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D. Caspases et Système nerveux central

2. Physiologie

2.3. Fonctions non apoptotiques des Caspases dans le système nerveux

De nombreuses études tendent à montrer que les Caspases ont des fonctions importantes, indépendante de l’apoptose, dans le système nerveux.

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2.3.1. Pruning axonal et dendritique

Au cours du développement, les neurones étendent leur axone afin d’innerver leurs cibles résultant souvent en des connexions non pertinentes. Cette phase de croissance est alors suivie d’une phase de régression où les axones, dendrites ou synapses mal adressés sont éliminés tandis que les « bonnes » connexions sont préservées. Cette élimination sélective des structures du neurones est appelé pruning et se produit généralement sans mort du neurone (Schuldiner O. et al., 2015). Le pruning est un processus essentiel pour l’établissement de réseaux fonctionnels de neurones. Chez les vertébrés cette étape a lieu dès la naissance. Les premières preuves de l’implication des Caspases dans ce processus ont été apportées chez la drosophile, où la présence de DARK (homologue d’Apaf-1) et DRONC (homologue de CASP-2) sont requis pour le pruning. Dans les neurones sensoriels C4da, le système ubiquitine protéasome (UPS)régule le pruning des dendritique en faisant intervenir la machinerie apoptotique. Plus précisément, UPS induit la dégradation de l’E3 ubiquitine Ligase DIAP1 (Death-associated inhibitor of apoptosis 1). Cette dernière se lie classiquement à Dronc pour induire sa dégradation. Par conséquent au cours du développement neural de la Drosophile, l’UPS entraîne la dégradation de DIAP1 et permet ainsi l’activation locale des Caspases pour permettre le clivage des dendrites. (Kuo C.T. et al., 2006 ; Williams D.W. et al., 2006). Dans ce contexte, contrairement à la mort cellulaire par apoptose, l’activité des Caspases est localisée, notamment au niveau des dendrites des neurones qui subissent cette étape de pruning.

Dans le système nerveux périphérique, les Caspases sont également impliquées dans le

pruning des axones des cellules ganglionnaires de la rétine (RGC en anglais) au niveau du

mésencéphale des mammifères. Au cours du développement, les neurones dépendant de neurotrophines, facteurs nécessaires à leur survie et à la différenciation, étendent leurs axones pour innerver des cellules cibles productrices de facteurs de croissance neuronaux (NGF en anglais) par exemple.

Les neurones ont la capacité d’activer des voies de signalisation distinctes pour conduire à la dégénérescence de la cellule entière ou seulement de l’axone. Dans une étude publiée en 2014, les auteurs ont démontré que la CASP-6 était activée localement au cours du processus de dégénérescence axonale sur des neurones sympathiques, dans un contexte de carence en NFG uniquement. Dans cette même étude ils ont aussi mis en lumière le rôle des CASP3 et -9 dans la dégénérescence axonale dans un processus indépendant de l’adaptateur protéique

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Apaf-1. Enfin, leurs résultats ont également montré que le protéasome et les XIAPs étaient responsables de la compartimentalisation de l’effet de ces caspases au niveau de l’axone (Cusack C.L. et al. 2013). Par conséquent, bien que les Caspases soient ubiquitaires dans la cellule, l’activation est réduite au niveau du compartiment axonal.

Un mécanisme proposé pour l’activation des caspases dans le processus de pruning est présenté en Figure 21. Le facteur de transcription c-jun est phosphorylé et activé par la voie de signalisation des kinases JNK/DLK. Ce dernier permet ensuite la transcription de facteurs pro-apoptotiques pour favoriser l’activation des CASP-3 et -6 par la voie intrinsèque permettant d’induire une dégénérescence localisée de l’axone (Gosh A.S. et al., 2011 ; Troy C.M. et al., 2011 ; Hyman B.T. et al., 2012 ; Hollville E. et al., 2017).

Figure 21. Illustration du rôle des Caspases 3, -6 et -9 dans le pruning axonal.

En absence de facteurs neurotrophique tels que les facteurs de croissance neuronaux (NGF), l’activation de la voie JNK par la kinase DLK entraîne la stimulation de la transcription de facteurs pro-apoptotiques tels que Puma. Son expression résulte en l’activation de BAK puis de la PMEM qui entraîne la libération de cytochrome c et l’activation des CASP-9 et -3 par un processus dépendant ou non d’Apaf-1. L’activation de ces Caspases permet une dégénérescence locale de l’axone. D’Hollville E. et al., 2017.

