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La crise de la démocratie représentative : quels enjeux pour l’action politique ?

Partie I : les dispositifs participatifs au cœur des politiques publiques au cœur des politiques publiques

Chapitre 1. L’institutionnalisation de la participation : un impératif

1.2 La crise de la démocratie représentative : quels enjeux pour l’action politique ?

Le choix d‟évoquer la crise de la démocratie représentative dans notre thèse n‟est pas le fait du hasard. Car nous partons du postulat que la mobilisation des riverains des Longs Champs pourrait en partie s‟expliquer par cette crise de la démocratie représentative, qui crée de plus en plus de tensions dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques locales. Évoquant les caractéristiques de cette crise, Peter Dahlgren souligne que « L’arène de la politique officielle ne suscite plus le même niveau d’appui et de participation que par le passé. Le taux de participation électorale baisse, même dans les pays comme la Suède, dont la configuration électorale n’a guère changé depuis les décennies d’après-guerre »

(Dahlgren, 2000 : 179). Aujourd‟hui, l‟actualité politique quotidienne met en évidence la défiance des citoyens envers les hommes politiques. Que ce soit sur les ondes de la radio, la télévision, dans la presse écrite ou sur Internet, les citoyens ne manquent pas d‟exprimer leurs incompréhensions et leurs désaccords face à un certain nombre de sujets qui touchent à leur quotidien. Cela provoque une forme de malaise du côté de certains responsables politiques. Car les citoyens les qualifient des corrompus, des populistes, d‟impuissants face aux vrais problèmes socio-économiques qu‟ils (citoyens) rencontrent. Il leur est souvent reproché de se préoccuper uniquement de leur élection/réélection ou d‟autres intérêts personnels.

Dans leur article paru en 2000 dans le journal Wallonie, Claire Lobet-Maris et Béatrice Van Bastelaer soulignent que : « Nos démocraties représentatives sont aujourd’hui en crise. Pour certains, elles souffrent avant tout d’un défaut de citoyenneté, pour d’autres c’est la défaillance de nos institutions démocratiques et administratives qui est en cause » (Lobet- Maris et Van Bastelaer, 2000 : 4). Pour Elisabeth et Jean-Phlippe Gardère, « le système démocratique actuel traverse une crise pour laquelle une réflexion transversale, qu’elle soit politique, gestionnaire, ou qu’elle relève même d’une étude plus sociale et humaine est nécessaire », (Gardère, 2008 : 12). En effet, la crise de la démocratie représentative ne cesse d‟alimenter les travaux de recherche ces dernières décennies. Paradoxalement, cette crise se développe parallèlement aux innovations technologiques censées apporter un certain nombre de solutions aux grands problèmes de nos sociétés contemporaines.

S‟appuyant sur d‟autres travaux relatifs à la crise de la démocratie représentative, Claire Lobet-Maris et Béatrice Van Bastelae soulignent que dans une formule efficace, Georges Vedel disait :

Le problème de la démocratie représentative est d’être insuffisamment démocratique et insuffisamment représentative » ; elles poursuivent que, « la représentation évoquée plus haut, base de notre système démocratique actuel, est liée à la confiance dans l’autre, dans le représentant, dans le fait que celui qu’on élit partage les mêmes valeurs, les mêmes idées. Or, cette foi est aujourd’hui ébranlée par le silence des politiques face aux grands fléaux de cette fin de siècle que sont la misère, le chômage, la violence, l’insécurité et la marginalisation d’une frange toujours plus importante de la population. Dans ce silence, les citoyens ne se sentent ni entendus, ni écoutés. (Lobet-Maris et Van Bastelae, 2000 : 4).

Bien que cet article date de 2000, il résume bien la situation politique actuelle de la plupart des pays occidentaux. Et depuis la crise économique de 2008, la confiance qui, à un moment donné, représentait en quelque sorte le « cordon ombilical » entre l‟élu et le citoyen, est aujourd‟hui fragilisée. Ce qui se passe dans les pays de l‟Union européenne illustre bien le manque de confiance entre les responsables politiques et les citoyens. De surcroît, le problème ne vient pas uniquement de la crise économique, mais du fonctionnement des institutions tant au niveau local, qu‟au niveau national et international. C‟est d‟ailleurs ce que souligne François Auguste :

« Le système politique est miné de l’intérieur par le cumul des mandats, par le système électoral majoritaire, par l’insuffisance de la parité, par la corruption de certains élus, par l’absence ou l’insuffisance d’écoute, de dialogue, de proximité, par des formes de clientélisme et par les promesses non tenues » (Auguste, 2008 :140 ». Dans le cadre du conflit concernant le projet de la ligne B, les associations des habitants ont à plusieurs reprises évoqué « le manque de l’écoute et du dialogue » de la part de Rennes Métropole. Ce qui nous semble étrange est que ces reproches sur le manque d‟écoute prennent de l‟ampleur, alors qu‟au même moment se développent les initiatives participatives sur la plupart des projets en cours d‟élaboration ou de réalisation.

