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Chapitre III Cadre théorique et conceptuel

3.4 Identité

3.4.2 Identité du « nous »

Dans le contexte de cette recherche, l’identité du « nous » signifie aussi l’identité communautaire. Or, c’est « notre être collectif » qui « correspond aux systèmes d’idées, de sentiments et d’habitudes qui expriment en nous, non pas notre personnalité, mais le groupe ou les groupes dont nous faisons partie. » (Mucchielli, 2013, p.79, p.80)

Les immigrants vivent dans une culture qui n’est pas la leur, ce qui les amène à s’interroger sur leur vision de la société d’accueil et sur leur positionnement en termes d’identité personnelle et collective. La vie à Montréal est très différente de celle de la Chine et nécessite comme nous l’avons vu, une adaptation, un effort d’ajustement permettant de concilier culture locale et culture d’origine.

Le sentiment d’appartenance

La distinction entre identité personnelle et identité collective est la suivante : d’un côté, on souligne une différence, tandis que de l’autre, on se concentre sur les similitudes. Cette association à un groupe se retrouve dans un sentiment d’appartenance et dans certaines caractéristiques permettant de faire le lien entre l’individu et le groupe.

Le sentiment d’appartenance est à rapprocher de celui de reconnaissance et d’acceptation qu’un individu ressent envers et de la part d’une communauté. Cet élément influe aussi sur l’identité individuelle, puisqu’il est en lien avec l’estime de soi, les perspectives d’avenir, les projets personnels, les valeurs sociales et l’ouverture au changement. Il est « le résultat du processus d’intégration et d’assimilation des valeurs sociales, car tout être humain vit dans un milieu social qui l’imprègne de son ambiance, de ses normes et de ses modèles. » (Mucchielli, 2013, p.67)

À travers l’appartenance à une communauté, le rapport aux autres et à l’environnement constitue notre identité psychosociale. De fait, cette dimension sociale de notre identité s’affirme dans un sentiment d’appartenance. Celui-ci se manifeste lorsque les gens utilisent le critère de similitude comme repère pour distinguer différents groupes; c’est « un sentiment d’en faire partie. » (Drozda-Senkowska, Oberlé, 2007. p.78) Il est « l’esprit de groupe ou le sentiment de solidarité, » (Mucchielli, 2013, p.66) qui représente d’abord le moi. De plus, c’est une représentation de soi dans l’environnement. Ainsi, selon la théorie de G.H. Mead, le moi est « l’ensemble des rôles des autres intériorisés et assumés par l’individu. » (Ibid. p.63) Ce sentiment d’appartenance implique une identification personnelle, un sentiment de solidarité avec ceux qui en font aussi partie. Ensuite, cette identité du sentiment personnel génère un sentiment collectif que »'on retrouve dans l’identité communautaire. En tant qu’immigrante et membre d’un groupe minoritaire au sein de la société québécoise, cette recherche est l’occasion de réfléchir sur l’identité individuelle et de mieux comprendre la communauté à laquelle nous appartenons. Cela nous permet également de mieux définir l’attachement que nous avons envers cette collectivité.

Être immigrant dans le pays d’accueil

L’identité peut être définie comme une chose vivante et malléable. Au fil du temps, l’individu connait une évolution personnelle et son environnement social change lui aussi avec l’expérience à travers ces « phases d’élaboration » (Mucchielli, 2013, p.94). Quand les immigrants arrivent dans un pays d’accueil, ils peuvent choisir deux attitudes distinctes. Soit ils vont demeurer, aussi bien physiquement que socialement, au sein de l’enclave minoritaire qui est conforme à leurs identités multiples lors de leur arrivée au Canada » (Frideres, 2002, p.14), soit ils devront « se défaire, toujours physiquement et socialement, de ses identités antérieures et donc de se détacher de l’enclave minoritaire. » (Ibid.) Le premier positionnement se conçoit comme un processus d’intégration simple et commode. L’individu ne sort pas de sa propre communauté et ses contacts sont, pour l’essentiel, des personnes issues de la même culture que lui. Par contre, les échanges restent limités dès qu’on sort du cadre de cette communauté. L’une des participantes installées à Montréal depuis quatre ans avait par exemple très peu de contacts avec la culture locale. Son anglais

était très limité et elle n’avait aucune notion de français. Elle a pris part à sa nouvelle vie sans trop de bouleversements. Dans son processus d’intégration, elle n’a pas rencontré d’obstacles culturels majeurs, ne sortant pas du cercle de ses amis chinois.

La communauté chinoise de Montréal apparait comme une petite société constituée de son propre « réseau d’institutions » (Frideres, 2002, p.15). Il est possible de trouver tout ce dont une personne a besoin pour vivre sans sortir de la communauté. Par exemple, il existe des réseaux professionnels régis par un esprit de solidarité qui peuvent permettre aux nouveaux immigrants de facilement se trouver un travail dans la communauté sans avoir besoin de maîtriser le français ou l’anglais. C’est pourquoi il y a autant d’immigrants chinois qui préfèrent rester dans cette petite société au sein de laquelle ils peuvent cultiver leurs coutumes et se sentir en sécurité. Cela concerne tout particulièrement les générations précédentes qui craignent de se confronter à la société d’accueil. Certains immigrants utilisent ce processus comme période transitoire vers leur nouvelle vie, s’éloignant ensuite de leur propre communauté pour chercher d’autres contacts avec la culture locale.

Dans ce contexte, la communauté fait office de parapluie, les protégeant des menaces extérieures. Une fois la porte de cette communauté franchie, on se rend compte de la différence de culture et d’idéologie, ainsi que des limites linguistiques. En conséquence, « le fait de devoir affronter simultanément autant de questions d’envergure peut emmener l’individu à se sentir dépassé par l’ampleur des défis. » (Frideres, 2002, p.16) Cette phase de confrontation peut aussi être l’occasion d’un enrichissement à travers l’apprentissage d’une langue, l’ouverture à une nouvelle culture et les opportunités professionnelles dans divers domaines. Cependant, le fait de s’isoler dans une communauté peut également contribuer à créer une distance avec la société d’accueil. Dès lors, celle-ci « peut engendrer l’exclusion et le rejet. » (Ibid.)