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Partie I : les dispositifs participatifs au cœur des politiques publiques au cœur des politiques publiques

Chapitre 1. L’institutionnalisation de la participation : un impératif

1.1 Informer et faire participer les citoyens : Les différents textes de lois

Les processus d‟élaboration des politiques publiques évoluent parallèlement aux évolutions du cadre législatif en matière de projets d‟aménagement. D‟une obligation d‟informer les citoyens sur les projets qui peuvent avoir d‟impacts sur leur cadre de vie, nous assistons à des injonctions législatives à faire participer les citoyens dans les débats publics relatifs à la gestion des affaires locales : transports, gestion des déchets, aménagement urbain, politiques, environnementales, etc. L‟avènement des TIC et du numérique participe à ces évolutions concernant les échanges d‟informations entre élus et citoyens. D‟où la prolifération des dispositifs participatifs : forums de discussion, budgets participatifs, débats publics, concertation, jurys citoyens, conférences de consensus, etc. (cf. introduction de la partie I). Les objectifs et les moyens affectés à chaque dispositif varient selon la volonté politique et la nature du projet. Depuis la fin des années 60, les mesures qui concourent à l‟institutionnalisation des dispositifs participatifs continuent à se développer. Cependant, notons que dans la plupart des textes réglementaires, les législateurs se sont beaucoup plus limités à la fixation des principes généraux de la participation. Ainsi, il appartient aux maîtres d‟ouvrages de définir les modalités de la participation du public à l‟élaboration d‟un projet. C‟est d‟ailleurs ce que nous disait notre quatrième interlocuteur « […] il y a des choses qui sont imposées par la réglementation, la concertation obligatoire, qui est encadrée, et pour laquelle on a quelques orientations ; et encore, parce que c'est quand même un peu laissé à l'initiative du maître d'ouvrage. » (Interviewé 4, annexe 4, vol. 2).

Nous avons jugé utile de présenter et d‟examiner quelques dispositifs législatifs concernant la participation citoyenne.

- La loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967 (LOF)

D‟après Sandrine Rui, « la loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967 (LOF) formalise, la première, de nouveaux rapports entre administration et citoyen en imposant « la participation des citoyens » et « la concertation » dans des décisions d’urbanisme et d’aménagement » (Rui, 2004 : 259). Et, depuis ce texte pionnier, de nombreuses autres lois ont été élaborées par les législateurs. La multiplication de ces lois aurait pour but d‟adapter la réglementation en fonction des évolutions socio-économiques, politiques, environnementales,

etc. Et il convient de noter que la mise en application de ces différents textes réglementaires varie selon les projets et la volonté politique qui anime les responsables politiques. D‟où l‟hétérogénéité des pratiques observables dans plusieurs communes.

- La loi Bouchardeau du 12 juillet 1983

Elle définit l‟objectif de l‟enquête publique comme étant « d’informer le public, de recueillir ses appréciations, suggestions, contre-propositions, afin de permettre à l’autorité compétente de disposer de tous les éléments nécessaires à son information » (Blondiaux, 2001 : 83). Cette loi est régulièrement évoquée par les élus lors de l‟élaboration des politiques publiques. Dans le cadre du projet de la ligne B, les élus n‟ont pas manqué de dire qu‟il faut que chacun puisse exprimer ses opinions, et que cela permet d‟avoir tous les éléments pour prendre une décision basée sur une meilleure connaissance du dossier. Nous y reviendrons dans le chapitre 5 de notre thèse consacré à l‟élaboration des contre-projets. Si les termes de cette loi nous semblent théoriquement clairs, les procédures de sa mise en application méritent d‟être examinées.

- La loi Barnier du 02 février 1995

D‟après Loïc Blondiaux, « en 1995, la loi Barnier qui crée la Commission nationale du débat public énonce, dans le cas des grands projets d’aménagement ou d’équipement, un véritable principe de « participation » et « d’association » du public à l’élaboration des décisions » (Blondiaux, 2001 : 83).

Abordant ces différentes mesures législatives, Loïc Blondiaux souligne qu‟ « en France, c’est au plan local qu’il faut rechercher les tentatives les plus nombreuses sinon les plus abouties d’intégration des citoyens à l’élaboration ou à la mise en œuvre des choix collectifs ». Depuis sa création, la CNDP a piloté de nombreux débats publics concernant l‟implantation des équipements publics. Il appartient au maître d‟ouvrage de saisir la CNDP. Et comme nous l‟avait fait remarquer le service de la communication de la SEMCAR lors de notre entretien, « la CNDP a été saisie la première fois le 10 octobre 2002 ; elle avait jugé le projet encore insuffisamment établi pour pouvoir se prononcer et incite Rennes Métropole à la reconsulter ultérieurement » (« Décision de la CNDP », annexe 44, vol. 2).

- La loi du 6 février 1992 dite d’administration territoriale de la République

Elle pose le principe que « le droit des habitants de la commune à être informés des affaires de celle-ci et à être consultés sur les décisions qui les concernent ». Pour Sandrine Rui, « Cette loi renforce donc le droit des administrés à être informés des affaires locales, avec exigences de publicité des actes réglementaires et des documents locaux ; elle institue « les comités consultatifs communaux » au sein desquels la population peut siéger et introduit le référendum d’initiative locale » (Rui, 2004 : 260).

