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Regard sur la communauté chinoise de Montréal à travers la photographie

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Academic year: 2021

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Regard sur la communauté chinoise de

Montréal à travers la photographie

Mémoire

YUAN GAO

Maîtrise en arts visuels - Art avec la

communauté

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

© Yuan GAO, 2016

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Regard sur la communauté chinoise de

Montréal à travers la photographie

Mémoire

YUAN GAO

Sous la direction de :

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RÉSUMÉ

La présente recherche vise à observer et définir le rôle, les enjeux et les effets d’une expérience d’ateliers artistiques mise en œuvre au sein du Service à la Famille chinoise du Grand Montréal (SFCGM) au cours de l’année 2013/2014. Dans cette optique, il a fallu planifier et animer ces rencontres et également réaliser des entretiens semi-dirigés avec quelques immigrants chinois présents aux ateliers. Cette étude s’articule autour de la fonction relationnelle et de médiation de l’activité culturelle et artistique et de l’outil photographique en lien avec la communauté. Nous tenterons de démontrer en quoi l’espace de communication créé par l’intervention culturelle et artistique aide les participants à mieux définir leur identité individuelle et collective, à trouver un élan et une ouverture favorisant le rapprochement avec d’autres cultures, en particulier celle du pays d’accueil dans l’optique de leur intégration au sein de la société.

Mots clés : Photographie – Identité – Art – Culture – Communauté – Rencontre Intégration – Communication.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii

TABLE DES MATIÈRES ... iv

INDEX DES TABLEAUX ... vii

TABLE DES ILLUSTATIONS ... viii

REMERCIEMENTS ... ix

INTRODUCTION ... 1

Chapitre I : Problématique de la recherche ... 4

1.1Origine du projet ... 4

1.2 Sujet de recherche ... 7

1.3 Mise en contexte ... 8

1.4 Définitions : problématique et question de la recherche ... 8

1.5 Objectifs de la recherche ... 9

Chapitre II : Contexte de la recherche ... 11

2.1 Le Service à la famille chinoise du Grand-Montréal ... 11

Le département du bénévolat ... 13

2.2 Les ateliers artistiques comme lieu de rencontre ... 15

Les deux significations de la rencontre ... 16

2.3 Les expériences artistiques avec des personnes non initiées ... 16

Des ateliers destinés aux immigrants ... 17

2.4 Étapes des ateliers artistiques ... 18

Description des activités réalisées au cours du stage ... 18

Chapitre III Cadre théorique et conceptuel ... 24

3.1 L’immigration chinoise au Canada : un regard historique ... 24

3.1.1 Retour vers le passé : l’arrivée des Chinois au Canada ... 24

3.1.2 Cent ans d’immigration chinoise : limitations, exclusion et ouverture ... 25

3.1.3 Portraits d’immigrants chinois dans l’espace québécois ... 28

3.2 Le concept de « choc culturel » ... 30

3.2.1 Quatre types de réactions au « choc culturel » ... 31

3.2.2 La barrière de la langue ... 32

3.2.3 Les effets du changement d’environnement : déracinement ... 34

3.3 La dimension relationnelle de l’art ... 35

3.3.1 La photographie : un moyen d’expression... 36

(5)

3.4 Identité ... 41

3.4.1 Identité du moi ... 42

3.4.2 Identité du « nous » ... 50

3.4.3 Le rapport entre l’identité et les thèmes des ateliers ... 52

Chapitre IV Méthodologie ... 55

4.1. La posture et la méthode de recherche ... 55

4.1.1 La posture épistémologique de la recherche ... 55

4.1.2 La méthode qualitative ... 56

4.1.3 Une approche ethnographique ... 57

4.2 Les modes de collecte de données ... 58

4.2.1 Les activités artistiques et communicatives ... 59

4.2.2 Le journal de bord ... 59

4.2.3 Les entrevues semi-dirigées... 60

4.2.4 L’observation participante ... 62

4.3 Analyse qualitative thématique ... 63

4.3.1 Processus de l’analyse ... 64

4.3.2 Outil manuel pour décrypter les données ... 64

CHAPITRE V — RÉSULTATS ... 67

5.1 Préparation de la chercheure ... 67

5.1.1. Le premier pas vers la communauté ... 67

5.1.2. L’élaboration des ateliers artistiques ... 68

5.2 Expérience sur le terrain ... 70

5.2.1 PREMIÈRE SEMAINE ... 70

5.2.2 DEUXIÈME SEMAINE... 79

5.2.3 TROISIÈME SEMAINE ... 86

5.3 L’analyse des données ... 94

5.4 Synthèse ... 100

5.4.1 Le bilan des entrevues semi-dirigées ... 100

a. Portrait des participants interviewés ... 100

b. Le processus d’intégration et d’affirmation ... 101

L’intégration sociale ... 101

L’intégration psychosociale ... 104

L’écart entre rêve et réalité ... 110

L’identité comme facteur d’intégration ... 112

c. L’expérience artistique ... 116

5.4.2 Le bilan des ateliers artistiques ... 119

a.Le processus de création ... 119

b. Le processus d’intervention ... 120

c. Le processus de l’affirmation identitaire ... 121

(6)

a, La dimension réflexive de la photographie — un moyen d’introspection... 124

b. Entrecroisement des regards dans la photo ... 127

CONCLUSION ... 130

(7)

INDEX DES TABLEAUX

TABLEAU 1:LE PROCESSUS DE CRÉATION ... 40

TABLEAU 2 :MODELE TRIDIMENSIONNEL DE L’IDENTITE ... 53

TABLEAU 3 :GRILLE D’ANALYSE THEMATIQUE ... 65

TABLEAU 4:BILAN DES ENTREVUES SEMI-DIRIGÉES ... 95

TABLEAU 5:SYNTHÈSEDES ATELIERSARTISTIQUES ... 98

(8)

TABLE DES ILLUSTATIONS

FIGURE 1: LE LOGO DU SERVICE À LA FAMILLE CHINOISE DU GRAND MONTRÉAL ... 11

FIGURE 2: L'EXTÉRIEUR ET L'INTÉRIEUR DU SFCGM ... 11

FIGURE 3: LE SALON DU SFCGM ... 12

FIGURE 4 DÉPARTEMENT DU BÉNÉVOLA ... 14

FIGURE 5: DELTA DE LA RIVIÈRE DES PEARLS ... 25

FIGURE 6: CHINOIS TRAVAILLANT DANS LES MONTAGES POUR LE CHEMIN DE FER DU CANADIEN PACIFIQUE, 1884 ... 26

FIGURE 7 : RÉPARTITION SPATIALE DES IMMIGRANTS RÉCENTS DANS LA RMB DE MONTRÉAL ... 30

FIGURE 8 : UNE DES SALLES DE SFCGM OÙ ONT EU LIEU LES ATELIERS ... 70

FIGURE 9 : LA CAFÉRÉRIA OÙ A EU LIEU L'ATELIER DU MERCREDI ... 70

FIGURE 10: LA PREMIÈRE RENCONTRE ... 71

FIGURE 11: LA DEUXIÈME RENCONTRE ... 72

FIGURE 12: PHOTOS RÉALISÉES PAR LIYA ... 74

FIGURE 13: LA RÉALISATION DE XUE POUR LES SIX DESSINS ... 77

FIGURE 14: LA RÉALISATION DE ZHI ... 77

FIGURE 15: LA RÉALISATION DE LIYA POUR LES SIX DESSINS ... 77

FIGURE 16: RÉALISATIONS DE ZHENNI POUR «MES IMPRESSIONS DU SFCGM EN QUELQUES PHOTOS» ... 77

FIGURE 17 : RÉALISATIONS DE JIAO ... 78

FIGURE 18 : VISITE DE LA PAGODE BOUDDHISTE HUYEN KHONG ... 80

FIGURE 19 : «JEU DES COULEURS» SUR LE TOIT DE LA SAT ... 82

FIGURE 20: PHOTOS REALISEES PAR JIAO ... 83

FIGURE 21: REALISATIONS DE XUE ... 85

FIGURE 22 : REALISATION DE JIAO ... 86

FIGURE 23 : RÉALISATION DE TIAN ... 86

FIGURE 24: LE CINQUIEME ATELIER ... 87

FIGURE 25: LA PRÉSENTATION FINALE ... 87

FIGURE 26: PHOTO REALISEE PAR ZHENNI ... 90

FIGURE 27: RÉALISATIONS DE ZHENNI ... 92

FIGURE 28: RÉALISATION ZHI ... 93

FIGURE 29: RÉALISATION DE LIYA ... 93

FIGURE 30: RÉALISATION DE XUE ... 94

FIGURE 31: AUTOPORTRAITS DE ZHENNI ... 125

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REMERCIEMENTS

Je souhaite adresser mes remerciements les plus sincères aux personnes qui m’ont apporté leur aide et qui ont contribué à l’élaboration de ce mémoire ainsi qu’à la réussite de ces deux années universitaires formidables.

