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Alerter autour d’un projet contesté : retour sur la stratégie d’acteurs en action.

Partie I : les dispositifs participatifs au cœur des politiques publiques au cœur des politiques publiques

Chapitre 2. Naissance de la contestation des riverains contre le tracé aérien de

2.3 Alerter autour d’un projet contesté : retour sur la stratégie d’acteurs en action.

Comme nous l‟avons évoqué ci-dessus, le métro aérien a fait l‟objet d‟un choc de représentations chez les habitants des Longs Champs. D‟où la nécessité, pour les acteurs associatifs, d‟alerter les riverains sur ce que symbolise la construction d‟un viaduc dans ce quartier considéré comme une forme de « campagne dans la ville ». Plusieurs actions ont été menées dans le quartier. Dans cette première phase de la préparation de l‟action collective, l‟information est un élément capital. Or, d‟après les acteurs associatifs interviewés, les riverains étaient en manque d‟information sur de nombreuses questions concernant les modes d‟insertion du métro dans leur quartier. Car, dans le dossier d‟aide à la décision, les hypothèses d‟insertion envisagées n‟étaient pas assez claires pour les riverains. Les zones d‟ombre et les incertitudes dans cette première mouture du projet donnent le sentiment que les choses sont déjà « ficelées ».

L‟objet de cette sous-section est de questionner les formes d‟actions menées par le collectif des riverains et la finalité de celles-ci. À cet effet, cette déclaration de l‟acteur associatif nous permet d‟avoir un aperçu de ces actions dans cette phase dite d‟alerte :

[…] On a fait un gros boulot pour rameuter l’ensemble des gens du quartier en faisant du porte à porte, du tractage, des affiches, des boites aux lettres. On a déposé énormément des papiers dans les boites aux lettres, en disant qu’il y a le métro qui passe à tel endroit ; on va organiser une réunion dans le quartier ; venez tel jour, telle heure à l’EPI des Longs Champs ; on va essayer de vous expliquer ce qui se passe. Donc il y avait 400 personnes qui sont venues à cette réunion, c’était plutôt un beau chiffre. (Interviewé 1, annexe 1, vol. 2).

Par ailleurs, le lancement de ces opérations d‟alerte a été annoncé sur le blog du collectif « Sauvons les Longs Champs » comme suit :

« Affichage :

Quelqu'un a commencé un affichage au travers des Longs Champs pour alerter les riverains sur le futur tracé : un grand merci !!!

Voici un mot que nous comptons commencer à afficher dans les halls d'immeubles ainsi que déposer dans les boites aux lettres »12. En effet, comme nous le verrons un peu plus loin, ce

blog constitue un support d‟information très important pour les membres du collectif « Sauvons les Longs Champs ». Il sert à la fois comme moyen d‟information envers les habitants, un support de publication des comptes-rendus des réunions, des extraits d‟articles, fichiers audio/vidéos des médias locaux traitant le sujet de la ligne B, des délibérations de Rennes Métropole, bref une mine d‟information pour les riverains.

Pour revenir aux actions riveraines destinées à alerter les habitants, nous avons fait cette capture d‟image à titre indicatif, (affiche alerte métro : annexe 14, vol. 2)

12 Extrait de la déclaration d‟un acteur associatif, blog « Sauvons les Longs Champs », rubrique : « Agissons »

http://metro.longschamps.fr/search/label/Agissons?updated-max=2007-12-19T23:06:00%2B01:00&max- results=20&start=80&by-date=false , dernière consultation, le 19/10/2017

Illustration 15. Alerte métro aérien au-dessus des étangs

Source : blog du collectif « Sauvons les Longs Champs »

Cette affiche mérite quelques commentaires : en effet, comme nous pouvons le remarquer, le principal message de cette affiche est un avertissement ou une mise en garde sur le passage du métro au-dessus des deux étangs. Ce qui représente un danger pour la tranquillité des habitants, pour leur cadre de vie et leur environnement. D‟où l‟urgence de se mobiliser et d‟exprimer leur opposition contre ce projet. La carte du tracé (cf. affiche alerte métro : annexe 14) située au milieu de l‟affiche représente une preuve tangible sur le projet de l‟insertion aérienne du métro au cœur du quartier. Présenter la carte du tracé a donc pour but de convaincre les habitants sur l‟effectivité de ce projet aérien du métro. L‟ingéniosité de cette affiche porte aussi sur la présentation des informations essentielles en une seule page. C‟est notamment la date de la réunion du quartier en vue de préparer la rencontre avec les élus. La question sur le bruit est un appel à réflexion lancé aux habitants sur les nuisances que l‟insertion aérienne va provoquer dans l‟avenir. Et à la fin de l‟affiche, figure un renvoi vers le blog où on peut s‟informer davantage.

