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Les éléments à l’origine de la cristallisation dans les verres nucléaires

CHAPITRE 1. Etat de l’art

1.2. Les verres : structures et hétérogénéités

1.2.3. Les éléments à l’origine de la cristallisation dans les verres nucléaires

Plusieurs études portent sur la cristallisation des différents verres nucléaires (Larkin, 1986 ; Loiseau et al., 2003 ; Henry et al., 2004 ; Rose et al., 2011). Les principales études référencées concernant la cristallisation de verre de type R7T7 ont été menées par Orlhac (1999) et Delattre (2013).

L’étude d’Orlhac (1999) a permis de déterminer le taux maximum de cristaux susceptibles de se former au sein du verre R7T7 après un traitement thermique (5h à 550 °C suivies de 100h à 780 °C), soit 4,24 %mass, ainsi que la nature des phases cristallines susceptibles de se former :

powellite (CaMoO4), cerianite et oxyde mixte cérium-zirconium (CeO2 et (Ce, Zr)O2) et

zincochromite (ZnCr2O4) ainsi que deux phases minoritaires : l’albite (NaAlSi3O8) et les silicates

1.2. Les verres : structures et hétérogénéités

Dans le cadre d’étude sur la cristallisation au sein de l’auto-creuset5, Delattre (2013) a évalué

l’impact de l’application de gradients thermiques sur la cristallisation de deux verres d’intérêt nucléaire et a ainsi mis en évidence la cristallisation de powellite (630 °C – 900 °C) et de silicates de terres rares de structure apatitique Ca2TR8(SiO4)6O2 (660 °C – 900 °C). La cristallisation de

silicates de terres rares a également été mise en évidence au cours des recherches menées sur l’optimisation de nouvelles compositions permettant d’incorporer un taux de déchet supérieur à 18,5 %mass (verres à Haut Taux de Charge, HTC) (Bardez, 2004 ; Quintas, 2007 ; Chouard, 2011 ; Taurines, 2012).

Cette thèse portant principalement sur l’influence de la cristallisation de molybdates et de silicates de terres rares sur la durabilité chimique, dans cette partie des explications seront données concernant l’influence des oxydes de molybdène et terres rares sur la structure du réseau vitreux et leur tendance à promouvoir les processus de séparation de phase et de cristallisation dans les verres de conditionnement.

1.2.3.1. Comportement de l’oxyde de molybdène dans les verres borosilicates de sodium

Le molybdène est un élément qui ne peut s’incorporer de manière homogène qu’à très faible teneur dans des verres borosilicatés (typiquement autour du pourcent molaire) (Horneber et al., 1982 ; Lutze et Ewing, 1988 ; Short et al., 2003 ; Rose et al., 2011 ; O.V.Mazurin et al., 1987 ; Do Quang et al., 2003). Différentes formulations de verre sont développées en fonction du déchet à traiter (Uranium Oxyde ou Uranium Molybdène) et donc de la concentration en oxyde de molybdène qu’il contient. Après avoir décrit les caractéristiques de ces verres, nous donnerons des explications concernant les modifications structurales ainsi que les phénomènes de séparation de phase et cristallisation induits par l’ajout de molybdène dans les verres de compositions simplifiées.

Les verres de conditionnement de déchets nucléaires enrichis en oxyde de molybdène Dans cette partie, nous donnerons les caractéristiques microstructurales des verres de type Uranium Oxyde (UOx) et Uranium Molybdène (UMo) contenant de l’oxyde de molybdène.

Cas des verres de type Uranium Oxyde

Les déchets issus du combustible de type UOx sont confinés dans le verre de type Uranium Oxyde (R7T7) dont le taux de charge en produits de fission et actinides mineurs est de l’ordre de 18,5 %mass (Poinssot et Gin, 2012), soit 2,2 %mass d’oxyde de molybdène issu uniquement des réactions de fission nucléaire. Dans des conditions nominales de fonctionnement, le verre obtenu ne présente aucune séparation de phase.