Je voudrais tout d’abord adresser toute ma gratitude à la directrice de recherche, Francine Chaîné, sans qui ce mémoire n’aurait jamais vu le jour, pour avoir accepté de diriger ce travail, pour sa patience, sa disponibilité, ses qualités humaines, sa clairvoyance qui m’ont été d’une aide inestimable, surtout ses judicieux conseils, qui ont contribué à alimenter ma réflexion, ainsi pour son inspiration tout au long de la réalisation de ce travail.

Je désire aussi remercier l’ensemble des personnes ayant participé à cette recherche. Elles ont apporté leur contribution à la réalisation d’un projet riche qui fut la clé de cette réussite. Sans leur enthousiasme, cet évènement n’aurait pas eu tout le succès escompté.

Un grand merci au Service à la Famille Chinoise du Grand Montréal (SFCGM) pour leur accueil bienveillant et leurs conseils avisés. SFCGM m’a fourni une plate-forme pour réaliser une telle expérience riche sur le terrain, et les outils nécessaires à la réussite de l’animation auprès du groupe. Je tiens à remercier spécialement la directrice du SFCGM Madame Xixi Li, et le département du bénévolat qui m’ont donné un soutien considérable.

Je voudrais exprimer ma reconnaissance envers ma famille et les amis qui m’ont apporté leur support moral et intellectuel tout au long de ma démarche. Ils ont grandement facilité mon travail.

Enfin, je tiens à remercier sincèrement les membres du jury qui me font l’honneur d’évaluer cette recherche.

(10)

INTRODUCTION

La multiplication des flux migratoires observée actuellement au niveau mondial tend à accentuer la diversité ethnique, culturelle, religieuse et linguistique des pays d’accueil, au Canada notamment, où l’immigration chinoise s’accélère depuis une vingtaine d’années. Cette hétérogénéité croissante soulève naturellement des interrogations dans la société en termes d’intégration et en termes d’identité culturelle comme nous avons, par exemple, pu le constater récemment au Québec avec le débat entourant la proposition d’une « Charte des Valeurs ».

Afin de permettre une plus grande cohésion sociale entre population locale et nouveaux arrivants et d’assurer l’insertion durable de l’individu au sein de la société, les nombreuses structures privées ou publiques proposant un service à vocation culturelle doivent faciliter l’accès à la culture locale pour des immigrants qui en sont traditionnellement exclus. Les dispositifs utilisés dans cette recherche ont permis de mettre en place un espace d’écoute et d’échanges interpersonnels, d’encourager l’individu à aller à la rencontre de l’autre et de valoriser l’appartenance au groupe par des activités collectives. Nous croyons que ces actions de médiation culturelle ont un rôle essentiel à jouer dans l’intégration des nouveaux arrivants. En parallèle à cette dimension sociale, l’art peut également apporter aux immigrants la possibilité d’un nouvel élan au plan personnel en aidant chacun d’eux à mieux se comprendre et à s’exprimer plus librement.

Cette recherche intitulée Regard sur la communauté chinoise de Montréal à travers la

photographie s’inscrit dans cette perspective à la fois socioculturelle et artistique. Ce projet

fait aussi écho à l’esprit du programme de maitrise en arts visuels : Art avec la communauté au sein duquel il a été réalisé dont l’objectif est de « faire vivre une expérience d’art partagée avec des gens de divers milieux. »1 Dans cette expérience d’art communautaire,

nous nous sommes intéressées à un groupe discret et méconnu : la communauté chinoise de Montréal.

(11)

Quel regard les nouveaux immigrants venus de Chine qui se retrouvent plongés dans une société multiculturelle aux antipodes de leur héritage culturel portent-ils sur leur vie à Montréal et sur la société québécoise ? Tiraillés entre tradition et modernité, entre passé et présent, comment parviennent-ils à se positionner en termes d’identité individuelle et collective, et quelle est leur stratégie d’adaptation et d’intégration de la société d’accueil ? C’est avec ces interrogations que cette recherche a été menée. Pour tenter d’y répondre, nous avons choisi de mettre en place une série d’ateliers artistiques et culturels portant sur la photographie, regroupant des membres du centre au sein du Service à la Famille chinoise du Grand Montréal (SFCGM), et de procéder à des entretiens semi-dirigés avec certains d’entre eux. L’objectif étant, à partir des éléments recueillis, de parvenir à estimer la portée individuelle et collective de la participation aux ateliers. En d’autres termes, nous souhaitons définir de quelle manière ces ateliers peuvent favoriser chez les participants une conduite tournée vers l’écoute et l’ouverture comme un terreau indispensable au rapprochement interculturel et à leur intégration dans la société d’accueil.

Ce mémoire se compose de cinq chapitres retraçant le fil de nos questionnements ainsi que la démarche qui a été suivie tout au long de l’étude, de la définition d’une thématique et d’un cadre de recherche à l’analyse des éléments collectés durant cette expérience, sans oublier naturellement, l’organisation et la description de la participation aux ateliers. Pour commencer, nous exposerons dans un premier chapitre la problématique à la base de notre réflexion, en retraçant l’origine du projet et en définissant le sujet de recherche et les objectifs fixés en amont. Le contexte de cette étude fera l’objet du deuxième chapitre. Ce sera l’occasion de présenter la structure dans laquelle cette expérience a vu le jour au SFCGM, le principe des ateliers artistiques comme lieu de rencontre, le contexte particulier des expériences artistiques s’adressant à des personnes non initiées et enfin une courte description des activités proposées durant les ateliers.

À la suite de cette vue d’ensemble, nous aborderons dans le troisième chapitre les théories, concepts et thèmes centraux relatifs à cette étude afin de mettre en perspective le cadre d’analyse sur lequel nous nous sommes appuyées pour déchiffrer les résultats obtenus. Après un bref rappel historique sur l’immigration chinoise au Canada, nous discuterons successivement du concept de « choc culturel », et la dimension relationnelle de l’art ainsi

(12)

que des notions d’identité individuelle et d’identité collective.

Dans le chapitre quatre, nous dresserons un aperçu de la méthodologie privilégiée pour cette recherche. Nous nous sommes appuyée sur une approche épistémologique, qualitative et ethnographique et, comme nous le verrons, les données recueillies ont donné lieu à une analyse qualitative thématique.

Enfin, dans le dernier chapitre de ce mémoire, nous reviendrons en détail sur les résultats. Dans la première partie de cette analyse, nous rappellerons brièvement les problématiques pré-terrain en tentant d’identifier la position occupée par la chercheure. Nous dresserons ensuite un aperçu de la série d’ateliers en posant un regard sur des activités et rencontres particulièrement marquantes et révélatrices. Les témoignages recueillis auprès de certains participants lors des entretiens semi-dirigés se retrouveront également au centre de l’analyse.

(13)

Chapitre I : Problématique de la recherche

1.1 Origine du projet

Tout au long de notre histoire, les immigrants ont représenté une proportion importante de la population du Canada [...] La population immigrante est toutefois fort diversifiée ; les immigrants proviennent en effet de plusieurs pays différents, avec une histoire, une culture et des antécédents économiques distincts. (Statistiques Canada, 1996, p. 2) Le Canada est une société multiculturelle dont le profil ethnoculturel a été façonné au fil du temps par les immigrants et leurs descendants. Chaque nouvelle vague d’immigration a enrichi la composition ethnique et culturelle du pays. (Statistiques Canada, 2011, p. 6)

Chaque année, des milliers d’immigrants de six continents viennent au Canada pour réaliser leur « rêve américain ». La plupart d’entre eux présument que la vie sera plus facile, car ils s’attendent à une vie heureuse et supérieure à celle qu’ils ont vécue ailleurs.

