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2.4 Des outils et une démarche adaptés aux contraintes médiales

2.4.1 La grille d’analyse

Afin de « mesurer » l’influence de la situation de communication sur la construc- tion du DD, nous avons mis au point une seule et unique grille d’analyse83 pour traiter l’ensemble de nos données. Elle comprend toutefois un volet « oral » et un volet « écrit ». Bien que nous nous efforcions de remettre en cause cette dis- tinction, certains indices sont crucialement liés à l’un des ordres. Chaque type de medium induit des particularités : la ponctuation (guillemets, deux points, tirets) pour le graphique, l’imitation et/ou les contours intonatifs repérables ainsi que les gestes et/ou mimiques pour le phonique. L’objectif de cette grille est de « quantifier » la présence de ces différents indices dans chaque type de données afin de déterminer les paramètres qui pourraient expliquer les « variations » de construction du DD.

Ainsi, la grille comprend les divers marqueurs du DR qui sont autant d’indices d’un passage au discours autre et permettent de guider l’interprétation de l’in- teractant. Ces indices sont les séquences introductives du type il a dit, il m’a fait. . . (sous le terme « introducteur ») et la verbalisation d’informations sup- plémentaires sur le cadre du discours à restituer, par exemple : en criant, en murmurant. . . (sous le terme « explicitation »). Nous avons également inclus les particules d’amorce et les particules d’extension qui sont traitées un peu diffé- remment.

Les particules peuvent être considérées comme guidantes parce qu’elles donnent des informations qui mettent en jeu des implicites quant à la façon de restituer le discours cité. Autrement dit, elles donnent des indications sur la tonalité que le locuteur citant veut donner aux propos cités avec l’emploi de particules d’amorce et sur la suite d’une liste d’éléments avec l’emploi de particules d’extension.

Les introducteurs et les explicitations compensent la « distance communica- tionnelle » en renforçant le guidage de l’interactant, nous leur avons attribué une valeur positive (+1). Les particules quant à elles sont guidantes de façon impli-

83. Cette grille a été créée avec Emmanuelle Guerin dans le cadre d’une communication lors du CILPR 2013 (voir E. Guerin & A. Moreno, 2014) et a été légèrement modifiée. Cette grille est un fichier Excel au sein duquel nous avons reporté toutes les occurrences de DD relevées.

cite84, puisque leur bonne interprétation est dépendante d’une forte connivence dans une situation de « proximité communicationnelle », elles ont donc une va- leur négative (-1). Notre objectif étant de corréler la présence des particules à la proximité entre les interactants et la présence d’indices explicites (verbes in- troducteurs par exemple) à des situations relevant de la distance, nous voulions rendre compte de cette distinction entre indices explicites et implicites en leur attribuant des valeurs différentes.

Au fur et à mesure de nos analyses, nous avons été amenée à modifier la grille notamment en ajoutant des éléments auxquels nous n’avions pas pensé initiale- ment. Comme nous l’avons évoqué dans le chapitre précédent85, si l’on retrouve dans nos données écrites les signes de ponctuation traditionnels comme les guille- mets, le tiret et/ou les deux points, d’autres procédés sont utilisés par les in- ternautes pour signaler le DR. Ainsi, nous avons ajouté à notre grille, dans la rubrique « écrit », une colonne que nous avons appelée « signe typographique » regroupant tous les cas particuliers pour lesquels les internautes emploient des parenthèses et/ou des majuscules en tant qu’indice de DD86.

Notre grille d’analyse comporte également les rubriques suivantes : - « thème », - « locuteur cité », - « contexte d’emploi87 », - « particule d’amorce », - « particule d’extension », - « verbe introducteur ».

Les trois dernières rubriques détaillent les lexèmes employés par les locuteurs/ scripteurs. Toutes ces informations sont utiles pour nos analyses puisque nous nous intéressons au fonctionnement du discours direct des points de vue syn- taxique mais aussi pragmatique. Il est donc important de déterminer le contexte et les circonstances d’apparition du DD (qui l’emploie ? qui est mis en scène ?

