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A. Caspases : Régulateurs majeurs de l’Apoptose et de l’inflammation

3. Caspases et Inflammation

3.1. Les Caspases-1, -4, -5 et -11 : acteurs clés de l’immunité innée

La mise en évidence de l’implication des Caspases dans l’inflammation remonte à l’identification de la CASP-1 ou ICE comme enzyme capable de cliver la cytokine proIL-1b en IL-1b mature dans les macrophages (Thornberry N.A. et al., 1992 ; Ramirez M.L.G. et al., 2018). En effet, les souris constitutivement déficientes en CASP-1 semblent être résistantes aux chocs toxiques induit par un traitement au Lipopolysaccharide (LPS) (Kuida K et al., 1995).

La sous-famille des Caspases inflammatoires inclue également les CASP-4, -5 et 12 chez l’homme et les CASP-1, -11 et -12 chez la souris (Jiménez Fernández D et al., 2015).

Les gènes codant les caspases inflammatoires sont organisés en cluster sur le chromosome 11q22, ce qui suggère qu’ils pourraient être issus d’une duplication de gène. De plus, l’analyse des séquences des gènes CASP-4 et -5 suggère qu’elles proviennent d’une duplication d’un gène ancestral de CASP-11 like, la CASP-11 est donc un orthologue murin des CASP-4 et -5 (Martinon F. et al., 2004).

L’activation des Caspases inflammatoires se met en place en réponse à des infections virales ou bactériennes, ainsi que suite à une exposition à des toxines, des métabolites et irritants environnementaux. L’activation de la CASP-1 se fait par oligomérisation au sein de structures macromoléculaires appelées inflammasomes. En revanche, les CASP-11/-4 et -5 peuvent être

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activées indépendamment de la voie canonique de l’inflammasome en interagissant comme récepteur du lipopolysaccharide (LPS) (Shi J. et al., 2014)

3.1.1. Caspases et voie canonique de l’inflammasome

NLRP1 fut le premier inflammasome décrit par Tschöpp et ses collègues en 2002 (Martinon F. et al., 2002). Dans leur étude, les auteurs ont montré que NLRP1 pouvait recruter la 1 au niveau de son extrémité N-terminale PYD via l’adaptateur ASC tandis que la CASP-5 pouvait être directement recrutée par une interaction CARD:CARD. Toutefois, la CASP-CASP-5 ne semble pas être activée au sein de cette plateforme. La même équipe a par la suite pu identifier l’inflammasome NLRP3 comme étant l’une des causes d’une sécrétion anormalement élevée d’IL-1b dans les macrophages de patient atteint du syndrome de Muckle Wells (Agostini L. et al., 2004). Ensuite, NLRC4 a été mis en évidence dans un modèle de macrophage déficient en NLRC4 où la CASP-1 n’était pas activée suite à une infection par

Salmonella typhimurium (Mariathasan S. et al., 2004). En 2009 suite à trois études, AIM2 est

décrit comme l’inflammasome activé suite à la fixation d’ADN double brin cytosolique. Aujourd’hui, c’est dix inflammasomes qui ont pu être identifiés : NLRP1, NLRP3, NLRP6, NLRP7, NLRP12, NAIP/NLRC4, NLRC5, AIM2, IFI16, Pyrin. Bien que ces complexes soient tous capables d’activer la CASP-1 en conditions physiologiques ou pathologiques, les processus régissant leur distribution dans les tissus ainsi que les modalités d’assemblage et de spécificité sont encore à élucider (Songane M. et al., 2018).

Les plateformes les mieux caractérisées pour l’activation de la CASP-1 sont : l’inflammasome NLRP1, qui s’active en réponse à la toxine « anthrax » sécrétée par une souche virulente de

Bacillus anthracis ; l’inflammasome NLRP3, qui reconnaît une variété de PAMPs (nigéricine,

ARN) mais aussi des champignons ; l’inflammasome NAIP/NLRC4 qui reconnaît les flagellines bactériennes et de nombreuses protéines sécrétées par les bactéries Gram – ; Puis, l’inflammasome AIM2, qui active la CASP-1 en réponse à de l’ADN double brin cytosolique de virus (vaccina, cytomégalovirus) notamment.

L’inflammasome NLRP1 peut recruter la CASP-5 en faisant intervenir une protéine adaptatrice CARDINAL qui va recruter la Caspase via une interaction CARD/CARD, cette dernière observation renforce l’hypothèse que plusieurs caspases inflammatoires peuvent agir de concert pour induire une meilleure réponse (Martinon F. et al., 2004 et 2007 ; Fernández D.L.

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La réponse immunitaire innée par la voie canonique de l’inflammasome dépend d’une première étape cruciale où la stimulation des TLRs permet l’activation au niveau transcriptionnel de NLRP3 et des cytokine pro-inflammatoires (IL-1b et interféron, IFN) par le biais de la voie NF-kB. Ensuite, suite à un second stimulus, généralement une déplétion en K+

ou la présence de PAMPs dans le cas de l’activation de NLRP3, le recrutement et l’activation de la CASP-1 par l’inflammasome permet l’activation des cytokines pro-inflammatoires IL-1b et IL-18 pour faciliter leur sécrétion afin de promouvoir la réponse immunitaire (Galluzzi L. et

al., 2016).

3.1.2. Voie non canonique

Des études récentes suggèrent que les CASP-4, -5 et -11 pourrait participer à l’inflammation dans un processus d’activation non canonique qui ne dépend pas de la présence des partenaires protéique de l’inflammasome (Kayagaki N. et al., 2011).