5 En 2010, le procédé de vitrification par creuset froid a été mis en service à l’usine de La Hague. Le principe consiste à induire directement des courants électriques au sein du bain de verre ce qui permet de vitrifier à des températures supérieures à celles utilisées avec la technologie du pot de fusion ou creuset chaud (présentée en partie 1.1.1.1.2). Au contact de la paroi refroidie par un circuit d’eau, le verre forme une couche solide, appelée auto-creuset.

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Pour des teneurs élevées en MoO3 (supérieure à 3 %mass) ou en cas de conditions de

fonctionnement dégradées entrainant une mauvaise réactivité entre la fritte de verre et le calcinat (température, agitation, rapport fritte / calcinat), une séparation de phase macroscopique peut se produire conduisant à la formation d’une phase jaune (« yellow phase ») en surface et à l’intérieur (inclusions) du verre de conditionnement (figure 1.13). Cette phase tire son nom de la couleur qu’elle prend à l’état solide de par la présence d’ions chrome +VI sous forme CrO42- (Lutze et Ewing, 1988) qui peut se substituer au molybdène et ainsi former des

phases cristallines mixtes de type Cs3Na(MoxCryO4) ou Cs2CrO4 (Greer et Kroeker, 2012).

Figure 1.13 : Photographie d’un verre Uranium Oxyde à haut taux de charge en MoO3 (3 %mass) élaboré en laboratoire et

refroidi par coulée sur plaque. Une phase jaune s’est formée au refroidissement à la surface du verre (Gossé et al., 2014). La « yellow phase » est un composé complexe contenant un ensemble de phases dont la nature et la composition chimique dépendent essentiellement des compositions chimiques de la fritte de verre et du déchet et notamment de la nature des alcalins et alcalino-terreux qui les composent. Des études menées sur les différents verres nucléaires internationaux – UOx, Magnox anglais, HLW Japonais (Hand et al., 2005 ; Pegg et al., 2010 ; Short, 2014 ; Schuller et al., 2015) – mettent en évidence que la phase molybdique est le produit de réactions entre les précurseurs. En effet, si elle est constituée de molybdates d’alcalin ou d’alcalino-terreux purement issus du déchet (Na2MoO4, NaCsMoO4, Cs3NaMo2O8, BaxSryMoO4), elle contient également des molybdates

« mixtes » dont les alcalins/alcalino-terreux proviennent à la fois du déchet et de la fritte de verre, témoignant de la réactivité entre les deux précurseurs. C’est le cas par exemple des

molybdates CaxSryMoO4 et CsLiMoO4 puisque le calcium et le lithium proviennent uniquement de

la fritte de verre pour les verres UOx et HLW japonais.

De par sa forte alcalinité, la présence de cette phase lors de la vitrification en creuset chaud est pénalisante vis-à-vis de la corrosion des alliages constitutifs du pot de fusion (p. ex. inconel) ainsi que des céramiques (p. ex. réfractaires des fours) (Short et al., 2005 ; Sengupta et al., 2006) dans le cas des fours à électrodes.

De par la concentration d’une forte partie de la radioactivité au sein de la phase molybdique, la présence de cette phase doit être limitée. En effet, dans les verres présentant des cristaux de molybdate de sodium, il a été systématiquement observé la présence de molybdates mixtes incorporant du césium en substitution du sodium (Le Grand, 1999 ; Caurant et al., 2007 ; Greer et Kroeker, 2012). D’autre part, la structure scheelite – sous laquelle cristallisent les molybdates (CaMoO4) – autorise plusieurs substitutions : (i) AB(MoO4)2 avec des cations chargés tels que

A = +1, B = +3 et (ii) AB2C(MoO4)4 avec A = +1, B = +2 et C = +3, ce qui conduit à l’incorporation

d’éléments mono-, bi- ou tri-valents correspondant respectivement aux alcalins, alcalino-terreux ou terres rares. Ainsi, on observe la présence de molybdates mixtes concentrés en strontium et

1.2. Les verres : structures et hétérogénéités

2010 ; Rose et al., 2011). Il est aussi intéressant de souligner que Henry et al. (2004) proposent un autre type de compensation de charge avec un système lacunaire de composition Ca1-3/2xNdxMoO4.

