CHAPITRE 2. Approche expérimentale développée pour l’étude de
3.2. Impact de la teneur en oxyde de molybdène – Etude de la série xMo
3.2.1. Influence de la démixtion sur la morphologie et la structure du verre borosilicate de
3.2.1.1. Morphologie des verres
La limite de solubilité de l’oxyde de molybdène dans les verres de la série xMo a été déterminée par une technique de calorimétrie basse température (Benigni et al., 2014) lors de précédents
travaux. Cette limite, déterminée pour le verre contenant 1,4 %mol de MoO3, est associée à une
forte variation d’enthalpie de dissolution liée à la présence de phases séparées contenant une phase cristalline de type Na2MoO4.
Comme ceci est observé par microscopie électronique à transmission haute résolution (cas du verre 1Mo, figure 3.1–a), les verres contenant une teneur de MoO3 < 1,4 %mol (0Mo, 0,5Mo,
3.2. Impact de la teneur en oxyde de molybdène – Etude de la série xMo
0,8Mo et 1Mo) sont homogènes à l’échelle du nanomètre. Au-dessus de cette limite, les verres sont hétérogènes : ils contiennent des phases de forme sphérique, enrichies en molybdène, sodium et oxygène, dispersées dans la matrice vitreuse ou séparées macroscopiquement du verre. Dans un même échantillon, trois types de morphologies et de tailles de phases séparées peuvent être mises en évidence.
A très petite l’échelle, des phases séparées d’une taille de l’ordre de 100 nm sont caractérisées par HRTEM dans l’échantillon 4Mo (figure 3.1–b). Ces phases de contraste clair enrichies en molybdène et sodium contiennent des phases plus foncées caractéristiques de vides formés (phénomène de retassure) issus de la cristallisation de Na2MoO4 lors du refroidissement du
verre. L’analyse de grains de ce même verre par microscopie électronique à balayage, permet de mettre en évidence la présence de phases séparées, de diamètre supérieur de l’ordre de 1 µm (figure 3.1–c), ainsi que d’autres phases détachées macroscopiquement du verre d’une taille de l’ordre de 100 µm (figure 3.1–d).
Figure 3.1 : Clichés HRTEM (a)d’un grain du verre broyé 1Mo et (b, c, d) du verre 4Mo. (b) Cliché HRTEM d’une lame mince de verre 4Mo obtenue par FIB. Des phases séparées enrichies en MoO3 et Na2O (contraste clair) sont dispersées
dans une matrice vitreuse (contraste gris). (c) Cliché MEB d’un grain de verre contenant des phases séparées à une échelle microscopique dispersées au sein d’une phase vitreuse. (d) Observation à plus grande échelle d’une phase séparée
macroscopiquement du verre (contraste clair) constituée de molybdate de sodium.
Ce type de morphologie montré pour le verre 4Mo est caractéristique de tous les verres de la série xMo contenant une concentration en MoO3 > 2 %mol. Lorsque les verres ont des teneurs
telles que 1,4 % < MoO3 £ 2 %, les phases séparées sont dispersées au sein de la matrice et ne
sont pas séparées macroscopiquement du verre. Le schéma reporté dans la figure 3.2 permet de résumer l’évolution de la morphologie des verres en fonction de la teneur en oxyde de molybdène.
b. c. d.
Chapitre 3 : Influence d’une séparation de phase de type molybdates sur la durabilité chimique du verre
68
Figure 3.2 : Evolution de la formation de phases séparées et de cristaux en fonction de la teneur en molybdène.
3.2.1.2. Etude de la cristallinité des verres
Les diffractogrammes de rayons X des verres de la série xMo présentés sur la figure 3.3 donnent l’évolution microstructurale des verres en fonction de la teneur en MoO3. En accord avec les
observations microscopiques, lorsque la teneur en MoO3 est inférieure à 0,8 %mol, les verres
sont exempts de phases cristallines. Des premiers pics de diffraction sont détectés à partir de
x = 2. Ils sont attribués à la présence de phases de type Na2MoO4 de formes allotropiques :
cubique (fiche JCPDS 12-0773), orthorhombique hydraté (34-0076) ou non hydraté (26-0968)
ainsi qu’à la présence de Na2Mo2O7 orthorhombique (76-0185). La méthode d’affinement
Rietveld appliquée à ces diffractogrammes permet de déterminer les quantités relatives de phases cristallines de type molybdate présentes dans les phases séparées (tableau 3.3) en fonction de la quantité d’oxyde de molybdène ajoutée. Il est ainsi mis en évidence qu’au-dessus
de la limite de solubilité, le Na2MoO4 (toutes formes allotropiques confondues) est la principale
phase présente dans les verres. Sa quantité diminue graduellement au dépend de Na2Mo2O7
lorsque la quantité de MoO3 augmente.
