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Impact du tourisme religieux sur le développement des régions de La Mecque et de Médine

Groupe IV : régions à niveau de développement médiocre

Chapitre 2 : Les variables explicatives dans les disparités régionales en Arabie Saoudite

II- L'importance du secteur touristique saoudien et son rôle dans le développement régional

3. Impact du tourisme religieux sur le développement des régions de La Mecque et de Médine

Au cours des dernières décennies, grâce au développement des transports et à l’expansion de l’hébergement hôtelier, le pèlerinage à La Mecque s’est multiplié et est devenu rentable sur le plan économique. Le développement urbain des villes de La Mecque et de Médine s’explique principalement par leur rôle religieux. La Grande Mosquée (Al Haram) de La Mecque et la mosquée du prophète à Médine sont considérées comme la dynamo de la fonction religieuse de ces deux villes à travers l'histoire. Les deux mosquées ont joué un rôle important dans

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l’organisation urbaine et la dynamique socio-économique et même politique de ces 2 villes. Tout au long de l’année, ces deux villes connaissent une dynamique de transport important : elles sont desservies par plus de 30 milles bus et un train rapide circule entre ces deux villes en passant par Jeddah.

3.6- La ville de La Mecque

La croissance de La Mecque est à mettre en corrélation avec les rituels sacrés du Hadj et de l’Omra. En moyenne, le nombre de pèlerins (Omra et Hadj) est de 1,7 millions de personnes chaque mois, qui s’ajoute à ses 2 millions d’habitants en 2017, ce qui élève le nombre total d’habitants à 3,8 millions de personnes. L'impact le plus important, qui a radicalement affecté le développement urbain de la ville de La Mecque, reste lié aux travaux d’expansion du Haram. La croissance continue du nombre de pèlerins a incité l'État saoudien à faire des extensions multiples de la Mosquée. Les divers travaux d’expansion ont nécessité la démolition de centaines de maisons entourant le Haram. Cela a amené la population à s'installer et à s'établir en dehors de la zone centrale. Avec le développement des moyens de transport et des communications, les habitants se sont déplacés vers la périphérie de la ville, en quête de terrains à des prix raisonnables. La première expansion de la Mosquée a commencé en 1955. Après l'achat du terrain et la démolition pour préparer le nouveau bâtiment, la superficie totale de la mosquée est passée de 28.000 m² à 190.000m². Grâce à cette expansion et à l’amélioration de l'infrastructure de la ville, le nombre de pèlerins a considérablement augmenté, de 50 mille à 500 mille pèlerins en 1971 (Ministère de l’Intérieur, 1980) ce qui a poussé à nouveau l'Etat à une seconde extension plus massive. De nouveaux quartiers de bidonvilles ont commencé à apparaître, occupés par des maisons et des huttes où séjournaient les classes sociales les plus démunies. L'urbanisation a commencé à dépasser les zones montagneuses autour du Haram, et de nouveaux quartiers sont apparus à Al Faisaliah, Aziziyah, Zaher et Zahra. L'essor de l'urbanisation a dépassé toutes les attentes : La Mecque s’est étendue sur les montagnes environnantes et le long des routes principales de la ville sainte. L’extension du tissu urbain a plusieurs fois doublée. La surface bâtie est passée

de 1,6 km² au début du XXème siècle à 86 km² 1989 et à plus de 219,6 en 201918 (figure 55).

La population urbaine a augmenté durant la même période de 566 mille à 953 mille personnes (Secrétariat des lieux Saints, 2012).

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Tout cela marquait le point de départ du développement urbain, avec une accélération sans précédent au cœur de la ville animée autour de la Sainte mosquée. Le contrôle des capitaux a commencé dans le développement urbain et les propriétaires des anciennes maisons autour de la Kaaba ont commencé à capitaliser.