Si les représentants élus sont censés œuvrer dans le sens de l‟intérêt général, des cas de conflits d‟intérêts deviennent de véritables maux qui gangrènent nos sociétés. Et cette situation décrite ci-dessus entraîne le désintérêt des citoyens pour la politique. Cela se manifeste le plus souvent lors des consultations électorales, marquées par des taux d‟abstention très élevés (cf. baromètre de la vie politique française de CEVIPOF sur plusieurs années). Dans une certaine mesure, cela peut constituer un danger pour la démocratie, déjà fragilisée par un certain nombre de dysfonctionnements. C‟est d‟ailleurs ce qu‟expriment Lobet-Maris et Béatrice Van Bastelae : « Un des problèmes majeurs de la démocratie est ce décrochage entre le citoyen et ses représentants. Tout se passe dans nos démocraties représentatives, comme si les électeurs abandonnaient aux élus toute responsabilité en matière de devenir de la société, comme si les élections étaient en même temps un vaste processus de déresponsabilisation des citoyens au profit de leurs représentants » (Lobet- Maris et Van Bastelae, 2000 : 4).

C‟est dans le même ordre d‟idée que Dominique Wolton souligne: « Il n’y rien de pire pour la démocratie que quand le citoyen décroche. Malheureusement, on ne peut que constater dans notre pays, comme dans d’autres pays occidentaux, ce désintérêt croissant » (Wolton, 1993 : 4).

Face à ce constat « inquiétant » du décrochage du citoyen de la politique, les dispositifs sociotechniques pourraient, selon certaines études, aider à remédier à ce désenchantement envers le monde politique. D‟où le recours grandissant aux dispositifs numériques, notamment l‟internet. D‟après Michel Marcoccio, « L’internet est présenté par ses promoteurs comme un instrument permettant d’améliorer les fonctionnements démocratiques en instrumentant de nouvelles formes de participation au débat public » (Marcoccio, 2003 : 5). Les acteurs de la vie politique mobilisent cet outil pour inciter les citoyens à participer aux débats publics en ligne, sur des questions d‟intérêt commun, comme ce fut le cas avec le forum de discussion de Rennes Métropole et le collectif « Sauvons les Longs Champs », tous deux abordant la construction de la ligne B du métro.

Michel Marcoccio ajoute que : « L’internet peut intervenir dans quatre séquences du processus démocratique : l’information (par la consultation des portails gouvernementaux, la mobilisation, le débat et la prise de décision » (Marcoccio, 2003 : 5). Aujourd‟hui, le rôle que joue internet dans la mobilisation et la structuration des mouvements sociaux est assez saisissant. À cet effet, nous pouvons citer l‟exemple des « printemps arabes » où les réseaux sociaux ont largement contribué à la mobilisation des foules grâce au partage d‟information sur Internet. Il en est de même pour les mouvements « Occupy Wall Street » formé à New York (États-Unis) en 2011, et les « Indignés», mouvement qui a vu le jour à Madrid (Espagne) en mai 2011. De nombreuses études se sont penchées sur le rôle fédérateur qu‟a pu jouer internet par le biais des réseaux sociaux. Et dans le cas de notre terrain d‟étude, internet a été l‟un des moyens de communication du collectif « Sauvons les Longs Champs » et de l‟Association MUSE. Nous y reviendrons dans nos prochains développements.

Par ailleurs, Michel Marcoccio souligne que :

L’apport essentiel de l’internet à la vie démocratique réside pour le moment dans la possibilité offerte aux internautes de participer à des discussions politique en ligne. Cet aspect n’est pas négligeable. En effet, la conversation en ligne peut être vue comme une forme élémentaire de la participation politique car elle développe la capacité d’identifier et d’exprimer des intérêts et contribue à développer les

méthodes nécessaires pour le débat politique dans la vie réelle. (Marcoccio, 2003 : 6).

Aujourd‟hui, sur de nombreux sujets, les citoyens expriment leurs opinions sur les forums de discussion qui y sont dédiés.

C‟est dans le même ordre d‟idée que Thierry Vedel souligne que, « L’internet est vu comme un instrument permettant de stimuler et d’enrichir la discussion entre les citoyens » (Vedel, 2007 : 8).

De ce qui précède, nous estimons que le déploiement des dispositifs sociotechniques aurait pour objectif de pallier l‟inaccessibilité des espaces publics classiques dédiés à la participation du public. Le caractère ouvert et interactif de l‟internet est assez souvent considéré comme l‟un des moyens efficaces pour inciter les citoyens à s‟impliquer dans la vie politique locale, voire nationale et internationale, comme les pétitions en ligne relatives aux questions environnementales.

Comme nous le verrons plus loin, le forum de discussion de Rennes Métropole dédié au métro a servi comme un nouvel espace public où une centaine des avis ont été déposés sur la problématique du métro.

1.3 Faire participer les Rennais : typologie des outils et

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