L’importance de la composition de ces phases au regard de leur solubilité dans l’eau est aussi à noter. Allant de peu solubles pour les molybdates d’alcalino-terreux (Komarneni et al., 1983 ; Schiewer et al., 1982) à très solubles pour les molybdates d’alcalins (Pannetier et al., 1976 ; Schiewer et al., 1982 ; Le Grand, 1999), la mise en contact avec l’eau de ces différentes phases cristallines pourrait alors dégrader les qualités de conditionnement de la matrice vitreuse. Cas des verres de type Uranium Molybdène

Dans le cas des déchets issus du combustible usé Uranium Molybdène (UMo), la majeure partie

de l’oxyde de molybdène provient du combustible lui-même. De par les fortes teneurs en MoO3

(12 %mass) et P2O5 (3,7 %mass) présentes dans ce déchet (Pinet et al., 2006), le matériau de

conditionnement développé par le CEA est une matrice de microstructure proche d’une vitrocéramique, constituée d’une phase vitreuse majoritaire dans laquelle sont uniformément dispersées des particules sphériques (issues d’une séparation de phase liquide-liquide). Si dans les verres simplifiés, les phases séparées sont riches en oxyde de molybdène et en phosphore,

seule la phase de CaMoO4 a été identifiée dans le verre complexe (figures 1.14–a et –b) (Henry et

al., 2004 ; Pinet et al., 2006 ; Caurant et al., 2007).

Figure 1.14 : (a) et (b) SUMo2-12c, simulant inactif du verre UMo complexe, cristallisant uniquement des phases de molybdate de calcium. Sur le cliché (a) : Matrix = phase vitreuse ; homogeneous marbles = billes composées de Si, Na, Al, Zn, Zr, P, Ca, Mo et O. Sur le cliché (b) : grossissement d’une « marble » avec White nodule = phase de CaMoO4 incorporant

du Nd ; Hexagonal nodule = partie grise non cristallisée contenant Na, Zn, Ca, P et O. Les parties vitreuses autour des nodules (vitreous phase around nodule (b)) ont une composition similaire à la partie vitreuse globale du matériaux

(matrix (a)), d’après (Henry et al., 2004).

Origine de la démixtion dans les verres borosilicates enrichis en MoO3

Environnement local du molybdène dans les verres de type borosilicate de sodium

L’incorporation limitée de l’oxyde de molybdène dans les verres de conditionnement peut s’expliquer par l’environnement local spécifique du molybdène dans les verres silicatés et borosilicatés.

Dans ces verres, le molybdène peut se trouver sous quatre degrés d’oxydation (Mo3+, Mo4+, Mo5+

et Mo6+), cependant sous conditions d’élaboration oxydantes – comme c’est le cas pour les verres

nucléaires – il existe majoritairement sous son état d’oxydation +VI (Short et al., 2005 ; Farges et al., 2006 ; Caurant et al., 2007 ; Magnin et al., 2009).

Chapitre 1 : Etat de l’art

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Des études par spectrométrie d’absorption des rayons X (EXAFS et XANES) au seuil K du molybdène sur des verres borosilicatés et aluminosilicatés ont montré que le molybdène n’a pas de formateur de réseau (Si, Al ou B) en second voisin et que sa coordinence est proche de 4,

mettant ainsi en évidence que le molybdène se trouve sous forme d’entités tétraédriques MoO42-

(Sawaguchi et al., 1996 ; Calas et al., 2003 ; Hyatt et al., 2005 ; Short et al., 2005 ; Farges et al., 2006). Ces résultats sont en accord avec la seconde règle de Pauling qui stipule que la somme des valences de liaison6 dans lesquelles est engagé un anion tend à être proche de la valeur

absolue de la charge de l’anion pour une structure stable (Pauling, 1929), soit 2 pour l’oxygène. Or, en considérant le modèle empirique de Brown et Shannon (1973) et en tenant compte de la distance d(Mo–O) déterminée par EXAFS, Calas et al. (2003) ont montré que la valence totale de l’oxygène dans une liaison Mo–O–X, avec X = Si, B ou Al, serait supérieure à 2 unités de valence.

