• Aucun résultat trouvé

B. Inhibiteurs de Caspases

1. Stratégies

1.1. Inhibiteurs du site actif ou orthostériques

Ces inhibiteurs agissent comme des pseudo substrats et sont des inhibiteurs compétitifs puisqu’ils sont en compétition avec le substrat naturel vis-à-vis du site actif de la Caspase cible. Les peptides sont fonctionnalisés avec des groupements chimiques N-ter et C-ter afin de bloquer un acide aminé de l’enzyme et pour favoriser la perméabilité cellulaire, la stabilité ainsi que l’efficacité du composé (Callus B.A. et al., 2007).

1.1.1. Peptides inhibiteurs

La structure des inhibiteurs peut être divisée en trois parties, la région N-terminale (P5)-P4, puis le dipeptide P3-P2 et le groupement P1’en C-ter (Figure 43A). La plupart des inhibiteurs synthétiques sont développés avec un groupement électrophile en C-ter pour établir un lien covalent avec la cystéine catalytique de manière à inactiver l’enzyme. La nature du groupement chimique en P1’ conditionne le mécanisme d’action du composé. Ainsi, les peptides aldéhydes, cétones et nitriles sont des inhibiteurs qualifiés de réversibles, où l’enzyme est inhibée par la formation d’un thio-hémiacétal tandis que les dérivés de cétones (les halolméthyl-cétones, les aryloxymethyl-cétone ou acyloxyméthyl-cétone (AOMK)) sont des inhibiteurs irréversibles qui inactive l’enzyme de manière permanente via la formation d’un adduit thioether (Figure 43B). D’autres composés présentent un profil d’inhibition bimodal où un thio-hémiacétal est transformé lentement en un thioether. Les conditions à respecter pour une protéolyse efficace par les Caspases est d’une part, la présence d’un Asp en P1 et d’autre part, la reconnaissance d’une séquence tétra- ou pentapeptidique en amont de la liaison scissile. Le développement des inhibiteurs peptidiques de Caspases se base donc sur ce modèle avec l’introduction d’acides aminés non naturels ou une variation au niveau de la chimie du groupement en N-ter ou C-ter. La spécificité de l’inhibition est associée à l’optimisation de la chaîne en amont de l’électrophile P1’.

De manière intéressante, les groupements électrophiles avec une bonne réactivité vis-à-vis d’autres protéases sont peu efficaces sur les Caspases. Tel est le cas pour les groupements P1’ vinyl-sulfone et accepteurs de Michael qui sont très efficaces sur les Cathepsines et les protéases du clan CA. En revanche, les aza-epoxides et les aza-accepteurs de Michael montrent une bonne réactivité vis-à-vis des Caspases.

155

Figure 43. Organisation et mécanisme d’action des inhibiteurs peptidiques de Caspases.

(A) Plusieurs classes d’inhibiteurs réversibles et irréversible ont été identifiées pour les Caspases en utilisant des stratégies qui avait montré leur efficacité sur d’autres protéases à cystéines. La structure des inhibiteurs peut être divisée en trois parties, la région N-terminale (P5)-P4, puis le dipeptide P3-P2 et un groupement électrophile P1’en C-ter. (B) Mécanismes d’inhibitions des inhibiteurs réversibles et irréversibles.

1.1.1.1. Inhibiteurs de première génération – peptides aldéhydes

En se basant sur la classification en trois groupes, établie par Nancy Thornberry et al., sur les séquences préférentiellement reconnues par les Caspases, une première génération d’inhibiteurs aldéhydes a été développée. Ainsi les peptidesaldéhydes WEHD-CHO et Ac-DEVD-CHO/Ac-VDVAD-CHO contiennent les séquences optimales pour les Caspases des groupes I et II, respectivement. Tandis que l’inhibiteur Boc-IETD-CHO possède la séquence consensus reconnu par les enzymes du groupe III. Toutes ces molécules sont des inhibiteurs, réversibles, compétitifs dont le mécanisme d’action est basé sur l’établissement d’un lien covalent transitoire, facilement hydrolysable, avec la cystéine catalytique. De manière intéressante, les aldéhydes ne semblent pas de se lier dans une conformation de l’état de transition, où classiquement l’oxyanion du thio hémiacétal est stabilisé au niveau du trou oxyanion. En effet, pour les aldéhydes, l’oxyanion participe à l’établissement d’un réseau de