2.3.2. Guidance axonale et synaptogénèse

La croissance de l’axone et son bon adressage sont des étapes essentielles au cours du développement pour établir des réseaux de neurones fonctionnels (Van Battum E.Y. et al.,

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2015). Les protéines impliquées dans ce processus dit de « guidance » sont soit sécrétées soit liées à la membrane pour être reconnues par des récepteurs spécifiques à la surface des extensions dynamiques des neurites qui cherchent à se connecter à leur cible, également appelé cônes de croissance. L’implication des Caspases dans la croissance des neurites et la guidance axonale a été mise en évidence chez le Xénope, dans les neurones du ganglion rachidien (Campbell D.S. et al., 2003). Netrin-1 est une protéine de guidance axonale sécrétée qui se lie à ces récepteurs DCC et UNC5 afin de promouvoir l’attraction ou la répulsion du cône de croissance. In vitro, CASP-9 et CASP-3 sont capables d’interagir avec le récepteur DCC pour que CASP-3 participe à l’effet attracteur de Netrin-1. Chez les neurones hippocampiques murins, la CASP-3 est également exprimée au niveau des cônes de croissance in vitro. Aussi, Le glycoprotéine NCAM (Neural Cell Adhesion Molecule) exprimées à la surface des neurones est capable d’interagir avec CASP-8 et déclenche l’excroissance des neurites dans un processus dépendent des CASP-3 et -8 (Westphal D. et al., 2010). Enfin, le développement des bulbes olfactifs chez les rongeurs implique l’activation de la CASP-3 dépendante de CASP-9. De manière intéressante chez les souris CASP-9-/- et Apaf-1-/- le nombre de neurones olfactifs n’est pas impacté mais les animaux présentent des aberrations dans la projection et l’adressage des axones de ces neurones (Ohsawa S. et al., 2010).

Les protéines Silt constituent une autre famille de molécule impliquées dans la guidance axonale et sont capables d’activer les Caspases après stimulation des récepteurs Robo. En fonction du contexte, la voie de signalisation initiée par les Silt ont un effet attracteur ou répulsif sur la croissance des axones mais elles ont aussi un effet répressif ou permissif sur l’arborisation au cours du développement. In vivo, Silt1a et son récepteur Robo2 stimule une activation locale et dans un temps imparti, de CASP-3 au niveau des points de branchements uniquement. Son activité favorise la formation des prolongements ainsi que leurs rétractations. Ensuite, Silt1a/Robo2/CASP-3 et -9 collaborent et interviennent dans le maintien des branches néoformées (Campbell D.S. et al., 2013) (Figure 22). D’ailleurs les souris KO CASP-9, présentent une diminution considérable des taux d’expression de Bassoon, une protéine de la matrice du cytosquelette qui constitue un bon marqueur présynaptique, ce qui suggère un rôle de l’activation des Caspases dans la maturation synaptique. Dans tous ces exemples rendant compte de l’implication des Caspases dans la guidance axonale, les mécanismes par lesquels elles sont activées et leurs modes d’action demeurent encore inconnus (Hollville E. et al., 2017).

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Figure 22. Rôle des Caspases-3, -8 et -9 dans l’excroissance des neurites, la guidance axonale et le branchement.

Les Caspases sont activées en réponse de la stimulation de récepteurs impliqués dans l’excroissance des neurites (NCAM), la guidance axonale (DCC en réponse à la fixation de Netrin-1 avec l’effet attracteur modélisé par des « + ») et le branchement (Robo2 stimulé par la fixation de son ligand Slit1a). Hollville E. et

al., 2017

2.3.3. Physiologie de la synapse

La plasticité synaptique jour un rôle crucial aussi bien dans la maturation des circuits de neurones que dans le remodelage. La modification de la synapse en réponse à une stimulation neuronale peut résulter en une augmentation ou une diminution de la force de la synapse on parle alors respectivement de potentialisation à long terme (LTP) ou de dépression à long terme (LTD) (Artola A. et al., 1990). La LTD se caractérise par une synapse qui devient moins sensible à un stimulus spécifique et résulte en une diminution de la taille ou en l’élimination de l’épine dendritique. En revanche la LTP résulte en un renforcement de la synapse. Ces processus régissent la plasticité synaptique. Par ailleurs, les LTP et LTD ont été largement étudiées dans le but de comprendre les bases moléculaires et cellulaire de l’apprentissage et de la mémoire. Les LTP et LTD sont majoritairement déclenchées par l’activation synaptique des récepteurs au NMDA (N-methyl-D-aspartate), suite à la fixation du neurotransmetteur L-glutamate, et se manifestent par des modifications de la transmission