Figure 3.3 : Diffractogrammes de rayons X de la série xMo. ¨ : Na2MoO4 (forme allotropique cubique, fiche JCPDS
12-0773), ¡: Na2MoO4, 2H2O (orthorhombique, 34 -0076), ¢ : Na2MoO4 (orthorhombique, 26-0968), Δ : Na2Mo2O7
3.2. Impact de la teneur en oxyde de molybdène – Etude de la série xMo
Fiche JCPDS 2Mo 3Mo 4Mo 5Mo 10Mo Na2MoO4 cubique 12-0773 36,2 2,4 28,4 0,9 18,4 0,9 22,9 0,8 28,6 0,4 Na2MoO4, 2H2O orthorhombique 34-0076 0.8 ,1 43,0 0,6 45,7 0,7 38,5 0,6 42,5 0,4 Na2MoO4 orthorhombique 26-0968 63,0 1,9 15,8 0,6 20,3 0,6 17,4 0,6 - Na2MoO4 Total 100,0 87,2 84,4 78,8 71,1 Na2Mo2O7 76-0185 - 12,8 0,8 15,6 0,8 21,2 0,6 28,9 0,4
Ratio molaire Na/Mo 2,00 1,85 1,82 1,76 1,68
Tableau 3.3 : Quantités de phases cristallines de type molybdates de sodium présentent dans les phases séparées des verres de la série xMo en %massique et ratio molaire moyen Na/Mo de la phase cristalline. Les pourcentages d’erreur ont
été obtenus avec le logiciel « Fullprof_suite » et l’utilisation de la méthode Rietveld qui emploie les moindres carrés pour affiner les intensités calculées jusqu’à ce qu’elles correspondent avec celles expérimentales.
3.2.1.3. Impact de la démixtion sur la composition chimique des verres englobants
La détermination de la limite de solubilité en oxyde de molybdène (1,4 %mol)(Benigni et al., 2014) ainsi que la connaissance du ratio molaire Na/Mo calculé à partir des affinements Rietveld (tableau 3.3) permettent de déterminer le pourcentage massique total des phases molybdiques présentent dans nos systèmes ainsi que leur pourcentage volumique déterminé à partir des
densités des verres et des phases molybdates, et
(tableau 3.4). Notons que la quantité de phase cristalline présente au sein des grains de verre (phase microscopique) n’excède pas 1,4 %mass soit 0,9 % volumique (les quantités supérieures de phase correspondent à la phase macroscopique, soit une phase séparée du verre).
Ces résultats permettent de déterminer l’évolution des compositions des verres englobants en fonction des taux de fraction cristalline de molybdates dans les verres après refroidissement (tableau 3.4). Les verres avec x ≤ 0,8 ne présentant pas de phases séparées cristallines, leurs compositions sont identiques à celles des verres homogènes reportées dans le tableau 3.1.
Verres 0Mo 0,5Mo 0,8Mo 2Mo 3Mo 4Mo 5Mo 10Mo %mass. cristaux - - - 1,4 3,6 5,7 7,8 16,8 %vol. cristaux - - - 0,9 2,5 4,0 5,6 13,3 SiO2 63,5 63,2 63,0 63,0 63,6 64,3 65,0 68,1 B2O3 16,9 16,8 16,8 16,8 16,9 17,1 17,3 18,1 Na2O 19,6 19,5 19,4 18,8 18,1 17,2 16,3 12,4 MoO3 - 0,5 0,8 1,4 1,4 1,4 1,4 1,4
Tableau 3.4 : Pourcentages massiques et volumiques de cristaux et compositions des verres englobants (% molaire d’oxydes).
L’évolution du taux de cristaux et de la proportion des différentes phases (Na2MoO4 et
Na2Mo2O7) en fonction de la teneur en oxyde de molybdène ajoutée est représentée sur la figure
Chapitre 3 : Influence d’une séparation de phase de type molybdates sur la durabilité chimique du verre
70
Figure 3.4 : Schéma bilan représentant l’évolution de la cristallisation en fonction de la teneur en MoO3 ajouté au sein des
verres de la série xMo.