A

156

liaisons hydrogène qui implique l’histidine catalytique (Garcia-Calvo M. et al., 1998). Cependant, d’un point de vue pharmacologique, les inhibiteurs aldéhydes présentent un faible potentiel thérapeutique compte tenu de leur mauvaise solubilité, stabilité et puissance d’inhibition. De plus, la forte réactivité de l’aldéhyde entraîne des réactions croisées avec d’autres bionucléophiles, impactant considérablement la sélectivité.

1.1.1.2. Inhibiteurs de seconde génération – Les halométhyl-cétones

L’optimisation du groupement électrophile dans le but d’améliorer la perméabilité, la stabilité et l’efficacité des composés a permis de mettre en évidence que les cétones a-substituées telles que les halométhyl-cétones – Chloromethylketone (cmk) ou fluoromethylketone (fmk) - étaient de très bons inhibiteurs de Caspases.

La fonctionnalisation autour d’un O-méthyl-Asp peut servir d’inhibiteur, tel est le cas pour le Benzozylcarbonyl-aspartyl(OMe)-Fluoromethylketone (Boc-D-fmk), mais l’Asp est souvent inclus dans un tri- (z-VAD-fmk) ou tétrapeptide (Ac-YVAD-fmk).

Le z-VAD-fmk et les molécules associées avec un Asp en P1 sont devenus des inhibiteurs très populaires de Caspases. Ces molécules inhibent l’enzyme cible de manière irréversible en formant une liaison thioester avec la cystéine catalytique où l’oxyanion formé occupe le trou oxyanion -formé par Cys-285 et un résidu Gly – de la protéase dans l’état de transition. L'utilisation de ces inhibiteurs, en recherche fondamentale et appliquée, depuis leur introduction a été considérable, aussi déjà en 2001 plus de 600 publications rapportaient leurs applications (Van Noorden C.J.F. 2001). D’ailleurs, les tétrapeptides inhibiteurs z/Ac-DEVD-fmk, Ac-YVAD-fmk aussi bien que l’inhibiteur large spectre z-VAD-fmk sont les inhibiteurs les plus utilisés dans la recherche et ont largement contribués à la compréhension des pathologies liées à l’apoptose dans de nombreux modèles. Aussi, l’effet de ces inhibiteurs dans la neuroprotection a pu être mis en évidence dans des modèles d’AVC, où Boc-D-Asp protège les rats nouveau-nés des lésions créées suite à une hypoxie-ischémie lorsqu’il est administré 3h après les dommages. Les z-VAD-fmk et Ac-DEVD-fmk sont aussi protecteurs d’ischémies focales bien que ces inhibiteurs soient beaucoup moins efficaces dans des modèles d’ischémies focales sévères (Onténiente B. 2004 ; Kudelova J. et al., 2015).

En comparaison aux aldéhydes, les inhibiteurs fmk témoignent d’une bonne perméabilité, de par la présence d’un groupement O-Methyl, qui prévient de la dégradation. Ils constituent des inhibiteurs puissants et large spectre des Caspases. Cependant leur manque de sélectivité,

157

leurs effets croisés sur d’autres protéases à cystéines et parce qu’ils sont toxiques in vivo, du fait de la production de fluoroacétate qui inhibe l’aconitase, font que ces inhibiteurs ne sont exploitables qu’à des fins de recherche.

1.1.1.3. Inhibiteurs de troisième génération - Q-VD-OPh

De nombreux inhibiteurs de Caspases sont hydrophobes et donc peu perméables, par conséquent l’augmentation de la concentration pour avoir un effet biologique peut entraîner une toxicité de la molécule.

