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2.4 Des outils et une démarche adaptés aux contraintes médiales

2.4.2 Indices prosodiques (méthode)

Comme nous l’avons évoqué précédemment (cf chapitre 1), nous ne traiterons pas de toute la dimension prosodique du DD. Nous avons en effet choisi de ne pas faire de l’intonation le facteur primordial de nos analyses du DD.

Cependant, nous avons relevé, pour notre corpus oral, les pauses et nous avons utilisé une fonctionnalité du logiciel PRAAT pour extraire des courbes intonatives afin d’étayer certains de nos propos.

Afin de mieux comprendre notre positionnement quant à la prise en compte partielle de la dimension prosodique du DD, nous avancerons plusieurs arguments. Le premier est d’ordre technique. En effet, les analyses prosodiques et/ou pho- nétiques nécessitent des enregistrements de bonne qualité sonore. Nos données orales, réalisées dans des conditions différentes, présentent des qualités inégales. Certaines enquêtes ont été réalisées avec un enregistreur numérique « profession- nel » mais d’autres ont été réalisées (et c’est souvent le cas) avec un MP3 voire un téléphone portable. Si les entretiens dits traditionnels ont été en général (mais non systématiquement) réalisés dans un environnement calme90, il n’en va pas de même pour les enregistrements écologiques et certains entretiens dits de proxi- mité91. Nous entendons par calme, un environnement sans fond sonore (musique, télévision, discussions lointaines, bruits de circulation. . . ). M. Demers (1998b), qui n’a travaillé que sur des « entrevues sociolinguistiques », évoque également cette difficulté :

«Malgré les précautions prises pour assurer une qualité d’enregis- trement acceptable, plusieurs éléments font en sorte que le son n’est pas idéal pour les études acoustiques (bruits de l’extérieur, bruits de musique, de lessiveuse, de lave-vaisselle ; va-et-vient de la maisonnée). [. . . ] L’enregistrement de l’entrevue doit être de qualité suffisante pour permettre une analyse acoustique fiable. Comme les entrevues cher- chaient à recréer une situation de conversation naturelle, la qualité de l’enregistrement, tel que mentionné précédemment, laisse parfois à dé- sirer. Certains locuteurs de même que certains énoncés des locuteurs retenus ont dû être rejetés » (p. 42).

Sur les 849 DD que M. Demers avait relevés, elle n’en a gardés que 215 pour mener ses analyses acoustiques. Nous avons fait le choix de n’écarter aucune occurrence

90. Nous entendons par calme, un environnement sans fond sonore (musique, télévision, dis- cussions lointaines, bruits de circulation. . . ).

91. Nous pensons notamment aux entretiens de l’enquêteur Wajih, qui s’ils sont réellement intéressants du point de vue du DD, ne seraient pas exploitables pour des études phonologiques ou phonétiques étant réalisés en plein air ou en voiture. Nous avons réalisé la transcription de Wajih5 qui s’est révélée particulièrement fastidieuse et chronophage. Outre un débit de paroles très important, la qualité sonore (parfois mauvaise) de l’enregistrement nécessitait de multiples écoutes.

qui ne serait pas analysable phonétiquement.

Dès que l’on veut privilégier la « spontanéité » et le déroulement habituel des interactions, il semble presque inévitable que ce soit au détriment d’autres aspects, notamment la qualité sonore de l’enregistrement. Nous rejoignons sur ce point R. Paternostro (2014) qui souligne cette difficulté :

« Le respect de l’écologie des événements se fait souvent aux dépens de la qualité de la prise de son, qui cherche à être la moins invasive possible » (R. Paternostro, 2014).

Les enregistrements écologiques ont souvent été réalisés par les informateurs eux- mêmes92 dans des conditions naturelles, non optimales pour des études phoné- tiques satisfaisantes. Ils ont pu se dérouler dans une voiture, dans la rue qui sont autant de lieux à l’origine de bruits parasites pouvant altérer des résultats d’analyse et notamment les courbes intonatives.

