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CHAPITRE V — RÉSULTATS

5.2 Expérience sur le terrain

5.2.2 DEUXIÈME SEMAINE

Date : Mercredi 18 et samedi 21 juin 2014 Objectifs de la semaine :

 Développer le sens communautaire et la solidarité ;  Renforcer les échanges dans le groupe ;

 Discuter des différences culturelles ;

 Favoriser l’expression personnelle et artistique ;  Aller à la rencontre de soi ;

 Explorer les perspectives de chacun.

Après la première semaine, les participants commençaient à mieux se connaitre. Lors de la deuxième semaine, cette compréhension de l’autre s’approfondissait et se transformait en un sentiment communautaire. Le fait que les participants travaillaient à deux ou en petits groupes renforçait une solidarité entre eux.

 Analyse descriptive Activités réalisées :

1. Les Francofolies à travers mon regard ; 2. Le jeu : les couleurs de ma vie montréalaise ; 3. Le jeu : les objets dans mon sac ;

4. Mon regard sur Montréal en quelques photos ;

5. Discussion sur la communauté chinoise de Montréal ;

6. Découverte de la culture chinoise montréalaise — la pagode bouddhiste Huyen Khong ; 7. Discussion sur les croyances et les communautés asiatiques locales.

À la rencontre des cultures chinoises montréalaises

La deuxième semaine s’est articulée autour de deux activités culturelles, dont une visite aux Francofolies de Montréal et une autre à la pagode Huyen Khong. Réputées mondialement, les Francofolies sont l’un des événements majeurs de la vie culturelle montréalaise. Les participants étaient invités à faire des photographies illustrant leurs impressions et leur propre expérience de cet évènement. C’était aussi l’occasion pour le groupe de se familiariser davantage avec la culture francophone. Sur le même thème de la rencontre avec l’art et la francophonie, ils ont aussi découvert durant cette journée la Société des arts technologiques (SAT).

La plupart des participants ont apprécié cette expérience et se sont même bien amusés. Cet univers leur était totalement inconnu, un seul d’entre eux ayant déjà assisté aux Francofolies auparavant. Bien qu’installés à Montréal depuis plus d’un an, la plupart n’avaient jamais entendu parler de ce festival. Cela illustre bien le fait que les participants n’avaient que très peu de contact avec la culture locale et encore moins avec la culture francophone. À travers les activités culturelles, les participants découvraient davantage à la culture francophone.

Avant cette activité, le monde francophone semblait inaccessible à une grande partie du groupe, notamment à cause de leur méconnaissance du français. De fait, ils se sentaient plus à l’aise avec les anglophones et considéraient ces deux mondes bien distincts. Grâce aux activités de la semaine, ils ont constaté que la langue n’était pas le seul moyen à leur portée pour se joindre à un groupe, mais qu’ils pouvaient aussi établir une communication

par l’art ainsi que par la visite de lieux culturels ou religieux. Après l’expérience de la sortie aux Francofolies, les participants ont manifesté leur appréciation de faire des activités à l’extérieur du centre.

Pour la rencontre du 21 juin, l’une des participantes a proposé une visite à la pagode bouddhiste Huyen Khong. Tous ont approuvé cette proposition étant très intéressés par ce lieu. Le bouddhisme est l’un des trois principaux courants idéologiques et spirituels en Chine, les deux autres étant le confucianisme et le taoïsme. Durant la révolution culturelle, toute activité religieuse était interdite en Chine. Par la suite, la majorité des jeunes de la génération des participants a fait le choix de l’athéisme. La visite à la pagode bouddhiste a donc été l’occasion d’approcher la spiritualité et la culture traditionnelle chinoise. La visite s’est faite en compagnie d’une moniale qui a présenté l’histoire de la pagode, les rituels et cérémonies bouddhistes. Elle a également expliqué la culture zen et certains membres du groupe ont même participé à une prière. Le midi, nous avons partagé le repas bouddhiste en compagnie des fidèles. Chaque fin de semaine, ceux-ci se réunissent pour la prière et notamment pour partager le repas du midi qui constitue l’un des rituels de la pagode. Outre le fait de goûter à la cuisine bouddhiste, les participants ont pu témoigner de cette expérience en faisant des prises de vue. Dans ce lieu religieux et sacré, il est interdit de photographier, mais il est possible de prendre quelques photos avant la cérémonie. Ces deux sorties ont permis d’aborder une diversité de thèmes tels que la spiritualité, les valeurs, la culture, les traditions, l’art de vivre, les Chinois nés à Montréal ou encore le sentiment d’appartenance.

Le jeu des couleurs

À cette occasion, chacun a suggéré une ou plusieurs couleurs décrivant sa vie montréalaise. Les résultats de cette activité ludique sont les suivants :

 Gris : Deux personnes ont choisi cette couleur en expliquant ainsi leur choix :

1. Cette couleur peut symboliser l’ennui de leur vie à Montréal à comparer à celle qu’elles vivaient en Chine et considérant qu’il y aurait beaucoup moins d’activités à faire ici, en particulier le soir.

2. Le gris évoque également la tristesse, un sentiment mis en parallèle avec l’hiver plus long et plus rugueux au Canada qu’en Chine.

3. Cela faisait aussi référence aux couleurs des bâtiments montréalais moins modernes et plus endommagés que ceux observés en Chine.