D‟ailleurs, cette phase d‟alerte renvoie à un modèle des théories de la communication, formulé par Harold Lasswell en 1948. Certes, ce modèle a été critiqué du fait qu‟il ne permet pas de rendre compte tous les phénomènes de communication. Aussi, ce modèle est largement dépassé du fait de l‟avènement des TIC et les technologies numériques, qui ont bouleversé le champ communicationnel à tous les niveaux. Mais nous proposons de l‟appliquer à cette phase d‟alerte conduite par les acteurs associatifs pour saisir la problématique de l’influence et de persuasion comme résultantes de la communication. Aussi, elle permet à ce stade du projet, de connaître les acteurs en présence et la teneur du message véhiculé à l‟endroit des habitants.

Politologue américain, spécialiste de la communication de masse, Harold Lasswell analyse la communication par rapport à sa finalité. Il considère la communication comme un processus « d’influence et de persuasion ». Selon l‟approche d‟Harold Lasswell, le message est transmis

de façon linéaire et a un effet d‟influence sur le destinataire. Son modèle est appelé le modèle à 5W :

 Who says what through which channel to whom with what effect?  Qui dit quoi par quel canal à qui et avec quel effet ?

Ainsi, si nous essayons d‟appliquer la déclaration de notre premier interlocuteur à cette théorie, nous pouvons avoir la reformulation suivante :

« Les acteurs associatifs alertent sur l’insertion aérienne du métro aux habitants des Longs Champs, par les moyens de communications traditionnels, en vue d’attirer leur attention et susciter leur mobilisation ». Et justement les premières opérations de tractage ont produit leurs premiers effets en termes de mobilisation :

« Donc là-dessus il y avait 400 personnes qui sont venues à cette réunion, c’était plutôt un beau chiffre ». (Interviewé 1, annexe1, vol. 2). Là, nous sommes dans une forme de l‟autosatisfaction que nous considérons comme une source de motivation extrinsèque, qui va déterminer en partie, la suite de l‟engagement des habitants dans les différentes phases de l‟action collective. En plus de ce « beau chiffre » lors de la réunion du quartier, la pétition a aussi recueilli de nombreuses signatures. L‟acteur associatif a exprimé sa satisfaction sur le blog du collectif. Et à propos, nous avons jugé utile de reprendre le commentaire de l‟un des acteurs de la mobilisation ci-dessous :

« + de 3 100 signatures en 15 jours ! Merci ! », (Interviewé 1)13

1 commentaire - Afficher l'article d'origine Rodrigue a dit...

Nous partîmes quatre cents; mais par un prompt renfort Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port,

Tant à nous voir marcher avec un tel visage, Les plus désabusés reprenaient de courage !

Encore bravo » (Blog du collectif « sauvons les Longs Champs », 20 décembre 2007, 11: 02)

13 La publication de l‟Interviewé 1 sur la pétition, et l‟unique commentaire de Rodrigue sont disponibles sur le

lien suivant : http://metro.longschamps.fr/2007/12/3-000-signatures-en-15-jours-merci.html, date de dernière consultation, 22/10/2017

À travers ce commentaire, l‟auteur exprime sa satisfaction au même titre que l‟Interviewé 1 ; il cherche à faire comprendre que « l‟union fait la force ». Et cette force préfigure la capacité du collectif d‟habitants à infléchir les cours des évènements – le projet de l‟insertion aérienne du métro.

Par ailleurs, si ces premières actions ont produit des résultats satisfaisants, ce que le collectif a pu profiter de l‟existence d‟une association du quartier – le VAL (l‟Association Vivre aux Longs Champs).

« Moi je pense que la chance qu’on a eue c’est de savoir mobiliser. À l’époque on était un petit groupe d’habitants au début. On a dit comment on va faire ? Rapidement on a été approché par l’association du quartier. Et on s’est greffé sur l’association du quartier, qui fait plein de choses. Elle a à peu près 10 à 15% des habitants du quartier qui sont adhérents. Et déjà ça fait un réseau » (Interviewé 1, annexe 1, vol. 2).

En effet, le dynamisme de l‟Association Vivre aux Longs Champs a été un atout pour le collectif « Sauvons les Longs Champs » dans la mobilisation contre le passage du métro, initialement prévu au-dessus de deux étangs.

Créée depuis 1984, l‟Association Vivre aux Longs Champs organise de nombreuses activités (paniers bio des Longs Champs, randonnée, groupe footing, week-end braderie, des sorties/visites, etc.),14 qui participent à la création et à la consolidation des liens sociaux entre

les habitants dudit quartier. Communiquant par le biais de son site internet et son journal trimestriel, Le Petit Valentin, cette association a dès le départ su fédérer les habitants du quartier autour de la question de l‟insertion du métro. De ce fait, la création et la consolidation du collectif « Sauvons les Longs Champs » a été rendu possible grâce au réseau de l‟Association Vivre aux Longs Champs, qui est non négligeable. Car, du fait de sa participation aux réunions du Conseil de quartier, elle constitue une forme de passerelle entre les habitants du quartier et les élus locaux.

