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La Grille d’Analyse du Contre-Transfert (GAC) et le bilan des connaissances

Chapitre 2 Révision conceptuelle de la Grille d’Analyse du Contre-transfert (GAC) et

2.1 Résumé

2.1.3 La Grille d’Analyse du Contre-Transfert (GAC) et le bilan des connaissances

L’activité mentale du thérapeute se mesure à l’aide de la Grille d’Analyse du Contre- transfert (GAC). La grille est constituée d’un système de codification des différentes activités mentales repérables dans le rapport verbal du thérapeute suite à la lecture ou au visionnement de matériel clinique ou au sortir d’une séance de thérapie. Les assises théoriques de la GAC ont été définies dans des ouvrages antérieurs (Bouchard, Normandin, & Seguin, 1995; Dube & Normandin, 2007; Normandin, 1991).

Les études antérieures portant sur la GAC ont mis en évidence les nombreuses qualités psychométriques de cet instrument (Dube & Normandin, 2007; Dubé & Normandin, 1999; Normandin & Bouchard, 1993). Les études de fidélité de la GAC ont montré: a)

une bonne stabilité temporelle de la codification (Normandin & Bouchard, 1993); b) une bonne structure interne des trois modes d’AM-T et des étapes de réflectivité à partir de matrices des intercorrélations (Normandin & Bouchard, 1993). Notamment, une corrélation forte et négative a été montrée entre l’échelle réflective et l’échelle réactive, ces deux construits étant décrits comme opposés et dichotomiques (Normandin & Bouchard, 1993). Une corrélation négative de force moyenne a également été obtenue entre l’échelle réflective et rationnelle. Les études de validité soutiennent la cohérence des catégories de la GAC et la validité discriminante des échelles (Lecours et al., 1995; Normandin & Bouchard, 1993). D’autres études ont confirmé la validité de construit et la validité externe de la GAC en montrant notamment : a) une relation positive entre l’AM-T réflective et une bonne qualité des défenses (mesurées à l’aide d’une adaptation du système de Holt (1970)), ainsi qu’une relation positive entre l’AM-T réactive et une piètre qualité des défenses, mais aucune relation entre l’AM-T rationnelle et la qualité des défenses (Seguin & Bouchard, 1996); b) une relation positive entre l’AM-T réflective et le construit d’activité référentielle (Bucci & McKay, 1992; Dube & Normandin, 2007) mais aucune relation entre l’AM-T réactive et rationnelle et ce construit (Dube & Normandin, 2007). L’activité référentielle est le processus par lequel les expériences non-verbales, telles que les expériences émotionnelles ou symboliques, sont transformées en mots, ainsi que la capacité à lier l’expérience verbale à sa propre expérience interne subjective (Bucci, 1997). Cette capacité permet à l’individu d’élaborer en mots et de métaboliser l’expérience ressentie, ce qui correspond également aux processus impliqués dans l’AM-T réflective, plus spécifiquement lors de la phase d’émergence et de la phase initiale d’immersion.

Les résultats de ces études montrent que la GAC est globalement un outil valide permettant la mesure des processus mentaux du thérapeute. Cependant, les études qui se sont attardées à l’entente interjuge n’ont montré que des ententes de force moyenne (pI =.50 à pI =.74) (Dube & Normandin, 2007; Dubé & Normandin, 1999; Lecours et al., 1995; Normandin & Bouchard, 1993; Parent, 2005). Dans l’étude de Normandin et Bouchard (1993), une entente interjuge de pI =.90 a été mesurée, mais avec une des échelles seulement, alors que certaines autres échelles d’AM-T présentaient des ententes de pI =.50. Ceci témoigne de grandes disparités dans la capacité des coteurs à codifier

les construits selon les échelles. Bien que les ententes obtenues dans les études antérieures se soient montrées suffisantes, elles pourraient être améliorées. De plus, les trois échelles d’AM-T devraient pouvoir présenter des niveaux d’entente interjuge similaires. Il est possible que les faiblesses au niveau de l’entente interjuge soient en partie expliquées par un manque de précision des sous-échelles de l’activité mentale et son ordonnancement. Ce constat nous suggère donc qu’une mesure ordinale plus précise devrait être proposée pour chacune des sous-échelles lors de la présente révision.

