées in :PVG 1986 14, consid. 6 (TA/GR, 7.05.1986).

laisse à l’organe décisionnaire le choix entre plusieurs solutions (pouvoir d’appréciation)742. Cette limitation serait justifiée par la participation du corps électoral à l’adoption des règles générales et abstraites743. Une seconde inter-vention du peuple, lors d’un acte d’application, entraînerait une violation des principes de la séparation des pouvoirs, d’égalité de traitement et de sécurité du droit744.

427. Le Tribunal fédéral semble aussi consacrer ce raisonnement, se limi-tant toutefois à le citer dans les considérants d’un arrêt745.

428. Le Tribunal administratif du canton des Grisons s’est fondé sur cette théorie afin de confirmer l’invalidation d’une initiative communale qui récla-mait la soumission au référendum obligatoire de toute nouvelle construction comprenant un parking de plus de cinquante places. Il a jugé qu’il s’agissait d’un objet qui ne relevait pas de l’administration libre, l’excluant des attribu-tions du corps électoral, car l’autorisation de construire devait impérative-ment être accordée lorsque les conditions légales étaient remplies746. Bien que traitant du droit de référendum, cet arrêt est particulièrement intéressant. Il s’agit du seul précédent qui applique ce critère du pouvoir d’appréciation afin de déterminer si une intervention du corps électoral est conforme au droit.

429. Ce critère n’est pas satisfaisant. L’initiative ne serait recevable que lorsque l’organe décisionnaire dispose d’un choix entre plusieurs mesures.

Or, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, plus le pouvoir d’appréciation d’un organe est large, plus les garanties de procédure doivent être renforcées747. Par conséquent, le critère de l’administration libre ne saurait être employé afin de déterminer si une initiative administrative, qui concerne la situation juridique d’un individu, est recevable. Le respect des garanties de procédure s’oppose à l’intervention du corps électoral dans la mesure où ce dernier se prononce sans motivation, élément pourtant essentiel à l’examen d’un emploi du pouvoir d’appréciation conforme aux droits fondamentaux748.

742 Auer / Malinverni / Hottelier (2006 I) no1806 ss ; Moor (1994) p. 371 ss ; Knapp (1991) p. 34.

743 Hohl (1989) p. 61.

744 Hohl (1989) p. 61-62.

745 ZBl 2002 529, consid. 4.2.2 (TF, 11.01.2002).

746 PVG 1986 14, consid. 6.d (TA/GR, 7.05.1986). Voir aussi ZBl 1986 175, consid. 5 (TF, 29.05.1985) où le Tribunal fédéral a confirmé l’invalidation d’une initiative municipale qui proposait de transfé-rer au pouvoir législatif la compétence d’octroyer une autorisation de construire un parking de plus de 200 places. Il a toutefois uniquement fondé son raisonnement sur le droit cantonal, qui s’opposait à un tel transfert.

747 ATF 129/2003 I 232, consid. 3.3,Schweizerische Volkspartei der Stadt Zürich (SVP), Meier und Tuena; ATF 128/2002 I 327, consid. 4.2,Botta et consorts; ATF 127/2001 V 431, consid. 2.b.cc, Mineral- und Heilbad X AG. Voir aussi Häfelin / Müller / Uhlmann (2006) no1707 ; Moor (2001) no28 ; Moor (1994) p. 343.

748 ATF 129/2003 I 232, consid. 3.3,Schweizerische Volkspartei der Stadt Zürich (SVP), Meier und Tuena; Moor (2002) p. 301.

430. La recevabilité d’une initiative administrative ne saurait être exami-née au regard du critère du pouvoir d’appréciation. Celui de la généralité de la situation soumise au corps électoral semble être plus adéquat. Si un acte administratif concerne uniquement la collectivité, les droits fondamen-taux d’un particulier ne font, en principe, pas obstacles à une initiative749. Par contre, lorsque l’initiative administrative se rapporte à un acte administra-tif qui concerne directement la situation juridique d’un particulier, dont les caractéristiques individuelles sont déterminantes pour la décision du corps électoral, le principe d’égalité de traitement (art. 8 Cst.), les garanties de pro-cédure (art. 29 Cst.), voire l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.) s’opposent à l’intervention du corps électoral750.

431. Une initiative administrative individuelle, qui se rapporte à la situa-tion juridique d’un particulier dont les caractéristiques personnelles sont décisives pour le corps électoral, doit être exclue. La jurisprudence du Tribu-nal fédéral, sur laquelle nous reviendrons751, a néanmoins accepté la validité d’initiatives administratives individuelles752.

432. Par contre, une initiative administrative générale, qui concerne un nombre indéterminé de personnes ou les intérêts de la collectivité, est ad-missible.

433. Toutes les initiatives qui concernent des actes généraux susceptibles de toucher les droits des individus, comme les concessions, les actes de pla-nification générale ou spatiale ainsi que les expropriations, ne sont pas irre-cevables753. Dans ces cas, ce sont le contenu et la nature de l’aménagement qui sont déterminants. Les caractéristiques individuelles des personnes dont les droits peuvent être touchés ne sont généralement pas pertinentes754. L’in-tervention du corps électoral est fréquemment prévue par la constitution ou la législation. Une initiative ne modifie pas la procédure ou les conditions matérielles applicables au cas d’espèce et respecte le principe d’égalité de trai-tement (art. 8 Cst.)755.

749 Voir Auer / von Arx (2000) p. 927-928.

750 Voir Auer / von Arx (2000) p. 927-928. Voir aussi Regina Kiener, « Rechtsstaatliche Anforde-runge an Einbürgerungsverfahren »,Recht2000 213, p. 222. Critique Hangartner (2004) p. 13-14. Voir également la position nuancée de l’Office fédéral de la justice, JAAC 65/2001 no35 p. 371-372 (OFJ, 22.01.2001) ; et de Martenet (2003) p. 93-94.

751 Voirinfranos509 ss et 514 ss.

752 ATF 128/2002 I 190, consid. 3.1,Michel Rossetti(révocation d’une autorisation de construire) ; ZBl 1989 491 (TF, 18.12.1988 ; classement d’un bâtiment appartenant à un particulier).

753 Voir toutefois Seiler (2005) p. 532 ; Hangartner (2004) p. 13-14.

754 JAAC 68/2004 no82, p. 1075-1076 (OFJ, 13.02.2004) ; Mannhart Gomes (2007) p. 155 ; Tanquerel (2006) p. 564 ; Jaag (2005) p. 126.

755 Tanquerel (2006) p. 565.

C. Les principes généraux de l’initiative

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