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Excursus : les projets de révision totale de la Constitution de 1847

LE CONTEXTE INSTITUTIONNEL ET HISTORIQUE

Chapitre 1 : Les définitions générales et le cadre institutionnel

E. Excursus : les projets de révision totale de la Constitution de 1847

184. La Constitution de 1847 est aujourd’hui toujours en vigueur. A ce jour, toutes les tentatives pour la réviser totalement ont échoué. Il existe néan-moins un large débat sur l’opportunité de procéder à sa révision totale, dont l’importance pour l’évolution des institutions actuelles justifie une présenta-tion dans ce chapitre.

185. Jusqu’en 1993331, la Constitution disposait d’une clause d’origine ré-volutionnaire332 qui instituait un référendum obligatoire et périodique – tous les quinze ans – sur le principe d’une révision totale de la constitution333. 186. Le 25 mai 1862, le Conseil général avait par exemple décidé de sou-mettre la Constitution de 1847 à la procédure de révision totale334. Les conser-vateurs, qui préféraient œuvrer par la voie des révisions partielles, s’y étaient opposés. En revanche, les radicaux, désireux d’améliorer la charte de 1847, soutenaient cette procédure335. Le 15 juin 1862, les membres de l’Assemblée constituante ont été élus336. Le projet qu’elle a proposé337 – plus conservateur

329 Voirsuprano127 ss.

330 Voirsuprano124.

331 Voirinfrano228.

332 Auer (1999) p. 96. Sur cette clause, voir aussi Kölz (1992) p. 553.

333 L’art. 180 Cst/GE (art. 153 selon la numérotation adoptée en 1847) – avec la note marginale « Ré-vision totale » – avait ainsi la teneur suivante :

1 Tous les quinze ans, la question de la révision totale de la constitution est posée au Conseil général.

2 Si le Conseil général vote la révision, elle doit être opérée par une assemblée constituante.

3 La constitution ainsi révisée doit être soumise à la votation du Conseil général ; la majorité ab-solue des votants décide de l’acceptation ou du rejet.

334 ROLG 1862 p. 226-227.

335 Ruchon (1953 II) p. 161-162.

336 ROLG 1862 p. 235 ss.

337 Voir Mémorial de l’Assemblée constituante 1862 tomes I et II.

que le texte de 1847338 et ne consacrant, notamment, pas l’abolition de la peine de mort réclamée par l’opinion publique339 – a cependant été rejeté par le Conseil général le 7 décembre 1862340.

187. Convoqué à huit autres reprises afin de se déterminer sur l’opportu-nité d’entreprendre une révision totale de la Constitution, le Conseil général s’est prononcé négativement les 27 mai 1877341, 22 mai 1892342, 25 et 26 mai 1907343, 25 et 26 mars 1922344, 12 et 13 juin 1937345, 18 mai 1952346, 2 juillet 1967347, ainsi que le 26 septembre 1982348.

188. Dès 1999, le débat sur l’opportunité d’une révision totale a été relancé.

Auer, d’une part, a publié une contribution qui préconisait une révision to-tale – à l’instar de ce qui s’est fait dans la majorité des cantons suisses et de la Confédération depuis 1980349 –, notamment afin de s’interroger sur le rôle et la place de l’Etat dans un monde qui a profondément évolué depuis 1847350.

189. D’autre part, un projet de loi constitutionnelle – le projet Lescaze – a été déposé par des députés radicaux au Grand Conseil afin de réintroduire l’institution du référendum périodique et obligatoire351. La majorité de la commission législative du Grand Conseil s’est prononcée en faveur de cette modification constitutionnelle352.

338 Kölz (2004) p. 224 ; Ruchon (1953 II) p. 167-168.

339 Kölz (2004) p. 225 ; Ruchon (1953 II) p. 168-169. La peine de mort a été abolie à Genève le 1erjuin 1871. Voir la loi abolissant la peine de mort dans le Canton de Genève du 24 mai 1871, ROLG 1871 p. 133-134.

340 ROLG 1862 p. 436-438.

341 ROLG 1877 p. 310-303. Voir toutefois Ruchon (1953 II) p. 311 ss et la présentation d’une tenta-tive de révision partielle de la Constitution dans un sens autoritaire en augmentant les pouvoirs de l’Etat au dépends des libertés individuelles (Constitution Page).