Le rôle de la CASP-11 dans la production d’IL-1b suite à la présence de LPS intracellulaire a été mis en évidence à partir de 1998 où des souris CASP-11-/- étaient résistantes aux chocs toxiques et ne produisaient pas d’IL-1a et b en réponse à un stimulation au LPS (Wang S. et

al., 1998). Il a ensuite été proposé que les CASP-11, -4 et -5 puissent être des senseurs au LPS

intracellulaire provenant des bactéries Gram « - » (Shi J. et al., 2015 ; Galluzzi L. et al., 2018). Par ailleurs, les CASP-4, -5 et -11 sont capables d’initier la pyroptose en présence de LPS dans le cytoplasme de monocytes aussi bien que dans d’autres types cellulaires (Songane M. et al., 2018). Plus précisément, la portion lipidique du LPS ou le LPS entier serait capable d’interagir avec le domaine CARD des Caspases et cette interaction spécifique résulte en une oligomérisation suivi d’une activation des enzymes. Shi J. et al., en 2015 ont pu montrer que ces trois Caspases étaient capables de former des multimères en présence de LPS, tandis qu’en absence de signaux elles demeuraient sous forme monomèrique.

3.1.3. Caspases, inflammation et pyroptose

3.1.3.1. Généralités sur la pyroptose

La pyroptose est une forme de mort cellulaire régulée, déclenchée par une perturbation de l’homéostasie extra ou intracellulaire liée à l’immunité innée et qui se manifeste par des changements morphologiques (Jorgensen I. et al., 2015). Ces modifications structurales de la cellule inclues : i) une condensation particulière de la chromatine, différente de celle observée pour l’apoptose, ii) un gonflement de la cellule qui s’achève par iii) une

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perméabilisation de la membrane. Initialement décrite en 1992, c’est en 2001 que le nom pyroptose est associé à ce processus par Cookson et Brennan, où pyro signifie le feu, en référence à la nature inflammatoire de cette forme de mort, et ptosis, la chute (Cookson B.T.

et al., 2001). La pyroptose implique les Caspases inflammatoires, notamment la CASP-1, mais

elle peut aussi impliquer la CASP-3, elle peut également se dérouler dans d’autres types cellulaires que le lignage monocytaire. Enfin, Elle a un rôle majeur dans l’immunité innée en réponse à des pathogènes intracellulaires et elle est implqiuée dans des conditions pathologiques induite par le LPS (choc septique) (Aziz M. et al., 2014 ; Galluzzi L. et al., 2018).

3.1.3.2. Caspases, inflammation et pyroptose

La CASP-1 joue un rôle central dans l’immunité innée en répondant aux signaux cytosoliques en initiant une double réponse impliquant le relargage de cytokine et/ou la mort par pyroptose. Le rôle de cette enzyme dans la mort cellulaire inflammatoire a été mise en évidence dans un modèle d’infection par Shigella flexneri où l’inhibition de la CASP-1 par un agent pharmacologique, l’YVAD-cmk, inhibait la libération d’IL-1b ainsi que la mort cellulaire (Hilbi H. et al., 1997). Plus tard, en 2007, la séquence des événements menant à la pyroptose a été clarifiée (Fernandes-Alnemri T. et al., 2007). Dans leurs études, les auteurs ont alors montré que les activateurs de l’inflammasome induisaient l’assemblage d’un pyroptosome par cellule. Ce dernier permettant le recrutement et l’activation de la CASP-1 conduisant à la pyroptose et au relargage d’IL-1b. Mécanistiquement, les CASP-1 et -11 sont capable de cliver la Gasdermin D pour générer un fragment p30 actif N-terminal capable de former des pores de 10 à 33 nm à travers la membrane plasmique. Plus précisément, cette protéine de 480 acides aminés se divise en deux domaines : un domaine N-terminal, gasdermin-N, suivi d’une longue boucle qui lie un deuxième domaine, gasdermin-C, localisé en C-terminal. Cette dernière, en absence de signaux est maintenue inactive par repliement de gasdermin-C sur gasdermin-N. Les CASP-1 (humaine et murine) et -11 (murine) clivent efficacement GSDMD après un Aspartate (Asp-276, -275) au niveau de la longue boucle qui lie les deux domaines, d’ailleurs, les CASP-4 et -5 sont également capables de cliver GSDMD. Une fois clivée, un fragment p30 gasdermin-N actif est libéré et va se lier spécifiquement à des lipides de la membrane plasmique (phosphoinositides et cardiolipine). Cette interaction entraîne un oligomérisation de gasdermin-N et permet la formation d’un pore au travers de la membrane plasmique. Le pore ainsi formé perturbe le potentiel osmotique et induit un gonflement de la cellule aboutissant à une lyse (Figure 17) (Liu X. et al., 2016 ; Shi J. et al., 2017).

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Figure 17. La CASP-1 est le médiateur central de la voie canonique de l’inflammasome.

Chez la souris, la Casp-11 agit comme un senseur et est activée via une interaction avec du LPS , tout comme les CASP-4 et -5 chez l’homme. Les CASP-1 et -11 permettent toutes deux la maturation d’IL-1b et d’IL-18, bien que CASP-11 ne soit pas capable de cliver directement. De plus, ces deux protéases sont capables de cliver et d’activer la Gasdermin D (GSMD) en une fragment N-ter capable de former un pore à travers la membrane pour conduire à la pyroptose. Il s’agit d’un type de mort inflammatoire qui participe activement à l’élimination des pathogène (Songane M. et al., 2018)