L’ajout d’un groupement O-phenox (Oph) en C-terminal et d’un groupe carboxy-quinolyl (Q) en N-ter de la séquence d’un peptide inhibiteur améliore considérablement son efficacité. C’est en effet le cas pour l’inhibiteur pan-Caspase Q-VD-OPh (Figure 44), où un dixième de la concentration classiquement utilisée pour le Boc-D-fmk suffit à inhiber efficacement l’activité Caspase. Il est capable de prévenir de l’apoptose initiée par les voies intrinsèque, extrinsèque (signalisation Fas) et suite à un stress du RE. In vitro, Q-VD-OPh inhibe les Caspases recombinantes -1, -3, -8 et -9 avec des IC50 qui varient entre 25 et 400 nM.

Compte tenu de toutes ces information, l’optimisation des propriétés du groupe partant, O-phenoxy, fait que cet inhibiteur est encore plus réactif vis-à-vis de la Cystéine catalytique, expliquant ainsi sa meilleure efficacité. Et d’un autre côté, la présence du carboxyquinolyl- en N-ter améliore considérablement la perméabilité du composé, permettant ainsi de diminuer les doses in vitro et in vivo, d’ailleurs ce composé est capable de traverser la barrière hémato-encéphalique (BHE) (Caserta T.M. et al., 2003 ; Chauvier D. et al., 2007 ; Callus B.A. et al., 2007).

Figure 44. Structure du Q-VD-OPh

1.1.2. Peptidomimétiques

L’usage de peptides inhibiteurs est limité pour le développement de médicaments. Et pour cause : leur faible perméabilité due à la structure peptidique et à la présence d’acides carboxyliques, une activité limitée et le manque de stabilité causé par une dégradation rapide. Malgré d’importantes optimisations pour améliorer leurs propriétés pharmacocinétiques, cela reste insuffisant pour une application thérapeutique. Afin de s’affranchir de ces paramètres de nombreuses approches ont été employées : (i) réduction de la nature

158

peptidique de ces inhibiteurs par l’usage de composés mimant le squelette peptidique, (ii) modification du groupement électrophile en P1’, tout en conservant un Asp en P1. L’application de ces critères résulte en le développement de nombreux peptidomimétiques et inhibiteurs non peptidiques sur la base de structure hétérocycliques : isatine sulphonamide, aza-peptide epoxides, nenzyl- et cyclohexyl-amines, pyrazizone mono-amindes). In vivo ces composés montrent de meilleurs paramètres d’efficacité, de sélectivité et de stabilité. D’ailleurs quelques composés sont entrés en clinique, comme IDN-6556 et VX-765 (Table 7). Des compagnies telles que IDUN Pharmaceuticals, Inc ; Vertex Pharmaceuticals, Inc ; Merck Frosst et GlaxoSmithKline (GSK) se sont initialement intéressés au développement d’inhibiteurs de CASP-1 afin de produire des agents anti-inflammatoires, à présent ce sont tous les membres de la famille des Caspases qui attirent les industriels, pour le traitement des pathologies inflammatoires aigues et chroniques, et les maladies auto-immunes et les maladies cardiovasculaires (Kudelova J. et al., 2015). Quelques exemples de ce type d’inhibiteur sont présentés en Figure 45.

Figure 45. Structure

des peptidomimétiques inhibiteurs de Caspases en essai clinique.

Ces composés inclus le VX-750 et le Pralnacasan qui sont des inhibiteurs réversibles de la CASP-1. Emricasan est un inhibiteur large spectre de Caspases. Et NCX-1000 est un donneur oxyde nitrique.

1.1.3. Aza-peptides époxydes et Accepteurs de Michael

Pour les inhibiteurs de Caspases halométhyl-cétones notamment, le principal défaut concerne le manque de sélectivité. En effet, ces composés avec leurs séquences pourtant préférentiellement reconnues par les Caspases sont aussi de bons inhibiteurs d’autres protéases à cystéines telles que les Cathepsine B, L et S.