Parmi les différentes communautés au Canada, la communauté chinoise est l’une de celles qui est la plus nombreuse. « Au moment du recensement de 1991, 157 410 personnes nées en Chine vivaient au Canada, celles-ci représentant alors 4 % de la population immigrante. » (Statistique Canada, 1996, p. 1) Par ailleurs, « de tous les groupes d’immigrants qui arrivent au Canada de nos jours, les immigrants de Chine forment l’un des plus nombreux. » (Ibid.) De plus, « avec un peu plus d’un million de personnes, la communauté chinoise constitue le plus grand groupe ethnique non européen le plus nombreux au Canada. » (Colin, 2001, p. 7)

Il n’y a pas une Chine, mais des Chine, puisque l’on retrouve une multitude de différences au sein de ce grand pays. La communauté chinoise semble rester toujours isolée et mystérieuse. Pourtant, cela fait plus de cent ans qu’elle est présente au Canada, mais la véritable culture chinoise est en vérité méconnue. Par exemple, trop souvent, elle est associée au travail manufacturé ou à celui de la restauration. Malgré cela, comme démontré statistiquement, les jeunes Chinois sont scolarisés et occupent des fonctions importantes dans la société québécoise.

(14)

titulaires d’un diplôme d’études supérieures. En 2001, les adultes d’origine chinoise représentaient 3 % de l’ensemble de la population canadienne, mais 9 % de l’ensemble des titulaires d’un doctorat et 7 % des titulaires d’une maîtrise. [...] Les Canadiens d’origine chinoise représentent une proportion élevée de l’ensemble des Canadiens qui travaillent dans des domaines scientifiques et techniques. [...] Dans les domaines commerciaux, financiers et administratifs, ainsi que dans le domaine de la fabrication. (Colin, 2001, p. 14. p. 16)

Dans la même veine, la communauté chinoise semble isolée, entre autres pour les personnes qui ne parlent ni le français ni l’anglais. Certains regroupements tels que le quartier chinois de Montréal ou celui de Brossard, par exemple, laissent croire que les Chinois ne peuvent vivre qu’entre eux, ce qui ajoute au retranchement de cette population. Les Chinois font partie d’un peuple réservé et tranquille qui se manifeste très peu et qui garde bien souvent son esprit traditionnel. Au Québec, on retrouve des personnalités publiques de diverses origines comme Michaëlle Jean, Dany Laferrière ou Amir Khadir, mais il y a peu de personnalités asiatiques. Ainsi, la journaliste Céline Galipeau ou le cinéaste Kim Nguyen sont Vietnamiens d’un de leurs parents, mais il y a très peu de Chinois sur la scène publique québécoise. (Barlow, 2013) 2

De plus, la communauté chinoise fait peu de revendications. Peut-être est-ce attribuable à la langue française. La plupart sont anglophones, car 78 % maîtrisent l’anglais, seulement 6 % maîtrisent les deux langues officielles alors que seulement 1 % est capable de communiquer en français. (Colin, 2001, p. 12) Ainsi, sur le plan professionnel, seulement 2 % de la population est bilingue ou occupe un emploi où l’on constate l’usage exclusif du français, contre 77 % des personnes qui utilisent seulement l’anglais au travail. (Ibid. p. 13)

Depuis une quinzaine d’années, de plus en plus d’immigrants chinois sont venus s’installer au Québec. Ils proviennent principalement de la Chine continentale et sont différents de ceux qui de Hongkong qui sont largement influencés par la culture de leurs colonisateurs. Les Chinois continentaux sont beaucoup moins occidentalisés. En effet, quand ils immigrent dans un pays comme le Canada qui a une culture opposée à celle de la Chine, le choc culturel et la crise identitaire se manifestent de manière vive et plus fréquemment. En

(15)

tant que nouvelle arrivante au Québec, c’est à partir de mon propre parcours que j’ai porté une attention particulière aux différentes perceptions de la communauté chinoise dans ma ville d’adoption, Montréal. Je me suis demandé de quelle façon ceux-ci perçoivent cette province multiculturelle et quel est sentiment qui représente le mieux pour eux d’être Chinois à Montréal ?

Je suis fascinée depuis toujours par les diverses formes d’art : la danse, la peinture, la musique, le cinéma, la photographie et le théâtre. À l’âge de 3 ans, j’ai eu un premier contact avec l’art en étudiant le piano. La musique m’a fait comprendre que je peux exprimer mes émotions par un langage autre que la parole. Pendant mon enfance, le piano devenait un ami très proche. Comme petite fille très timide, j’étais en manque de confiance et avais toujours du mal à m’extérioriser. À part le piano, pendant ma jeunesse, j’ai aussi suivi des cours de danse classique, de chant et de peinture, puis à l’université, j’ai décidé de me spécialiser en cinéma et en photographie. L’art possède une place importante depuis mon enfance, il est devenu une forme de communication que j’ai utilisée pour m’exprimer et communiquer avec les autres. Les commentaires et les encouragements de mon entourage renforçaient mon estime et ma confiance se développait graduellement dans la création et l’apprentissage de ces formes d’art. Je me suis aperçue que l’art jouait un rôle essentiel et positif dans mon parcours d’enfant et c’est grâce à lui que j’ai pu ouvrir mon cœur et élargir mes horizons : il a changé ma vie.

C’est à partir de ma propre réflexion que j’ai amorcé ce projet. Cette recherche de deuxième cycle prend donc en considération mes expériences personnelles, celles d’une immigrante récemment installée au Canada et qui met à l’épreuve son vécu et se confronte à la réalité d’être une immigrante minoritaire dans son pays d’accueil. En lien avec le sujet de la recherche, je me suis posé certaines questions telles que : Est-ce que l’art peut créer le même effet chez les participants qu’il a pu le faire sur moi-même ? Quel rôle pourrait-il jouer dans la vie de ceux qui en font l’expérience ?

Mes expériences de vie sur trois continents m’ont amenée à réfléchir aux barrières entre les cultures, à la vie de l’immigrant, notamment à la question de l’identité de ma communauté. Ce projet de recherche me permet d’aller à la rencontre d’une communauté chinoise de la région de Montréal. Ensemble, nous avons partagé une expérience artistique, créative et

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culturelle portant essentiellement sur la photographie du quotidien en vue de favoriser les dialogues sur leurs expériences de vie à Montréal.

1.2 Sujet de recherche

L’art a une valeur en lui-même, une valeur intrinsèque : faire de l’art (ou s’y exposer) augmente l’être et intensifie le sentiment d’exister, le sentiment d’humanité, cela donne de la valeur aux choses et au temps passé à les faire, cela exerce le corps et l’esprit, et ainsi de suite — c’est-à-dire des buts élevés, à grande valeur existentielle (et spirituelle, pour ceux qui se rendent jusque là). (Boutet, 2015) 3

Le sujet de ma recherche porte sur la communauté chinoise de Montréal, précisément en ce qui a trait à la vie de l’immigrant chinois et à ses perceptions. La rencontre avec différents participants m’a permis de connaître leur vision de la société québécoise. C’est pourquoi j’ai utilisé l’art comme moyen d’intervention dans le présent projet et plus particulièrement la photographie doublée d’une dimension réflexive, expressive et communicative.

Comme la photographie est une façon universelle de communiquer par le biais des images, les frontières de la langue peuvent ainsi être dépassées. Dans cette perspective, les réalisations des participants représentent « le champ d’[une] expérience sensible » (Boutet, 2015). En effet, ce sont les réflexions, les pensées, l’imagination et les sentiments de chacun qui se manifestent. La photographie joue un rôle de médiation dans ma recherche, ne se contentant pas « d’informer le comportement sensible des individus, il établit des rapports symboliques et imaginaires entre les hommes. » (Caune, 1991, p. 3) et favorise la rencontre de soi-même par la création.