Alerter, c‟est porter à la connaissance d‟un public sur un éventuel danger. Mais c‟est aussi une phase d‟explication basée sur des éléments d‟informations que détiennent les leaders de l‟Association Vivre aux Longs Champs :

14Voir le lien suivant pour plus d‟informations relatives aux activités et la vie de l‟Association Vivre aux Longs

Et c’est là où on a expliqué déjà ce que nous on avait étudié en deux semaines. Donc est-ce que c’est un tunnelier, une tranché couverte un métro aérien ? Ça ne parle pas forcement aux gens la tranchée couverte, tunnelier. Expliquer ce qu’on a vu dans le dossier d’aide à la décision ; montrer qu’il y avait un flou sur le quartier des Longs Champs. Mais dans tous les cas, que ce soit aérien ou tranchée couverte, il y avait plein de questions qui se posaient quoi. (Interviewé 1, annexe 1, vol. 2).

Étant donné que le dossier d‟aide à la décision comporterait des éléments techniques qu‟une certaine catégorie d‟habitants ne pouvait pas décrypter, les leaders de l‟Association VAL et ceux qui comprennent mieux les codes du langage administratif et technique ont procédé à ce travail d‟explication en vue d‟éclairer les riverains sur les potentielles transformations du quartier, et les conséquences majeures que cala pourrait provoquer.

Par ailleurs, si l‟objectif des opérations d‟alerte par le tractage et la sensibilisation ont pour but la mobilisation des riverains, nous pouvons admettre que la théorie de Lasswell prend son sens, du fait des chiffres fournis par les acteurs associatifs : « Et deux jours après il y avait eu une réunion publique avec M. X, qui, à l’époque n’était pas encore président de Rennes Métropole, il était vice-président aux transports. Une réunion à Maurepas. Et il y avait entre 500 à 600 personnes à s’être déplacées à cette réunion » (Interviewé 1, annexe 1, vol. 2). Cette première forte mobilisation des riverains montre bien que le message d‟alerte des acteurs associatifs a été entendu.

Et toujours d‟après notre premier Interviewé, cette réunion était très houleuse car les gens étaient très remontés contre le métro aérien. C‟est d‟ailleurs ce qui aurait poussé le maître d‟ouvrage à proposer un débat télévisé entre le vice-président aux transports de l‟époque, et l‟ancien président de l‟Association Vivre aux Longs Champs. Et entre temps, les acteurs associatifs poursuivaient les opérations d‟alerte et de mobilisation des habitants.

« Nous en attendant on a lancé une grosse pétition dans le quartier, en disant on est contre le métro aérien, on souhaite préserver notre quartier, et on souhaite que le tunnelier soit étudié. Là-dessus en un peu moins d’un mois on a récupéré 3100 signatures » (Interviewé 1, annexe 1, vol. 2).

Ci-dessous, le titre de cette pétition qui est mise en annexe :

Oui à un métro : Non à la destruction du quartier

Dans cette pétition, les revendications des riverains portent sur quatre points. En effet, ils indiquent vouloir la desserte du quartier par le métro, mais ne veulent aucun impact sur la qualité de vie des habitants et de l‟environnement. Ils exigent un tunnelier quel que soit le tracé, et un engagement politique sur la conservation du couloir écologique.

Comme nous l‟avons indiqué dans notre introduction, les riverains sont favorables à la construction de la ligne B du métro dans leur quartier, mais ils n‟admettent pas son insertion aérienne entre les deux étangs.

Et pour revenir à la théorie de Lasswell, nous pouvons dire que dans le cadre de notre étude, « l’influence et la persuasion » se situent à deux niveaux. D‟une part, nous avons la forte mobilisation des riverains due aux opérations d‟alerte menées par les acteurs associatifs, et d‟autre part, les autorités locales semblent avoir pris la mesure de cette contestation contre le métro aérien. Car, lors du débat télévisé que nous avons visualisé, « […] l’ancien vice- président de Rennes Métropole délégué aux transports a dit qu’il promettait une concertation qui aurait lieu après les élections municipales, donc courant 2008, il promettait l’ajout d’un amendement en vote du Conseil de Rennes Métropole de décembre 2007. Amendement qui dirait qu’on allait réétudier toutes les possibilités, donc plutôt intéressant comme démarche » (Interviewé 1, annexe 1, vol. 2).

Plus loin, l‟acteur associatif évoque l‟importance de leur mobilisation en ces termes : « Je pense que cette mobilisation de 600 personnes à Maurepas ça a quand même marqué les esprits pour tout le monde quoi, donc on aurait été 20, je pense que la suite aurait été très différente (rire) » (Interviewé 1, annexe 1, vol. 2).

Si la mobilisation des riverains a marqué les esprits au point de faire réagir le maître d‟ouvrage, les acteurs associatifs ont su utiliser d‟autres marqueurs d‟esprits, les images en l‟occurrence. C‟est pourquoi nous avons choisi quelques photos et affichettes publiées sur le blog du collectif « Sauvons les Longs Champs ».

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