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Les focus-groups sont une technique d’enquête qui permet de recueillir le point de vue d’un groupe de discutants. Les échanges sont animés par l’enquêteur, dont le rôle est de guider, relancer et faciliter le dialogue entre les participants. Il veille également à ce que chacun puisse s’exprimer et que le mode de pensée d’un ou de quelques participants ne s’impose pas comme une norme de groupe. Les participants, novices ou non sur la thématique discutée, sont invités à échanger entre eux sur la manière dont ils perçoivent le problème posé. Cette technique permet d’observer, en direct, la manière dont les discours s’influencent mutuellement. Les échanges entre les différents participants montrent les nuances pouvant exister dans les représentations. Les compromis qui sont faits et les points de blocage renseignent sur la manière dont se négocie la construction d’une vision partagée.

24 Il est difficile, à ce stade, de statuer sur les raisons de cette faible participation des associations de consommateurs, des journalistes et des acteurs du secteur privé : manque d’intérêt des médias pour ces questions ou bien indisponibilité des personnes ?

Dans notre enquête, trois focus-groups d’une dizaine de participants (éleveurs et citoyens consommateurs de produits animaux) ont été réalisés en 2017. L’objectif de ces groupes était de mettre en discussion éleveurs et citoyens, d’une part pour améliorer notre compréhension de la variété des points de vue sur l’élevage, d’autre part pour observer comment la mise en discussion de ces deux types d’acteurs influençait le point de vue des uns et des autres.

Chaque groupe a réuni 5 ou 6 citoyens et 3 ou 4 éleveurs. Ils ont eu lieu dans trois villes différentes, afin d’avoir une variété de profils de participants et de percevoir d’éventuelles différences de perception de l’élevage selon le territoire :

- Dans une région où l’élevage est très présent, à Rennes, pour avoir des participants potentiellement plus familiers avec l’activité et en particulier avec l’élevage intensif ; - Dans une région très urbanisée, à Paris, pour avoir des participants potentiellement très étrangers au monde agricole et n’ayant de connaissance sur l’élevage que par l’intermédiaire des médias ;

- Dans une région d’élevage « typique »26, à Lyon, pour avoir des participants urbains mais potentiellement attachés à une image gastronomique ou de terroir de l’élevage de leur région.

Les éleveurs ont été choisis par l’intermédiaire de structures de conseil agricole locales, en fonction des caractéristiques de leur élevage (pour avoir une diversité de filières et de systèmes de production), et également en fonction de leur tempérament pédagogue et de leur volonté de se confronter au point de vue de consommateurs. Les participants ont été sélectionnés par une entreprise spécialisée dans l’organisation d’enquêtes de ce type, à laquelle nous avons fourni les critères de sélection suivants :

- Sexes, catégories socioprofessionnelles et composition familiales variées ; - Consommateurs de produits animaux (viande, produits laitiers et œufs)

- Ages variés pour Rennes et Paris ; moins de 35 ans pour Lyon (dans le but d’observer d’éventuel effets de l’âge sur la perception de l’élevage).

Nous avons fait le choix de ne sélectionner que des personnes consommatrices de produits animaux afin de ne pas avoir de participants végétariens ou végans dans les groupes.

Nous avons fait l’hypothèse, pour justifier ce choix, que ce type de point de vue sur l’élevage pouvait d’une part constituer une difficulté au recrutement d’éleveurs (potentiellement intimidés ou hostiles face à ces individus), et d’autre part influencer fortement les échanges du fait de leur point de vue radical sur la question.

Les séances, d’une durée de deux heures chacune et animées par nos soins, ont été structurées en trois parties. Tout d’abord, les participants (citoyens comme éleveurs) ont été invités à choisir des photographies au sein de trois corpus d’une trentaines de photos représentant des situations communes en élevage : un pool de photo montrant des animaux en extérieur, un autre montrant des animaux en bâtiment, et un dernier montrant des interventions humaines pratiquées sur les animaux27. Les participants ont été invités à choisir les photographies qui leur convenaient le mieux ou au contraire celles qu’ils appréciaient le moins, et de justifier leur choix, ce qui a servi de base de discussion. Cette manière de présenter trois corpus de photographies permettait de forcer les participants à choisir des situations ne correspondant pas forcément à leur idéal en élevage : le risque, en mélangeant les photographies, était de n’obtenir que des photos d’élevage en plein air dans la catégorie des photographies appréciées, et au contraire des photographies d’élevage en cage dans le groupes des photographies les moins aimées. La séparation des groupes de photographies a permis d’observer davantage de nuances dans l’expression des points de vue. La deuxième phase d’échange se centrait autour de la description faite, par les éleveurs, de leur exploitation. Cette phase avait pour objectif de susciter les questions des citoyens autour de situations d’élevage précises et concrétisées par la présence de l’éleveur. Enfin, pour la dernière phase de la séance et à l’issue des discussions précédentes, les participants ont été invités à donner quelques attentes fortes qu’ils avaient pour l’élevage de demain. La mise en discussion de ces attentes a permis d’identifier les messages principaux que les participants retiraient des différents échanges.

Ces échanges ont été filmés et partiellement retranscrits. L’analyse a été réalisée selon les différentes phases : comparaison des photographies choisies et des discussions les accompagnant, questions les plus fréquemment posées lors de la présentation des

27 Les photographies ont été fournies par des organismes d’élevage, et ont donc été validées par la profession comme étant représentatives de l’élevage français. Nous avons également, de notre côté, veillé à ce qu’elles ne montrent pas de situations trop édulcorées. Les photos les plus discutées par les participants sont présentées en Annexe 5.

exploitations et évolution des arguments des uns et des autres au cours des échanges, idées fortes retenues à l’issue de la séance.

Les débats interactifs suscités par la confrontation d’acteurs d’expériences variées ont renseigné sur la diversité des points de vue sur l’élevage, sur les incertitudes des citoyens entourant l’élevage, sur l’émotion que certaines pratiques déclenchent chez eux, et sur les possibilités de rassurance de la parole des éleveurs28. Toutefois la méthode des focus-groups ne permet pas d’évaluer la représentativité de ces points de vue dans la société globale. De plus, le fait d’avoir réalisé les groupes uniquement dans des zones urbaines laissent les points de vue des habitants de zones rurales dans l’ombre. En outre, il est possible que les citoyens aient quelque peu censuré ou nuancé leur point de vue sur l’élevage pour ne pas déclencher de tensions ou de conflit avec les éleveurs présents.