Les aza-peptides sont des peptides avec des aza-acides aminés c’est à dire que le Carbonea est remplacé par un azote. Le laboratoire de Powers J.C. a mis en évidence que les

aza-Pralnacasan (Vertex Pharmaceuticals) VX-750

Emricasan – IDN6556

159

peptides époxydes – avec un époxyde en P1’ - étaient de bons inhibiteurs spécifiques des protéases à cystéines du clan CD. En effet, ce groupement électrophile associé à des motifs reconnus par les Caspases ne sont pas reconnus par d’autres protéases à cystéines telles que les Cathepsine B et Calpaïne. Aussi, sur la base de ces molécules ils ont développé des aza-peptides inhibiteurs contenant des accepteurs de Michael en P1’. En termes de structures, ces deux catégories d’inhibiteurs sont construites pour ressembler à la séquence optimale du substrat, toutefois, le Carbone a de l’Asp en P1 est converti en un azote et le groupement électrophile est un époxyde ou un accepteur de Michael (Table 5). Le mécanisme d’inhibition employé par ces molécules est une thioalkylation de la cystéine catalytique suite à l’attaque nucléophile. De nombreux groupements électrophiles ont été développés et testé sur les Caspases et aucun d’entre eux n’a d’effet sur d’autres protéases à cystéines.

Table 5. Exemples multiples de groupes partant époxydes et accepteurs de Michael. Ekici Ö.D. et al.,

2002 et Poreba M. et al., 2015

1.1.4. Petites molécules

En alternative aux peptidomimétiques, des petites molécules organiques ont été étudiées pour leur potentiel à inhiber les Caspases. Certaines familles chimiques présentent une bonne

160

combinaison entre forte affinité pour les Caspases et bonnes propriétés pharmacocinétiques. Ce groupe d’inhibiteurs organiques regroupe des dérivés d’indole, isatines ; des indolones, isoquinoline-1,3,4-triones, quinolines, quinazolines, pyridazines quinones et d’autres (Figure 46). La plupart de ces molécules agissent en inhibiteurs réversibles et partagent, souvent, le même mécanisme d’action.

Figure 46. Scaffolds chimiques des

inhibiteurs organiques de Caspases

Les noyaux isatines et indolones sont de petites molécules organiques qui agissent comme agents alkylants du groupement thiol de la cystéine catalytique. Leur mécanisme d’action est basé sur la formation d’un intermédiaire tétraédrique qui se forme entre le carbonyle du cycle de l’isatine ou de l’indolone avec la cystéine catalytique. Les inhibiteurs contenant un noyau isatine ou indolone constituent un point de départ très intéressant pour le développement d’inhibiteurs puissants et affins puisqu’ils peuvent être facilement fonctionnalisés (Lee D. et al.,2000, 2001). Avec un tel rationnel, des composés réversibles avec des efficacités de l’ordre du nanomolaire sur les CASP-3, -7 et -9, avec des Ki de respectivement 1,2 ;7 et 120 nM ont été obtenus. De plus, le composé est effiace au micromolaire sur les autres Caspases testées. Les valeurs des constantes d’inhibition Ki sont utilisées pour définir l’éfficacité inhibtrice des composés réversibles. Les détails sur cette contante sont développés en partie Matériels et Méthodes.

Un autre noyau qui a démontré une bonne inhibition des Caspases sont les dérivés 1,2-benzisothioazol-3-one. Suite à un criblage de 4000 molécules sur la CASP-3 l’un de ses dérivés a montré un potentiel inhibiteur avec une IC50 de 46 µM. L’incorporation d’un cycle 1, 2, 3-triazole à partir d’un dérivé 1,2-benzisothioazol-3-one permet d’augmenter considérablement l’efficacité envers la CASP-3, avec une IC50 de 11 nM (Liu D. et al., 2013 ; Guo Z. et al., 2015).

