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II AUJOURD'HUI: L'AUTONOMIE FINANCIERE ET FISCALE DANS LE CADRE DU STATUT D'AUTONOMIE

Dans le document Polynésie française, 30 ans d’autonomie (Page 111-114)

Nous allons voir qu'elle reste normative mais qu'elle reste aussi encadrée, même si le cadre juridique a fortement changé. Il y a deux points que je voudrais ici souligner.

Il y a d'abord un qui remonte non pas à 2004, non pas à 1984 mais bien à 1977, c'est la compétence de principe du territoire, aujourd'hui, de la collectivité. Et cette compétence de principe qui donne à la Polynésie française la capacité de traiter un certain nombre de questions sauf celles qui sont attribuées à l'État comme la monnaie, le crédit, le trésor. Cette compétence de principe permet à la Polynésie, à ses autorités, à son assemblée notamment, de prendre un certain nombre de décisions, d'adopter un certain nombre de normes.

C'est un pouvoir normatif. Un pouvoir normatif qui découle donc de cette compétence de principe mais qui est fortement encadré par la loi organique.

Revenons d'abord sur ce pouvoir normatif. Ce pouvoir normatif s'exprime de deux façons. Il s'exprime toujours comme par le passé, sous la forme de délibérations. Mais depuis 2004, il s'exprime aussi sous la forme des lois du pays. Et les lois du pays, il y en a en matière financière, puisqu'il y a dans le statut des dispositions particulières sur les actes administratives dénommées «lois du pays» en matière d'impôts et de taxes. En effet, compétentes dans ce domaine, les autorités notamment l'Assemblée a la possibilité d'édicter des normes qui, en France, sont de la compétence du Parlement, et notamment celles qui permettent, article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant l'assiette – nous la retrouvons, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures.

On sait que ces lois du pays en matière d'impôts et de taxes ont un champ large. Ce sont elles qui créent les impôts et les taxes qui vont pouvoir alimenter le budget de la Polynésie française ou qui, d'ailleurs, pourront être affectés au budget de la CPS comme pour la contribution de solidarité territoriale. Mais c'est aussi l'Assemblée de Polynésie française qui doit utiliser les «lois du pays» pour adopter des règles qui vont permettre de doter les communes d'impôts et de taxes. Alors, un champ large! Mais attention, le juge, les juges dirais-je parce que, sur cette question, nous avons à la fois un arrêt du Conseil d'État et une décision du Conseil constitutionnel la même année en 2007 à propos de la taxe de sécurité de l'aéroport qui est une taxe qui permet à l'État de financer une de ses responsabilités, ici, on croyait que la définition large du champ de compétence fiscale de la Polynésie lui donnait l'exclusivité, les juges nous rappellent qu'il n'en est rien et que l'État a la possibilité, pour financer ses responsabilités, notamment la sécurité sur l'aéroport mais on peut imaginer d'autres responsabilités, a quand même la possibilité d'ajouter des taxes d'État aux taxes locales.

On sait que ces «lois du pays» sont soumises à un contrôle spécifique dont le Conseil d'État est chargé (article 176), et on sait que le Conseil d'État a la possibilité de contrôler la régularité de ces textes au regard, certes, de la Constitution mais aussi des lois organiques, des engagements internationaux de la France (par exemple: l'accord d'association avec l'Union européenne ou d'autres conventions internationales) et aussi les principes généraux du droit. Et on sait que le Conseil d'État a souvent examiné les lois que vous votez en les comparant au principe d'égalité ou en les comparant à la liberté du commerce et de l'industrie ou aussi – question sur laquelle il nous faudrait un peu de temps pour en développer toute la richesse – le principe de non-rétroactivité.

Quoi qu'il en soit, à côté de ces «lois du pays» qui interviennent donc dans la matière fiscale, il vous reste, Mesdames et Messieurs les membres de cette assemblée, la responsabilité de voter des délibérations en matière budgétaire, des

délibérations qui peuvent être des délibérations ponctuelles qui reviennent chaque année comme les délibérations qui permettent d'adopter le budget général ou de le modifier avec, je le rappelle au passage, dans ces délibérations un article 1er qui est tout à fait exceptionnel si on compare le travail budgétaire de cette Assemblée au travail budgétaire de l'ensemble des conseils élus des autres collectivités françaises puisque l'article 1er nous dit: «La perception des impôts, produits et revenus affectés à la Polynésie française, aux collectivités, aux établissements publics […] continue à être effectuée pendant l'année [2014], conformément aux lois du pays, délibérations et arrêtés en vigueur». C'est-à-dire qu'on retrouve chaque année dans la délibération budgétaire la même formule, à deux ou trois mots près, que celles qui figurent dans l'article 1er des lois de finances pour les finances de l'État.

