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Une illustration : les individus ayant aussi bien réussi que leur père

Les déterminants du déclassement subjectif

4.1. Dimensions objective et subjective de la mobilité professionnelle intergénérationnelle : un hiatus important

4.1.2. Une illustration : les individus ayant aussi bien réussi que leur père

Quel que soit le classement objectif opéré, c’est parmi les individus ayant objectivement aussi bien réussi que leur père que le hiatus est le plus important. Ainsi, seul le tiers des individus étant classé dans la même catégorie socioprofessionnelle que leur père déclare une égale réussite, tandis

70 Deux exemples permettent d’illustrer la difficulté de se prononcer sur le sens des trajectoires entre employés et

ouvriers. Une caissière (classée parmi les employés), fille de tourneur (classé parmi les ouvriers), est-elle pour autant en situation de mobilité ascendante. De même, un ouvrier qualifié, fils d’employé de commerce, est-il vraiment en situation de mobilité descendante ?

Mobilité subjective (% en ligne) Mobilité

« objective » Ascendante Stable Descendante Total

Ascendante (N=5439) 76,3 16,6 7,1 100 Stable (N=12416) 43,2 32,3 24,5 100 Descendante (N=3032) 16,3 20,3 63,4 100 Total (N=20887) 47,9 26,5 25,6 100

que le taux de concordance entre les deux dimensions atteint 65% parmi les ascendants objectifs et 59% chez les descendants objectifs (TAB.4.2).

Les individus ayant « objectivement » connu une égale réussite professionnelle sont davantage portés à l’optimisme sur leur trajectoire (40,5% estiment avoir mieux réussi que leur père » qu’au pessimisme (25,8% estiment au contraire avoir moins bien réussi). La question introduite dans FQP permet de détailler l’analyse puisque parmi ces individus ayant aussi bien réussi que leur père, il est possible de regarder les taux de concordance par catégorie socioprofessionnelle (à un chiffre) et d’ainsi introduire les indépendants.

TAB.4.4. Mobilité subjective des individus classés dans la même PCS à un chiffre que leur père

Source : FQP 2003

Champ : hommes et femmes âgés de 30 à 65 ans, ayant objectivement aussi bien réussi que leur père (CS à un chiffre)

Lecture : 39% des individus classés comme leur père dans la catégorie des professions intermédiaires déclarent une réussite meilleure que ce dernier.

Quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle considérée, le taux de concordance entre les dimensions objective et subjective est inférieur à 50% (TAB.4.4). Ce sont les artisans et commerçants qui sont les plus nombreux à rejoindre la mesure objective (45%). On peut penser que ces professions indépendantes du commerce et de l’artisanat sont plus aisément identifiables que les emplois salariés. De plus, la transmission de la « petite boutique » ou de l’entreprise aux descendants facilite l’identification de l’individu interrogée à la profession des parents. Le taux de concordance est également supérieur à la moyenne (37% contre 34,5%) chez les agriculteurs, autre profession aisément identifiable. Mais ce qui frappe le plus chez les agriculteurs ayant reproduit la position du père, c’est la propension élevée à déclarer une meilleure réussite

Ascendante (%) Stable (%) Descendante (%)

Agriculteurs (N=754) 52,3 37,0 10,7 Artisans commerçants (N=365) 37,0 44,9 18,1 CPIS + CE (N=1181) 26,1 39,0 34,9 PI (N=1268) 39,0 34,2 26,8 Employés (N=1162) 32,9 30,9 36,8 Ouvriers (N=4026) 47,6 32,8 19,6 Ensemble (N=8756) 41,4 34,5 24,2

professionnelle que ce dernier (52,3% sont dans ce cas, contre 41,4% de l’ensemble des individus ayant connu une réussite égale à celle de leur père) : probablement faut-il y voir le fruit de l’amélioration des conditions de travail et d’existence des agriculteurs. Si la catégorie socioprofessionnelle demeure la même, la réussite professionnelle est alors considérée comme meilleure.

Pour le reste, plus on monte dans la hiérarchie sociale, plus la concordance entre les deux dimensions augmente, passant de 31% chez les employés à 40% chez les cadres, et plus la proportion d’individus déclarant une moindre réussite diminue. A l’inverse, plus on va vers le bas de cette hiérarchie, plus la part d’individus déclarant une meilleure réussite augmente. En cause ici en grande partie, un effet mécanique : s’il est difficile de prétendre avoir mieux réussi que ses ascendants lorsque ceux-ci sont cadres supérieurs, la latitude est plus grande pour les ouvriers et les employés. Remarquons enfin que les employés enfants d’employés sont très nombreux à déclarer une moindre réussite professionnelle que leur père (36,8%), plus que les professions intermédiaires (26,8). Comment expliquer ce phénomène ? Peut-être par l’évolution de la profession d’employé, évoquée plus haut. La part croissante des emplois dans le secteur du commerce et des services directs aux personnes (autant d’emplois caractérisés par des conditions de travail difficiles, des rémunérations peu élevées et des contrats de travail souvent précaires) tire ainsi la catégorie des employés vers le bas, ce qui expliquerait le sentiment de déclassement éprouvé par les enfants d’employés qui deviennent à leur tour employés.

La principale conclusion de cette analyse concernant les individus ayant objectivement connu une réussite égale à celle de leur père est que le niveau le plus agrégé de la nomenclature est assez nettement insuffisant pour prédire l’expérience de la mobilité professionnelle intergénérationnelle vécue par les individus puisque dimensions objective et subjective ne concordent que dans à peine un cas sur trois.

On peut penser que la comparaison entre ces deux dimensions auprès des individus classés dans la même catégorie socioprofessionnelle à deux chiffres que leur père donnera des résultats bien meilleurs.

TAB.4.5. Mobilité subjective des individus classés dans la même PCS à deux chiffres que le père

Réussite subjective % Mieux (N=936) 38,7 Pareil (N=987) 40,8 Moins bien (N=496) 20,5 Total (N=2419) 100 Source : FQP 2003

Champ : hommes et femmes âgés de 30 à 65 ans

Lecture : 38,7% des individus classés dans la même catégorie socioprofessionnelle (à deux chiffres) que leur père déclarent avoir mieux réussi que ce dernier.

La prise en compte de la catégorie socioprofessionnelle à deux chiffres n’augmente que très légèrement le taux de concordance entre les deux dimensions, puisque sur 2419 individus âgés de 30 à 65 ans et ayant la même catégorie socioprofessionnelle à deux chiffres que leur père, seuls quatre sur dix répondent connaître une réussite égale à celle de ce dernier. Une proportion voisine déclare connaître une meilleure réussite (38,7%) et 20% disent avoir moins bien réussi. La tendance à l’optimisme quant à sa trajectoire intergénérationnelle demeure plus forte que celle au pessimisme. Les individus, alors même que nous nous situons à un niveau assez détaillé de la nomenclature des catégories socioprofessionnelles, semblent davantage enclins à surévaluer leur trajectoire.

Les effectifs ne permettent pas de comparer les taux de concordance entre les deux dimensions selon la catégorie socioprofessionnelle à deux chiffres. Mais deux résultats méritent d’être soulignés : 32 individus exerçant comme leur père une profession libérale sur 44 (soit 73%) déclarent une réussite égale tout comme 41 enfants d’instituteurs ayant reproduit la position du

père sur 66 (soit 62%). Là encore, pour des professions plus aisément identifiables, les taux de concordance semblent beaucoup plus élevés que la moyenne.