Par conséquent, les entités MoO42- ne peuvent être compensées que par des cations alcalins et

alcalinoterreux.

Ces résultats de spectroscopie EXAFS couplés à la dynamique moléculaire ont permis de proposer des représentations structurales de l’incorporation du molybdène dans les verres borosilicatés (figure 1.15–a) mettant en évidence que les entités MoO42- se trouvent dans des

zones dépolymérisées du verre riches en alcalins et alcalino-terreux (Calas et al., 2003 ; Short et al., 2005 ; Farges et al., 2006 ; Caurant et al., 2010). Caurant et al. (2010) font l’hypothèse que ces zones forment des canaux de même type que les canaux de Greaves présentés p. 10 (figure 1.15 –b). L’existence de tels canaux pourrait trouver une justification dans la faible solubilité du molybdène dans les verres silicatés. En effet, au sein de ces régions riches en molybdène et en alcalins et alcalinoterreux, les entités de MoO42- isolées sont structuralement très proches de

celles observées dans les phases cristallines de molybdates d’alcalins ou d’alcalino-terreux (Angeli et al., 2011), ce qui faciliterait la séparation de phase.

Figure 1.15 : Représentations structurales montrant l’incorporation du molybdène dans les zones dépolymérisées d’un verre aluminoborosilicaté par (a) Calas et al. (2003) et (b) Caurant et al. (2010).

L’investigation de l’impact de l’ajout d’oxyde de molybdène sur la structure de verres borosilicatés (Magnin, 2009 ; Caurant et al., 2010 ; Martineau et al., 2010) a montré que

6 La valence d’un atome correspond à la somme des valences de liaison individuelles vi autour de l’atome.

vi est calculée en appliquant la formule suivante : vi = exp[(R0-Ri)/b] avec Ri la longueur de liaison, b une

constante (0,37 Å) et R0 la longueur idéale de la liaison quand l’élément i a exactement une valence de 1. Les valeurs de R0 sont répertoriées dans la littérature et varient en fonction de la charge du cation.

1.2. Les verres : structures et hétérogénéités

l’augmentation de la teneur en molybdène entraine une repolymérisation du réseau silicaté suivant l’équation (1.2).

(1.2)

En revanche, l’influence de la teneur en MoO3 sur le réseau boraté du verre, en particulier sur la

spéciation du bore, reste mal connue à ce jour, même si Caurant et al. (2007) notent une très

légère diminution du ratio BO4/BO3 avec l’ajout d’oxyde de molybdène.

Domaine d’immiscibilité dans les verres silicatés

Les effets structuraux produits par le molybdène dans le réseau silicaté se traduisent par de fortes répulsions entre les unités MoO42- et SiO42- qui ont pour conséquence la présence d’un

large domaine d’immiscibilité dans les verres de silicate de sodium enrichis en oxyde de molybdène (figure 1.16).

Figure 1.16 : Section isotherme à 1 200 °C du diagramme ternaire Na2O–MoO3–SiO2 (Gossé et al., 2014).

Description des processus de démixtion et cristallisation Cas des verres UMo

Au travers d’observations par microscopie électronique et de mesures de viscosité sur des verres borosilicatés riches en MoO3 et P2O5, Schuller et al. (2008 ; 2011) ont proposé un

mécanisme en deux étapes pour expliquer les processus de formation des phases séparées et cristallisées dans les verres de type UMo. Initiées par un processus de séparation liquide-liquide à haute température (> 1 200 °C), les microphases coalescent selon un mécanisme de nucléation-croissance (cf. §1.2.2.1). Elles cristallisent ensuite partiellement au cours du refroidissement sous forme de molybdates d’alcalino-terreux.

