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Dès son entrée en poste à Thécif en 1996 Gilles Alvarez supprime l’aide à la production et met en place une aide à la post-production. A côté d’un concours régional d’écriture du scénario, de plates-formes auprès des exploitants et des enseignants visant à faciliter la diffusion des films, un serveur internet conçu comme un outil à l’usage des artisans du court métrage, deux publications régulières dont Némo, un nouveau programme et une nouvelle tournée de Retour de Flamme en Île-

de-France, cette aide doit répondre « plus précisément aux besoins des créateurs et des diffuseurs

»229. Elle est accordée à un art ne bénéficiant d’aucune aide des collectivités territoriales, du CNC

ou de partenaires privés : « le cinéma autoproduit, autofinancé, souvent un « cinéma d’urgence (des manifestes personnels) ou de précarité (des longs métrages tournés dans des conditions de courts métrages, ou avec des particularités qui leur interdisent l’accès aux financements traditionnels (films tournés sur des périodes très longues ou nécessitant des traitements particuliers »230. Point

d’achoppement de la production du cinéma expérimental, les coûts prohibitifs de la phase de finalisation du film sont souvent la raison de l’absence d’existence publique de ces films : « Le cinéma doit être aidé dans son étape la plus problématique : la post-production. En effet, cette étape relativement coûteuse est souvent le nerf de la guerre des autoproductions […] Voilà pourquoi beaucoup de ces films n'ont aucune existence publique : ils restent dans les boîtes jusqu'à nouvel ordre. »231. Les subventions des autres organismes étant destinées à faire naître les films plutôt

qu'aider à les terminer, cette proposition est originale.

Un bureau de sélection de Thécif composé de trois personnes décidaient des films reçus par un comité de visionnement. Les films concernés étaient les courts métrages inachevés n'ayant reçu aucune subvention du CNC ou des collectivités territoriales et les longs métrages inachevés réalisés dans les conditions du court métrage. Il n'y avait pas de restriction en fonction du genre (fiction,

228Bleu institutionnel, 2016, p. 9 229Némo, No. 0, p. 4

230Ibid., p. 6 231Ibid.

documentaire, etc.) mais en fonction du support : étaient acceptés les films tournés en S8, 16, S16 ou 35 mm mais pas les vidéos. L'aide était plafonnée à 50 000 francs pour les courts métrages et 100 000 francs pour les longs métrages. L'aide à la production et à la coproduction consistait à mettre à disposition des cinéastes une table de montage 35 mm, à proposer des tarifs préférentiels sur le mixage sur Pro Tools (accord avec le partenaire Lobster Films) et à offrir la possibilité de faire une pré-maquette informatique sur Avid Vidéoshop et Macintosh si une partie des images était numérisée. Enfin, l'aide à la diffusion favorisait la sortie en salle des films, notamment auprès d'exploitants en IDF, grâce à la mobilisation du réseau de Thécif.

L'ACME prend le relais de l’aide à la post-production de Thécif en 2002. Cédric Huchet, directeur artistique de Scopitone, salue la création de cette aide à la création et – exception au sein d'Arcadi – le fait qu'elle puisse profiter à des artistes qui ne soient pas exclusivement franciliens. Selon lui, la commission de l'ACME accueillant des programmateurs de manifestations et de lieux culturels hors de la Région Île-de-France est particulièrement pertinente car l'échelle de la majorité des événements qu'ils produisent est davantage nationale que régionale. Il fait part d'une évolution « très ouverte » de ce réseau qui se confond maintenant avec le CANIF232. Toutefois, si la maison

assure avoir toujours eu le souci d’un comité à la composition bigarrée, il lui fut reproché de ne pas assez tenir compte des avis des invités. Un ancien membre de la commission233 garde le souvenir de

discussions houleuses autour de la table. Selon lui, le vote – dont les modalités étaient « de plus en plus alambiquées » – dissimulaient des décisions arrêtées en amont. Il avait le sentiment de cautionner la politique d’Arcadi au sein d’un comité devenu uniquement consultatif. D’abord composé de cinéastes, d’artistes, de critiques, de journalistes et de quelques représentants de lieux de production et de diffusion, la commission se ressert autours de ces derniers et devient une « première réunion de production »234. Dans un souci d’efficacité, les personnalités qui peuvent

aider les projets sont invitées autour de la table.

