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parties prenantes

4.2 La concertation comme signe de proximité entre élus et citoyens

Comme nous l‟avons vu dans le chapitre 3 de notre thèse, le collectif d‟habitants a su mobiliser les riverains du quartier pour une cause commune. Ce faisant, le collectif a su « construire » ce conflit et identifier leurs interlocuteurs - Rennes Métropole - et la SEMTCAR qui est mandatée pour la réalisation dudit projet. Rappelons que la concertation aux Longs Champs était une réponse à la contestation riveraine. L‟ampleur de la mobilisation des habitants et les connaissances qu‟ils ont du dossier métro a conduit les élus locaux à ouvrir une discussion, qui aurait pour objectif, l‟exploration commune des solutions envisageables pour le secteur Nord-est. D‟ailleurs, c‟est ce que reconnaît l‟élue du quartier en ces termes :

[…] Pour revenir quand même sur le malentendu, cette concertation, cet échange, c’était le résultat d’une demande de la population. Y a pas eu a priori, on n’a pas dit on vient vers vous, vous êtes gentils, vous allez nous donner votre avis et puis…les choses ne sont pas produites de cette manière, nulle part d’ailleurs. Parce qu’on est aussi sur un projet dont les enjeux débordent largement l’ici et le maintenant. Mais c’est la réaction, l’organisation…on avait des habitants, des citoyens qui se sont organisés, qui se sont questionnés, qui se sont mobilisés, qui ont demandé à être entendus. Et la promesse avait été faite qu’il y ait des études complémentaires. (Interviewé 3, annexe 3, vol. 2)

Elle ajoute que, « […] je crois que c’était à notre honneur de le faire sous le regard des gens qui s’étaient investis, des gens qui avaient étudié la question. » (Interviewé 3, annexe 3, vol. 2).

Ces déclarations vont dans le même sens que la Délibération du 23 avril 2009 : « L’objectif de la démarche de concertation a été de s’assurer que toutes les attentes des riverains du secteur Nord-est (habitants, entreprises, universités, services publics et institutions) puissent

s’exprimer et être prises en compte dans la réflexion. Aucune solution ne s’imposant d’évidence, il s’agit donc avant tout d’éclairer la prise de décision des élus » (Délibération de

Rennes Métropole du 23 avril 2009, annexe 28, vol. 2).

Que ce soit dans les déclarations des élus locaux ou dans les termes des délibérations du Conseil de Rennes Métropole, nous remarquons l‟occurrence de certains éléments de langage tels que « répondre aux attentes des riverains », « garantir le droit à la parole », « que toutes les opinions puissent s’exprimer et prises en compte », etc. À les entendre parler, nous avons l‟impression que cela va de soi. Mais en réalité les choses ne sont pas aussi simples, car cette demande de « droit à la parole » des citoyens n‟est pas toujours la bienvenue. Certains responsables politico-administratifs ne sont pas toujours prêts à accepter la remise en cause de la légitimité de leur pouvoir de décision. Cela pourrait s‟expliquer par la tradition jacobine avec tout ce qu‟elle comporte comme hiérarchisation du travail politique.

Si cette délibération présente assez clairement l‟objectif de la démarche de concertation, l‟analyse de l‟entretien que nous avons eu avec l‟élue du quartier nous a permis de tirer un peu plus d‟enseignements sur les raisons de la mise en place de cet espace d‟échanges. Ainsi, la concertation spécifique aux Longs Champs aurait pour objectifs, d‟après les déclarations de l‟élue du quartier, de :

4.2.1 Créer un cadre pour l’échange et promouvoir la culture de

l’écoute.

« […] Et il faut qu’on puisse auditionner, entendre, pas nécessairement suivre. Mais qu’on puisse entendre et créer les conditions de ce qu’on appelle la controverse, qu’on puisse créer cet espace, ça c’était important » (Interviewé 3, annexe 3, vol. 2). Dans cet extrait, l‟élue souligne l‟importance des espaces d‟échanges entre les riverains et les responsables de la vie politique locale. Toutefois, elle pose une nuance : « entendre, pas nécessairement suivre. » Ce qui renvoie à l‟attachement des élus à leur pouvoir d‟arbitrage sur tout ce qui touche à l‟action publique. Nous y reviendrons dans nos prochains paragraphes consacrés à la confrontation des légitimités.

4.2.2 Cultiver l’esprit du dialogue et de proximité : démocratie

participative

« Il s’agit aussi de pouvoir donner à voir, de pouvoir mettre en perspective les points de vue. Et donc le partage de la culture des transports en commun, le partage de la culture des finances publiques, le partage de la culture d’un projet d’envergure qui concerne bien sûr les habitants, mais surtout pas que ces habitants-là, qui concerne les habitants d’aujourd’hui, mais aussi les habitants de demain […] » (Interviewé 3, annexe 3, vol. 2).

À travers cet extrait, l‟élue du quartier exprime les avantages d‟une démarche de concertation, en ce sens qu‟elle permettrait l‟exploration commune des problématiques qui touchent au quotidien des riverains. Les transports en commun et les finances publiques sont en effet des sujets qui peuvent créer des tensions et des controverses entre les citoyens et les élus locaux. De ce fait, la concertation spécifique aux Longs Champs apparaît comme un outil qui traduirait la volonté politique des élus locaux de mettre en place la démocratie participative.