L’art ressemble à la porte d’entrée du monde invisible de chacun tandis que le travail visuel du groupe ainsi que les échanges que celui-ci favorise sont des moyens de communication. En explorant cette dimension communicative de la photographie, cela permet de tracer un certain portrait de ma communauté et ce que signifie d’être immigrant chinois vivant dans une société totalement différente de la sienne.

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1.3 Mise en contexte

Dans ce projet de recherche, la chercheure que je suis se situe entre la communauté chinoise et le monde occidental. Je suis partie assez tôt de la Chine vers la France où j’ai commencé, par l’entremise de ma nouvelle vie sociale, à m’intégrer dans la société occidentale. J’ai rencontré le problème de l’intégration et les conflits identitaires quand j’avais dix-huit ans. Je connais donc les difficultés de vivre à l’étranger, surtout dans un pays qui a une culture si différente de la mienne. Sans doute que pour moi, ce fut moins brutal et violent parce qu’à l’époque j’étais jeune et, à la manière d’une page blanche, ma façon de penser n’était pas encore tout à fait formée. Il me fut ainsi plus facile de m’adapter à ma nouvelle société. N’ayant pas ma famille auprès de moi, je n’avais que très peu de contact avec ma culture et j’étais donc complètement baignée dans la nouveauté et dans l’apprentissage d’une nouvelle langue. Un tel bagage d’expérience dans le contexte actuel de cette recherche m’a permis de mieux comprendre les deux mentalités. Je me situe entre les Chinois qui sont nés au Canada et ceux qui ont immigré un peu plus tard au pays. D’une part, j’entretiens des liens plus forts avec mes racines que les Chinois nés au Canada, et d’autre part, je me sens plus occidentalisée que ceux qui ont immigré après l’âge adulte.

J’ai longtemps pensé que la communauté chinoise s’intégrait mieux en Amérique du Nord à cause de la politique multiculturelle « encourageant les groupes ethniques à partager leur héritage et à participer aux institutions communes. » (Nicholls, cité dans Kymlicka, 2001, p. 347) Sa longue histoire d’immigration constitue également un élément déterminant, puisque la première immigration chinoise remonte en 1858 vers des régions de l’Amérique du Nord britannique (Bibliothèque et Archives Canada, 2009). Mais, en réalité, l’intégration de cette communauté ne semble pas en adéquation avec sa longue existence au Canada.

1.4 Définitions : problématique et question de la recherche

En premier lieu, la problématique de recherche porte sur les différentes perceptions de la communauté chinoise dans sa ville d’adoption qu’est Montréal. Au fond, elle soulève la question identitaire qui, combinée avec ma pratique artistique, peut se résumer par

(18)

l’utilisation de l’art comme médiation pour favoriser une réflexion sur sa propre identité.

À travers cette réflexion, la question qui s’est dégagée de la problématique se traduit ainsi : « Quels regards les immigrants chinois ont-ils sur leur vie à Montréal et sur la société québécoise ? » Elle se complète par les sous-questions suivantes : De quelle façon l’art incarne-t-il la vie quotidienne ? En quoi l’art est-il un moyen d’expression?4 De quelles

façons la photographie nous fait-elle communiquer et affirmer notre identité? Cette question centrale a une portée socioculturelle et artistique. Du point de vue social, elle soulève des aspects d’intégration et d’identité. Du point de vue culturel, elle aborde la vie quotidienne de l’immigrant à Montréal et l’apport de sa culture d’origine. Du point de vue artistique, c’est par l’art et la création, principalement la photographie du quotidien réalisée dans le cadre d’ateliers animés par la chercheure, que se développent des liens favorisant le rapprochement et la communication entre les participants.

L’art occupe une place incontournable dans ce projet, puisqu’il vise à rassembler les gens et s’avère être un important moyen de dialogue. L’image photographique suscite de multiples interprétations à caractère subjectif ou objectif faisant référence à la vie affective du créateur et de ceux qui la regardent. Un travail artistique « instaure bien une communication entre un émetteur et un récepteur, qu’elle véhicule un sens et utilise un matériau comme support de cette transmission. » (Buissière, 2006)5

1.5 Objectifs de la recherche

L’objectif principal de cette recherche est de :

 Mettre en valeur la communauté chinoise de Montréal en partageant avec elle une expérience artistique, créative, et ludique.

4La dimension artistique dans ce projet se traduit par une série d’activités réalisées sur une courte période en compagnie

de participants n’ayant aucune formation artistique. Ils sont venus aux ateliers avant tout pour échanger et pour être en compagnie de personnes de leur communauté. L’art a donc servi de support pour communiquer et l’accent des ateliers a été mis sur la dimension expressive plutôt que sur la dimension esthétique.

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Celui-ci se concrétise par les sous-objectifs suivants :

1. Explorer par la photographie les multiples regards du quotidien ; 2. Créer un lieu pour libérer les expressions et les émotions intérieures ; 3. Témoigner de la réalité de la vie des participants chinois ;

4. Favoriser le dialogue avec soi-même et les autres ;

5. Développer un sentiment de valorisation, d’appréciation et une réflexion sur l’identité ;

6. Expérimenter l’art sous un aspect communicationnel et relationnel.

Cette présente étude vise à mettre en lumière certaines réflexions de la communauté chinoise de Montréal et à faire découvrir la vie quotidienne des immigrants. C’est une occasion pour les participants de se questionner sur eux-mêmes et sur leur perception de leur identité afin de mieux saisir le sens de la communauté.

Il est à souhaiter que ce projet puisse apporter quelque chose à ceux qui y ont pris part. Cette recherche devrait permettre aux participants de développer les aspects suivants :

 Accroissement de l’estime de soi, affirmation identitaire et expression personnelle et artistique ;

 Valorisation de la solidarité et du partage ;

 Mise en valeur de la relation avec soi-même et les autres ;

 Développement de réalisations artistiques et appréciation de l’art visuel ;  Renforcement du sentiment d’appartenance et d’épanouissement personnel à

travers un processus de la création ;  Soutien de la créativité ;

 Présentation de certaines réalisations photographiques des participants dans le cadre d’une exposition.

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Chapitre II : Contexte de la recherche

2.1 Le Service à la famille chinoise du Grand-Montréal

Il existe de nombreuses associations chinoises au Québec et chacune apporte sa propre contribution à la communauté chinoise. Par exemple, l’Association chinoise des aînés a pour but d’aider et d’améliorer la qualité de vie des personnes âgées chinoises. La Chambre de commerce chinoise de Montréal, plus connue sous le nom de Montreal Chinese

Chamber Of Commerce (MCCC) a pour mission de promouvoir et d’encourager les

membres de la communauté à établir des plans d’affaires ou d’investissement au Canada, et plus particulièrement au Québec. Parmi les divers organismes chinois existant à Montréal, le Service à la famille chinoise du Grand-Montréal (SFCGM) est le plus réputé et offre un service plus complet. Il occupe une place importante et joue un rôle incontournable au sein de la communauté « grâce à son dévouement et à son engagement dans la recherche de solutions aux multiples problématiques identifiées dans la communauté. » (SFCGM, 2009)6

Figure 1: Le logo du service à la famille chinoise du grand Montréal

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Fondé en 1976 comme organisme sans but lucratif, le SFCGM est situé dans un immeuble de brique rouge caché dans une ruelle très discrète du Quartier chinois. L’organisme occupe trois étages et les bureaux administratifs un étage, les deux autres accueillent des cours de langue et des conférences. Le centre souhaite refléter l’image d’une communauté chinoise solidaire. De plus, il fournit des services d’orientation, de consultation, offre des cours de langue et d’accompagnement dans la recherche d’emploi. Chaque année, diverses activités liées au confort des personnes âgées sont également organisées.