Cas des verres simplifiés

Un mécanisme similaire est observé dans le cas de systèmes vitreux plus simples tels que SiO2–

B2O3–Na2O–CaO–MoO3. Dans ce cas, la présence de deux compensateurs de charge possibles,

Na2O et CaO, pour les tétraèdres de MoO42-, conduit à la cristallisation de molybdates de calcium

Chapitre 1 : Etat de l’art

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En effet, comme illustré sur la figure 1.17, après une première étape de démixtion, une étape de cristallisation partielle des phases séparées est observée au cours du refroidissement avec la cristallisation de CaMoO4 à 950 °C et celle de Na2MoO4 à plus basse température (650 °C). Le

liquide restant au sein des phases séparées à l’issue des cristallisations se fige sous la forme de petites billes de verre riches en Si, B et O et pauvres en Mo, Na et Ca.

Figure 1.17 : Schéma synthétique du scénario de succession des processus de séparation de phase et de cristallisation des molybdates au cours du refroidissement des verres borosilicates de sodium et calcium enrichis en MoO3 (Schuller, 2014).

Influence de la composition chimique des verres sur la nature des molybdates formés La nature des molybdates formés peut s’expliquer par des effets de composition chimique et de

structure. En effet, l’étude de verres sodo-calciques borosilicatés contenant 2,5 %mol de MoO3 a

montré que l’augmentation de la teneur en bore ou en calcium était une des raisons du changement de la nature de la phase cristallisée. En fonction de la concentration en oxydes de bore et calcium, les phases séparées formées au cours du processus de démixtion peuvent contenir Na2MoO4, un mélange de molybdates de sodium et calcium ou une phase unique de

powellite (CaMoO4) (Caurant et al., 2010 ; Magnin et al., 2011).

Ce phénomène est expliqué par la compensation préférentielle des BO4- par les cations Na+ par

rapport au Ca2+(Quintas et al., 2007a). Ainsi, une forte teneur en CaO ou B2O3 dans le verre induit

un fort ratio Ca2+/Na+ à proximité des entités molybdates ce qui conduit par conséquent à la

cristallisation préférentielle de la powellite.

Détermination de la quantité de phases séparées

Les proportions des phases séparées enrichies en MoO3 et Na2O peuvent être déterminées dans

le cas de systèmes vitreux simplifiés grâce à l’utilisation de la règle du levier inverse. Les résultats de l’optimisation du diagramme ternaire Na2O–MoO3–SiO2 à 1 200 °C (figure 1.18,

(Gossé et al., 2014)) permettent en effet de déterminer à toutes les températures la proportion des phases formées dans le domaine d’immiscibilité.

A titre d’exemple : le liquide (de composition initiale X1) à 1 200 °C se sépare suivant l’orientation de la conode en deux liquides de compositions distinctes. L’un enrichi en SiO2 et

appauvri en MoO3 et Na2O correspondra à la phase vitreuse majoritaire, l’autre enrichi en MoO3

et Na2O et appauvri en SiO2 cristallisera partiellement au refroidissement sous forme de

molybdate de sodium, Na2MoO4. La quantité de chaque liquide pour une composition initiale X1

1.2. Les verres : structures et hétérogénéités

molybdène est plus élevée (composition initiale du liquide X2), la proportion de phase riche en molybdène et sodium augmente au dépend de la quantité de liquide enrichi en silice (figure 1.18).

Figure 1.18 : Représentation de la proportion des liquides riches en Na2O–MoO3 en fonction des compositions initiales des

liquides X1 et X2 dans la coupe du ternaire Na2O–MoO3–SiO2.

Remarque : l’utilisation de cette règle nécessite la connaissance et l’optimisation des diagrammes de phase. Dans le cas des systèmes vitreux borosilicatés étudiés dans cette thèse, ces diagrammes sont en cours d’optimisation. La détermination des quantités de phase sera donc réalisée grâce à l’apport de différentes techniques d’analyse quantitative (mesure d’enthalpie de dissolution, DRX, RMN MAS).