Et puis, au-delà de ces délibérations ponctuelles, vous êtes aussi responsables, puisque la Polynésie a aussi en ce domaine un pouvoir normatif, de l'encadrement de ces délibérations. Vous avez, en effet, la responsabilité d'adopter la réglementation budgétaire, comptable et financière de la Polynésie, de l'Assemblée de Polynésie française qui dispose elle aussi de l'autonomie à l'intérieur de l'autonomie, et des établissements publics de la Polynésie française. C'est la fameuse délibération no 95-205 que je citais tout à l'heure mais qui, depuis 1995, a été de très nombreuses fois – plus d'une vingtaine de fois – modifiée par de nouvelles délibérations pour essayer de lui faire prendre en considération les évolutions de l'environnement, les évolutions institutionnelles. Je retiendrai une. En 2006, vous modifiez l'article 11. Vous envisagez une nouvelle nomenclature budgétaire ou comptable. Et dans cette nouvelle nomenclature, vous abordez la question de la classe 9. Et pour la classe 9, vous dites que les chapitres s'appelleront désormais «missions»; et vous définissez la mission en faisant une référence aux politiques publiques. C'est-à-dire qu'en fait vous reprenez la terminologie qu'on vient d'intégrer au niveau national dans le droit des finances publiques puisque la définition de la «mission» c'est un des points forts de la nouvelle loi organique relative aux lois des finances, la fameuse LOLF, qui est adoptée le 1er août 2001. Mais, même si dans la pratique, vous passez des «missions» – vous baptisez les chapitres «missions» – aux «programmes», les «programmes» étant les anciens sous-chapitres. En fait, vous vous arrêtez là. Toute la logique de la LOLF, notamment toute la logique de performances, les objectifs, les indicateurs – excusez-moi des gros mots! – la fongibilité asymétrique, tout ça vous ne le traitez pas, ou du moins pas encore.

Vous traitez de ces questions puisqu'elles sont de vos compétences, mais vous les traitez dans un cadre qui est fixé par le statut, qui est fixé par la loi organique. Moi, je remarque quand même une petite chose, c'est que cette loi organique date

de 2004, c'est-à-dire quatre ans après la LOLF. Je sais bien que la LOLF, ça ne concerne que l'État, ça ne concerne pas les collectivités territoriales, mais on aurait pu peut-être imaginer que le législateur organique ne soit pas – excusez-moi! – schizophrénique et qu'il puisse traiter les questions sur le même plan, qu'il s'agisse des questions de l'État ou des questions des collectivités ultra-marines. Car, quand on regarde ce cadre organique, on s'aperçoit qu'il reste très administratif. Il n'y a aucune référence au problème de la performance, au problème de l'évaluation. On retrouve dans le texte les grands principes du droit budgétaire local: le budget doit être voté en équilibre réel; il y a des dépenses obligatoires, etc. Et puis, on retrouve le système des contrôles classiques, le contrôle de l'ordonnateur par le comptable. Il y a même un article qui vous amène donc à laisser en place le contrôle des dépenses engagées. C'est un système qui a été créé en France en 1932 mais qui, depuis, a fortement évolué. Il aurait peut-être été bon que la loi organique enclenche ces évolutions.

Quelque temps plus tard, en 2007, à la suite d'un certain nombre de critiques faites par la Cour des comptes, le législateur organique se remet au travail. C'est la loi Estrosi. Celle-ci avait deux objectifs: la stabilité – nous n'en parlerons pas – et puis aussi la transparence. Alors, on trouve, c'est vrai, dans la loi Estrosi, un certain nombre d'innovations. On trouve, par exemple, la création d'une commission de contrôle budgétaire et financier. On trouve aussi, comme dans la LOLF, mais aussi comme pour l'ensemble des collectivités territoriales de la République, l'obligation d'organiser un débat d'orientation budgétaire. Tout ça est très bien mais, si on veut avoir un véritable débat d'orientation budgétaire, il faudrait d'abord avoir les moyens d'évaluer ce qui s'est fait les années précédentes. D'ailleurs, quand on regarde plus avant la loi Estrosi, on remarque notamment dans le chapitre «contrôle budgétaire» que le législateur organique a largement recouru au «copier-coller», puisqu'à partir de l'article 185-1 jusqu'à 185-12, on a quasiment recopié les dispositions du code général des collectivités territoriales sur le contrôle des budgets locaux.

Tout cela peut-il évoluer? Qu'en sera-t-il demain?

III

DEMAIN: COMMENT FAIRE EVOLUER LE STATUT

Dans le document Polynésie française, 30 ans d’autonomie (Page 111-114)