3.2.1.4. Evolution de la structure des verres avec l’ajout de MoO3
En modifiant la répartition des alcalins au sein du réseau vitreux, l’ajout d’oxyde de molybdène peut être à l’origine à la fois de changements de coordinence du bore, de modifications de la polymérisation du réseau silicaté ainsi que d’un changement d’environnement du molybdène au
sein du verre. Ces effets peuvent être sondés par RMN MAS du 11B, 29Si et 95Mo. Les molybdates
d’alcalins peuvent être sondés directement avec la RMN du 23Na.
RMN MAS du 11B
Les spectres 11B MAS d’une partie de la série de verres sont présentés en figure 3.5. Tous les
spectres ont été simulés par les valeurs indiquées dans le tableau 3.5. A partir du verre 2Mo, l’augmentation du bore en coordinence 3 est régulière avec l’ajout d’oxyde de molybdène. Parallèlement, un élargissement vers les faibles déplacements chimiques est observé. Comme précédemment démontré (Angeli et al., 2010), il est suggéré que cet effet soit lié à la diminution relative des atomes de bore entourés de trois atomes de silicium et d’un atome de bore en
seconds voisins (BO4 (1B,3Si)) par rapport aux atomes de bore entourés par quatre atomes de
3.2. Impact de la teneur en oxyde de molybdène – Etude de la série xMo
Figure 3.5 : Spectres RMN MAS 11B des verres xMo. Insert : vue élargie de la contribution de BO4.
Site
BO3 ring 17,6 (1,3) 2,54 (0,1) 0,2 (0,1)
BO3 nonring 13,7 (2,1) 2,54 (0,1) 0,2 (0,1)
BO4 (1B,3Si) -0,3 (1,1) 0,55 (0,2) 0,6 (0,3)
BO4 (0B,4Si) -1,8 (1,1) 0,21 (0,1) 0,6 (0,3)
Tableau 3.5 : Paramètres RMN issus de l’analyse des spectres MAS. Leurs valeurs moyennes sont présentées ainsi que les valeurs d’écart-type entre parenthèses.
Les proportions de bore tétracoordinnés (%BO4) issues du fit des spectres de RMN MAS du 11B
sont indiquées dans le tableau 3.6 et le nombre d’atomes d’oxygène non pontants (NBO) présents dans le verre englobant en est déduit. Le pourcentage de NBO est calculé en faisant l’hypothèse que toutes les entités de bore tétracoordinnés et de molybdates sont compensées par des ions sodium (équation (3.1)).
(3.1)
Verres 0Mo 0,5Mo 0,8Mo 2Mo 3Mo 4Mo 5Mo 10Mo BO4 (%) 76,8 75,9 76,3 75,9 70,6 71,2 68,8 60,6
NBO (%) 6,7 6,3 6,0 4,7 4,7 3,6 3,0 0,0
Tableau 3.6 : Pourcentages d’unités BO4 déterminés par RMN du 11B et d’atomes d’oxygène non pontants (NBO) dans les
Chapitre 3 : Influence d’une séparation de phase de type molybdates sur la durabilité chimique du verre
72
La figure 3.6 reporte l’évolution du bore tétraédrique en fonction de la quantité initiale d’oxyde
de molybdène introduite dans le verre. On note que la quantité de BO4 reste stable jusqu’à 2 %
de MoO3 puis décroit ensuite régulièrement avec l’ajout d’oxyde de molybdène.
Figure 3.6 : Evolution du %BO4 en fonction de la teneur en oxyde de molybdène du verre (les barres d’erreur représentent
une incertitude de 4 %). Les pointillés servent de guide pour les yeux.
RMN MAS du 29Si
L’augmentation de la polymérisation du réseau silicaté avec l’ajout d’oxyde de molybdène est
clairement observée à travers le déplacement du spectre RMN MAS 29Si vers les faibles
déplacements chimiques (figure 3.7–a). La séparation des espèces Qn reste cependant délicate
dans les verres borosilicatés car en plus d’une forte distribution d’environnement qui élargit les spectres, les atomes de bore positionnés en second voisin du silicium modifient le déplacement chimique des raies du 29Si. D’autre part, les unités BO4 en second voisin des Si sous forme
d’espèces Q4 induisent un déplacement d’environ 10 ppm dans le sens opposé à celui de
l’augmentation de la polymérisation (Nanba et al., 2004). En revanche, les unités BO3 n’induisent
pas de variations de déplacements chimiques (Soleilhavoup et al., 2010).
