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B. La Caspase-2, une des cibles de la maladie d’Alzheimer ?

1. Axe b-amyloïde

1.1. Caspase-2 : Médiateur de la synpatotoxicité induite par Ab ?

1.1.1. Généralités sur la dynamique de la synapse

Les épines dendritiques sont de petites protrusions (<2 µm) qui se forment sur les dendrites de la plupart des neurones du systèmes nerveux central et sont des sites majeurs pour la formation de synapses excitatrices. Morphologiquement, elles sont formées d’une tête en forme de bulbe ou de champignon avec un cou fin (Figure 39 A). Chez les jeunes neurones les dendrites sont couvertes de longues et fines protrusion appelées filopodia qui sont les précurseurs des épines dendritiques (Tashiro A. et al., 2004). La transmission synaptique et la plasticité neuronale reposent sur les épines dendritiques, cette structure post-synaptique réceptive de la synapse. La dynamique de la synapse et les fonctions synaptiques sont étroitement liées puisqu’en réponse à un stimulus extracellulaire, le volume et la surface de l’épine change afin de réguler l’efficacité synaptique. Par exemple, le volume de l’épine augmente en LTP et décroit en LTD, des modifications qui sont par conséquent les bases de l’apprentissage et de la mémoire. Ces changements morphologiques sont relayés par une dynamique du cytosquelette riche en actine F présent au niveau des épines ainsi que par les voies de signalisation intracellulaires associées. Les Rho GTPase ont un rôle clé dans ce processus puisqu’elle connectent les signaux des récepteurs post-synaptiques aux partenaires

Caspase-2 Mitochondrie Roténone Carence NGF Complexe I- inhibition Cytochrome c Apaf-1 / CASP-9 BID / BAX APOPTOSE CASP-3, -7 ERO AUTOPHAGIE NÉCROSE Survie PMEM RAIDD

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protéiques qui se lient à l’actine F pour permettre le remodelage du cytosquelette et par conséquent de l’épine dendritique (forme et densité) (Figure 39 B). Cette famille de protéines inclue Rac1 (Ras-related C3 botulinum toxin substrate 1), Cdc42 (cell division control protein

42) et RhoA (Ras homologous member A). Elles agissent en interrupteur moléculaires oscillant

entre une forme active liée au GTP et une forme inactive liée au GDP. Trois types de protéines sont impliquées dans les échanges GTP/GDP ; les GEFs (guanine nucleotide exchange factors) qui catalysent l’échange GDPàGTP, les GAPs (GTPase-activating proteins) qui catalyse la réaction opposée pour inactiver les Rho GTPase et GDIs (guanosine nucleotide dissociation

inhibitors) qui maintiennent les GTPases dans leur états inactifs en les séquestrant dans le

cystoplasme.

Rac1 et RhoA contrôlent la morphologie de la synapse. En effet, l’activation de Rac1 et Cdc42 conduisent à la formation de l’épine tandis que la forme active de RhoA participe au pruning en entraînant une diminution de la densité de l’épine, antagonisant ainsi les effets de Rac1. Lors de la stimulation des NMDARs, RhoA liée au GTP s’associe à ROCK (Rho-associated protein

kinase) pour entraîner la déstabilisation du cytosquelette d’actine au niveau de la membrane post-synaptique (PSD) (Bolognin S. et al., 2014). D’ailleurs PSD-95 est une protéine abondante

de PSD qui forme une double couche en-dessous de la membrane de la synapse et pour permettre par exemple l’ancrage des NMDARs au niveau de PSD.

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Figure 39. Régulation de la morphologie de la

synapse par la signalisation Rho GTPase,

(A) Reconstruction 3D de prolongements dendritiques avec agrandissement sur les épines. (B) représentation schématique de l’organisation structurale d’une épine dendritique. GEFs et GAP sont connectés aux récepteurs via les protéines d’échafaudages (PSD-95, molécules d’adhérences, ...) de la membrane post-synaptique (PSD) afin de connecter les Rho GTPase aux signaux cellulaires extérieurs. La voie de signalisation initiée par les Rho GTPase cible les protéines de liaison à l’actine F pour le remodelage du cytosquelette. De nombreuses protéines interviennent dans ce remodelage, ici, seules Arp2/3 (ronds bleus) et cofiline (triangle vert) sont représentées. D’après Bolognin S. et al., 2014

1.1.2. Caspase-2 et modulation de la synapse en réponse à Ab

La dysfonction et la perte synaptique sont des événements précoces dans la maladie d’Alzheimer. De nombreuses Caspases sont activées chez les patients AD ainsi que dans les modèles animaux, dont CASP-1, -2, -3, -6 et -9. Ces observations suggèrent que les Caspases pourraient aussi avoir un rôle non apoptotique dans la maladie d’Alzheimer, par exemple en participant à ces changements synaptiques.

Dans des cultures primaires d’hippocampes traitées avec de l’Ab et dans des souris J20hAPP, Pozueta J. et al., en 2013, ont démontré que CASP-2 est un régulateur clé de la régulation de la densité et de la morphologie de l’épine dendritique en réponse à Ab. En effet, la répression de cette enzyme prévient des changements morphologiques de l’épine dendritiques induits par Ab. Plus précisément, le croisement des souris J20 avec des souris KO CASP-2 prévient des phénotypes classiquement observés chez les souris J20 à savoir : (i) déficits de la mémoire ; (ii) changements de morphologie des épines dendritiques chez les jeunes sujets (4 mois). (iii) perte des épines dendritiques chez les souris plus âgées (14 mois) (Figures 40A et B). Le point intéressant est que ces effets de la délétion de la CASP-2 se font indépendamment d’une réduction des niveaux d’Ab puisque les taux d’Ab solubles et de plaques amyloïdes ne varient pas par rapport aux animaux J20.

