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I HIER: L'AUTONOMIE AVANT L'AUTONOMIE

Dans le document Polynésie française, 30 ans d’autonomie (Page 109-111)

Hier, je vais donc dire quelques mots de l'autonomie – comme vous ne voyez pas ce que j'ai écrit, c'est avec un a. Comment l'autonomie pouvait exister avant l'Autonomie, celle dont on parle aujourd'hui. Et je vais revenir à l'époque coloniale.

À l'époque coloniale, il y avait notamment un débat sur le point de savoir comment on pouvait gérer les colonies. Il y avait deux grandes possibilités: soit on assimilait la colonie à la métropole (on lui applique les mêmes lois, on lui impose la même fiscalité), soit, au contraire, on considérait qu'il y avait un certain nombre de questions particulières, en plus, ça se passait très loin donc, on pouvait à ce moment-là envisager l'autonomie… pas du tout au sens ou on peut l'entendre ici, c'est plutôt dans un sens technique, mais c'est aussi dans un sens politique et juridique, car l'autonomie dont je vais parler, notamment l'autonomie fiscale, elle est normative. Elle va permettre aux autorités de la colonie de fixer les règles. Elle est normative, certes, mais on est quand même à l'époque coloniale; donc, elle est encadrée sinon dominée par la réglementation nationale.

L'autonomie normative, on va d'abord la ressentir en parlant d'autonomie fiscale et, ensuite, je dirai quelques mots de l'autonomie financière ou, disons, de l'autonomie budgétaire, financière et comptable.

Sur le plan général, dans les colonies françaises, la solution de l'autonomie avait été déjà retenue sous la Restauration. C'est une ordonnance de 1825. En Polynésie française, on doit simplement remonter à une loi de finances du 13 avril 1900. Et cette loi de finances nous dit deux choses: la colonie doit faire face à ses charges, qu'il s'agisse d'ailleurs de charges locales ou des charges de l'État hors dépenses militaires dans la colonie, et elle doit faire face à ses charges par ses propres ressources, avec deux correctifs. On envisage déjà à l'époque des possibilités pour l'État de subventionner la colonie, mais on envisage aussi le cas, si la colonie avait été florissante, la possibilité pour la colonie de contribuer aux finances de l'État. En fait, en donnant à la colonie la possibilité de fixer ses propres ressources, en lui

donnant la possibilité donc de créer ses propres impôts, ses propres taxes, on lui donne aussi la possibilité de fixer les règles qui vont permettre de prélever ses impôts et ses taxes. On va donner donc aux autorités locales la possibilité de fixer les règles d'assiette, de liquidation – on disait à l'époque les tarifs, ou de fixer les modalités de perception. Ainsi, en Polynésie, le conseil général pourra adopter des délibérations qui devront quand même – et c'est là une limite importante pour cette première forme d'autonomie, être approuvées par décret en Conseil d'État avant qu'il n'y ait une déconcentration et où ce pouvoir d'approbation sera délégué au gouverneur qui, certes, représente l'État mais qui à cette époque est aussi l'exécutif de la colonie. À noter que déjà, à cette époque, si on ne parlait pas encore d'État de droit, on était dans un état légal, ces délibérations devaient respecter les normes supérieures et j'ai notamment retrouvé l'écho d'un arrêt du Conseil d'État du 6 juin 1913 où, pour les Établissements français de l'Océanie, les ÉFO, le Conseil d'État avait annulé une délibération qui crée une taxe de séjour mais qui frappait simplement les assiettes. Donc, on le voit, une discrimination qui n'a pas lieu d'être dans la République.

Donc, c'est en 1900 que ce principe est posé, celui de la possibilité pour la colonie de fixer ses propres règles en matière fiscale et poser le principe de l'autonomie fiscale. C'est très important parce que, par la suite, cela va d'abord permettre aux autorités locales de se doter d'un système fiscal original. Alors, les historiens, les économistes nous expliqueront les choix qui ont pu être faits, qui font qu'aujourd'hui cette fiscalité est plutôt dominée par l'imposition indirecte sur la consommation plutôt que sur l'imposition du revenu ou du capital. Mais à noter aussi que nous avons, là, l'explication qui nous donne à comprendre pourquoi il y a ici un code des impôts qui n'est pas le code général des impôts de la République. Et puis, on sait que nous vivons sur un territoire fiscal autonome. En faisant ma déclaration de revenus ces jours derniers pour mes impôts en métropole, je lisais l'Administration de l'État qui nous explique: sur le plan fiscal, la Polynésie française comme la Nouvelle-Calédonie sont assimilées à des États étrangers. Alors, puisque le territoire fiscal polynésien n'est pas le même que le territoire fiscal de la République, il faut naturellement trouver des solutions pour régler les problèmes entre les deux territoires fiscaux. C'est la raison pour laquelle, notamment en 1953, une convention fiscale est conclue entre la République et la Polynésie française, comme la République conclut avec de nombreux États étrangers, sauf que quelques temps plus tard, le Conseil constitutionnel nous expliquera que cette convention, c'est une convention d'ordre purement «interne».

Au-delà de l'autonomie fiscale, la colonie va aussi nous donner quelques premiers éléments pour traiter de l'autonomie financière, de l'autonomie budgétaire, de l'autonomie comptable. Et nous avons, là aussi, un vieux texte, c'est le décret du

30 décembre 1912 que les auteurs de droit colonial – je cite, ici, Alart – qualifiaient de «charte financière des colonies». Le premier point très intéressant dans ce décret, c'est qu'il reconnaît la personnalité civile à la colonie. La colonie est une personne morale. À partir du moment où elle est une personne morale, elle va avoir un patrimoine. Une personne morale de droit public, elle va avoir un budget public. Et ce budget public, justement, va être encadré par le décret de 1912 qui adopte un certain nombre de règles qui ont pu d'ailleurs être conçues pour l'action de l'État dans les colonies (titre I) mais aussi pour le budget de la colonie. Et on verra dans ce texte un certain nombre de questions qui, par la suite, ont été développées sur les différentes recettes, les recettes ordinaires, les recettes extraordinaires. On apprendra qu'il y a des dépenses facultatives et des dépenses obligatoires, et puis on trouvera une nomenclature administrative faite de chapitres, de sections, d'articles. Mais, ce qui frappe le plus, mais ça ce n'est pas le droit colonial c'est le droit financier de l'époque, c'est que l'on a là toute une série de règles qui sont fondées non pas sur la confiance que l'on peut accorder aux acteurs mais sur la méfiance, et donc un sacro-saint principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables. Au départ, c'est un principe de méfiance. Ces principes et ces règles fondés sur la méfiance, on va les retrouver tout au long de l'évolution de la colonie puis, avec l'érection du territoire en Territoire d'outre-mer. Et il faut, ici, préciser que ce décret de 1912 inspirera très fortement la délibération de l'assemblée territoriale du 23 novembre 1995, celle que vous appliquez toujours aujourd'hui.

Laissons le passé, venons-en au présent. Aujourd'hui, voyons comment l'autonomie financière et fiscale se place dans le cadre du statut d'Autonomie.

II

AUJOURD'HUI: L'AUTONOMIE FINANCIERE ET FISCALE

Dans le document Polynésie française, 30 ans d’autonomie (Page 109-111)