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4.1 La concertation comme signe de reconnaissance de la place du citoyen.

Cette démarche de concertation spécifique a été qualifiée d‟« inédite » par Rennes Métropole. Car il est rare que le maître d‟ouvrage accepte la réalisation des contre-projets dans une démarche de concertation. Et même s‟ils ont déchanté à la fin de la concertation, les acteurs associatifs ont salué cette initiative perçue comme un signe de reconnaissance de la place des citoyens dans la définition des politiques publiques comme l‟aménagement urbain. Il y avait d‟ailleurs une forme d‟autosatisfaction qu‟on pouvait lire dans leurs comptes rendus des réunions : « Rennes Métropole nous intègre comme acteurs du projet. » Car avec la mise en place d‟un cabinet de concertation, « nous sommes officiellement associés aux discussions » ; « nous sommes devenus incontournables » ; « une vraie capacité de discussion vis-à-vis de la Métropole » (« Le métro aux Longs Champs », sept. 2008, annexe 9, vol. 2). Cette reconnaissance comme acteurs du projet de la ligne B, les leaders associatifs l‟ont perçue comme le résultat de leur mobilisation et leur investissement dans le dossier.

À cet égard, l‟article de Catherine Halpern paru dans le magazine Sciences humaines datant de 2013, expose la notion de « reconnaissance » telle qu‟elle a été conceptualisée par Axel Honneth, pour qui, « la lutte pour la reconnaissance est le moteur des sociétés démocratiques » (In. Halpern, 2013 : 72).

La question de la reconnaissance est en effet au cœur des travaux de ce philosophe allemand, comme en témoigne son ouvrage Lutte pour la reconnaissance, qui a inspiré de nombreux auteurs en sciences humaines et sociales.

Pour Honneth, « la société n’est pas un agrégat d’individus égoïstes mus par le calcul rationnel de leurs intérêts. Les hommes ont des attentes morales. Les mobilisations et les luttes sociales apparaissent alors sous un jour très différent : elles ne visent pas seulement à obtenir des avantages matériels, elles sont des luttes pour la reconnaissance » (In. Halpern, 2013 : 72).

Pour nous, cette analyse d‟Axel Honneth s‟apparente au « besoin d’estime » de la pyramide de Maslow relative à la classification hiérarchique des besoins humains. Ce « besoin d’estime » se traduit par le souhait de l‟individu d‟être reconnu en tant qu‟entité entière au sein de ses groupes d‟appartenance.

Pour Catherine Halpern, « Honneth assoit cette conception de la société sur une compréhension de l’homme, celle d’un être qui pour être épanoui, pour avoir une relation harmonieuse avec lui-même, a besoin des autres. De leur amour, de leur considération, de leur respect, tant dans leur regard que dans leurs jugements et leurs comportements ». (Halpern, 2013 : 72). À cet égard, l‟analyse du collectif « Sauvons les Longs Champs » montre que la quête de considération et de respect constituent les principales raisons de la mobilisation des riverains, du fait qu‟ils ont exprimé leur satisfaction quand les élus ont décidé d‟organiser une concertation. D‟après Catherine Halpern,

Honneth distingue trois principes de reconnaissance dans nos sociétés modernes, qui déterminent les attentes légitimes de chacun. Dans la sphère de l’intimité, l’amour, qu’il soit familial, conjugal, ou amical, est indispensable pour parvenir à la confiance en soi. Dans la sphère des relations politiques et juridiques, le principe de l’égalité prévaut : chacun doit avoir les mêmes droits que les autres pour avoir le sentiment qu’on le respecte. Enfin dans la sphère collective, l’individu doit pouvoir se sentir utile à la collectivité et avoir le sentiment que l’on

prend en considération sa contribution, que ce soit par son travail ou par ses valeurs. (Halpern, 2013 : 73).

Ces deux derniers principes, nous les retrouvons dans les perceptions qu‟ont les acteurs associatifs de leur mobilisation contre le projet du métro aérien. En effet, ils demandent qu‟on les respecte et exigent les mêmes droits que les autres riverains. C‟est ce qu‟on peut lire dans l‟un de leurs comptes rendus de réunions :

« Tout comme nos prédécesseurs, nous demandons à être traités à égalité avec l’ensemble des riverains de la ligne B. pourquoi devrions-nous être les parents pauvres du métro, seule zone de la ville pour laquelle on n’hésite pas à dégrader le cadre de vie ? Rien ne justifie cette orientation vers un métro aérien hormis la vitrine technologique, « vecteur d’image pour l’agglomération rennaise » : est-ce un argument acceptable ? Il n’y a aucune raison de continuer dans cette voie » (« Le métro aux Longs Champs », compte rendu du 02 juin 2008 : 3, annexe 8, vol. 2).

Et quand les élus de Rennes Métropole évoquent le coût élevé du projet « habitants », les riverains disent « pourquoi serions-nous la variable d’ajustement ? » (Un métro en intelligence, 27 janvier 2009 : 37, annexe 17, vol. 2). Ou bien encore, « Notre message : nous sommes des Rennais comme les autres, nous voulons la même considération que les autres » (« Le métro aux Longs Champs », janvier 2008 : 5, annexe 7, vol. 2). Là le message est assez clair, puisque les acteurs associatifs exigent d‟avoir la même « considération » que les autres Rennais. Car, « La logique de la reconnaissance consiste à accorder à l’autre, sans préalable, le droit d’être là où il est, d’être ce qu’il est » (Rui, 2004 : 87). Ici, Sandrine Rui perçoit la reconnaissance comme le fait « d’accorder à l’autre » son droit à la citoyenneté avec tous les attributs qui y sont rattachés. Et à travers leur mobilisation, les habitants des Longs Champs revendiquent donc « le droit d’être ce qu’ils sont » pour reprendre la formule de Sandrine Rui – des citoyens comme les autres.

À ce stade de notre analyse, nous observons que les conflits d‟aménagements sont révélateurs des problématiques plus complexes que le seul cadre de la transformation spatiale. Car, partant du refus d‟un métro aérien et de l‟exigence d‟un tunnelier, on aboutit à une revendication de la citoyenneté avec tous ses égards.

Comme nous venons de le voir, la notion de « reconnaissance » est inhérente aux formes de mobilisations sociales dans lesquelles les citoyens cherchent à préserver leurs acquis démocratiques, notamment l‟égalité de traitement dans les droits fondamentaux. De ce fait, les

élus locaux essaient de créer les espaces de discussions pour répondre aux attentes de leurs administrés.

4.2 La concertation comme signe de proximité entre élus

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