1,3-Dioxo-2,3-dihydro-1H-pyrrolo[3,4]quinoline

161

Les dérivés de noyaux quinolines et quinazolines sont aussi des inhibiteurs potentiels de Caspases. Le dérivé de quinoline, 1,3-Dioxo-2,3-dihydro-1H-pyrrolo[3,4]quinoline est le composé de base qui a permis l’obtention de composés avec une IC50 pouvant aller jusqu’à 3 nM sur la CASP-3 (Kravchenko D.V. et al., 2005). Les dérivés de ce dernier agissent en inhibiteurs réversibles non-compétitifs, c’est à dire qu’il se lie avec la même affinité à l’enzyme seule et à l’enzyme complexée au substrat. En termes de mécanisme, l’attaque nucléophile du groupement thiol de la cystéine catalytique se fait au niveau du carbone de l’imide aromatique.

Les dérivés de quinazolines sont aussi connus pour leur capacité à inhiber les Caspases. À partir de ce noyaux, l’obtention de composé anilinoquinazoline a permis d’obtenir des composés efficaces sur les CASP-3 et CASP-6, avec des Ki qui varient entre 88 et 247 nM sur la CASP-3 (Scott C.W. et al., 2003). Un composé qui inhibe la CASP-3 avec une efficacité de 425 nM est permet également de réduire l’activité CASP-3 dans des lignées SH-SY5Y où l’apoptose est induite par la staurospaurine.

Enfin, les dérivés d’isoquinoline-1, 3, 4-trione sont des inhibiteurs réversibles slow-binding, caractérisés par une formation/dissociation lente du complexe Enzyme/Inhibiteur. Du point de vue du mécanisme d’action, ces derniers agissent comme les dérivés de quinolines.

1.2. Inhibiteurs allostériques

Comme évoqué précédemment, bien que la stratégie d’inhibition du site actif soit pertinente en termes d’efficacité d’inhibition elle peut être tout même confrontée aux problèmes de sélectivité. Ainsi, l’inhibition allostérique des Caspases est une bonne alternative au ciblage du site actif dans le sens où les inhibiteurs allostériques sont souvent très sélectifs. Ce type d’inhibiteur exerce son effet en se fixant sur un autre site que le site actif de la protéase (exosites ou sites allostériques) en entraînant la déstabilisation de la dyade catalytique Cys-His. La conformation utilisée pour affecter l’activité Caspase est la conformation fermée de la boucle L2’. Dans cette organisation, l’agencement des boucles au niveau du site actif empêche la formation du site actif. Suite au clivage de maturation du linker des grande et petite sous-unités, L2’ reste insérée à l’interface du dimère pour beaucoup de Caspases. Par conséquent une modification de la structure des boucles qui forment le site actif peut être réalisée à tout moment, c’est-à-dire sur le zymogène, sur l’apo-enzyme ou sur la forme active) (Clark A.C. 2016). Une excellente illustration du mode d’action d’un inhibiteur

162

allostérique est l’inhibition de la CASP-2 par la protéine recombinante DARpin (designed

ankyrin repeat protein). Cette dernière se lie à ses cibles à la manière d’un anticorps. La forte

spécificité de l’interaction s’explique par le fait qu’elle se fixe à deux régions flexibles en surface de CASP-2, au niveau de la boucle L4 et en N-ter du brin b5 dont l’ensemble forme l’arrière du site actif (Figure 47) (Schweizer A. et al., 2007). Ce long peptide naturel n’est toutefois absolument pas développable et ne pourra pas constituer un bon candidats médicament.

