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Cent ans d’immigration chinoise : limitations, exclusion et ouverture

Chapitre III Cadre théorique et conceptuel

3.1 L’immigration chinoise au Canada : un regard historique

3.1.2 Cent ans d’immigration chinoise : limitations, exclusion et ouverture

Tout au long de leur histoire au Canada, les immigrants chinois ont contribué au développement économique et à la prospérité du pays tout en subissant, malgré cela, injustice et maltraitance.

Il y a deux cents ans, la croissance de l’industrie canadienne et le manque de main-d’œuvre rendaient indispensable l’arrivée d’une population immigrante, nombreuse et bon marché. Au sein de celle-ci, les Chinois étaient considérés comme des travailleurs courageux et bon marché. Par exemple, à l’époque, lors de la construction du chemin de fer, « on a estimé que l’utilisation de travailleurs chinois avait fait épargner entre trois et cinq millions de

dollars aux constructeurs du chemin de fer. » (Bibliothèque et Archives Canada.)18

Les immigrants chinois travaillent ainsi souvent dans « la construction des routes, des chemins de fer, le défrichage des terres » (Ibid.), dans les mines de charbon, dans les usines de transformation de poisson ou dans les fermes. À cette période, la découverte de l’or en Colombie-Britannique attire également une vague d’orpailleurs chinois.

Le Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP) est un jalon historique pour l’évolution du pays. « C’est sur le CFCP que reposait le “rêve national” de John A. Macdonald d’unifier géographiquement et politiquement le pays. » (Bibliothèque et Archives Canada)19Sur le

plan économique, il « réduisait l’isolement et facilitait les communications. […] Dans l’Ouest, des villes entièrement nouvelles ont été créées près des gares. » (Ibid.) Les industries se sont multipliées le long du chemin de fer, entrainant avec elles un important développement industriel et commercial. Les travailleurs chinois ont contribué de façon significative aux constructions et au maintien du chemin de fer, notamment dans la partie la plus difficile du CFCP, dans les montagnes Rocheuses, et avec des salaires beaucoup plus faibles que ceux versés aux ouvriers « blancs ». Pour échapper à la misère qu’ils connaissaient en Chine, ils risquaient leur vie dans ces emplois parfois mortels. De 1880 à 1885, « environ 15,000 ouvriers chinois furent amenés au Canada en provenance de la

18Source internet : http://www.collectionscanada.gc.ca/trains/021006-1000-f.html#a 19Source internet : http://www.collectionscanada.gc.ca/canadiens-chinois/021022-1100-f.html

Chine et de la Californie » (Le Canada en devenir)20pour travailler dans la construction du

chemin de fer. Parmi eux, un bon nombre de Chinois ont perdu la vie au cours de la construction à cause du froid, des accidents, des maladies et du manque de nourriture. « On estime qu’entre 600 et 2 200 Chinois sont morts au cours de ces cinq années de construction. » (Bibliothèque et Archives Canada.) 21

Malgré cette contribution considérable, les immigrants chinois se heurtaient à de nombreuses injustices. À la fin de la construction, le gouvernement fédéral leur imposa une loi de taxe d’entrée. « Cette loi ne s’appliquait qu’aux Chinois – aucun immigrant d’aucun autre pays n’a jamais eu à payer une telle taxe d’entrée au Canada. » (Bibliothèque et Archives Canada.)22 Chaque membre des familles chinoises immigrant au Canada devait

payer 50 $ à titre de taxe d’entrée. À l’époque, 50 $ était une somme importante et le gouvernement fédéral estimait que les Chinois étaient incapables de payer un tel montant. Cette taxe visait donc à freiner leur arrivée. La discrimination envers cette population ne s’arrêtait pas là. Le gouvernement leur imposait depuis 1885 une taxe d’entrée de 23,000,000 yuans. En 1923, une nouvelle loi fut adoptée contre l’immigration chinoise : la Loi d’exclusion. Celle-ci interdisait l’entrée des ressortissants chinois au Canada et des « immigrants d’origine chinoise vivant déjà ici [et qui] durent s’inscrire à un registre national, sous peine d’être expulsés du pays. Ils étaient autorisés à retourner en Chine pour aller visiter leur famille et à revenir au Canada, mais aucun nouvel immigrant n’était admis. Cela signifiait que les hommes d’origine chinoise vivant ici ne pouvaient pas faire venir leur famille au Canada. » (Ibid.)En conséquence, un grand nombre de familles se sont retrouvées coupées en deux. Toutes ces barrières imposées ont aussi entrainé le développement d’un communautarisme chinois.

Diverses lois provinciales ont également été adoptées visant à discriminer les Chinois. On recense par exemple celles interdisant « le droit de voter ni de travailler sur des chantiers publics comme la construction de routes. Au moment de ces restrictions en 1872 […], les Canadiens chinois ne recevaient pas le même montant d’assistance sociale que les blancs. »

20Source internet : http://www.thecanadianencyclopedia.com/en/index.cfm?TCE_Version=F 21Source internet : https://www.collectionscanada.gc.ca/chinese-canadians/021022-1200-f.html

(Bibliothèque et Archives Canada.)23Pendant très longtemps, les immigrants subirent cette

discrimination antichinoise, non seulement au niveau légal, mais aussi plus généralement au sein de la société. Pour autant, l’attachement de la population d’origine chinoise pour leur pays d’accueil restait très fort comme l’illustre le grand nombre d’entre eux ayant combattu dans l’armée canadienne lors de la Seconde Guerre mondiale. Il faut attendre le 14 mai 1947 pour que la Loi sur l’immigration chinoise soit finalement abrogée. « En 1945, le Canada participa à la création des Nations Unies. […] En conséquence de ces engagements internationaux, le Canada fut forcé de réviser entièrement ses lois antichinoises. […] C’est finalement seulement en 1967 que le gouvernement fédéral retira toutes les restrictions fondées sur la race, l’ethnie ou l’origine nationale de ses politiques d’immigration; on instaura à la place un système de points. » (Ibid.) Ce n’est que très récemment (2006) que le gouvernement canadien a présenté des excuses officielles pour la taxe d’entrée imposée aux Chinois.