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2.4 Des outils et une démarche adaptés aux contraintes médiales

3.1.1 Le projet MPF

3.1.1.3 Notre contribution

Nous avons contribué à la constitution du corpus MPF en réalisant des enquêtes en 2012 et en participant activement aux phases de transcription, de relecture et de révision des transcriptions.

a) Le lieu de recueil

Dans le cadre d’un travail de recherche antérieur pour un mémoire de Mas- ter, effectué en 2012, nous avons été amenée à réaliser quatre enquêtes auprès de jeunes locuteurs. A l’époque, nous travaillions en tant qu’assistante pédagogique dans un collège à Marly-le-Roi dans les Yvelines (78). Comme nous devions fonc- tionner sur la base de réseaux, notre choix s’est tout naturellement porté sur les collégiens que nous fréquentions régulièrement.

Ce collège avait la particularité d’accueillir des élèves d’un internat d’excellence. Ces établissements ont été créés pour offrir aux élèves, souvent scolarisés dans des

ZEP (Zones d’Education Prioritaires), des conditions optimales de travail qu’ils n’ont pas chez eux, et pour tenter d’accompagner leur réussite scolaire. Le tout premier internat d’excellence, Sourdun, a ouvert ses portes en septembre 2009 à Provins en Seine-et-Marne110.

L’internat d’excellence de Marly-le-Roi a quant à lui ouvert ses portes en sep- tembre 2010 pour accueillir des collégiens de la 5ème à la 3ème et des lycéens de la seconde à la terminale issus des banlieues de toute l’académie de Versailles. Plus de la moitié des internes étaient originaires des Yvelines et un certain nombre provenaient des départements voisins : Essonne, Hauts-de-Seine et Val d’Oise.

Les élèves étaient scolarisés dans des établissements alentour et rentraient à l’Internat après leur journée de cours. Travaillant au sein du collège, nous ne côtoyions que les collégiens, ce qui explique que nos entretiens aient été réalisés uniquement avec des jeunes de 14-16 ans en classe de 3ème.

Le choix d’interviewer ces élèves en particulier a été motivé par plusieurs rai- sons. Bien qu’il puisse être dit que les « jeunes » de l’internat sont éloignés du milieu dans lequel ils évoluent et donc de leurs pratiques langagières, il n’en est rien parce que ce serait supposer que les façons de parler peuvent se modifier du jour au lendemain. Les élèves n’ont pas vraiment changé leurs habitudes langa- gières en arrivant à l’internat, d’autant plus qu’ils ont retrouvé d’autres « jeunes » venant eux aussi du même type de banlieues111.

Ce choix lié à notre lieu de travail s’est en fait imposé. En effet, où aurions- nous pu enquêter ailleurs ? Notre présence dans une cité ou une banlieue n’aurait pu être justifiée dans la mesure où nous n’y avions aucun contact ou réseau. Toute enquête est menée dans l’optique d’obtenir des données exploitables et de qualité. Le contact en amont avec les enquêtés par relation directe ou indirecte (présentation par le biais d’une connaissance commune) limite les risques d’être perçu comme un intrus. Un risque (attesté par d’autres enquêtes qui n’ont pas été retenues) du fait d’enquêter auprès d’inconnus peut être des enregistrements avec des informateurs timorés ou faussement volubiles. Un processus d’ « évalua- tion » par une écoute à plusieurs a d’ailleurs été mis en place pour écarter les enregistrements apparaissant peu naturels.

110. La configuration de l’internat d’excellence de Sourdun est quelque peu différente de celle de l’internat de Marly-le-Roi. A Sourdun, les élèves reçoivent leurs enseignements au sein de l’internat alors qu’à Marly-le-Roi, les élèves sont scolarisés dans des collèges et lycées proches de l’internat.

111. Il est nécessaire de nuancer cette remarque notamment au vu des propos tenus par les élèves eux-mêmes au sujet de la « langue des jeunes ». Deux élèves en particulier considèrent qu’en arrivant à l’internat elles ont pris du recul par rapport à leur façon de parler. L’une d’entre elles taxe la « langue des jeunes » de « langue de singe » : « On va dire qu’on depuis qu’on a émis- mis les pieds sur terre (.) c’est cette langue pour moi c’est une langue de euh de singe » (MPF, Anaïs1, 1380).

