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CHAPITRE 1. Etat de l’art

1.3. Altération des verres homogènes et hétérogènes en milieu aqueux

1.3.1. Altération d’un verre homogène

L’étude du comportement du verre en milieu aqueux a mis en évidence que la phénoménologie de l’altération d’un verre par l’eau fait intervenir plusieurs mécanismes dont la contribution dépend de la composition du verre et des conditions d’altération. L’ensemble de ces réactions engendre des cinétiques d’altération différentes au cours du temps.

1.3.1.1. Mécanismes d’altération

A la mise en contact avec le verre, l’eau pénètre dans les espaces vides du réseau silicaté sans en rompre les liaisons, le verre s’hydrate (Bunker, 1994). Cette étape d’hydratation précède les mécanismes d’interdiffusion, d’hydrolyse et de condensation-précipitation.

Interdiffusion

L’interdiffusion correspond à l’échange ionique entre les espèces hydrogénées de la solution – qui pénètrent par diffusion dans le réseau vitreux – et les alcalins compensateurs de charge, certains modificateurs et le bore (Doremus, 1975) selon l’équation (1.3) avec M l’espèce du verre qui s’échange.

(1.3) Cette réaction sélective conduit à la formation d’une zone de verre appauvrie en alcalins et en bore appelée verre hydraté dont la structure par rapport au verre sain dépend de la nature des échanges ioniques (Ojovan et al., 2006).

Les éléments du verre sont relâchés selon un processus diffusif caractérisé par une vitesse de diffusion, qui diminue avec l’épaisseur de verre hydraté selon une loi de type √t, et par un coefficient de diffusion qui dépend du pH, de la température et des compositions du verre et de la solution altérante. Le processus de diffusion est en particulier favorisé en milieu acide, à forte température et pour des verres riches en alcalins en contact avec une solution faiblement chargée en alcalins. Chave et al. (2007) ont défini pour le verre SON68 (équivalent inactif du verre R7T7) une loi de dépendance du coefficient de diffusion D au pH et à la température décrite par l’équation (1.4). Les paramètres nécessaires à l’estimation de D sur des gammes de pH et de température respectivement comprises entre 6 et 10,5 et 30 à 90 °C ont ensuite été déterminés par Jollivet et al. (2012) avec la constante d’interdiffusion = 7,99·10-12 m2.s-1, la

dépendance au pH = – 0,65 et l’énergie d’activation = 94,7 kJ.mol-1.

(1.4)

Hydrolyse

L’hydrolyse du verre est une réaction de surface qui provoque une rupture des liaisons silicatées Si–O–X (avec X = Si, Al, Zr, alcalins…)conduisant à une dépolymérisation et une dissolution du réseau silicaté par protonation ou hydroxylation des sites à l’interface verre sain / solution selon les équations (1.5) et (1.6).

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(1.5) (1.6) Fortement catalysé par l’augmentation du pH et de la température (Frugier et al., 2008), ce mécanisme est également influencé par les compositions de la solution et du verre. En effet, dans le cas de verres présentant un pourcentage important d’atomes d’oxygène non pontants, la réactivité des sites au sein du réseau et la réaction d’hydrolyse sont favorisées.

Les réactions d’hydrolyse sont souvent synonymes de dissolution congruente impliquant une vitesse de relâchement identique pour la plupart des espèces du verre (les éléments à très faible solubilité (Zr, TR…) y font exception en précipitant à la surface du verre sans pour autant former forcément une couche passivante).

Compétition interdiffusion / hydrolyse

Au cours de la première phase de l’altération, les mécanismes d’interdiffusion et d’hydrolyse du réseau vitreux sont en compétition. La prépondérance de l’une ou de l’autre de ces réactions dépend des conditions opératoires de l’essai.

L’interdiffusion, est aux premiers instants de l’altération, essentiellement responsable du relâchement des alcalins en solution. Le phénomène ralentit avec l’augmentation de l’épaisseur du verre hydraté et la cinétique d’interdiffusion devient égale à celle de l’hydrolyse. Les fronts de diffusion et d’hydrolyse progressent ainsi à la même vitesse et l’épaisseur de verre hydraté reste alors constante.