Le SFCGM a pour objectifs de :

1. Faciliter l’adaptation et l’intégration des immigrants à la société québécoise ; 2. Promouvoir l’ouverture interculturelle et le pluralisme ;

3. Assurer l’accès aux services d’éducation, de la santé et des services sociaux ainsi qu’aux divers programmes facilitant l’accès au marché du travail ;

4. Promouvoir la défense des droits de la personne. (SFCGM, 2009)7

Le travail du SFCGM est axé principalement sur trois angles : l’aide aux nouveaux arrivants, le soutien ainsi que les différents types de consultation et activités visant à enrichir la vie sociale des membres de la communauté. Concrètement, cela consiste à accompagner les gens dans la recherche d’emploi, lors de consultations judiciaires, dans l’instauration de programmes de francisation ou dans le cadre d’autres cours de langues

7Source internet : http://www.famillechinoise.qc.ca/index.php?option=com_content&view=article&id=1127&Itemid=29&lang=fr

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dont l’anglais, le mandarin et le cantonnais. Le centre propose également de l’aide contre les problèmes de dépendance au jeu. Ainsi, un programme de prévention de la violence familiale a été créé spécialement pour les femmes. Le soutien est offert de façon individuelle ou collective selon la situation. Au cours de ces dernières années, au moins 25 7008 personnes ont profité des services offerts par le SFCGM.

Le département du bénévolat

Dans l’organisme, à part quelques dirigeants salariés, le plus grand travail se fait par les bénévoles qui regroupent plus de huit cents personnes de différentes nationalités et de diverses classes sociales : étudiants, aînés ou professionnels. Cet aspect multiculturel et socialement varié fait de cette équipe dynamique un soutien fondamental pour le centre.

Le département du bénévolat a été mis en place en 1996 et sa principale responsabilité consiste à conduire et à gérer les tâches des volontaires afin de réaliser le travail quotidien et les activités de développement communautaire. Les travaux du département impliquent le recrutement et la formation de volontaires, l’organisation d’évènements ainsi que la planification et l’évaluation du travail de ces derniers. À travers la participation de chacun, l’organisme souhaite que les intervenants connaissent davantage notre communauté et parviennent à faire plus de rencontres en vue d’améliorer les compétences de chacun. Le Service envoie ainsi régulièrement des invitations par courriel à ses membres pour les informer des activités.

C’est d’ailleurs en répondant à l’une de ses invitations par courriel que j’ai eu l’occasion de participer à certaines activités à titre bénévole avant même le début de mon stage9. À

l’occasion de la réunion portant sur le rapport annuel, l’organisation cherchait un photographe pour l’évènement. Le travail a donc consisté à prendre des images de la réunion de façon artistique en captant les meilleurs moments. Mis à part ce travail spécifique, j’ai contribué avec d’autres bénévoles à la préparation et à l’organisation de

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cette réunion. Lors de l’évènement, certains échanges avec des travailleurs sociaux ont été marquants. À titre d’exemple, j’ai eu une conversation avec un homme de quatre-vingt-trois ans qui était bénévole au centre depuis longtemps et qui avait remporté trois fois le titre de bénévole de l’année. Après avoir pris sa retraite, il est venu s’installer au Canada dans le cadre du regroupement familial pour rejoindre son fils. Puis, il a découvert le bénévolat au SFCGM en croyant au départ qu’il s’agissait simplement d’un travail formel et inutile. C’est en participant aux activités du centre qu’il a compris la richesse de ce travail et qu’il a ressenti le besoin de s’investir dans ce projet. Grâce aux diverses activités, il s’est fait de nombreux amis qui ont partagé avec lui leurs expériences de vie à Montréal et à qui il offrait des conseils en termes d’intégration.

Au fil du stage, j’ai constaté que l’équipe du SFCGM se divise en deux branches : les permanents qui ont un emploi stable dans le centre et les temporaires qui regroupent les personnes qui travaillent comme volontaires ou dans le programme d’intégration offrant un

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contrat de courte durée. Tous ceux qui travaillent en tant qu’employés dans le département du bénévolat sont de nouveaux immigrants qui viennent d’arriver à Montréal et qui n’ont aucune expérience de travail au Canada. Il est important de savoir qu’au Québec, les entreprises demandent souvent aux candidats de posséder au préalable une expérience de travail dans le pays et que, à cause de cette exigence, une partie d’entre eux n’arrive pas à trouver d’emploi. Pour les aider dans la recherche d’emploi et faciliter leur intégration, le centre leur offre une belle occasion de recevoir une formation permettant d’obtenir une première expérience de travail au Québec. Cet apprentissage leur permet également d’avoir une expérience de travail dans leur curriculum vitae et de faciliter leur future recherche d’emploi. En général, l’organisme signe un contrat de courte durée avec ces employés, contrat dont la durée s’échelonne sur une période variant entre six mois et un an. À la fin de celui-ci, la plupart d’entre eux sont en mesure de trouver un nouveau travail satisfaisant.

2.2 Les ateliers artistiques comme lieu de rencontre

Consciente que l’intégration des nouveaux arrivants peut être facilitée par la participation à des activités conviviales et ludiques et la recherche de propositions novatrices, le centre a chaleureusement accueilli mon projet de photographie. J’ai laissé le champ libre à la créativité, encourageant l’expression de chacun dans l’intention que ces nouveaux arrivants puissent s’épanouir et manifester leur l’amour, leur joie, leur bonheur et l’échange d’idées. Pendant trois semaines, avec les bénévoles du centre, nous avons partagé des expériences culturelles portant sur la vie quotidienne de chacun à l’aide du langage photographique.

Souhaitant mettre l’accent sur la réflexion et la rencontre des deux cultures, culture locale et culture chinoise, il fallait dès lors faire abstraction des aspects techniques relatifs à la pratique photographique étant donné que les participants n’avaient pas d’expérience dans ce domaine. Il était aussi important de ne pas perdre de vue l’aspect ludique des ateliers pour que chacun puisse facilement y prendre part.

La rencontre visait à aller de soi vers l’autre. De cette façon, à travers le processus de création, le vécu des participants pouvait mieux se manifester. En évoquant leur parcours et

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leur quotidien, des perceptions, des idées et des sensations plus profondes ont été peu à peu dévoilées en lien avec la prise de conscience d’une identité individuelle et collective qui pouvait ressortir de cet apprentissage artistique.

Les deux significations de la rencontre

Le terme « rencontre » recouvre deux aspects dans les ateliers. En premier lieu, il évoque l’idée de rencontre avec autrui : en se faisant de nouveaux amis, chacun élargit ses domaines d’activité et agrandit son cercle social. La fréquence des échanges a permis un rapprochement entre les gens, les ateliers ont tendu un pont entre gens de milieux différents qui n’auraient peut-être jamais eu l’occasion autrement de se croiser dans la vie. Un sentiment d’appartenance s’est même créé et développé au sein du groupe, si bien qu’à la fin du stage, celui-ci formait une petite communauté. Un forum de discussion fut mis en place sur Internet, ainsi que des sorties après les ateliers. Jusqu’à ce jour, nous sommes restés en contact et avons développé de forts liens d’amitié avec certains d’entre eux.

En second lieu, la rencontre peut aussi faire référence à une démarche de redécouverte de soi-même. La photographie peut servir de miroir intérieur reflétant le récit de nos vies. La réflexion, la création et l’imagination permettent de saisir certaines réalités. De plus, s’engager dans un processus de création permet d’accéder à une reconnaissance de soi. Entre le réel et l’imaginaire, entre la raison et la fantaisie, entre l’objectivité et la subjectivité, une autre partie de nous peut s’affirmer. La photographie nous en apprend beaucoup sur nous-mêmes et cet « acte de regarder » (Guillin-Hurlin, 2010, p.121) révèle le parcours de l’auteur. « Autant d’expériences qui sollicitent notre “fonction vision”, éveillent notre imagination, touchent nos émotions et stimulent notre intelligence en suscitant des questionnements… » (Ibid, 2010, p.124)

2.3 Les expériences artistiques avec des personnes non initiées

La créativité « est la capacité de rêver durant le jour, de s’évader de la banalité quotidienne ou d’un dur moment de labeur ; c’est avoir du plaisir pour les choses les

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plus élémentaires de la vie. » Elle « favorisant la régression. » (Moron, Sudres, Roux, 2003, p.27)

Comme nous l’avons vu précédemment, les ateliers artistiques10 n’ont pas pour objet de

fournir une formation technique ou théorique, en photographie. L’aspect créatif a semblé plus important que l’aspect l’esthétique. Ce projet qui n’exige aucune expérience artistique, ni même d’avoir un appareil photographique performant, mais l’usage d’un simple téléphone portable. Les principaux thèmes abordés ont été l’art, la culture, la société, la vie quotidienne et la vision de chacun sur la ville de Montréal.