Afin de quantifier l’évolution des Qn en fonction de la concentration en MoO3, trois contributions
a minima sont nécessaires pour décomposer les spectres (figure 3.7–a) : une contribution pour les espèces Q3 à -90 ppm et deux contributions pour les espèces Q4. La première à -98 ppm
pourrait être attribuée aux atomes de silicium entourés de trois atomes de silicium et d’un atome de bore en coordinence tétraédrique et la seconde à -106 ppm à un environnement entièrement composé de silicium et/ou d’un bore triédrique. L’évolution de ces différentes contributions est représentée sur la figure 3.7–b. En raison du fort recouvrement entre les différentes raies et pour contraindre au mieux cette analyse, nous avons dû imposer une
variation de la bande Q3 identique à ce qui serait attendu en considérant le nombre d’oxygènes
non pontants reportés dans le tableau 3.6 (on considérant que les NBO ne contribuent que sur les espèces Q3). Les spectres ont été ajustés simultanément avec tous les paramètres libres
(déplacement chimique et largeur de raie, intensités des deux raies Q4). On notera que
l’utilisation de deux raies seulement, ne permet pas de reproduire correctement l’ensemble des données.
3.2. Impact de la teneur en oxyde de molybdène – Etude de la série xMo
Le très bon accord des fits permet de conclure que la polymérisation augmente linéairement avec l’ajout de molybdène, et ceci même à partir des faibles teneurs.
(a) (b)
Figure 3.7 : (a) Spectres de RMN MAS de 29Si et (b) évolution des espèces Q3 et Q4 en fonction de la teneur en MoO3 (deux
espèces différentes de Q4 sont considérées, voir texte).
RMN MAS du 95Mo
La figure 3.8 reporte les spectres MAS de 95Mo des verres 2Mo et 5Mo obtenus sur des
prélèvements de verre ne contenant pas de phases macroscopiques séparées ce qui permet de sonder plus précisément l’environnement du molybdène au sein de la matrice vitreuse. Les positions des molybdates de sodium hydraté et non hydraté sont indiquées sur la figure 3.8. Le léger décalage observé entre les spectres des deux verres est conforme aux résultats DRX- Rietveld (tableau 3.3) qui ont montré que l’ajout de MoO3 conduit à une augmentation de la
quantité de phases hydratées. Le rétrécissement du pic du verre contenant la plus forte teneur
en MoO3 pourrait être expliqué par un environnement plus ordonné autour du Mo lié à
l’initialisation de la cristallisation du molybdate de sodium.
Figure 3.8 : Spectres RMN MAS du 95Mo des verres 2Mo et 5Mo. En pointillés sont indiquées les positions de résonance des
molybdates de sodium hydraté ou non hydraté.
Chapitre 3 : Influence d’une séparation de phase de type molybdates sur la durabilité chimique du verre
74
Les raies ont pu être simulées de manière satisfaisante, ce qui nous permet d’obtenir les paramètres RMN reportés dans le tableau 3.7. Ils montrent en particulier l’influence de l’augmentation de la cristallisation sur la diminution de l’interaction quadrupolaire CQ : les sites
molybdène deviennent probablement plus symétriques pour de plus fortes teneurs en molybdène. En revanche, une faible variation de déplacement chimique est observée, en accord avec des résultats précédents (Magnin et al., 2011).
2Mo 5Mo
diso (ppm) 13,5 15,7
CQ (MHz) 2,3 2,0
h 0,6 0,6
Tableau 3.7 : Paramètres RMN des sites 95Mo des verres 2Mo et 5Mo
RMN MAS et MQMAS du 23Na
La figure 3.9–a donne le spectre RMN MQMAS de 23Na du verre 5Mo contenant des phases
séparées dispersées dans la matrice vitreuse ainsi qu’une phase séparée macroscopiquement du verre. Il montre une première contribution fine centrée autour de 20 ppm sur la dimension isotrope et une seconde contribution plus large probablement constituée de plusieurs entités qui peuvent en outre être assez distribuées.