Formation de la pellicule d’altération

Suite à l’augmentation des concentrations en solution des différentes espèces hydrolysées, une pellicule d’altération, dépendant de la composition du verre, se forme. Compte tenu des mécanismes présentés précédemment, elle comprend (i) un verre hydraté, désalcalinisé et légèrement dépolymérisé (issu des réactions d’interdiffusion et d’hydrolyse), (ii) un gel issu de la dépolymérisation et de l’hydrolyse du verre et (iii) des phases secondaires (figure 1.21).

verre sain

verre

hydraté « gel » phases

secondaires 2 µm « gel » amorphe phases secondaires verre sain 1 µm

Figure 1.21 : (a) Cliché en microscopie éléctronique à transmission d’un échantillon de verre SON68 altéré 26 ans à 90 °C en milieu confiné granitique, d’après (Gin et al., 2011). (b) Cliché en microscopie éléctronique à balayage d’une pellicule

d’altération développée à la surface du verre SON68. a.

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Gel d’altération

Cette couche – poreuse, hydratée et essentiellement amorphe – est le résultat de l’atteinte en solution d’un équilibre local (mécanisme de condensation/recondensation) (Valle et al., 2010) ou d’un équilibre par rapport à la solution globale (mécanisme de précipitation) (Crovisier et al.,

1987). La formation du gel se fait généralement de façon isovolumique8 (Donzel et al., 2003) et

la contribution de ces deux mécanismes à sa formation varie avec les compositions du verre et de la solution d’altération.

Principalement constitué de silicium, ce matériau contient également les espèces les moins mobiles lors de l’altération (métaux de transition, terres rares, actinides) ainsi que des cations qui viennent se sorber et/ou coprécipiter pour combler le déficit de charge qu’il présente. A l’inverse, les éléments dits « mobiles » comme B, Na, Li… sont peu ou pas retenus.

Le gel peut entraîner un ralentissement de l’altération en diminuant le transport par effet de barrière diffusionnelle, il est alors dit passivant. Au cours du temps, la structure du gel peut se réorganiser et s’accompagner d’une diminution de son volume poral. La densification du gel par fermeture des porosités est une des hypothèses proposées pour expliquer le caractère passivant du gel pour des verres simples (Cailleteau et al., 2008). Récemment Gin et al. (2015) ont émis une hypothèse reposant sur la réduction de la capacité d’hydrolyse de l’eau en milieu nanoconfiné (pore). Le caractère passivant est également très sensible à la composition du gel, une forte teneur en silicium et la présence d’éléments tels que les alcalino-terreux (Ca (Chave et al., 2011), Mg (Thien et al., 2012)) contribuent à une augmentation de la passivation.

Précipitation de phases secondaires

Les phases secondaires résultent de la précipitation d’éléments en solution provenant de l’altération du verre, éventuellement accompagnés d’éléments apportés par la solution de lixiviation. Dans le cas des verres silicatés, trois familles principales de phases sont observées : les phyllosilicates, les zéolithes et les silicates de calcium hydratés.

Comme le gel d’altération, ces phases sont des aluminosilicates contenant différents éléments (Na, Ca, Fe, Mg) issus de l’altération du verre ou de la solution. Ces éléments peuvent favoriser la formation des phases secondaires (au détriment du gel) ou la transformation du gel (éventuellement au détriment de la formation des phases secondaires). L’affinité d’un élément pour le gel ou les phases secondaires dépendant des conditions d’altération et de leur évolution au cours du temps, l’impact d’un élément sur les mécanismes d’altération peut fortement varier. On note que le bore n’étant pas retenu dans le gel et ne participant pas à la précipitation des phases secondaires qui précipitent, il est souvent utilisé comme traceur de l’altération (Jantzen et al., 2010).