Des ateliers destinés aux immigrants

Selon une enquête de la ville de Montréal, il y a « près de 50 % des immigrants chinois recensés à Montréal en 2006 [qui] sont des immigrants récents. » (Fouron, 2010, p. 5) La communauté chinoise d’aujourd’hui est composée principalement de personnes qui sont arrivées après les années 1980. Depuis les années 1990, il y a eu une grande vague d’immigrants chinois venus de la Chine continentale et de Hong Kong. Entre 1996 et 2006, la population chinoise de la région métropolitaine de Montréal a connu une grande croissance passant de 15 000 à 34 475 immigrants.

Les participants, tous membres du SFCGM, représentaient une certaine diversité socioprofessionnelle provenant de milieux culturels variés et ayant des modes de vie différents. Chaque membre exprimait un point de vue particulier influencé par la religion, l’éducation, la famille, la culture, la personnalité, l’expérience de vie, etc. Chacun apportait sa part de réalité dans son interprétation du monde.

Refléter cette variété d’univers était l’un des enjeux de ce projet de recherche étant donné que les immigrants ne doivent pas être perçus uniquement comme un miroir de la communauté à laquelle ils appartiennent. À travers leur parcours d’intégration, ils jouent

10Les ateliers visent à favoriser l’expression de chacun ainsi que l’affirmation d’être Chinois vivant à Montréal. L’intérêt

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aussi un rôle de reflet de la société d’accueil.

2.4 Étapes des ateliers artistiques

Le programme a porté à la fois sur la participation aux activités socioculturelles et créatives en photographie. D’une part, les activités ont abordé des sujets culturels et sociologiques comme la sortie les Francofolies et la visite de la pagode bouddhiste Huyen Kong. D’autre part, elles avaient une dimension artistique basée principalement sur la photographie soutenue par des activités ludiques visant à stimuler l’enthousiasme et la créativité de chacun.

Chaque atelier débutait par une activité socioculturelle ou un jeu convivial. C’était l’occasion de créer une bonne atmosphère encourageant le travail d’équipe et mettant l’accent sur la coopération, la cohésion et la générosité des individus. Dans cet espace d’échange, les participants discutaient oubliant la gêne et la méfiance qu’ils pouvaient éprouver envers les autres.

Ce moment de détente était suivi d’une activité artistique sur un sujet proposé et, lors de chaque rencontre, le groupe disposait de temps pour faire des prises de vue. Puis venait le temps de la réflexion et des échanges sur les photographies. Le groupe se réunissait autour de la table pour présenter leurs réalisations, leurs sources d’inspiration, leur processus de création et l’histoire en lien avec les images tout en restant à l’écoute des autres.

Description des activités réalisées au cours du stage

Les six dessins

Les participants étaient invités à réaliser six dessins qui pouvaient illustrer leur travail, leur passion, leur situation familiale, leur nourriture préférée, leur pays ou leur ville préférée. Il pouvait s’agir de leur lieu de naissance, d’une ville où ils avaient vécu ou encore de leur destination de vacances. L’essentiel était de les mettre en contact avec eux-mêmes. Par la suite, les autres participants devaient imaginer le sens caché de chaque image. Le caractère

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ludique de ce jeu de devinette a eu pour effet de détendre l’atmosphère et a permis de mettre à l’aise le groupe rapidement, chacun ayant au départ une certaine appréhension, notamment au moment de se présenter devant les autres.

Mon impression sur mon voisin

« Je suis ce que je ne suis pas et je ne suis pas ce que je suis. » (Mucchielli, 1986, p.115) Il y a une expression française qui dit : « il ne faut jamais juger sur les apparences, celles-ci peuvent être trompeuses ». Pour cet exercice, les participants se sont regroupés deux par deux. Chacun devait donner ses impressions sur son partenaire en trois à cinq photos avec un temps de prises de vue de quinze à trente minutes. Chacun pouvait travailler sur des images abstraites ou figuratives. Cette activité a été suivie d’une discussion sur les réalisations individuelles des participants. Parfois, les gens ont une perception de nous qui se trouve être en contradiction avec ce que nous sommes réellement, le présent exercice visait à apprendre à se connaître et à explorer les impressions que nous pouvions avoir des autres, et vice versa.

Vos impressions sur le SFCGM

Que ressentez-vous du Service à la famille chinoise du grand Montréal (SFCGM) ? Y a-t-il quelqu’un dans l’organisme qui vous a particulièrement marqué ? Pouvez-vous résumer votre sentiment ou vos impressions sur le SFCGM à l’aide de photographies ?

C’est sur le même principe que l’activité précédente que celle-ci a été conçue : les participants décrivaient le SFCGM avec le langage photographique. L’activité s’est déroulée dans l’immeuble sur une période d’environ vingt minutes pour réaliser les photos. Une fois cette tâche achevée, les participants se sont regroupés deux à deux et ont échangé avec leur partenaire sur l’idée qu’ils se faisaient du centre par le biais de leurs images.

Les objets quotidiens

Les participants ont été invités à photographier de trois à cinq objets qui, selon eux, avaient une signification particulière. Lors de la présentation de cette activité, j’ai pris un exemple personnel pour rendre l’exercice plus compréhensible. Quand j’ai quitté mon pays la

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première fois, une bague offerte en cadeau par ma mère représentait la présence de celle-ci. Le groupe a effectué ce projet en dehors des heures de l’atelier. À l’atelier suivant, les participants ont présenté leurs réalisations selon le processus suivant : dans un premier temps, ils ont échangé avec leurs partenaires à propos de leurs photos et de leur choix d’objets. Puis, chacun a présenté sa production devant le groupe. En d’autres mots, ils ont exprimé la signification de leurs réalisations, leurs motivations, ainsi que les histoires associées à ces objets.

Les objets dans mon sac

Dans la plupart de cas, les objets qui se trouvent dans nos sacs peuvent donner certains indices sur nos habitudes ou notre quotidien. Dans le but de réaliser des photographies, les participants ont sélectionné deux ou trois objets qui se trouvaient dans leur sac, leurs poches ou dans leur portemonnaie. Ces objets pouvaient faire référence à des moments spécifiques de leur quotidien, à certaines personnes, à un état d’esprit ou à un sentiment. Ils devaient illustrer le caractère de chacun des objets et de la relation qu’ils avaient avec ceux-ci. Le temps prévu pour réaliser la prise de vue était de quinze à trente minutes et il était suivi d’un échange à deux. Puis, les participants ont été invités à présenter leur travail au groupe.

Mon regard sur Montréal

Une impression se définit comme « l’image associée à un mot ou une idée, à la perception de l’objet auquel ce mot ou cette idée renvoie. » (CNRTL)11 Une sensation, quant à elle, est

un « phénomène par lequel une stimulation physiologique (externe ou interne) provoque, chez un être vivant et conscient, une réaction spécifique produisant une perception ; état provoqué par ce phénomène. » (CNRTL)12

Les participants étaient invités à prendre de trois à cinq photos afin de décrire leurs impressions sur Montréal. Par exemple, il pouvait s’agir d’une impression sur l’architecture de la ville, sur la culture, sur le mode de vie montréalais, etc. Ces impressions pouvaient

11Source internet : http://cnrtl.fr/definition/impression 12Source internet : http://www.cnrtl.fr/definition/sensation

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aussi bien être concrètes ou abstraites, par exemple. L’important était que ces images agissent comme support et prétexte à l’expression de chacun et au dialogue.

Découverte de la culture chinoise à Montréal — la pagode bouddhiste Huyen Kong.

Le temple bouddhiste est avant tout un lieu de culte et d’activités religieuses diverses. Le temple renferme habituellement un sanctuaire où se trouve une représentation du Bouddha (parfois avec d’autres bouddhas) et devant lequel les gens méditent ou font des offrandes. Les temples bouddhistes servent aussi de lieux de célébration et de rassemblement lors de certaines cérémonies ou fêtes religieuses. Chaque tradition bouddhiste et/ou école de pensée bouddhiste possède son propre type de temple et sa propre manière de le fréquenter et de l’utiliser. (CRCS, 2012)13

Dans le cadre de cette rencontre, une excursion a été organisée à l’extérieur du centre et visait à faire la visite d’une pagode bouddhiste. La pagode bouddhiste Huyen Kong, fondée en 1978, est l’un des lieux spirituels les plus importants à Montréal.