Le coût des travaux d’extension a avoisiné la somme de 11 milliards de dollars, en ce compris une indemnité énorme pour les propriétaires expropriés. Cette situation a favorisé un mouvement d'urbanisation rapide. La diffusion des programmes de logement à la périphérie de la ville a incité un développement du réseau routier, avec le creusement de 66 tunnels sur une longueur totale de 34,7 km, en raison de la nature montagneuse de la ville (Secrétariat Saint capitale, 2018). L’amélioration de l’infrastructure routière a facilité la connexion de la ville et s’est associée à un mouvement de croissance urbaine accrue par des mouvements migratoires internes et externes. Le nombre des pèlerins a continué d'augmenter annuellement, en raison du développement de l'infrastructure de la ville et de sa capacité à recevoir plus de pèlerins, et leur nombre a atteint environ les trois millions en 2002, ce qui nécessité une troisième expansion de la Grande Mosquée.

En juin 2012, le roi Abdullah a commencé à mettre en œuvre la plus grande extension (la

3ème). Le nombre de propriétés qui devaient être supprimées au profit du projet s’élève à

7.000, réparties sur les côtés est et ouest, soit 12,5 hectares. Le montant total des travaux est de 100 milliards de dollars. Une fois achevée en 2019, la superficie de la Mosquée sera de 1,11 millions de m², elle pourra accueillir 3 millions de personnes en même temps (la Commission suprême pour le développement de La Mecque, 2015).

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Figure 55 : Évolution du tissu urbain à La Mecque entre 1989 et 2019

La ville de La Mecque n’a cessé de croitre en superficie et en population. Grâce aux activités touristiques, le paysage urbain a totalement changé. Des hôtels haut de gamme ont été construits et d’autres sont en cours d’édification autour du Haram, après avoir démoli les anciennes habitations tout autour. La ville de La Mecque, en particulier ses environs, a connu un développement territorial important et des changements de modes d’utilisation des sols grâce à l’activité touristique. La fonction résidentielle domine à mesure que l’on se rapproche de la Sainte Mosquée, passant de 9% en 1985 à 39% en 2010. La fonction commerciale et des services ont connu un développement important, de 1 à 3% de l’occupation du sol au cours de la même période. L'une des caractéristiques les plus importantes des changements spatiaux, inhérentes au développement entraîné par le tourisme religieux dans la ville, est la propagation d'immenses tours et de grands hôtels à côté de la Grande Mosquée, telle que la création du complexe touristique nommé « Projet du Roi Abdul Aziz », où toute la montagne Khalifa a été rasée et les fondations ont été creusées à une profondeur de 30 mètres.

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L’immense bâtiment, constitué de sept tours géantes de 500 mètres hauteur, vues de partout à La Mecque, accueille aux heures de pointe plus de 70.000 personnes (photo 7).

Photo 6: Vue aérienne du Haram et des hôtels limitrophes

3.7- La ville de Médine

Médine est le deuxième centre religieux le plus important pour les musulmans dans le monde, après la Sainte Mosquée de La Mecque. Considérée comme l’une des villes les plus importantes d’Arabie Saoudite, elle compte de nombreuses attractions touristiques, notamment religieuses, liées à la religion islamique, qui attirent des visiteurs du monde entier. Dans une situation similaire à celle de La Mecque, Medine a été témoin des travaux d'expansion de la mosquée du Prophète en raison du nombre croissant de visiteurs, et il est à noter qu'il existe un lien entre les deux villes en ce qui concerne le mouvement des pèlerins et

