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Influence de la répartition hétérogène de cristaux de RuO 2 sur la durabilité

CHAPITRE 5. Application des systèmes simples à l’étude de systèmes

5.1. Influence de la répartition hétérogène de cristaux de RuO 2 sur la durabilité

Une série de verres borosilicatés de sodium contenant de l’oxyde de ruthénium (notée xRu) est étudiée. L’oxyde de ruthénium est substitué à l’ensemble des oxydes selon la formule : (1-x/100) (63SiO2 – 17B2O3 – 20Na2O) – xRuO2 avec x = 0, 2, 4 et 8 (compositions nominales des

verres présentées dans le tableau 5.1). Les verres ont été élaborés à partir de quantités appropriées des précurseurs SiO2, H3BO3, Na2CO3 et RuO2. Après un mélange mécanique manuel,

les poudres sont portées à 1 250 °C pendant 3 h dans des creusets Pt-Rh puis coulés sur plaque. Les verres de la série sont caractérisés par microscopie et RMN avant d’être lixiviés. Notons que seuls deux verres ont été soumis aux expériences de lixiviation : le verre de référence sans ruthénium (0Ru = 0Mo) et le verre 4Ru, milieu de gamme de la série.

Verres 0Ru

(= 0Mo) 2Ru 4Ru 8Ru SiO2 63,5 62,2 61,0 58,4

B2O3 16,9 16,6 16,2 15,6

Na2O 19,6 19,2 18,8 18,0

RuO2 - 2,0 4,0 8,0

5.1. Influence de la répartition hétérogène de cristaux de RuO2 sur la durabilité chimique du verre

5.1.1. Caractérisation et altération des verres

L’addition de RuO2 à la composition du verre 0Ru entraine, quelle que soit la teneur ajoutée,

l’obtention de verres hétérogènes (figure 5.2). Les observations au microscope optique montrent en effet que certaines zones sont riches en oxyde de ruthénium (zones noires) alors que d’autres n’en contiennent pas.

Figure 5.2 : Photographies prises au microscope optique de morceaux de verres (a) 2Ru, (b) 4Ru et (c) 8Ru.

Cette répartition très hétérogène du RuO2 provient du fait qu’il est très peu soluble

(< 0,001 %mass) dans les verres borosilicatés (Schreiber et al., 1986 ; Akai et al., 1997 ; Pflieger et al., 2009) et d’une sédimentation importante liée au fait que les verres n’ont pas été agités au cours de leur élaboration. En effet, les différences importantes de densité entre le verre (dverre 0Ru = 2,5 g.cm-3 à température ambiante) et l’oxyde de ruthénium (dRuO2 = 6,97 g.cm-3,

(Pflieger et al., 2009)) conduisent à une sédimentation gravitaire et donc à l’obtention d’un gradient de concentration d’oxyde de ruthénium au sein du creuset, avec une forte concentration des particules d’oxyde de ruthénium en fond de creuset (cf. figure 5.3).

Afin d’exacerber au maximum la teneur en cristaux de RuO2 et leur influence sur la durabilité

chimique, il a été choisi de ne sélectionner que la partie en fond de creuset qui concentre la

majeure partie de l’oxyde de ruthénium. Malgré cette sélection et la concentration en RuO2 dans

cette partie du verre, la poudre obtenue après broyage est très hétérogène (figure 5.4).

Figure 5.3 : Représentation du gradient de concentration en ruthénium au sein d’un verre élaboré sans agitation.

Chapitre 5 : Application des systèmes simples à l’étude de système complexe

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Figure 5.4 : Clichés MEB du verre 4Ru à différents grandissements. (a) et (b) Des variations de la répartition de l’oxyde de ruthénium au sein des différents grains de verre sont observées. (c) Zoom sur les cristaux de RuO2 qui sont sous forme de

polyèdres.

L’influence de l’ajout de RuO2 sur la structure du réseau borosilicaté de la série xRu est étudiée

par RMN MAS des noyaux 29Si et 11B. Aucun décalage significatif du déplacement chimique du

silicium n’est observé (figure 5.5–a). Si aucune variation de coordinence du bore n’est observée

entre les verres contenant du RuO2 (2, 4 et 8Ru), une différence importante est notée entre ces

trois verres et le verre de référence sans ruthénium 0Ru (figure 5.5–b et tableau 5.2).

Figure 5.5 : Spectres RMN MAS de la série xRu (a)29Si et (b) 11B.

Verres BO4 (RMN)

0Ru 76,8 2Ru 80,5 4Ru 80,5 8Ru 81,3

Tableau 5.2 : Pourcentages de BO4 obtenus pour la série de verres xRu.

a.

a. b. c.

5.1. Influence de la répartition hétérogène de cristaux de RuO2 sur la durabilité chimique du verre

En comparant le spectre RMN 11B acquis sur un mélange mécanique constitué de 0Ru et de

poudre de RuO2 à celui du verre 0Ru, nous montrons une nette différence entre le signal des

larges bosses. Ainsi, nous mettons en évidence, sans pouvoir l’expliquer, que la simple présence de particules de RuO2 – dont on est sûr qu’elles n’interagissent pas avec la matrice vitreuse –

influence l’acquisition d’un spectre RMN de 11B.