Cette visite s’est révélée être l’occasion de découvrir une autre facette de notre propre culture alors qu’il s’agissait d’une première pour la majorité des participants. À l’intérieur de la pagode, nous avons notamment appris les manières de prier et nous avons eu des moments d’échange. De plus, nous avons goûté à la cuisine bouddhiste en compagnie d’autres croyants. Certains participants ont dit vouloir y retourner. Chaque membre du groupe a témoigné de cette expérience par leur appareil photo. Tous ont apprécié cette sortie et en ont conservé la beauté grâce aux prises de vue.

Les Francofolies à travers mon regard

Depuis 1989, Les Francofolies de Montréal sont le véritable miroir d’une musique francophone pétante de santé! Près de 70 spectacles en salle et 180 concerts extérieurs gratuits témoignent des réjouissantes qualité, diversité et vitalité d’une programmation riche en musique... et en folies. (Francofolies, 2015)14

Les Francofolies de Montréal ne sont pas seulement un événement musical, mais aussi une

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façon de promouvoir la culture francophone et la langue française. Dans le but de faire découvrir cette culture et d’enrichir la vie sociale du groupe, un atelier a eu lieu au cœur de ce festival.

La majorité des participants du groupe maitrise seulement l’anglais et le mandarin. Pour ce qui est de la culture francophone, ils ont très peu de connaissances et la plupart d’entre eux n’ont jamais assisté aux Francofolies. Souhaitant profiter de cette occasion pour que le groupe puisse s’immiscer dans le monde francophone, nous les avons conviés à raconter cet évènement par la photographie.

La couleur de ma vie montréalaise

Les couleurs sont omniprésentes dans notre vie, elles font référence à des émotions, à des informations et nous font réagir. Par exemple, la couleur du deuil varie selon les cultures et les pays. Dans la majorité des pays asiatiques, le blanc est une couleur que les gens portent habituellement pour le deuil. Pourtant dans la plupart des pays occidentaux, le blanc signifie la pureté ou l’innocence et le noir est souvent considéré comme couleur de deuil.

À ce sujet, nous avons posé des questions aux participants. Est-ce que vous pouvez résumer votre sentiment envers Montréal par une ou plusieurs couleurs ? Si oui, de quelles couleurs s’agit-il ? Pourquoi faites-vous ce choix ? Qu’est-ce qu’elles représentent pour vous ? Les participants ont été invités à choisir une couleur qui symboliserait leur vie à Montréal. Au début, ils n’ont pas très bien compris les explications ni comment une couleur pouvait représenter une ville. Pour les aider à comprendre le sens de l’exercice, j’ai parlé de ma propre impression sur Montréal ainsi que la couleur qui pourrait correspondre au sentiment que j’ai envers cette ville.

Présentation des réalisations des participants effectuées en dehors du temps des ateliers

Les participants devaient choisir au moins un sujet parmi les suivants : 1. La communauté chinoise de Montréal selon vous.

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3. Ma passion, mon loisir, mes temps libres.

• Discussion sur ces thèmes à partir des réalisations des participants : ▪ La vie sociale ;

▪ Mon parcours : le passé, le présent et l’avenir ; ▪ La place de l’art dans notre vie.

Chaque personne devait apporter cinq images et raconter au groupe les histoires qui se tramaient derrière chacune d’elles. Les photos et leurs petites histoires devenaient un prétexte pour aborder des sujets de nos vies quotidiennes et découvrir des aspects plus secrets de la personnalité de chacun.

Présentation finale des réalisations des participants

Pour introduire notre dernière rencontre, j’ai souhaité conclure avec une présentation de toutes les photos qui évoquaient le chemin parcouru par chacun des membres du groupe depuis le début des ateliers. Je leur ai donc présenté les photos que j’avais prises pendant chaque atelier depuis notre première rencontre jusqu’à la dernière séance. Par cette démarche, les participants se sont remémoré tous les moments passés ensemble. Une fois ma présentation terminée, ce sont eux qui ont présenté l’ensemble des photos qu’ils avaient choisi et réalisées au cours des trois semaines. Ce fut une façon pour eux de voir leur évolution et les apprentissages qu’ils avaient faits.

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Chapitre III Cadre théorique et conceptuel

3.1 L’immigration chinoise au Canada : un regard historique

« Le Canada se classe parmi les tout premiers pays d’accueil du monde (il a admis autour de 250 000 immigrants par an au cours des dernières années), et le Québec est deuxième parmi les provinces canadiennes en termes de nombre d’immigrants qu’il accueille. » (Pagé, 2010, p.3)

Du fait de leur richesse culturelle, de leurs compétences et de leurs talents, l’arrivée des immigrants chinois a eu un impact positif sur l’économie et sur l’ensemble de la société canadienne. Aujourd’hui, la communauté chinoise représente « 4 % » (Colin, 2001, p.9) de la population canadienne, ce qui en fait « le groupe ethnique non européen le plus nombreux au Canada. » (Ibid.) Cette place occupée aujourd’hui par cette communauté est le résultat d’un long processus d’intégration semé d’embuches.

3.1.1 Retour vers le passé : l’arrivée des Chinois au Canada

Les Chinois comptent parmi les minorités ethniques ayant d’ores et déjà une longue histoire dans ce pays. Leur présence est antérieure à 1867, l’année de la Confédération comme le rappelle la Bibliothèque et Archives Canada15 sur leur site internet : ils « provenaient d’une

toute petite région du sud de la Chine, près du port de Guangzhou dans la province de Guangdong ». « Les inondations et les guerres civiles étaient des incitations à quitter la Chine, car il était devenu difficile pour les paysans de cultiver la terre, de vivre en sécurité et de gagner leur vie. » (Bibliothèque et Archives Canada16)

Ces Chinois du sud viennent plus précisément de la province de Guangdong située sur le delta de la rivière des Pearls à côté de la mer de Chine méridionale. Cette zone portuaire était un centre d’échanges commerciaux et de passage pour des populations très pauvres qui y voyaient un lieu de départ vers une vie meilleure. Ainsi, « les hommes de la région de Guangdong connaissaient le travail à l’étranger bien avant les ruées vers l’or des

15Source internet : http://www.collectionscanada.gc.ca/canadiens-chinois/021022-1000-f.html 16Source internet : http://www.collectionscanada.gc.ca/canadiens-chinois/021022-1000-f.html

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années 1850 en Amérique du Nord. »(Ibid.)17

3.1.2 Cent ans d’immigration chinoise : limitations, exclusion et ouverture

Tout au long de leur histoire au Canada, les immigrants chinois ont contribué au développement économique et à la prospérité du pays tout en subissant, malgré cela, injustice et maltraitance.

Il y a deux cents ans, la croissance de l’industrie canadienne et le manque de main-d’œuvre rendaient indispensable l’arrivée d’une population immigrante, nombreuse et bon marché. Au sein de celle-ci, les Chinois étaient considérés comme des travailleurs courageux et bon marché. Par exemple, à l’époque, lors de la construction du chemin de fer, « on a estimé que l’utilisation de travailleurs chinois avait fait épargner entre trois et cinq millions de

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dollars aux constructeurs du chemin de fer. » (Bibliothèque et Archives Canada.)18

Les immigrants chinois travaillent ainsi souvent dans « la construction des routes, des chemins de fer, le défrichage des terres » (Ibid.), dans les mines de charbon, dans les usines de transformation de poisson ou dans les fermes. À cette période, la découverte de l’or en Colombie-Britannique attire également une vague d’orpailleurs chinois.