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synaptique médiée par les AMPARs (a-amino-3-hydroxy-5- methylisoxazole-4-propionic acid receptor). En se liant à aux NMDARs, le L-glutamate stimule la synapse en déclenchant une

entrée de calcium qui résulte en une augmentation de l'expression des AMPARs au niveau des synapses présentant une LTP (Esteban J.A. et al., 2003), tandis que les AMPARs sont internalisés dans les synapses sous LTD (Beatitie E.C. et al., 2000). Les synapses sont ainsi capables de subir deux types de modifications de telle sorte que différents modes d’activations de la synapse résultent en une signalisation des NMDARs qui peuvent induire soit une LTP soit une LTD. Cette propriété semble être indispensable pour permettre au cerveau de stocker une grande quantité d’informations. La modulation de la force de la synapse au cours des LTP et PTD est associée à un remodelage de la taille et de la densité de l’épine dendritique, qui sont augmentée avec la LTP et réduite au cours d’une LTD (Zhou Q. et al., 2004).

In vivo, l’utilisation d’inhibiteurs de Caspases a permis de mettre en évidence

l’implication de ces enzymes dans de nombreux processus tels que : la formation de la mémoire spatiale et auditive. D’ailleurs, en association avec leur rôle dans la formation de la mémoire, les Caspases actives sont détectées au niveau de l’Hippocampe, et du cortex chez la souris. Dans ces processus, l’activité des Caspases est restreinte aux structures post-synaptiques. La LTD induite par les NMDAR est réprimée dans les neurones hippocampiques de souris KO CASP-3, suggérant qu’elle soit suffisante pour réduire la force de la synapse dans ce processus. Afin de favoriser la LTP des NMDARs, la CASP-3 favorise sur la perméabilisation de la membrane mitochondriale en faisant intervenir BAX . L’entrée de calcium via l’activation des NMDARs, essentielle à la LTP ou LTD, est également déclenchée par une voie de signalisation qui conduit à l’activation de CASP-3 afin de favoriser la LTD (Li Z. et al., 2010) ou l’inhibition de la LTP. Un modèle propose que l’entrée de calcium dans la synapse, entraîne la déphosphorylation de BAD par la calcineurine ou protéine phosphatase 2B (PP2B), qui permet alors l’activation de BAX. BAX à son tour permet la PMEM qui entraîne l’activation de CASP-3 (Jiao S. et al., 2011). La nature transitoire de ces processus est requise pour maintenir une activation faible de CASP-3 afin de prévenir de la mort du neurone. Il est donc possible que le neurone déploie une boucle de rétrocontrôle négatif pour limiter l’activation de CASP-3. D’ailleurs, en rapport avec une activation transitoire de CASP-3 en réponse à l’activité synaptique, l’activation de BAX, BAK et le relargage de cytochrome c se fait sur des temps très courts (Figure 23). Les LTP et LTD résultent toutes deux en un contrôle de l’expression des

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AMPARs à la surface des synapses. Dans cet esprit, des preuves suggèrent un rôle de CASP-3 dans la régulation de la distribution de ces récepteurs. D’ailleurs, dans les neurones de l’hippocampe, une déficience en BAX, BAK ou CASP-3 résulte en un défaut de l’internalisation des AMPARs médiée par les NMDARs. La CASP-3 pourrait conduire à l’internalisation des AMPARs en clivant la protéine Gap43 au niveau de la synapse pour permettre la LTD et par conséquent l’internalisation des AMPARs dans les neurones de l’hippocampe (Han MH. et al., 2013). Elle pourrait également agir en activant un autre substrat, la calcineurine, qui est requise pour l’endocytose des AMPARs au cours de la LTD induite par les NMDARs. Enfin, il a pu être démontré que CASP-3 pourrait agir en clivant directement au niveau des sous-unités des AMPARs, pour l’inactiver, dans les neurones hippocampiques en réponse au peptide Ab ou à la staurosporine.