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1.3.1.2. Cinétiques d’altération

Les différents mécanismes réactionnels intervenant au cours de l’altération d’un verre conduisent à plusieurs régimes d’altération (figure 1.22) qui peuvent durer plus ou moins longtemps en fonction de la composition du verre et des conditions d’altération.

Formation du gel et effet d’affinité Reprise d’altération éventuelle Vitesse initiale v0 Chute de vitesse v(t) Vitesse résiduelle vr Interdiffusion Hydrolyse Précipitation massive de phases Altération stationnaire Précipitation de phases Et/ou évolution du gel

Alt

ér

a

tion

Temps

Figure 1.22 : Différents régimes d’altération d’un verre borosilicaté au cours du temps, d’après (Gin et al., 2012). Vitesse initiale d’altération

Aux premiers instants de l’altération, l’interdiffusion est le mécanisme prédominant. Cependant, ce régime étant piloté par un processus diffusif, sa vitesse décroit très rapidement et c’est donc la vitesse d’hydrolyse qui caractérise ce régime. Ainsi, la vitesse initiale d’altération V0

correspond à la vitesse maximale d’hydrolyse du réseau silicaté. Elle est principalement dépendante du pH, de la température, de la composition et de la structure du verre ainsi que de la composition de la solution altérante.

Pour observer ce régime, il est nécessaire de se placer dans des conditions fortement diluées (très faibles ratios surface de verre sur volume de solution, S/V) afin qu’aucune pellicule d’altération ne puisse se former.

Chute de vitesse

Le régime de chute de vitesse correspond à la diminution de la vitesse d’hydrolyse du réseau silicaté de par la diminution de l’affinité de dissolution du verre (hausse des concentrations en solution des différentes espèces) et la formation d’un gel passivant jouant le rôle de barrière diffusive.

Pour étudier ce régime, il faut se placer en conditions statiques sans renouvellement de solution à faibles et moyens S/V (un rapport S/V trop élevé conduirait à passer ce régime trop rapidement).

Vitesse résiduelle d’altération

La chute de vitesse conduit à l’atteinte du régime de vitesse résiduelle. En effet, l’accumulation des éléments en solution et dans la porosité du gel conduit à l’obtention de conditions de « saturation ». Dans ces conditions, l’affinité réactionnelle et le transport au sein du gel sont limités. La vitesse d’altération dans ce régime, Vr, est d’environ 4 ordres de grandeur inférieure à

1.3. Altération des verres homogènes et hétérogènes en milieu aqueux

Un fort rapport S/V permet d’atteindre rapidement ce régime. Reprise d’altération

Sous certaines conditions de pH et température (Fournier et al., 2014b), une reprise d’altération peut être observée. Associée à la précipitation massive et rapide de zéolithes, la vitesse de reprise d’altération du verre n’excède jamais la vitesse initiale d’altération du verre (Fournier et al., 2014a).

La phénoménologie de l’altération d’un verre fait intervenir plusieurs mécanismes : (i) l’interdiffusion au cours de laquelle se produit un échange ionique entre les modificateurs du verre et les espèces hydrogénées de la solution ; (ii) l’hydrolyse pendant laquelle les liaisons formatrices du réseau sont rompues ; (iii) la formation de la pellicule d’altération constituée d’un gel plus ou moins passivant en fonction de la composition du verre initial et de phases secondaires. Ces différentes réactions sont associées à des cinétiques qui évoluent avec le temps. On distingue ainsi le régime de

vitesse initiale au cours duquel la cinétique d’altération V0 est maximale ; le régime de

chute de vitesse durant lequel la cinétique chute de par la formation d’un gel passivant et la diminution de l’écart à la saturation en acide silicique puis le régime de vitesse résiduelle au cours duquel la vitesse Vr est quasi-constante et inférieure à V0 de plusieurs ordres de grandeur. Enfin, dans des conditions particulières d’altération (pH et température élevés), une reprise d’altération peut être observée avec une vitesse de

reprise qui reste cependant toujours inférieure à V0.

1.3.2. Influence des hétérogénéités sur la durabilité chimique des