Les dossiers de candidature du Parcours accompagnement ayant passé la première sélection – effectuée par Gilles Alvarez et Julien Taïb, puis Gilles Alvarez et Sandra Caffin – sur la base d’un formulaire plus succinct, sont étudiés en amont de la commission par l’équipe du service des arts numériques et par les partenaires. Ils sont ensuite classés – « oui ou non » ou encore « A, B, ou C » selon les années – en vue des auditions d’artistes. Pour la commission de juin 2016 de l'ACME le

232Entretien avec Cédric HUCHET

233Propos recueillis en entretien auprès d'un artiste travaillant avec les technologies numériques (anonyme)

234Gilles ALVAREZ, propos recueillis à la Rencontre professionnelle : Les réseaux du numérique, le 15/03/16 à la Philharmonie, Paris.

classement est encore différent. Les notes B ou C attribuées aux dossiers par Gilles Alvarez et Sandra avec ma participation étaient susceptibles d’être relevées ou abaissées le jour de la commission en fonction de l’intérêt des participants et de leur proposition d’action en faveur du projet. Noté A par la commission, le dossier sera directement orienté vers la troisième et dernière commission où la liste définitive des projets aidés est établie ; au contraire, il est ajourné s’il reçoit un C. Avec un dossier noté B, la ou les artistes candidats sont convoqués à l’audition pour être présentés aux membres du comité ou préciser des éléments de leur projet. Pendants les auditions qui se déroulent pendant deux jours entiers à Arcadi, les seize artistes convoqués disposent d’environ quarante minutes pour présenter leur œuvre et répondre aux questions des membres de la commission.

« Ce qui est important, c'est d'inciter et d'assumer une incitation au lieu de se mettre dans

une situation de producteur […] c'est compliqué pour un lieu d'assumer le statut de producteur délégué […] quand on est déjà sur des lieux qui galèrent pour financer leur programmation. Ce qui est pas mal, c'est plutôt qu'un lieu joue de son influence pleinement, s'engage au-delà d'une simple attention à montrer un show, aille chercher d'autres coproducteur. C'est exactement ce qu'a fait le Générateur en cherchant d'autres productions que Le Pendule de Mara. En fédérant aussi Anis Gras, le Cube. Un projet tout beau, exemplaire. »235

Malgré ces difficultés budgétaires croissantes, Némo est donc engagé dans des projets de plus en plus ambitieux. Alors qu’il reçoit moins d’argent de l’État, il surenchérit dans le grandiose. Il déploie pour cela les moyens qu'offre une autre forme d’économie où les apports en nature compense la faiblesse des finances. Le format même du festival est de plus en plus imposant, étendu sur une période plus longue et un territoire plus large grâce à la multiplication des partenariats avec des établissements culturels franciliens, nationaux et étrangers. Pour faire face à la diminution des moyens financiers, l'accent est mis sur la mutualisation des coûts entre les structures culturelles et les lieux de production et de diffusion partenaires, l’instauration d’une billetterie, la recherche de mécénat de compétence ou des campagnes de financement participatif. Cela permet de renforcer la confiance des partenaires – responsabilisés dans leur action artistique – tout en apportant une certaine légitimité aux projets « labélisés » Némo.

« On est un peu avec tout le monde, on essaie simplement d'agréger des bonnes volontés et

de faire beaucoup avec peu et en se regroupant et en étant nombreux. C'est un peu l'idée qu'on se fait aujourd'hui d'une manifestation de service public. C'est-à-dire de fédérer des

bonnes volontés. »236