84. Nous développerons davantage cette question dans la deuxième partie, consacrée à l’ana- lyse des indices du DD : « L’interprétation du sens des particules introductives du DR repose sur le recours à un savoir implicite qui permet la restitution d’une partie de la tonalité du discours rapporté » (E. Guerin & A. Moreno, 2014).

85. Plus particulièrement dans la partie consacrée à la ponctuation du DD.

86. Nous rappelons ici les exemples qui nous ont amenée à interpréter ces signes typogra- phiques comme des indices d’introduction de DD :

(18) il suffit que le ton monte un peu et il lui sortira des phrases comme (tu débarassera

sale chienne(Forum : Aufeminin, kohphiphii31)

(19) A une certaine apoque il lui disait sans cesse (c’est quand qu’on baise connasse,

c’est quand que tu me suce) devant mon frère et moi. (Forum : Aufeminin, kohphiphii31)

(20) et la il me sort Ecoute stop (Forum : Aufeminin, gwengwen. . . ).

87. Nous entendons par « contexte d’emploi », le cotexte dans lequel est intégré le discours direct (par exemple, le récit) mais aussi son objectif (argumentation, valorisation de l’image de soi, métalinguistique. . . ).

Chapitre 2 Hypothèses de recherche : le DD au-delà de l’opposition oral/écrit

dans quel but ?...).

L’objectif de cette grille est également de faire ressortir les situations dans lesquelles les indices de discours direct sont les plus nombreux dans les situations orales et dans les situations écrites. Nous souhaitons ainsi montrer que l’on observe des disparités dans des situations relevant des deux ordres et que le medium ne peut à lui seul les justifier. En additionnant tous les résultats de la colonne « total » et en divisant le nombre obtenu par le nombre d’occurrences de DD traitées, nous obtenons une moyenne de formes dans chaque type de situation. Prenons un exemple extrait88 du forum Doctissimo pour éclaircir ce point :

(22) Quand il voit une belle nana il me dit elle est bonne ou encore je la prendrait bien en sodomie et j’en passe il m’a tenu la tête en me disant regarde moi dans les yeux connasse (Forum : Doctissimo, nairad28)

Dans cet exemple, nous avons relevé trois occurrences de discours direct et un total de deux indices (le verbe introducteur dire employé deux fois). Nous divisons donc le nombre d’indices (2) par le nombre d’occurrences (3) et nous obtenons la moyenne de 0,67. Nous avons effectué le même calcul pour toutes nos données, et nous avons répété l’opération en additionnant toutes les moyennes obtenues par le nombre total d’occurrences (par situation) pour obtenir une moyenne générale. Nous faisons l’hypothèse que nous devrions trouver davantage d’indices dans les situations de distance communicationnelle (voir infra, chapitre 3) puisqu’il est nécessaire dans ce cas de préciser ce qui peut n’être que sous-entendu (implicite) lorsque les interactants peuvent s’appuyer sur des savoirs partagés.

Chacune des occurrences de DD relevées a été traitée avec cette grille d’ana- lyse. Nous présentons ci-après la partie de notre grille consacrée au calcul des indices. Nous avons intégré un exemple extrait de chacune de nos situations de communication pour expliciter la façon dont nous avons procédé. Quelques pré- cisions doivent être données pour faciliter la lecture de cette grille. Nous avons utilisé des tirets doubles (- -) pour indiquer les indices graphiques qui ne pour- raient pas être relevés à l’oral (les guillemets, les deux points ou encore les signes typographiques) et à l’inverse les indices phoniques qui ne pourraient être relevées à l’écrit (comme la pause et la durée de la pause89). Le discours cité a été mis en caractère gras et les particules d’extension (lorsqu’il y en a) sont indiquées en vert :

88. Nous n’avons reproduit ici que les passages du post contenant du discours direct. 89. Inscrite dans la colonne « temps ».

T able 2.5 – Grille d’analyse des données

Chapitre 2 Hypothèses de recherche : le DD au-delà de l’opposition oral/écrit