Le molybdène est un élément qui ne peut s’incorporer de manière homogène qu’à très faible teneur dans des verres borosilicatés. Au-delà de sa limite d’incorporation (≈ 1 %mol dans le verre après refroidissement), il induit un phénomène de séparation de phase liquide-liquide qui peut conduire à la cristallisation de différents molybdates. Ce phénomène peut s’expliquer par l’environnement structural particulier du molybdène dans le réseau borosilicaté ainsi que par des processus physico-chimiques qui se produisent lors de l’élaboration et du refroidissement du verre. La nature des phases cristallines formées à l’issue de la séparation de phase est fortement influencée par la composition chimique du verre et la teneur en oxyde de molybdène.

1.2.3.2. Comportement des oxydes de terres rares dans les verres borosilicates de sodium

De par leur rôle de modificateur de réseau (Branda et al., 2001), les terres rares peuvent engendrer des modifications importantes sur la structure des verres silicatés et borosilicatés et promouvoir la formation des phases cristallines de type silicate de terres rares. Après avoir présenté les modifications structurales entraînées par l’ajout de terres rares dans les verres, la cristallisation de silicates de terres rares de structure apatitique dans les verres nucléaires sera décrite.

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Impact de la présence de terres rares sur la structure des verres silicatés et borosilicatés Le rôle modificateur de réseau des terres rares

En comparant plusieurs critères permettant de dissocier le rôle des oxydes dans la structure vitreuse (force de champ, électronégativité, force de liaison), Branda et al. (2001) montrent que les terres rares ont un rôle de modificateur dans les réseaux vitreux borosilicatés. Comme tous les modificateurs de réseau, l’ajout de terres rares conduit à la création d’atomes d’oxygène non pontants et donc à une dépolymérisation du réseau silicaté.

Les terres rares sont très peu solubles dans le verre de silice et l’ajout de seulement quelques centaines de ppm de terres rares conduit à la formation de clusters (Sen et Stebbins, 1995 ; Lochhead et Bray, 1995 ; Sen, 2000). Des résultats de dynamique moléculaire et d’EXAFS ont montré que les terres rares s’entourent préférentiellement d’atomes d’oxygène non pontants et que leur première sphère de coordinence est constituée de 4 à 5 atomes d’oxygène dans ces verres (Cormier et al., 1993 ; Du et Cormack, 2002 ; Du et Cormack, 2005 ; Kokou et Du, 2012). Or si l’on considère que la terre rare est un modificateur de réseau (Branda et al., 2001), un

atome TR3+ génère seulement trois atomes d’oxygène non pontants, ce qui ne satisfait pas à sa

configuration optimale. C’est pour cette raison que les terres rares mettent leurs NBO en commun en formant des clusters dans la silice.

Plusieurs auteurs montrent que l’ajout de formateurs de réseau avec un déficit de charge tel que [AlO4-] (Arai et al., 1986 ; Du et Cormack, 2005) et l’addition de cations modificateurs (Na+) – qui

engendrent une augmentation du nombre de NBO et permettent à l’ion TR3+ de satisfaire à sa

configuration optimale (Kokou et Du, 2012) – produisent une meilleure homogénéisation des terres rares au sein de la structure vitreuse. Ainsi, dans les verres de silicate de sodium, la coordinence de la terre rare est proche de 6 (Ponader et Brown, 1989 ; Cormier et al., 1993 ; Du et Cormack, 2002 ; Du et Cormack, 2005 ; Kokou et Du, 2012 ; Angeli et al., 2013) et dans un aluminoborosilicate sodo-calcique complexe, elle augmente entre 6 et 8 (Larson et al., 1990 ; Bardez et al., 2005 ; Jollivet et al., 2005 ; Jollivet et al., 2007).

Différentes configurations – représentées en figure 1.19 – ont été envisagées pour décrire