4.2.3 Démontrer que les élus sont attentifs à la demande de

parole des riverains

« L’élu il est dans un rôle de garant, du respect de la parole de tous. Il est là aussi comme…on est alors facilitateur de cette parole, c’est pour ça que je tenais à ce que cette instance de concertation se tienne, que les informations partagées soient de qualité, ça été le cas ». Dans cette déclaration, l‟élue rappelle son rôle comme garante de la mise en place des espaces d‟expression, qui seraient les gages d‟une démocratie participative. Il y a là une forme d‟autosatisfaction sur les échanges qui ont eu lieu lors de cette concertation. Or, comme nous le verrons dans nos prochains paragraphes, certains acteurs associatifs ne partagent pas ce point de vue.

4.2.4 Désamorcer la situation conflictuelle pour éviter le

durcissement de la position des riverains

« Il a fallu désamorcer, parce qu’on voit bien si on n’a pas l’espace d’échange, tous les fantasmes, toutes les histoires autour, toutes les interprétations ont libre cours. » (Interviewé 3, annexe 3, vol. 2).

Comme nous le constatons, les porteurs des projets d‟aménagement redoutent les situations conflictuelles avec les riverains. Raison pour laquelle ils cherchent à désamorcer le conflit pour éviter la constitution d‟une opposition dure et durable dans le temps. C‟est ainsi que, dès le début de la contestation aux Longs Champs, les élus de la Métropole ont organisé plusieurs réunions pour essayer de répondre aux inquiétudes provoquées par ce qui se présentait à l‟époque comme une hypothèse d‟insertion aérienne du métro dans ce secteur Nord-est. Ces réunions feront l‟objet d‟une analyse dans nos prochains développements.

Par ailleurs, et pour finir ces enseignements tirés de notre entretien avec l‟élue locale, nous posons l‟hypothèse que l‟instance de concertation aurait pour objectif de mener une réflexion commune visant la quête d‟une solution consensuelle entre les parties prenantes.

Cependant, si les déclarations de l‟élue du quartier nous semblent présenter une vision constructive de la démarche de concertation dans le cadre de la ligne B, certaines études pointent l‟instrumentation de la concertation. Ainsi, pour Stefan Bratosin, la concertation serait perçue comme une forme symbolique de l‟action publique visant à promouvoir la démocratie participative. (Bratosin, 2001). Loïc Blondiaux parle de « l’apparence d’un gouvernement proche du peuple » (Blondiaux, 2008 : 20). Certains observateurs des conflits d‟aménagement vont plus loin et considèrent la concertation comme une opération destinée à identifier et à neutraliser les oppositions aux projets d‟urbanisation. « […] d’autres y voient des risques de « paternalisme », de « despotisme éclairé », voire des possibilités pour le pouvoir de stratégies à la Machiavel visant à « organiser la contestation » pour mieux maîtriser et en récupérer les « résultats », ou tout au moins pour désamorcer l’agressivité sociale » (Antoine, 1976 : 11).

Cependant, sans procéder à une conclusion hâtive de ce chapitre, nous pouvons d‟ores et déjà estimer que la mise en place de cet espace de dialogue pourrait être perçue comme une « victoire » de la part des riverains. Car le pouvoir discrétionnaire des élus locaux se trouve confronté aux velléités d‟appréciation des citoyens ordinaires, qui manifestent le désir d‟être

écoutés. Ce qui renforce l‟hypothèse qu‟ « en démocratie, tout individu, groupe ou institution a le droit de faire naître un débat sur une question d’intérêt collectif, de saisir les autres catégories concernées et par –delà, de saisir l’opinion publique. Les associations ont évidemment un rôle à jouer dans cette perspective mais sans pouvoir prétendre à un monopole » (Antoine, 1976 : 8).

Selon le compte rendu du colloque d‟Arc-en-Senans des 21 et 22 novembre 1975, organisé par le groupe interministériel d‟évaluation de l‟environnement et l‟Association Internationale Futuribles, « Il suffit d’un petit nombre de personne pour bloquer une décision qui pose un problème d’intérêt collectif » (Antoine, 1976 : 8).

Ce constat qui date de plus de quatre décennies est plus que jamais d‟actualité. Ainsi, que ce soit à travers des contestations comme celles des riverains des Longs Champs ou par le biais des pétitions en ligne, les citoyens des démocraties contemporaines parviennent à obliger les maîtres d‟ouvrages d‟ouvrir des espaces de dialogue à chaque fois que naissent des divergences sur la conception d‟un projet d‟aménagement, l‟enfouissement des déchets nucléaires, etc.

De ce qui précède, et pour essayer de mieux comprendre les enjeux de la construction de la ligne B, une analyse critique de la démarche de concertation entre les parties prenantes s‟impose dans ce travail de thèse. Car nous devons éviter les raccourcis conduisant à des conclusions hâtives, qui ne reflètent pas le corpus analysé.

Étant conscient des critiques inhérentes aux processus de concertation, et pour tenter de garantir une certaine neutralité et éviter que les débats soient biaisés, (c‟est notre point de vue), le maître d‟ouvrage a choisi de confier le pilotage de cette concertation à ce « cabinet indépendant », TMO Régions.

4.3 L’instance de concertation : vers une recomposition

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