Cependant, malgré la précision des termes de cette loi, Loïc Blondiaux estime que c‟est une timide reconnaissance du référendum consultatif local.

- La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, dite Loi Vaillant

« La loi du 27 février relative à la démocratie de proximité a rendu obligatoire, dans les communes de plus de 80 000 habitants, la création de conseils de quartiers permettant l’expression directe et continue des citoyens. Ces structures cohabitent avec d’autres instances « participatives » plus anciennes, les commissions consultatives des services publics locaux [...] » (Robbe, dir. 2007 :12).

Tel qu‟elles sont élaborées, ces différentes lois concourant à l‟institutionnalisation des pratiques participatives ne font qu‟énoncer les principes généraux, laissant le libre arbitre aux élus locaux. L‟usage du verbe « pouvoir » et non « devoir » est révélateur du caractère peu contraignant de la plupart de ces textes de lois. De ce fait, les élus disposent de plus de marge de manœuvre quant à la création des conseils de quartiers, l‟organisation d‟un débat public ou le choix de tout autre dispositif. Or, le libre arbitre ouvre la voie à des interprétations plus ou moins variées de ces procédures règlementaires.

D‟ailleurs c‟est ce que souligne Cécile Blatrix, « ces obligations restent formelles, les élus restent libres de définir les contours et le fonctionnement de ces instances » (Blatrix, 2010 : 221).

Tout de même, nous considérons que ces lois constituent un pas important dans le processus d‟institutionnalisation des dispositifs participatifs. La création de la Commission nationale du débat public (CNDP), entité juridique indépendante chargée de piloter le débat public, nous semble une avancée dans la démocratisation dudit débat public.

Ces lois constituent des outils sur lesquels nous nous appuierons pour analyser la démarche de concertation mise en place par Rennes Métropole au sujet de la ligne B. À cet égard, les membres de l‟Association MUSE avaient exprimé leur incompréhension face à la décision de la CNDP selon laquelle il n‟y avait pas besoin d‟organiser un débat public pour la réalisation du projet de la ligne B.

Par ailleurs, comme nous pouvons le remarquer depuis quelques décennies, la protection de l‟environnement est devenue un véritable enjeu local, national et international. Des sommets et conférences mondiaux sur la protection de l‟environnement se sont multipliés. La COP21 tenue à Paris en 2015 est l‟une des récentes conférences concernant le réchauffement climatique et les mesures à prendre pour la protection de l‟environnement. Et grâce aux efforts conjugués des associations qui militent pour la protection de l‟environnement, nous constatons que les lignes sont en train de bouger tant au niveau législatif qu‟au niveau des pratiques. Et à propos, Agnes Weill note que :

La prise en compte des questions environnementales, ouvertes à l’information et à la participation du public, relève d’une prise de conscience internationale, puisque une quarantaine de pays ont signé la Convention d’Aarhus en 1998, inscrivant le principe de participation du public au processus décisionnel et son droit à la justice en matière d’environnement. Cet équipement juridique témoigne de la reconnaissance institutionnelle d’une nouvelle forme de participation politique, qui va constituer un support d’expérimentations fondatrices, dans l’élaboration d’une pratique renouvelée de délibération démocratique, organisant la participation des citoyens à la discussion des choix publics. (Weill, 2009 : 2). Il en va de même sur le plan national où le droit de l‟environnement a évolué. C‟est d‟ailleurs ce que souligne François Robbe dans l‟ouvrage qu‟il a dirigé , « l’essor du droit de l’environnement qui s’est accompagné de la création de la procédure du débat public, l’information et l’écoute des citoyens revêtent, dans les domaines de l’environnement et de l’urbanisme, une importance capitale : elles permettent de les informer et surtout de recueillir leurs observations en amont de la décision, s’agissant de projets dont la réalisation peut avoir un impact important sur leur cadre de vie » (Robbe, (dir.) 2007 : 13). Et selon les termes de la Charte de l‟environnement, « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement

détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». Là également, nous notons la volonté du législateur de doter les citoyens des outils leur permettant d‟accéder aux informations sur les questions environnementales.

Cependant, si ces différents textes de lois posent le principe de l‟accès à l‟information et à la participation du public, il convient de souligner que ce n‟est pas toujours simple pour un citoyen de faire valoir son droit, moins encore à titre individuel. Car, les enjeux socio- économiques, politiques, etc. sont largement des facteurs qui déterminent les choix des dirigeants. C‟est le cas des pays émergents et même les États-Unis, qui mettent en avant les intérêts économiques par rapport à la protection de l‟environnement.

Notons que les problèmes des conflits d‟intérêts (affaires Cahuzac, Fillon, Balkany, etc.) entre les acteurs socio-économiques et certains responsables politico-administratifs, révélés dans les médias, entretiennent un sentiment de suspicion de la part du public. Que ce soit dans les médias classiques ou sur internet (forums et réseaux sociaux), le public dénonce le manque de transparence lié à la définition de certaines politiques publiques. C‟est ce qui explique en partie la crise de légitimité à laquelle la classe politique est confrontée. Dès lors on assiste à la défiance et aux résistances des citoyens, qui cherchent à avoir un droit de regard sur les actions politiques. Cela se traduit généralement par les mobilisations de la société civile et les associations locales. Ce qui nous introduit à la crise de la démocratie représentative qui alimente les débats politiques actuels.

1.2 La crise de la démocratie représentative : quels

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