Chapitre 3 Présentation du corpus

b) Les enquêtés

Sept élèves ont été interviewés au cours de nos enquêtes par le biais de trois entretiens collectifs et un entretien individuel. Afin de garantir l’anonymat des informateurs, ces derniers sont nommés par leur pseudonyme. Les informations relatives aux enquêtés sont résumées dans le tableau ci-dessous :

Enquêtes Pseudonymes Age Lieu de résidence

Origine Langue(s) parlée(s) Anaïs1 Juline 15 ans Grigny (78) Congolaise français, lingala

Ana 15 ans Mantes-la-

Jolie (78)

Portugaise français

Anaïs2 Yanis 15 ans Fontenay-le-

Fleury (78) Algérienne (né en Algérie) français, arabe (un peu)

Anaïs3 Amada 15 ans Vernouillet

(78)

Sénégalaise (né au Sénégal)

français, wolof

Zoran 14 ans Poissy (78) Serbe

(né en Serbie)

français, serbe

Anaïs4 Malaika 16 ans Savigny-sur-

Orge (91) Congolaise (née au Congo) français, lingala, soninké

Nyah 14 ans Sainte

Geneviève des Bois

(91)

Béninoise français, dassa

Table 3.1 – Enquêtes réalisées dans le cadre du projet MPF

L’enquête Anaïs4 qui n’était pas la plus réussie n’a pas encore été transcrite à ce jour. Les locutrices, habituellement bavardes, ont été gênées par l’exercice de l’entretien et l’enregistrement. Les données issues de cet enregistrement n’ont pas été prises en compte dans notre travail de recherche.

c) Les entretiens

Avant d’aborder la question de la technique d’entretien employée, il convient de s’intéresser à la façon dont les élèves ont été sollicités pour participer à notre enquête. S’il n’était pas envisageable de mentir quant aux objectifs de l’enquête, il n’était pas possible non plus de leur dire que nous nous intéressions à leur façon de parler. Le risque aurait été de provoquer des entretiens surfaits, avec une exagération de certains faits linguistiques non standard ou au contraire des

entretiens très contrôlés en inadéquation avec leur véritable usage de la langue. Le parti-pris a été de présenter l’enquête comme s’intéressant à la « culture jeune » en général, incluant la langue des jeunes, leurs goûts, leurs loisirs mais aussi dans un thème différent, leur ressenti quant à l’expérience de l’internat. L’avantage d’une telle démarche est de pouvoir varier et renouveler facilement les sujets de discussion, l’inconvénient est de ne pas pouvoir insister longuement sur la façon dont ils parlent ou pensent parler.

Les entretiens se sont déroulés autant que possible à l’internat, lieu familier et rassurant pour les internes, pour tenter d’une part d’atténuer la distance élèves surveillants, et d’autre part l’aspect formel de l’enquête. Le cadre institutionnel du collège aurait pu influencer les élèves en entraînant par exemple davantage de retenue de leur part. Lorsqu’il n’était pas possible de faire autrement, les enquêtes étaient réalisées dans le « foyer », lieu dans lequel se retrouvent les collégiens sur le temps du midi pour jouer, avec l’idée qu’un enquêté est plus productif et plus naturel lorsqu’il se sent à l’aise.

Concernant l’entretien lui-même, nous avions préparé en amont des questions dans le but de palier d’éventuelles difficultés de conversation ou des silences per- sistants mais nous avons souvent privilégié un réel dialogue avec les informateurs en échangeant et en « rebondissant » sur leurs propos.

Les entretiens ont ainsi été menés de manière « interactive » pour reprendre les termes de Jacques Brès (1999). Nous avons déjà parlé de la difficulté d’obtenir des « données authentiques », nous avons donc cherché à nous approcher autant que possible du spontané :

« L’interviewer, au lieu de se retrancher dans la non intervention ou derrière le texte rédigé de ses questions, est un interlocuteur à part entière : à savoir que – s’il n’abandonne pas son rôle : c’est lui qui pose les questions – il participe activement à la production de la parole : il réagit aux propos du locuteur [. . . ], comme dans toute conversation. Par cette dimension, l’entretien voit son caractère formel diminué » (J. Bres, 1999, p. 68).

Nous avons ainsi recueilli des enregistrements d’une heure environ de « conver- sation libre », qualifiés de plutôt naturels par les évaluateurs des entretiens.