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de la Omra. Le premier agrandissement de la mosquée du prophète a commencé en 1950, entraînant la démolition de centaines de maisons. La première expansion a conduit à la première extension urbaine en dehors des anciennes murailles (Siriani M., 1999). Avec la croissance constante du nombre de visiteurs, qui a atteint environ les 500.000 en 1973, une deuxième expansion a été réalisée et la ville n’a cessé de s’accroître sur sa périphérie. Les mécanismes de la croissance urbaine sont en relation avec l’explosion économique due aux revenus pétroliers, à l’augmentation du nombre de migrants ruraux et aux migrants étrangers à la recherche d’un emploi – à quoi s’ajoute l'agrandissement de la mosquée du prophète, le premier de 45.000 m² et le second de 238.000 m², pour accueillir environ 698.000 fidèles. L'agrandissement et la destruction de centaines de maisons, la construction de routes, l’édification de tours résidentielles et de terrains urbanisés se sont poursuivies durant 4 décennies successives. Un réseau de routes et de périphériques urbains importants a été tracé pour desservir le trafic associé à la mosquée du Prophète. L'un des travaux les plus importants de la deuxième extension du Haram fut la construction de 3 routes périphériques successives.

La zone urbaine de la ville est passée de 4,9 km² au début 20ème siècle à 111,6 km² en 1989 et

à 243,7 km² en 201919 (figure 56), tandis que sa population est passée de 198.000 à 600.000

habitants durant la même période, ce qui reflète le rôle du tourisme religieux dans la dynamique urbaine, démographique et économique de Médine. La fonction religieuse de Médine a joué un rôle important dans l’utilisation des sols et sa croissance urbaine. Les diverses extensions de la mosquée du Prophète ont entraîné de nombreux changements dans la localisation des activités commerciales et résidentielles. De nombreux établissements commerciaux adjacents au Haram et situés le long des principales rues commerçantes se sont déplacés vers les quartiers environnants et les rues secondaires se terminant dans le centre- ville, en tant que lieux privilégiés de croissance, notamment en raison des prix élevés des terrains adjacents au Haram (Abd al-Muti Ch., 2002). Au cours de la période d’Al Omra et d’Al Hadj, la population de la ville se fait cosmopolite, en raison des cultures et des coutumes différentes, ce qui nécessite la mise à disposition de secteurs résidentiels, commerciaux et de services en fonction de la qualité des visiteurs et de leur potentiel matériel. Les utilisations résidentielles à proximité du Haram et leurs utilisations commerciales sont étroitement liées. La part des occupations résidentielles du sol est passée de 13,7% en 1990 à 17,3% en 2012. L'utilisation du sol des services est passée de 3,2% à 6,5%, et l’occupation commerciale, de 0,4% à 3,8% pour la même période.

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La croissance urbaine rapide des deux villes de La Mecque et Médine et leur développement culturel résultent des caractéristiques de ces deux villes par rapport aux autres villes du Royaume. La présence des Lieux Saints constitue l’essentiel de l'attraction touristique de ces deux villes, ils ont contribué à leur développement dynamique dans tous les aspects de la vie urbaine et démographique, ainsi qu’à leur rayonnement national et international.

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Conclusions de la deuxième Partie

L’analyse factorielle, basée sur l’analyse en composante principale et la classification hiérarchique, a permis de traiter un grand nombre de variables dans cette étude, soit 17 variables se rapportant aux aspects économiques, sociaux, de service et démographiques, pour déterminer les types de développement dans les régions du Royaume. Cette analyse a permis de réduire ce grand nombre de variables à cinq facteurs dérivés qui représentaient 84,79 % de la variance dans les variables initiales, mais à cause de problèmes de signification et d’interprétation des deux derniers facteurs, on n’en a retenu que les trois premiers, avec une représentation de 67,12 % d’explication de la variance totale. Ce pourcentage indique que la grande majorité de l’information entrée dans l’analyse a été incluse dans le processus d’interprétation.

Le premier facteur est le facteur dérivé le plus important, où 6 variables ont été associées à 41,28 % de la variance totale. En examinant ces variables, on a appelé ce facteur celui des potentialités multiples, et l’on a remarqué que les plus fortes concentrations de ce facteur ont été trouvées dans Ach-Charqiya, Riyad, La Mecque dans une première catégorie et Médine, Al Qasim, Al Jawf dans une deuxième catégorie.