Le processus de révision de la GAC met également l’accent sur une meilleure définition conceptuelle de ce construit et des échelles qui le composent. Cette révision devrait permettre de définir les trois échelles d’AM-T comme étant la mesure de construits plus différenciés les uns des autres. Les échelles devraient donc être revues comme étant indépendantes les unes des autres et ceci devrait se refléter dans les corrélations retrouvées entre les trois échelles.

Les construits de FR et d’AM-T ont été développés au cours de la même décennie, mais

de façon parallèle, par deux auteurs différents.Ces construits apparaissent aujourd’hui

comme étant similaires, d’où l’importance de présenter les liens entre eux et de camper le construit d’AM-T dans celui de la mentalisation, ce dernier étant un construit bien appuyé empiriquement. La mentalisation englobant différentes fonctions chez l’individu de façon générale, il semble que l’AM-T soit quant à elle une mesure de la mentalisation dans le contexte spécifique de la psychothérapie. Ainsi, il pourrait s’agir d’une façon de mesurer les capacités de mentalisation spécifiquement chez le thérapeute lorsqu’il écoute le patient. Cette avenue pourrait s’avérer prometteuse puisqu’à ce jour, peu d’outils sont disponibles pour mesurer les capacités de mentalisation du thérapeute (Ensink et al., 2013). Afin de bien arrimer le concept d’AM-T à celui de la mentalisation, notre équipe a voulu emprunté la même démarche que celle de Fonagy (Fonagy et al., 1998; Fonagy et al., 1991), c’est-à-dire élaborer une échelle ordinale qui mesure le construit de son plus bas niveau à son niveau le plus complexe et supérieur. Une révision conceptuelle et théorique a donc été proposée dans le cadre de cette étude afin d’arrimer le concept d’AM-T aux avancées contemporaines et récentes sur la mentalisation. La GAC devrait donc être révisée en parallèle avec l’élaboration d’un

manuel de codification officiel et révisé. Il serait finalement nécessaire, suite à cette révision conceptuelle, de tester l’instrument révisé afin de vérifier sa performance et ses qualités métrologiques.

Jusqu’ici, l’AM-T a surtout été étudiée dans une perspective psychodynamique comme étant une mesure du contre-transfert. À la lumière de la littérature contemporaine, cette vision de l’AM-T nous apparaît plus restrictive et trop peu accessible aux thérapeutes d’allégeances théoriques diverses. Un arrimage du concept d’AM-T avec le construit de mentalisation devrait permettre une compréhension moins étroite du phénomène de la pensée du thérapeute. La révision théorique et l’actualisation du concept d’AM-T s’avèrent un processus complexe et des plus importants. De plus, il vise à créer un contexte transthéorique propice à la compréhension des processus de pensées du thérapeute par des thérapeutes et chercheurs de toutes approches. Il est clair aujourd’hui que l’AM-T n’est pas un phénomène qui doit être compris et étudié uniquement sous la loupe de l’approche psychodynamique. Il s’agit d’un construit qui s’avère des plus pertinents pour les thérapeutes cliniciens et les chercheurs cliniques de toutes allégeances théoriques. Un arrimage et un recours aux concepts plus contemporains pour définir l’AM-T pourraient faciliter cette généralisation et cette reconnaissance de l’AM-T chez les cliniciens de différentes approches.

Cette étude comprend trois objectifs principaux. Le premier objectif vise la révision des assises conceptuelles de l’AM-T. Le deuxième objectif se penche sur la présentation de la GAC révisée et le dégagement d’indices métrologiques. Finalement, le troisième objectif vise à tester de façon préliminaire la validité convergente entre l’AM-T et le FR personnel du thérapeute.