Conséquence de ce dont nous venons de discuter, notre deuxième argument est d’ordre méthodologique. Lorsque nous avons choisi les enquêtes qui constitue- raient notre corpus, nous n’avons pas pris en considération la qualité sonore des enregistrements. Nous avons dans un premier temps lu et balayé les transcriptions préalablement converties en fichier word, laissant de côté l’aspect prosodique du DR. Ce n’est qu’une fois le corpus établi que nous avons sérieusement commencé à réfléchir à cette question. Après l’écoute de plusieurs enregistrements, il s’est avéré que les meilleurs d’un point de vue de la qualité sonore n’étaient pas forcé- ment les plus pertinents pour notre objet d’étude principal93.

Notre seule perception (ou intuition) pour établir des fluctuations (variations) dans l’intonation entre le verbe introducteur, la particule (quand il y en a) et le discours cité, n’aurait pas été scientifiquement satisfaisante. En effet, la perception relève davantage de l’interprétation. Pour pallier ce problème, il aurait fallu 1) baliser nos 1398 occurrences de discours direct, 2) mettre en place des calculs pour mesurer la fondamentale 0, 3) confronter les différences observées avec des tests statistiques afin de déterminer si ces différences sont ou non significatives. Un travail, qui selon nous, devrait faire l’objet d’une thèse à part entière, consacrée à cet aspect.

Enfin, certaines enquêtes du projet MPF (notamment celles qui ont été réalisées

92. Nous avons nous-même réalisé deux enregistrements écologiques dans le cadre du projet GTRC auxquels nous avons pris part. Ces deux enregistrements ont été effectués lors de repas avec des amis comme nous en faisons régulièrement. La musique accompagne toujours nos soirées et il n’était pas imaginable, dans un souci de « naturel » et de « spontanéité » de demander à ce que cette fois la musique soit éteinte. Si nous avions fait cela, les informateurs auraient tous été focalisés sur l’enregistrement qu’il aurait été difficile de dissimuler.

93. Nous ne sous-entendons pas ici que la prosodie n’est pas essentielle mais simplement qu’elle ne constitue pas le point de focalisation de notre travail.

Chapitre 2 Hypothèses de recherche : le DD au-delà de l’opposition oral/écrit

au début du projet) n’ont pas toutes été transcrites sous PRAAT mais sous CLAN94et nous avons choisi deux d’entre elles pour l’intérêt qu’elles présentent. Nous aurions eu ici des problèmes de traitement des données.

Plutôt que de proposer des analyses biaisées ou partielles du point de vue prosodique, nous avons jugé préférable de privilégier l’analyse du discours direct dans ses dimensions syntaxique et pragmatique et de ne pas inclure l’intonation dans les indices traités.

Concernant les pauses, elles sont facilement identifiables puisqu’elles ont été annotées dans les transcriptions, une tire nommée « silence » est dédiée pour les indiquer (.) comme le montre la capture d’écran :

Figure 2.4.1 – Capture d’écran PRAAT de l’enquête Roberto2c

Nous avons relevé de la même façon la durée des pauses indiquée en millise- condes dans la partie supérieure de l’écran sur l’intervalle du silence (représenté en rose).

L’extraction de courbes intonatives, en revanche, demande plus de manipula- tions. Dans un premier temps, il fallait segmenter en mots les extraits sur lesquels nous voulions travailler. Comme le montre la capture d’écran ci-dessus, les trans- criptions sont segmentées en unités et non mot à mot. Après sélection de l’extrait segmenté, une fonctionnalité de PRAAT, sous la rubrique « pitch » : draw visible pitch contour and Textgrid, permet d’obtenir la représentation suivante :

94. Les transcriptions sous CLAN impliquent qu’elles aient été réalisées au début du projet MPF avec des conventions quelque peu différentes des actuelles. Par exemple, il n’y avait pas de tire silence consacrée.

Figure 2.4.2 – Extraction d’une courbe intonative sous PRAAT (MPF, Anais1, 36)

Nous voyons ainsi, outre une intonation montante qui indique une question, qu’il y a un écart entre l’intonation portée sur le verbe introducteur dire (basse) et l’intonation haute portée sur le discours cité. Nous avons procédé à ces extractions de manière très ponctuelle pour illustrer certaines de nos remarques (notamment dans le chapitre 6), quand la qualité sonore de l’enregistrement, ou de l’extrait sélectionné, le permettait.