Le Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP) est un jalon historique pour l’évolution du pays. « C’est sur le CFCP que reposait le “rêve national” de John A. Macdonald d’unifier géographiquement et politiquement le pays. » (Bibliothèque et Archives Canada)19Sur le

plan économique, il « réduisait l’isolement et facilitait les communications. […] Dans l’Ouest, des villes entièrement nouvelles ont été créées près des gares. » (Ibid.) Les industries se sont multipliées le long du chemin de fer, entrainant avec elles un important développement industriel et commercial. Les travailleurs chinois ont contribué de façon significative aux constructions et au maintien du chemin de fer, notamment dans la partie la plus difficile du CFCP, dans les montagnes Rocheuses, et avec des salaires beaucoup plus faibles que ceux versés aux ouvriers « blancs ». Pour échapper à la misère qu’ils connaissaient en Chine, ils risquaient leur vie dans ces emplois parfois mortels. De 1880 à 1885, « environ 15,000 ouvriers chinois furent amenés au Canada en provenance de la

18Source internet : http://www.collectionscanada.gc.ca/trains/021006-1000-f.html#a 19Source internet : http://www.collectionscanada.gc.ca/canadiens-chinois/021022-1100-f.html

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Chine et de la Californie » (Le Canada en devenir)20pour travailler dans la construction du

chemin de fer. Parmi eux, un bon nombre de Chinois ont perdu la vie au cours de la construction à cause du froid, des accidents, des maladies et du manque de nourriture. « On estime qu’entre 600 et 2 200 Chinois sont morts au cours de ces cinq années de construction. » (Bibliothèque et Archives Canada.) 21

Malgré cette contribution considérable, les immigrants chinois se heurtaient à de nombreuses injustices. À la fin de la construction, le gouvernement fédéral leur imposa une loi de taxe d’entrée. « Cette loi ne s’appliquait qu’aux Chinois – aucun immigrant d’aucun autre pays n’a jamais eu à payer une telle taxe d’entrée au Canada. » (Bibliothèque et Archives Canada.)22 Chaque membre des familles chinoises immigrant au Canada devait

payer 50 $ à titre de taxe d’entrée. À l’époque, 50 $ était une somme importante et le gouvernement fédéral estimait que les Chinois étaient incapables de payer un tel montant. Cette taxe visait donc à freiner leur arrivée. La discrimination envers cette population ne s’arrêtait pas là. Le gouvernement leur imposait depuis 1885 une taxe d’entrée de 23,000,000 yuans. En 1923, une nouvelle loi fut adoptée contre l’immigration chinoise : la Loi d’exclusion. Celle-ci interdisait l’entrée des ressortissants chinois au Canada et des « immigrants d’origine chinoise vivant déjà ici [et qui] durent s’inscrire à un registre national, sous peine d’être expulsés du pays. Ils étaient autorisés à retourner en Chine pour aller visiter leur famille et à revenir au Canada, mais aucun nouvel immigrant n’était admis. Cela signifiait que les hommes d’origine chinoise vivant ici ne pouvaient pas faire venir leur famille au Canada. » (Ibid.)En conséquence, un grand nombre de familles se sont retrouvées coupées en deux. Toutes ces barrières imposées ont aussi entrainé le développement d’un communautarisme chinois.

Diverses lois provinciales ont également été adoptées visant à discriminer les Chinois. On recense par exemple celles interdisant « le droit de voter ni de travailler sur des chantiers publics comme la construction de routes. Au moment de ces restrictions en 1872 […], les Canadiens chinois ne recevaient pas le même montant d’assistance sociale que les blancs. »

20Source internet : http://www.thecanadianencyclopedia.com/en/index.cfm?TCE_Version=F 21Source internet : https://www.collectionscanada.gc.ca/chinese-canadians/021022-1200-f.html

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(Bibliothèque et Archives Canada.)23Pendant très longtemps, les immigrants subirent cette

discrimination antichinoise, non seulement au niveau légal, mais aussi plus généralement au sein de la société. Pour autant, l’attachement de la population d’origine chinoise pour leur pays d’accueil restait très fort comme l’illustre le grand nombre d’entre eux ayant combattu dans l’armée canadienne lors de la Seconde Guerre mondiale. Il faut attendre le 14 mai 1947 pour que la Loi sur l’immigration chinoise soit finalement abrogée. « En 1945, le Canada participa à la création des Nations Unies. […] En conséquence de ces engagements internationaux, le Canada fut forcé de réviser entièrement ses lois antichinoises. […] C’est finalement seulement en 1967 que le gouvernement fédéral retira toutes les restrictions fondées sur la race, l’ethnie ou l’origine nationale de ses politiques d’immigration; on instaura à la place un système de points. » (Ibid.) Ce n’est que très récemment (2006) que le gouvernement canadien a présenté des excuses officielles pour la taxe d’entrée imposée aux Chinois.

3.1.3 Portraits d’immigrants chinois dans l’espace québécois

En 2006, 46,700 Chinois ont immigré au Canada parmi lesquels près de 10 % se sont établis au Québec. 90 % de ceux-ci décidaient de s’installer dans la région de Montréal. (Farah Fouron, 2010, p.3) Les nouveaux arrivants chinois du Québec peuvent être séparés en deux branches : immigrants permanents et immigrants temporaires. Ils sont venus pour diverses raisons, chacun entrant au départ avec l’un des statuts suivants :

1. Ceux qui immigrent comme travailleurs permanents.

2. Ceux qui se présentent comme hommes ou femmes d’affaires (plus précisément venus au Québec avec un statut d’investisseurs)

3. Ceux qui viennent comme étudiants et qui, normalement, détiennent un permis d’étude, c’est-à-dire un permis de séjour temporaire.

4. Ceux qui rejoignent leur famille au Québec. On parle ici de regroupement familial.

N’oublions pas qu’il existe une cinquième situation, plus rare aujourd’hui : celle des personnes entrées clandestinement ou en tant que réfugiés.

(38)

Les travailleurs permanents et les investisseurs font partie de la catégorie de l’immigration économique en tant que membres actifs de la société contribuant de façon remarquable à l’essor de la province. Cette catégorie « regroupe les immigrants qui ont été sélectionnés par le Québec en raison de leurs caractéristiques socioprofessionnelles, de leurs compétences et de leur capacité à contribuer à l’économie. Les immigrants doivent se destiner à une activité économique : selon le cas, occuper un emploi, gérer une entreprise ou investir. » (Palardy, 2014, p.5) L’immigration économique occupe une place importante et « totalise 69.8 % du mouvement d’immigration au Québec. » (Ibid. p.18) C’est la colonne vertébrale de l’immigration dans cette province. Il s’agit principalement de personnes de 30 à 45 ans, généralement titulaires d’un diplôme universitaire et possédant une expérience professionnelle pertinente. Parmi eux, certains, déjà milliardaires dans leur pays, sont venus dans le but d’investir sur le marché d’affaires québécois. Dans ce groupe, les investisseurs occupent « 5.9 % du mouvement total au Québec. » (Ibid. p.37) La Chine, avec « 62.2 % » (Ibid.) s’est classée au premier rang de cette catégorie au cours des cinq dernières années.

En ce qui concerne la catégorie du regroupement familial, elle correspond à « 20.5 % du mouvement d’immigration au Québec. » (Ibid. p.51) et la Chine se positionne au quatrième rang du classement. (Ibid. p.52)

Pour demander un visa de travailleur permanent au Canada, il faut pouvoir justifier d’une expérience professionnelle réalisée dans le pays d’origine ou dans d’autres pays. Ce critère retarde l’âge de départ des candidats, d’autant plus que le processus de la demande de ce type de visa est très long et peut s’étaler sur une période de sept ans. À l’opposé, les étudiants arrivent au Québec plus jeunes, entre seize et vingt-cinq ans. Quant à ceux qui viennent rejoindre leur famille, il s’agit essentiellement de parents ou de grands-parents, la plupart ayant atteint l’âge de la retraite.

À leur entrée au Québec, la plupart prennent un pied-à-terre à Montréal. On compte 34 475 Chinois dans l’agglomération de Montréal, dont 25 000 dans les arrondissements de Montréal, principalement dans Côte-des-Neige–-Notre-Dame-de-Grâce, Saint-Laurent, Ville-Marie, Verdun, Le Sud-Ouest et Villeray–Saint-Michel–-Parc-Extension. (Fouron,

Figure

Figure 1: Le logo du service à la famille chinoise du grand Montréal
Figure 4 : Département du bénévolat
Figure 5 : Delta de la rivière des Pearls
Figure 6 : Chinois travaillant dans les montages pour le Chemin de fer du Canadien Pacifique, 1884
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Références

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