Figure 5.6 : Comparaison des spectres RMN de 11B du verre 0Ru et d’un mélange mécanique constitué de 0Ru et de

particules de RuO2.

Ces observations mettent en évidence que le réseau silicaté n’est pas impacté par

l’addition de RuO2, ce qui est cohérent avec le fait que l’oxyde de ruthénium est très peu

soluble dans les verres borosilicatés (< 0,001 %mass). Les différences observées sur le signal de la large bosse dans les verres contenant ou non de l’oxyde de ruthénium ont été attribuées, non pas à une modification de la coordinence des atomes de bore, mais à

la simple présence des particules de RuO2. En effet, l’utilisation d’un mélange

mécanique a clairement mis en évidence qu’elles affectent l’acquisition du spectre 11B.

Cet effet n’a pour autant pas pu être expliqué.

Le comportement vis-à-vis de l’altération des verres 0Ru et 4Ru est évalué par un test statique à

90 °C dans une solution altérante de KOH à 0,38 mmol.L-1 (pH9 à 90°C). Par suivi du relâchement

en silicium, les pertes de masse normalisées peuvent être calculées selon l’équation (3.2) p. 76 et ainsi les vitesses initiales d’altération des deux verres déduites.

Les valeurs de V0 moyennes (moyenne sur a minima deux essais) obtenues pour les verres sans

prise en compte de la méthodologie d’étude pour le verre 4Ru (c.-à-d. sans tenir de la

contribution des cristaux de RuO2) sont présentées dans le tableau 5.3.

Verres 0Ru 4Ru

V0 (Si) (g.m-2.j-1) 33,7 28,0

Tableau 5.3 : Vitesses initiales V0 (g.m-2.j-1) déterminées pour les verres 0Ru et 4Ru sans prise en compte de la

Chapitre 5 : Application des systèmes simples à l’étude de système complexe

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La comparaison de ces vitesses semblerait mettre en évidence que le verre 4Ru est plus durable que le verre 0Ru. Or, la présence des cristaux d’oxyde de ruthénium ne modifiant pas le réseau silicaté, cet écart entre les vitesses n’a pas lieu d’être. Il proviendrait donc plutôt de la manière de calculer la vitesse que d’un effet du RuO2. Cette hypothèse est vérifiée par la suite en appliquant la méthode développée sur les systèmes modèles.

5.1.2. Application de la méthodologie développée sur les systèmes

modèles

Malgré une répartition hétérogène des cristaux de RuO2, le fait qu’ils n’interagissent pas avec la

matrice vitreuse permet de s’assurer qu’il n’y a aucun gradient de composition au sein de la matrice englobante. Ainsi, la méthodologie développée dans les deux chapitres précédents peut être appliquée pour décrire le comportement des verres contenant de l’oxyde de ruthénium. Ainsi, comme souligné dans les Chapitres 3 et 4, les vitesses d’altération sont dépendantes de la composition chimique de la phase vitreuse englobante, de la masse de poudre introduite ainsi que de sa surface réactive (cf. équation (3.2) p. 76). Si, la vitesse du verre homogène 0Ru est calculée à partir des paramètres classiquement utilisés (surface directement déterminée par BET, masse totale de verre introduite pendant l’essai de lixiviation, composition globale du verre), il est nécessaire pour le verre 4Ru de retirer la contribution des cristaux de ruthénium à ces différents paramètres.

§ Composition chimique de la matrice vitreuse englobante

Ayant montré avec l’étude structurale qu’il ne semble pas y avoir d’interaction entre la matrice vitreuse et les cristaux de RuO2, la matrice vitreuse du verre 4Ru est considérée comme

équivalente à celle du verre 0Ru. La composition du verre 0Ru est donc utilisée pour déterminer les vitesses initiales d’altération des deux verres.

§ Contribution massique

Pour estimer la contribution du ruthénium sur la masse de poudre introduite, la connaissance

du taux massique de cristaux de RuO2 est essentielle. L’oxyde de ruthénium n’interagissant pas

avec la matrice vitreuse, le volume molaire du verre 4Ru peut être décrit par l’équation (5.1) avec y et Vm respectivement les fractions volumiques et les volumes molaires des cristaux de ruthénium ou de la matrice vitreuse (Pflieger et al., 2009).

(5.1) Il est donc possible de déterminer la fraction massique de l’oxyde de ruthénium au sein du verre englobant avec l’équation (5.2), dans laquelle xRuO2 est la fraction massique de RuO2 et di la

densité du matériau i (avec dRuO2 = 6,97 g.cm-3 et dphase vitreuse = d0Ru puisque la phase vitreuse du

verre 4Ru peut être assimilée au verre 0Ru).