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Impacts et contributions du processus de révision de la GAM-T

Chapitre 4 Discussion générale

4.1 Impacts et contributions du processus de révision de la GAM-T

Un des défis du champ de recherche portant sur le thérapeute demeure encore aujourd’hui la définition exacte de ce qui constitue la pensée du thérapeute lors de l’écoute thérapeutique (Anderson, 2005; Rober, Elliott, Buysse, Loots, & De Corte,

2008). Certaines études portant spécifiquement sur l’écoute thérapeutique s’attardent aux techniques spécifiques d’écoute (Kemper, 1992) ou encore identifient des thèmes généraux rapportés comme récurrents ou importants chez le thérapeute lors de l’écoute d’un patient (Lee & Prior, 2013). Toutefois, peu d’études à ce jour sont en mesure de définir précisément les processus de pensée du thérapeute lorsqu’il écoute un patient et lorsqu’il tente d’en tirer une compréhension clinique. Peu d’outils sont disponibles pour mesurer empiriquement ces processus. De plus, la plupart des recherches sur le thérapeute se penchent généralement sur un seul volet à la fois, comme les capacités d’empathie du thérapeute (Elliott et al., 2011), l’expression et la régulation des réactions contre-transférentielles (Carsky & Yeomans, 2012; Hayes et al., 2011), l’alliance thérapeutique (Horvath, Del Re, Flackiger, & Symonds, 2011) ou encore les caractéristiques fixes du thérapeute comme sa personnalité ou son style cognitif (Kottler, 2010). Par contre, aucune de ces études ne parvient à intégrer les différentes composantes à la fois cognitive, affective et relationnelle présentes chez le thérapeute lors de son interaction avec le patient (Hayes, 2002). L’activité mentale du thérapeute (AM-T) est un construit qui permet de mesurer la pensée du thérapeute et ses processus internes d’une façon intégrative, mesurant à la fois son CT, ses capacités rationnelles et ses capacités de mentalisation. L’AM-T regroupe différentes facettes de l’écoute thérapeutique et des processus internes de la pensée du thérapeute, incluant à la fois les capacités de raisonnement et d’abstraction du thérapeute, sa régulation émotionnelle face aux situations cliniques et sa capacité de ressentir et comprendre l’expérience affective et les représentations symboliques du monde interne de l’autre (Dube & Normandin, 2007).

La révision de la GAM-T est un apport considérable puisqu’elle a permis de confirmer et renforcer les assises conceptuelles et théoriques de ce concept. La GAM-T est un instrument permettant la mesure de l’AM-T, un phénomène clinique complexe qui opérationnalise un ensemble de processus au cœur de la psychothérapie (Normandin, 1991; Normandin & Bouchard, 1993). Suite à leur revue de littérature, Rosenberger et Hayes (2002) concluaient d’ailleurs qu’il y avait un manque important de recherches portant sur les processus internes en jeu chez le thérapeute lors du contact avec le patient. Les outils pour mesurer ces construits restent également peu nombreux. En ce

sens, la présente thèse permet une meilleure accessibilité et davantage de connaissances sur la GAM-T, instrument permettant la mesure de la pensée du thérapeute. La GAM-T est un des rares outils à ce jour permettant de mesurer les différents processus mentaux en action chez le thérapeute lors de l’écoute thérapeutique selon une approche intégrative, c’est-à-dire sous un angle à la fois cognitif, affectif, émotionnel et comportemental. Rosenberger et Hayes (2002) soulevaient l’importance d’élaborer des procédures méthodologiques efficaces, mais non invasives, discrètes et moins exigeantes pour le thérapeute et le patient. En ce sens, la GAM-T s’adapte très bien aux besoins de la recherche, permettant une mesure spontanée et in vivo, tout en répondant aux critères définis par Rosenberger et Hayes (2002) en matière de discrétion. La GAM- T propose également la mesure de ces processus lors de l’écoute de patients réels, comparativement à d’autres études qui utilisent les jeux de rôles (Rober et al., 2008) ou encore une entrevue auprès du thérapeute pour récolter ses impressions subjectives (Lee & Prior, 2013). La procédure de la GAM-T s’avère donc valide et écologique, ce qui représente un atout pour la recherche de ce type de construit. En ce sens, les résultats de cette thèse devraient permettre de favoriser une plus grande utilisation de cet instrument en recherche clinique.

Finalement, la présente thèse confirme la possibilité d’opérationnaliser les processus mentaux du thérapeute. Ce construit difficile à définir a d’ailleurs généralement fait davantage l’objet d’articles théoriques que d’études empiriques. En effet, de nombreux auteurs, en commençant par Freud (1912) et Reik (Reik, 1948), ont abordé l’importance de l’attention flottante chez le thérapeute ou de la troisième oreille, habileté et attitude thérapeutique permettant au thérapeute de saisir les contenus importants dans le discours ou le non-discours du patient. D’autres auteurs plus contemporains ont fait état de la différence entre l’écoute dite « sociale » et l’écoute thérapeutique. Par exemple, Laub (2006) a décrit une écoute qu’il nomme intuitive, qui permet à l’inconscient du thérapeute de saisir du matériel important en séance, contenu que la conscience n’a pas encore saisi. Guirevich (2008), quant à lui, rapporte que le thérapeute écoute à la fois ce qui est présent et absent dans le discours du client. L’écoute thérapeutique est également en partie décrite comme étant un état expérientiel chez le thérapeute, constitué de fantaisies, d’intuitions spontanées, de sensations viscérales, de pensées flottantes et

d’images qui apparaissent au thérapeute durant le contact avec le patient (Lee & Prior, 2013). Ces descriptions rejoignent en grande partie la définition de l’émergence, premier stade de l’AM-T réflective (Dube & Normandin, 2007; Normandin, 1991; Normandin & Ensink, 2007). Cooper (2007) parle également de différence d’exposition au patient (« bracketing ») pour définir la notion d’écoute affective et relationnelle du thérapeute, c’est-à-dire la façon qu’a le thérapeute de s’exposer au contenu affectif du patient, afin d’en tirer une compréhension clinique. Ceci fait également écho à l’AM-T réflective et aux capacités de mentalisation du thérapeute à l’égard des contenus affectifs en thérapie. Comparativement aux autres écrits scientifiques portant sur ces concepts très cliniques, la présente recherche sur l’AM-T permet de décrire de façon plus rigoureuse ces phénomènes, en plus d’offrir un instrument validé permettant d’opérationnaliser et de mesurer empiriquement ces phénomènes. En ce sens, l’AM-T et la révision de sa mesure constituent une avancée dans l’étude de l’écoute thérapeutique et de la pensée du thérapeute.