342 ROLG 1892 p. 203-205.

343 ROLG 1907 p. 395-397.

344 ROLG 1922 p. 731-733.

345 ROLG 1937 p. 100.

346 ROLG 1952 p. 131 et p. 133.

347 ROLG 1967 p. 323 et p. 328.

348 ROLG 1982 p. 352-353.

349 Pour un point sur les révisions constitutionnelles en Suisse, voir, en dernier lieu, Pascal Mahon,

« La constitution vaudoise dans le contexte du mouvement constitutionnel suisse du dernier quart de siècle »,in :Moor (éd.),La Constitution vaudoise du 14 avril 2003, Berne, 2004, p. 2 ss.

Voir également Bernhard Ehrenzeller, « Reformprozess im Verfassungsrecht von Bund und Kantonen »,in: Thürer / Aubert / Müller,Droit constitutionnel suisse, Zurich, 2001, p. 207 ss.

350 Auer (1999). Voir déjà la conclusion qui figure dans Auer (1987) no166.

351 MGC 1999 IX 8898, p. 8910 ss (projet Lescaze).

352 MGC 2001-2002 I, annexes, 21, M. Lescaze, rapporteur de la majorité.

190. Au mois de janvier 2005, le parti radical a proposé un nouveau projet constitutionnel afin de réviser les institutions du canton353. L’objectif était no-tamment de réduire le nombre de Conseillers d’Etat et de députés au Grand Conseil, d’augmenter le nombre de signatures nécessaires à l’emploi des ins-truments de démocratie directe, ainsi que de revoir la répartition des compé-tences entre les communes et le canton.

191. Au mois de mai 2005, un groupe de personnalités de la société civile – professeurs d’université, hauts fonctionnaires de l’administration, journa-listes, anciens politiciens – a proposé d’entamer une procédure de révision to-tale de la Constitution. Il a suggéré l’adoption d’une assemblée constituante.

192. Auer a alors publié une nouvelle contribution dans laquelle il a dé-montré que la Constitution genevoise contenait des dispositions fausses, des règles inutiles, des normes contraires au droit fédéral, ainsi que des lacunes et des contradictions. Il a ensuite examiné les « chances de survie » de la Constitution de 1847354.

193. Des observateurs ont relevé qu’il était douteux qu’une nouvelle constitution puisse guérir Genève de « ses maux », mais qu’un soutien à cette réforme pouvait être interprété comme la traduction de « la lassitude de la population face à la paralysie que provoque la bipolarisation politique et face à la lourdeur d’un Etat qui peine à se réformer »355. La question d’une éven-tuelle révision totale de la Constitution a ensuite trouvé un très large écho dans la presse tout au long de l’année 2005.

194. Au mois de septembre 2005, un nouveau projet de loi, reprenant les propositions précitées faites au mois de mai 2005, a été déposé au Grand Conseil par des députés du parti démocrate chrétien, du parti écologiste, du parti libéral ainsi que du parti socialiste356. Ce projet de loi a été accepté par le Grand Conseil le 4 mai 2007 et sera soumis au corps électoral le 24 février 2008. Une assemblée constituante de 80 membres pourrait être élue en 2008 et un projet de nouvelle constitution devrait ainsi être proposé au corps élec-toral à l’horizon 2012 ou 2013.

353 PL 9561. Ce texte n’est pas encore publié au MGC, mais est disponible surwww.ge.ch/

grandconseil/data/texte/PL09561.pdf. Le parti radical genevois a, à cet effet, édité une brochure intitulée :Gouverner Genève demain, Projet institutionnel du Parti radical genevois, Genève, 2005.

354 Auer (2005).

355 Jean-Daniel Delley, « Une nouvelle Constitution pour oxygéner la vie politique »,Domaine public du 15 juillet 2005 (no1654), p. 4. Voir aussi René Longet, « Genève malade de ses controverses », Domaine publicdu 30 septembre 2005 (no1660), qui soutient que la révision de la Constitution pourrait marquer le renouveau de la vie politique cantonale minée par des affrontements trop souvent stériles.