Le deuxième facteur est associé à 4 variables, représentant 14,16 % de la variance totale. Ces variables se rapportent aux caractéristiques agricoles, sanitaires et capacités de dépenses. Les régions de cette catégorie sont Ach-Charqiya, Riyad et Al Bahah.

Le troisième facteur est associé à 3 variables expliquant 11,67 % de la variance totale. Ces variables se réfèrent à la capacité touristique du royaume. Les régions qui sont concernées par ce facteur sont La Mecque et Médine dans une première catégorie et Riyad et Ach-Charqiya dans une seconde. Le facteur touristique est considéré comme le facteur le plus important dans la distribution des régions. Il a participé considérablement aux disparités régionales du royaume.

L’étude de ce chapitre, qui s’est appuyée sur la méthode de la classification hiérarchique, nous a permis de distinguer quatre groupes de régions reflétant un niveau de développement homogène. Ces groupes sont :

- Groupe I : régions à haut niveau de développement : Riyad, Ach-Charqiya et La Mecque

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- Groupe II : régions à niveau de développement moyen : Médine, Al Quasim, Tabuk, Al Jawf et AL Hudud.

- Groupe III : régions à niveau de développement bas : Al Bahah, Asir, Najran et Hail. - Groupe IV : région à un niveau de développement médiocre : Jazan.

Cette différenciation entre les régions du royaume peut être résumée selon la logique suivante : l’Arabie Saoudite est caractérisée, au niveau mondial, par les réserves les plus importantes et connaît les coûts les plus bas et les plus compétitifs. Par conséquent, le revenu par habitant a été augmenté d’une manière remarquable. Mais, cette élévation du revenu n’a pas correspondu à un développement économique réel dans toutes les régions du royaume. En effet, le pays a investi massivement dans des industries lourdes peu créatrices d’emploi. De fait, cet investissement a été réalisé sur la base de l’augmentation de l’endettement et la dépendance envers autres pays développés qui possèdent la technologie d’industrialisation. Mais cet effort industriel n’a pas créé les ressources attendues dans toutes les régions en raison de son inefficacité.

Les secteurs économiques (industrie et tourisme) influencent le processus de développement économique et sont en même temps des indicateurs importants qui nous ont permis de calculer la disparité spatiale du développement.

La concentration est la caractéristique la plus importante de la structure spatiale de l'industrie au Royaume. Ceci est attesté par le suivi de la répartition géographique des éléments les plus importants, à savoir les capitaux, la main-d'œuvre et le nombre d’usines. Cette concentration industrielle est évidente dans les régions d’Ach-Charqiya, de Riyad et de La Mecque, bien que cette dernière ne dispose que d'une activité industrielle moyenne.

Cette situation de concentration spatiale est héritée depuis la naissance de l’activité industrielle au Royaume. C’est aussi l’accumulation au fil du temps des relations économiques, notamment industrielles, entre les villes de Dammam, Riyad et Djeddah, qui sont les grandes villes du Royaume et les capitales économiques et administratives des régions d’Ach-Charqiya, Riyad et La Mecque. Ces villes, mis à part leurs poids démographiques et économiques, ont bénéficié d’une grande part de programme de développement.

L'étude a mis en évidence l'importance du secteur touristique dans le développement économique et son rôle dans l’approfondissement des disparités régionales en matière de développement. Elle a montré qu'il existe une différence entre les régions du Royaume en

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matière d'activité touristique en raison des différences géographiques et du potentiel touristique dont bénéficie chaque région. Cette différence se traduit par une disparité régionale quant à la demande touristique. En effet, les quatre régions ayant la plus grande part de la demande touristique sont La Mecque, Médine, Ach-Charqiya et Riyad. L'importance religieuse des régions de La Mecque et de Médine explique clairement les raisons de leur attraction touristique.

A ce niveau, on peut se demander à quel point les diverses politiques, à travers leurs mécanismes, ont-elles réussi à atténuer les disparités de développement régional dans le royaume.

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Troisième

Partie :

Les

politiques

publiques

de

planification

et

de

développement régional et leurs impacts