L’interface de dimérisation, c’est environ 2.000 Å enfouis, avec une cavité centrale remplie d’eau sur un face et d’hélicesa sur l’autre face. Des interactions entre les résidus chargés dans les hélicesa stabilisent l’édifice. La majorité de ces interactions ont lieu au niveau des petites sous-unités, plus précisément entre les brins b8 et b8’ qui encadrent la cavité centrale. Toutes les interactions qui ont lieu au niveau de cette interface, réseau de liaisons hydrogènes, ponts salins, interactions hydrophobes, conditionnent la stabilité du dimère. Bien que les structures tridimensionnelles des Caspases soient relativement similaires, l’interface de dimérisation est propre à chacune et peut donc être exploitée pour le développement d’inhibiteurs allostériques (MacKenzie S.H. et al., 2012). D’ailleurs, le domaine BIR3 de l’inhibiteur endogène XIAP inhibe la CASP-9 en prévenant de l’activation de l’enzyme en se fixant au niveau de l’interface de dimérisation. L’interface des CASP-3 et -7 contiennent des poches qui peuvent être ciblées pour bloquer l’enzyme dans sa conformation active. Deux classes de composés ont été identifiés : FICA (5-fluoro-1H-indole-2-carboxylic acid (2-mercapto- ethyl) amide) et DICA (2-(2,4-dichlorophenoxy-N-(2-mercapto-ethyl)-acétamide. Ces deux composés réagissent avec la Cys-264 de la CASP-3. Ce résidu est localisé à proximité de l’interface de dimérisation et à 14 Å de la cystéine catalytique. La liaison de ces molécules n’entraîne pas une dissociation du complexe mais empêche la liaison du substrat au niveau du site actif. Pour la CASP-7, FICA interagit avec la Tyr-223’ du monomère opposé à celui auquel il est lié, occupant ainsi la cavité centrale entre les deux monomères. Tandis que DICA interagit avec la Tyr-223 du monomère sur lequel il est fixé. Pour les deux inhibiteurs les conséquences conformationnelles sont les mêmes, en déplaçant la Tyr-223 au niveau de l’interface de dimérisation, l’Arg-187 (sous-site S1 de l’enzyme) de la boucle L2 du site actif est éjectée de la cavité centrale et se place dans une position qui bloque la liaison du substrat au site actif. Cette conformation de la CASP-7 suite à son interaction avec DICA ET FICA est semblable à celle du zymogène (Hardy J.A. et al., 2004).

163

Figure 47. Inhibition sélective de la

CASP-2 par DARpin.

(A) Structure en ruban de la CASP-2 liée à un inhibiteur pentapeptidique aldéhyde, LDESD-CHO, du site actif. (B) Structure en ruban de la CASP-2 liée à DARpin.

L’inhibiteur se lie à la boucle L4 et à l’extrémité N-ter du brin b5 qui forment l’arrière du site actif. (C) illustration des deux modes d’inhibition de la CASP-2. D’après Schweizer A. et al., 2007.

2. Sondes d’activités Caspases

Le développement de sondes d’activité est une discipline relativement récente qui utilise de petites molécules ou peptide pour détecter et suivre l’activité des enzymes (Serim S. et al., 2012 ; Poręba M. et al., 2015). La structure type d’une sonde d’activité est motif peptidique ou peptidomimétique qui mime souvent les séquences des substrats naturels associé à un groupement électrophile en C-ter. Ces sondes se lient donc directement à l’enzyme, par l’intermédiaire d’un groupement électrophile, en formant un lien covalent avec la chaîne latérale du résidu catalytique nucléophile (Cys, Ser ou Thr). Les sondes sont fonctionnalisées en N-ter avec un groupement rapporteur d’activité, qui permet de révéler si la sonde est liée au site actif ou non (Figure 48). Les groupements les plus populaires sont des radioisotopes, des groupes fluorescents ou luminescents qui rendent directement compte de l’activité tandis que d’autre tag telle que la biotine rend compte indirectement de l’activité enzymatique. De cette façon, les zymogènes ou les autres formes inactives de la protéase ne seront pas détectés, facilitant ainsi l’étude spécifique de l’activité enzymatique au cours de divers processus biologiques plutôt que de mesurer des taux globaux de protéine.

Les sondes biotinylées ont été les premirs outils utilisés pour le suivi de l’activité Caspases

in vitro (Faleiro L. et al., 1997). Et pour cause, leur forte affinité avec la streptavidine qui

permet une détection sélective et rapide. Cependant l’utilisation de la biotine présente

A B

164

certaines limites, le principal problème étant que la biotine n’est pas adaptée aux études in

vivo et in situ en raison de sa faible perméabilité cellulaire et du mode de détection indirect.

De plus, la présence de polypeptides biotinylés endogènes peut également fausser les