Des échantillons cristallisés de molybdates de sodium anhydres et hydratés (figure 3.9–b) permettent clairement d’attribuer l’espèce positionnée sur la dimension isotrope à 20 ppm au Na2MoO4 et probablement une contribution Na2MoO4-2H2O au signal le plus large. Le calcul DFT
du spectre MQMAS du composé Na2Mo2O7 (Nicoleau et al., 2015) permet de localiser cette
contribution clairement sur le site le plus intense autour de -8 ppm sur la dimension isotrope. D’autres sites hydratés pourraient intervenir sous ce signal étendu, qui comprend celui du verre englobant résiduel.
(a)
Figure 3.9 : (a) spectre RMN MQMAS de 23Na du verre 5Mo, (b) spectres RMN MQMAS de 23Na des composés Na2MoO4-
2H2O et Na2MoO4 et spectre calculé par DFT de Na2Mo2O7.
La projection des deux dimensions du spectre 23Na MQMAS du verre 5Mo est comparée à celle
du verre 0,8Mo sur la figure 3.10. Les contributions fines liées à la cristallisation des molybdates
3.2. Impact de la teneur en oxyde de molybdène – Etude de la série xMo
de sodium apparaissent nettement sur le verre 5Mo. La figure 3.10–b montre de plus une diminution du déplacement chimique isotrope moyen avec l’augmentation de la teneur en oxyde de molybdène. En accord avec de précédents travaux qui corrèlent l’augmentation du
déplacement chimique isotrope de 23Na à la diminution de la distance de Na–O (Lee et Stebbins,
2003a ; Angeli et al., 2011), cette observation montre que la distance Na–O est plus importante lorsqu’une quantité plus grande de sodium se trouve en position de compensateur de charge du molybdène. Ce type de comportement se retrouve typiquement lorsque le Na se situe à proximité d’autres formateurs, comme le bore ou l’aluminium tétraédriques, en tant que compensateur de charge (Angeli et al., 2000).
(a) (b)
Figure 3.10 : Projections sur les dimensions MAS (a) et isotrope (b) des spectres RMN MQMAS de 23Na des verres 0,8 Mo
et 5Mo.
3.2.1.5. Bilan de l’influence de la démixtion sur la microstructure et la structure des verres
Les processus de séparation de phase qui s’opèrent dans les verres de borosilicate de sodium peuvent influencer de manière importante la microstructure (Kukizaki, 2010 ; Wheaton et Clare, 2007 ; Veksler et al., 2008) et la structure du réseau vitreux (Du et Stebbins, 2003b ; Caurant et al., 2010).
Nous montrons ici que l’oxyde de molybdène est à l’origine de la formation de phases séparées dispersées dans une matrice vitreuse englobante. Les résultats de caractérisation microstructurale témoignent de la forte influence de la concentration en MoO3 initialement
introduite dans les verres sur la nature et la quantité de phases formées. Homogènes lorsque la
concentration en MoO3 est inférieure à 1,4 %mol, les verres contiennent des phases sphériques
(figure 3.2) de taille micrométrique lorsque 1,4 % < MoO3 < 2%mol ainsi que des phases
macroscopiques pour des teneurs supérieures. Après refroidissement, ces phases contiennent majoritairement des phases cristallines de type Na2MoO4 et Na2Mo2O7. La matrice vitreuse
englobante est ainsi progressivement appauvrie en molybdène et sodium qui se trouvent concentrés dans les phases séparées cristallines. Ce type de comportement peut être rapproché de ceux des études référencées par Gutzow (1980) qui mettent en évidence les différents processus de cristallisation possibles dans les verres démixés. De par les microstructures observées, il est ainsi possible de suggérer que la séparation de phase s’est produite par un
Chapitre 3 : Influence d’une séparation de phase de type molybdates sur la durabilité chimique du verre
76
premier stade de nucléation croissance suivi de la cristallisation des phases séparées enrichies en MoO3 et Na2O uniquement.
Les variations de composition induites par la séparation de phase conduisent à la modification de la structure du réseau borosilicaté des verres englobants par un mécanisme de compensation de charge des entités molybdates en deux étapes : une compensation par les ions sodium uniquement issus des entités Si-NBO pour les faibles teneurs en MoO3 (jusqu’à 2 %mol) puis
issus des entités BO4- au-delà. D’un autre côté, l’augmentation de la polymérisation du réseau
silicaté se produit dès l’ajout d’une très faible quantité de MoO3 dans le verre. Ce dernier effet,
suggéré dans le cas de verres silicatés (Angeli et al., 2011) et borosilicatés (Martineau et al., 2010), est ici vérifié et quantifié sur une grande plage de variation de la teneur en MoO3 du
verre.