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Section 2. à la perspective stratégique

2.1. Environnement et risques dans les IR

2.1.3. Hypothèses de recherche

Les précédents développements sur l’approche économique des IR nous éclairent sur les

formes particulières de gouvernance industrielle induites par les spécificités relatives à

l’infrastructure de réseau. Comme nous l’avons vu, la dérégulation des IR s’est traduite par

une restructuration des architectures de marché et des modes de régulation, à l’origine des

risques d’entreprise, de marché et de régulation. L’étude de la stratégie ne pouvant ignorer l’environnement dans lequel évolue une entreprise (Pfeffer & Salancik, 1978 ; Baron, 1996),

ces enseignements nous conduisent à émettre deux hypothèses de recherche sur lesquelles

s’appuiera le développement de la thèse. Notons que ces hypothèses n’ont pas vocation à être

testées par les données de terrain. Elles servent de base au développement du raisonnement théorique.

La première hypothèse concerne les risques de marché évoqués ci-dessus. En amont, la complexité des architectures de marché, composées de plusieurs couches verticalement

séparées, pose des problèmes d’interopérabilité, de coordination des activités économiques entre les couches, du statut de l’infrastructure de réseau et des conditions de son accès dans un système concurrentiel. Ainsi, le service final rendu au consommateur (l’énergie consommée, le trajet effectué, l’appel téléphonique réalisé etc.) nécessite une succession d’opérations

coûteuses que l’entreprise doit pouvoir maîtriser : la réservation de capacités sur le réseau, dans les gares, les aéroports ..., l’approvisionnement à un prix volatile, l’investissement dans des actifs très spécifiques etc. En aval, la demande stochastique – i.e. l’imprévisibilité de la

consommation d’énergie, de transport, d’appels téléphoniques etc. – et l’intensité du jeu

concurrentiel exacerbent le risque de marché. Ce dernier porte ainsi à la fois sur les structures et les architectures de marché. Selon la classification de Courtney et al., (1997), le risque de marché dans les IR correspond aux niveaux d’incertitude « futurs alternatifs » et « gamme de futurs ». Par exemple, si un nouvel opérateur ferroviaire pénètre le marché d’Eurostar en annonçant deux à trois trains par jour selon une tarification préétablie, la perte de part de

marché d’Eurostar pourra être calculée en fonction du vecteur prix/quantité du nouvel entrant.

Dans ce cas, Eurostar fait face à différents scénarios probabilisables (futurs alternatifs) dont le risque est exacerbé par le fait que les trains Eurostar, spécifiques au tunnel sous la Manche, ne sont pas redéployables sur un autre marché. En revanche, si le nouveau concurrent n’annonce pas son positionnement en quantité, en qualité du service, en prix, ou annonce une gamme de prix qui dépend du taux de remplissage des rames (yield management), de sorte qu’Eurostar

40 ne détienne pas suffisamment d’information pour scénariser l’ensemble des situations possibles, alors Eurostar fait face à une gamme de futurs quant à sa perte de part de marché. Ceci nous amène à formuler la première hypothèse de recherche.

Hypothèse 1 : la restructuration des IR expose les entreprises à des risques de marché élevés.

Ces risques proviennent de l’évolution discontinue des architectures et des structures de

marché.

Ensuite, comme nous l’avons vu, les IR sont par nature (en référence aux éléments de

monopole naturel) très dépendantes de la régulation (Dumez & Jeunemaître, 2004b). De plus,

certaines d’entre elles, notamment l’énergie et le transport ferroviaire, sont par leur dimension

sociale soumises à des obligations de service public, des réglementations spécifiques sur la

sécurité, la protection de l’environnement, l’égalité de traitement des consommateurs etc.

Ainsi, la dynamique de dérégulation conserve une importante dimension réglementaire. Elle

est à l’origine de nouvelles règles techniques, économiques et légales qui définissent les marges de manœuvres des entreprises sur les IR. En ce sens, nous nous appuyons sur le

concept d’environnement non-marché (Baron, 1995 et 1996), défini comme l’ensemble des

forces sociales politiques et légales d’un secteur qui peuvent influencer l’activité économique d’une entreprise dans ce secteur. La composante non-marché d’un secteur ou d’une industrie sera d’autant plus importante que l’influence de ces éléments est forte. Ainsi, en considérant le contrôle des marges de manœuvres des entreprises comme un continuum allant du contrôle

par les gouvernements au contrôle par le marché, Baron montre l’importance que peut

représenter l’environnement non-marché sur les IR telles que les télécommunications (Baron,

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Figure 8. Importance de l’environnement non-marché

Source : adapté de Baron, 1995

Bien que l’ouverture à la concurrence puisse introduire une part de contrôle par le marché

dans les IR, celles-ci restent en pratique très dépendantes des politiques et de la régulation (Glachant, 2008). La dynamique de dérégulation transforme alors profondément

l’environnement non-marché des IR et induit de ce fait d’importants risques de régulation

pour les entreprises (Larsen & Bunn, 1999 ; Cateura, 2009 ; Schwark, 2011). Ces risques discontinus, correspondent aux niveaux de risque 2 (« futurs alternatifs ») et 3 (« gamme de futurs ») de la classification de Courtney et al. (Schwark, 2011). Dès lors, la prise en compte

de l’environnement non-marché dans la stratégie est déterminante dans les IR (Baron, 1995).

Hypothèse 2 : la restructuration des IR expose les entreprises à des risques de régulation

élevés. Ces risques proviennent de l’évolution discontinue des cadres réglementaires qui

définissent les marges de manœuvres des entreprises.

Au regard de ces hypothèses de recherche, l’analyse des stratégies d’entreprises dans les IR

en cours de restructuration nécessite une étude approfondie des environnements de marché et non-marché. Une attention particulière doit être portée sur l’évolution des architectures de

marché, de leurs structures mais aussi sur l’instabilité des cadres réglementaires et l’évolution

des modes de régulation. Ce point de départ nous amène à proposer une perspective

42 sur les comportements (Porter, 1979). Elle soutient que les entreprises développent des stratégies visant à modifier les environnements marché et non-marché et ainsi à maîtriser les risques qui y sont associés (Baron, 1995 et 1996 ; Bonardi, 1999 et 2004 ; Dumez & Jeunemaître, 2004a et 2005).