A

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Dans ce processus de modulation de la synapse, CASP-2 pourrait jouer un rôle clé dans l’activation de la signalisation de la RhoA-GTPase en réponse à l’Ab.

Tout d’abord, Ab induit le recrutement de RhoA et ROCKII (colocalisation avec PDS-95) au niveau de l’épine dendritique sur des cultures primaires hippocampiques. Ensuite, Ab permet également la translocation de CASP-2 au niveau de l’épine dendritique. Enfin, en absence de CASP-2 la translocation de RhoA à l’épine est diminuée (colocalisation avec PSD95 diminuée), ce qui signifie que CASP-2 pourrait faciliter la translocation de RhoA au niveau de l’épine après traitement Ab. Par conséquent, CASP-2 et RhoA-GDP pourraient former un complexe hors de l’épine en condition physiologique. Un contrôle supplémentaire exercé par GDI permettrait d’empêcher l’interaction de RhoA-GDP avec une GEF. En condition pathologique, en présence d’Ab notamment, CASP-2 et RhoA s’activeraient conduisant à une dissociation du complexe. Dans leurs formes actives CASP-2 et RhoA-GTP sont délocalisées au niveau de l’épine et peuvent interagir avec ROCKII pour entraîner la rétractation de l’épine.

Ces éléments suggèrent que CASP-2 pourrait contrôler la localisation et peut être la signalisation RhoA/ROCK II pour participer à la modulation des changements synaptiques et à l’altération de la mémoire induits par Ab.

Figure 40. La perte synaptique et

les changements de morphologie de l’épine dendritiques observés chez les souris J20 est réversés dans les animaux J20/KO CASP-2.

(A) À 4 mois, l’analyse morphologique des épines révèlent une diminution des populations avec un bulbe bien net chez les J20 contrairement aux WT et J20/KO CASP-2. À 14 mois, la densité chez les animaux J20 est réduite d’environ 50% par rapport aux animaux WT tandis que les animaux J20/KO CASP-2 ne présentent pas d’altération de la densité. (B) Quantification de la perte synaptique chez les différents animaux en fonction de l’âge. Pozueta J. et al., en 2013

1.2. Médiateur de la toxicité induite par Aβ

Dans la maladie d’Alzheimer le peptide amyloïde et un défaut dans l’apport en facteurs trophiques sont impliqués dans les processus neurodégénératifs caractéristiques de cette pathologie. Aussi, en plus de participer à l’effet synaptotoxique induit par le peptide Ab à des stades précoces de la pathologie, la CASP-2 est également un médiateur de la neurotoxicité

Effet sur la morphologie à 4 mois Effet sur la densité synpatique à 14 mois

WT KO CASP-2 J20 J20/KO CASP-2

WT KO CASP-2 J20 J20/KO CASP-2

A B Sp in es m

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induite par Ab dans les neurones. En effet, CASP-2 est requise pour l’effet apoptotique d’Aβ dans des cultures primaires d’hippocampes. De plus, les neurones hippocampiques de souris CASP-2-/- sont résistants à la mort induite par l’exposition à des oligomères l’Aβ1-42 in vivo. Dans de nombreux paradigmes de mort neuronale, les stimuli apoptotiques initient différentes voies de signalisation qui convergent vers l’activation du facteur de transcription c-jun pour stimuler l’expression de BIM, une protéine pro-apoptotique qui agit généralement en amont de la cascade des Caspases (Putcha G.U. et al., 2001). Une étude menée par Jean Y.Y. et al., en 2013 place la CASP-2 en amont de la transcription de BIM, puisque dans les cultures de neurones hippocampiques, CASP-2 est activée 30 min après induction du stress dans les neurones, et ceci bien avant l’apparition des premiers signes de la neurodégénérescence et avant l’induction de l’expression de BIM au niveau ARNm ou protéique. Ces différents éléments placent donc la CASP-2 très en amont dans le processus de mort neuronale suite au traitement avec des oligomères d’Aβ1-42. D’ailleurs, in vivo, l’injection d’Aβ1-42 oligomérique dans l’hippocampe induit une augmentation de l’expression de CASP-2 et de BIM dans les mêmes neurones, et la co-expression de CASP-2 et BIM a pu également être mise en évidence dans les neurones du cortex entorhinal chez des patients AD (Jean Y.Y.

et al., en 2013).

Dans ce processus de mort neuronale, CASP-2 favoriserait la phosphorylation activatrice de c-jun par JNK. Pour cela, elle pourrait cliver soit de manière à activer un initiateur de la voie, soit en levant la répression d’un inhibiteur de la voie, par exemple PKCd ou FoxO3. Une fois activé c-jun est transloqué au niveau du noyau pour induire l’expression de BIM. Ce dernier qui peut alors entraîner la mort du neurone en activant BAX pour favoriser le relargage de cytochrome c et par conséquent permettre l’activation des CASP-9 et -3. (Troy C.M. et al., 2000 ; Ribe E.M. et al., 2012).