En 2007, Peineau S. et al., ont démontré que l’activité de la sérine/thréonine kinase, GSK3b, était essentielle pour la LTD dépendante des NMDARs dans l’hippocampe. D’ailleurs, cette forme de LTD est très rependue dans le cerveau et est fortement impliquée dans le développement de l’apprentissage et de la mémoire. En termes de mécanisme, l’activité de GSK3b détermine si les récepteurs au NMDA induisent ou inhibent la LTD. Ainsi, au cours de la LTD, l’activation de la protéine phosphatase 1 (PP1) permet la déphosphorylation et donc l’activation de GSK3b qui permet à son tour à la LTD de se produire. En revanche, au cours de la LTP, l’activation des récepteurs au NMDA conduit à une stimulation de la voie PI3K-Akt1, où l’activation de la PI3K (phosphoinositide 3-kinase) mène à la production de

phosphatidylinositol (3,4,5)-trisphosphate ou PIP3. L’augmentation des taux de PIP3 entraîne

le recrutement à la membrane de la kinase dépendante du 3-phospho-inositide (PDK1) et de la kinase Akt1. Cette dernière peut ensuite phosphoryler et inactiver la GSK3b pour prévenir de l’induction de la LTD. Par conséquent, le clivage d’Akt1 pour son inactivation est requis pour la LTD dépendante de la signalisation des NMDARs. Il s’avère qu’Akt1 est un substrat de la CASP-3, ainsi CASP-3 pourrait favoriser la LTD et réprimer la LTP en inhibant Akt1 afin de promouvoir l’activation GSK3b (Figure 23).

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Figure 23. Rôle de la CASP-3 dans la dépression à long terme (LTD).

La CASP-3 participe à la plasticité synaptique des synapses glutamatergique en permettant la down-régulation de l’expression des AMPARs à la surface de la synapse. La fixation du neurotransmetteur L-glutamate aux récepteurs au NMDA entraîne l’entrée de calcium au niveau de la synapse, cette entrée de calcium entraîne la déphosphorylation de BAD par la calcineurine, qui permet alors l’activation de BAX. BAX à son tour permet la PMEM et active la CASP-3. Cette derniere participe à la LTD médiée par les NMDARs, soit en permettant l’internalisation des récepteurs de manière indirecte en clivant ses substrats GAP43 et Akt1 ou en clivant directement les sous-unités des AMPARs pour les inactiver.

2.3.4. Restriction spatiale et temporelle de l’activité Caspase

Tous les processus évoqués précédemment nécessitent une activité restreinte en temps et en localisation, que ce soit au niveau de la dendrite au cours des étapes de

pruning, ou au niveau des cône de croissance au cours du processus d’arborisation ou au

niveau du bouton post synaptique au cours de la LTD. De nombreux mécanismes sont décrits pour limiter l’activité Caspases dans le neurone. Dans les neurones, les IAPs jouent un rôle majeur dans la restriction de l’activité Caspase afin de prévenir de la mort neuronale (Cusack C.L. et al., 2013). Toutefois, l’efficacité de XIAPs ne s’explique pas par une forte expression dans les neurones mais plutôt par de faible taux d’Apaf-1, qui limitent l’activation des Caspases en permettant un contrôle fin par les XIAPs (Figure 24). Par exemple, in vitro, XIAP restreint l’activation de CASP-3 et la dégénérescence axonale dans des modèles de carence en NGF du pruning axonal. XIAP prévient de l’internalisation des AMPARs et de l’activation de la CASP-3 au cours de la LTD. Cependant, lorsque l’activité Caspase est requise la levée de l’inhibition se fait par une dégradation ou par inhibition des XIAPs. En effet, XIAP peut être phosphorylé par la IkB kinase e (IKKe) pour favoriser sa

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dégradation au niveau du protéasome afin de favoriser l’activation de CASP-3 (Kuranaga E. et al., 2006 ; Hollville E. et al., 2017).

Figure 24. Régulation des activité Caspases dans les neurones.

Les XIAPs restreignent l’activité dans le temps et l’espace des Caspases-3 et -9 dans le neurone afin de prévenir de la mort cellulaire. Pour lever l’inhibition des Caspases, les XIAPs peuvent être phosphorylés par IKKe afin de favoriser leur dégradation au niveau du protéasome. Les XIAPs peuvent également être S-nitrosylés afin de favoriser l’activation des Caspases.