 Arc-en-ciel : deux autres personnes ont choisi les couleurs de l’arc-en-ciel pour témoigner de leur vie bien remplie. Plus épanouis à Montréal qu’en Chine, ces participants voulaient ainsi évoquer une vie riche où se côtoient multiculturalisme et tolérance.

 Blanc : Une seule personne a préféré la couleur blanche. Elle lui rappelait la couleur de la neige comme symbole du climat de Montréal. De plus, selon elle, le blanc représente la simplicité et une certaine naïveté, mais aussi la tristesse et le vide, deux interprétations qui décrivent bien sa vie actuelle selon elle.

Comme on peut le constater, les couleurs permettent de représenter une diversité d’expériences, d’impressions ou d’état d’esprit des participants, chaque couleur portant une signification particulière. Cet exercice a servi d’inspiration pour chacun et a contribué à instaurer un dialogue dans le groupe.

Exercice « Mon regard sur Montréal en quelques photos »

« Une photo? C’est l’instant qui s’arrête, les sentiments qui demeurent et la vie qui s’en va. » 37 (Jérôme Touzalin)

L’activité « Mon regard sur Montréal en quelques photos » devait permettre d’explorer les impressions des participants sur leur cité à travers une série de photos. Les participants ont présenté leur vision de la ville sous des angles très variés. Certains ont montré la ville de façon abstraite avec des images appelant des impressions alors que d’autres ont davantage cherché à témoigner de leur propre expérience, de leur histoire à Montréal. Cet atelier fut très enrichissant pour le groupe et rempli d’émotions à l’évocation des aléas de leur vie.

Jiao se rappelait la première fois qu’elle a vu Montréal depuis l’autre côté du pont de Champlain, elle était fascinée par l’image de la ville (figure 21). Cela a eu pour effet d’éveiller son rêve américain et d’animer son esprit combatif.

Ces photos ont une importance toute particulière pour Jiao. L’année précédente, elle hésitait entre rester à Montréal ou retourner dans sa ville natale. Cela faisait des années qu’elle vivait dans cette ville, mais elle ne s’y sentait toujours pas à sa place. Face aux différentes coutumes et cultures, elle n’arrivait pas à apprécier ni la ville ni le mode de vie montréalais et n’arrivait pas à s’intégrer à la société. Elle avait alors décidé de retourner vivre dans sa ville d’origine, mais, plus la date de son départ approchait, plus elle devenait hésitante. Finalement, elle a réalisé à quel point elle était attachée à Montréal. La veille de son départ, elle s’est promenée dans les rues pour prendre des photos en souvenir de cette ville. Elle était triste de devoir partir après toutes ces années en se remémorant les beaux souvenirs et les belles rencontres qu’elle avait pu y faire. Lors de cette soirée, elle a pris le temps de découvrir toutes les beautés de son quartier et de sa ville. Elle s’est rendu compte que Montréal faisait partie de sa vie et qu’elle s’était habituée à vivre dans ce pays : elle se sentait Montréalaise pour la première fois. Finalement, son voyage en Chine a pris la forme de vacances et Jiao est revenue à Montréal pour y rester.

À première vue, ces photos contiennent peu d’éléments intéressants sur le plan esthétique, mais, si on les remet dans leur contexte, on voit bien que les histoires et les émotions qui s’y rattachent permettent de porter un autre regard sur ces images. Ces photographies sont importantes pour son auteure qui les conserve précieusement, les regardant à l’occasion pour se replonger dans ce moment capital de sa vie. Selon Jiao, elles sont à la fois un gage d’amitié envers la ville de Montréal et la preuve d’un déclic dans son changement de vie.

Comme on peut le constater, cette participante a, à travers cet exercice, non seulement dévoilé son regard et sa vision de la ville, elle a aussi ouvert son cœur au reste du groupe. Au-delà de l’image, c’est une vision intérieure qui se manifeste par le biais de ces instants du quotidien qui font partie du monde sensoriel.

La nécessaire distanciation de la chercheure

Lors de la deuxième semaine, le rôle d’accompagnatrice s’est révélé important. Il s’agissait de guider les participants dans leur parcours de création et de rencontre tout en leur laissant un espace de liberté. Au lieu d’imposer des activités avec des règles trop rigides, il était préférable de les guider et d’adapter le programme en fonction de leurs réactions. Il en fut ainsi pour la visite de la pagode Huyen Khong qui n’était pas prévue à l’horaire et qui a été proposée par l’une des participants. La sortie aux Francofolies avait quant à elle révélé l’intérêt des participants pour les activités de plein air.

Les préjugés des non-artistes

Dès la deuxième rencontre, le manque de confiance de chacun envers ses propres capacités et envers le processus de création a émergé. Pour la plupart des participants, l’art et la création sont réservés aux artistes professionnels et aux étudiants. Cette façon de voir les choses était encore plus clairement exprimée lors des discussions portant sur leurs propres réalisations. Les participants semblaient gênés et leurs commentaires commençaient souvent par « je ne suis pas un artiste », « je n’ai pas de talent dans la création » ou encore « je ne suis pas doué en dessin. » Pour contrer leur manque de confiance en eux et stimuler le plaisir et la créativité, j’ai proposé une discussion générale sur l’art, l’artiste et la création à partir de l’exemple du parcours d’une personne de mon entourage : un technicien qui est devenu un artiste. Il était important de leur faire comprendre que l’expression était l’une des composantes essentielles des ateliers et que l’art s’adresse à tous.