356 PL 9666. Ce projet de loi n’est pas encore publié dans le MGC, mais est disponible surwww.

ge.ch/grandconseil/data/texte/PL09666.pdf.

II. L’initiative cantonale

195. Le droit d’initiative est aujourd’hui un instrument classique de la dé-mocratie helvétique et genevoise, mais son introduction ne s’est pas faite sans heurt. Il faut en outre relever que malgré la forme de régime d’assemblée populaire que Genève a connue avec l’institution du Conseil général entre le XIVe et le XVIIIesiècles, le droit d’initiative ne trouve pas son origine dans l’histoire genevoise357.

196. Si l’institution du Conseil général consacrait une forme imparfaite de démocratie et de suffrage universel depuis le XIVesiècle, Genève ne connais-sait pas encore l’institution de l’initiative populaire : le Conseil général était principalement chargé d’élire les membres de certaines autorités et de statuer sur les décisions importantes pour la cité358, comme l’adoption de la réforme le 21 mai 1536359. Un « règlement » de 1738 précisait que le Conseil général n’avait pas le droit de se saisir d’objets que les autorités n’avaient pas préala-blement approuvés360.

197. Le Conseil général a néanmoins eu un rôle de précurseur de la démo-cratie directe moderne361. Il faut préciser, qu’originairement, ses attributions étaient plus étendues, mais qu’elles ont été progressivement restreintes. Ce rôle a fort bien été décrit par Rousseau, dans sa septième Lettre de la Montagne, qui date de 1764, qui s’est adressé aux citoyens de Genève dans les termes suivants :

« Vos lois ne tiennent autorité que de vous ; vous ne reconnoissez que celles que vous faites ; vous ne payez que les droits que vous imposez ; vous éli-sez les chefs qui vous gouvernent ; ils n’ont droit de vous juger que par des formes prescrites. En Conseil général, vous êtes législateurs, souverains, in-dépendants de toute puissance humaine ; vous ratifiez les traités, vous dé-cidez de la paix et de la guerre ; vos magistrats eux-mêmes vous traitent de magnifiques, très honorés et souverains seigneurs; voilà votre liberté ; voici votre servitude. […] En Conseil général, votre souveraine puissance est enchaî-née : vous ne pouvez agir que quand il plaît à vos magistrats, ni parler que quand ils vous interrogent. S’ils veulent même ne point assembler de Conseil général, votre autorité, votre existence est anéantie, sans que vous puissiez leur opposer que de vains murmures qu’ils sont en possession de mépriser.

[…] Vos magistrats ont travaillé de tout temps et sans relâche à faire passer

357 Voirinfrano256 ss.

358 Voir Amédée Roget, « Le Conseil général »,in:Etrennes genevoises, Hommes & choses du temps passé, Genève, 1879, p. 109 ss.

359 Fulpius (1942) p. 18 ss.

360 Art. VI du Règlement de l’Illustre médiation pour la pacification des troubles de la République de Genève du 8 mai 1738. Sur cet acte, voir Jérome Sautier,La médiationde 1737-1738, Paris, 1979.

361 Voir Andreas Auer, « Préface »,in: Auer (1996) p. 6.

le pouvoir suprême du Conseil général au petit Conseil par la gradation du Deux-cents ; mais leurs efforts ont eu des effets différents, selon la manière dont ils s’y sont pris. Presque toutes leurs entreprises d’éclat ont échoué, parce qu’alors ils ont trouvé de la résistance, et que, dans un état tel que le vôtre, la résistance publique est toujours sûre quand elle fondé sur les lois.

[…] Mais ce n’est pas par des entreprises marquées que vos magistrats ont amené les choses au point où elles sont ; c’est par des efforts modérés et conti-nus, par des changements presque insensibles dont vous ne pouviez prévoir la conséquence, et qu’à peine même pouviez-vous remarquer. »362

198. L’introduction du droit d’initiative à Genève s’est faite en deux temps.

Durant la période révolutionnaire une institution, semblable au droit d’ini-tiative, a existé : le droit de réquisition (A.). Ce droit, nommé pétition en 1796, n’est resté en vigueur que quatre ans, de 1794 à 1798. L’adoption de l’initiative, telle que nous la connaissons encore aujourd’hui, a été plus tardive et date de 1891 (D.).

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